À la source des lois se trouve généralement un enjeu, mineur ou majeur, qu’on considère comme une question préoccupante à régler. L’objet d’une loi peut être défini explicitement, par exemple dans son préambule, ou être inscrit implicitement dans ses dispositions. Si une loi peut ou non atteindre ses buts en pratique, son objet et les présupposés sous‑jacents déterminent sa conception générale. La présente section traite des questions à considérer lors de l’évaluation de l’objet d’une loi par rapport aux principes.

 

Appliquer les principes à l’étape 3

Remarque : Aux présentes, le terme « droit » fait référence aux lois, aux politiques et aux pratiques, suivant le cas.

Le but général ou l’objet d’une loi oriente profondément chaque aspect de cette loi et subit lui‑même l’influence d’un ensemble de présupposés ou de valeurs sous‑jacents. Dans le cas des lois qui visent directement les personnes âgées ou qui les touchent principalement, plusieurs présupposés et valeurs concernent directement le troisième âge. Dans le cas des lois d’application générale, les présupposés et les valeurs ont un lien moins direct avec l’âge, mais ils contribuent néanmoins aux effets d’une loi sur les personnes âgées. Les présupposés et les valeurs peuvent être positifs pour les personnes âgées ou être influencés par des attitudes et des préjugés âgistes ou paternalistes. C’est pourquoi il est très important d’évaluer attentivement l’objet d’une loi et les attitudes sous‑jacentes à la lumière des principes.

Comme à toute étape de l’évaluation, il arrive fréquemment qu’une loi mette en jeu plusieurs principes, notamment à cause de l’interdépendance de ceux‑ci. Généralement, les principes s’appuient mutuellement. Par exemple, les initiatives qui augmentent l’inclusion et la participation des personnes âgées favorisent également le respect de leur dignité et de leur valeur. Cependant, il arrive parfois que des principes entrent en conflit les uns avec les autres. Dans un tel cas, il faut réfléchir à la façon d’analyser et de résoudre ce conflit. 

Il est assez courant de voir le principe d’autonomie des personnes âgées subordonné au principe de sécurité parce qu’elles sont souvent qualifiées de personnes passives et « vulnérables ». Par conséquent, il est tout particulièrement important d’examiner avec attention les lois rédigées ainsi afin de s’assurer que des préjugés âgistes n’entraînent pas un sacrifice de l’autonomie des personnes âgées. L’analyse des liens entre les principes peut s’avérer pertinente à toutes les étapes du processus d’évaluation.

  • Pour de plus amples renseignements sur la manière de cerner les manifestations de l’âgisme et du paternalisme dans l’application du droit, et sur les liens entre les principes, veuillez consulter le chapitre IV.G et le chapitre III.B.5, respectivement, du rapport final.

 

QUESTIONS À CONSIDÉRER À L’ÉTAPE 3

  1. Quels présupposés concernant les personnes âgées sous‑tendent l’objet de la loi? Cette dernière reconnaît‑elle la valeur des personnes âgées et de leurs contributions de la même façon qu’elle le fait pour les autres membres de la société?
  2. L’objet de la loi tient‑il compte des besoins et de la situation véritables des personnes âgées, et y répond‑il adéquatement?
  3. L’objet de la loi tient‑il compte des différences entre les personnes âgées qui découlent du parcours de vie ou des différences liées à leurs capacités ou à leur état de santé, ou encore du croisement des divers aspects de leur identité, comme le sexe, l’origine raciale, l’orientation sexuelle, l’appartenance à un groupe autochtone, l’âge, la citoyenneté, le statut socioéconomique, l’état matrimonial ou la situation de famille?
  4. L’objet de la loi tient‑il compte de la nature variable du vieillissement et des nombreux moments de transition que vivent les personnes âgées en vieillissant?
  5. L’objet de la loi permet‑il d’améliorer la capacité des personnes âgées de participer pleinement à leur collectivité, de s’engager comme citoyens et de faire entendre leur voix à propos des questions qui les concernent?
  6. L’objet de la loi s’attaque-t‑il aux mauvais traitements, à l’exploitation ou à la persécution que peuvent subir les personnes âgées?
  7. L’objet de la loi améliore‑t‑il la capacité des personnes âgées de faire des choix par elles‑mêmes, notamment en prévoyant la prestation de mesures de soutien appropriées?
  8. L’objet de la loi accroît‑il l’indépendance économique ou personnelle des personnes âgées, et appuie‑t‑il cette indépendance suivant les besoins, par exemple par l’accès à des mesures de soutien en matière de services de santé, juridiques ou sociaux?
  9. L’objet de la loi reconnaît‑il les personnes âgées comme des membres à part entière de la société et soutient‑il leur capacité d’assumer les responsabilités associées à cette appartenance à la société?
  10. La loi aura‑t‑elle une incidence sur la réalisation des principes pour les adultes plus jeunes lorsqu’ils deviendront des personnes âgées?
  11. Quels rapports existe-t-il entre les principes abordés? S’appuient‑ils l’un l’autre ou existe‑t‑il des conflits entre les principes qui font en sorte que la mise en œuvre de l’un nuit à la réalisation de l’autre? Dans l’affirmative, les questions ci‑dessous ont-elles été prises en considération?
    a.     Existe‑t‑il des problèmes contextuels plus vastes (comme le manque de ressources appropriées) qui causent le conflit entre les principes, et, le cas échéant, est‑il possible de remédier à ces problèmes pour résoudre le conflit?
    b.     Existe‑t‑il des approches permettant de mettre en œuvre au moins partiellement les principes concurrents?
    c.      Laquelle des approches potentielles serait la plus efficace pour promouvoir une égalité réelle pour les personnes âgées?
    d.     A-t-on consulté les personnes âgées pour déterminer la façon de résoudre le conflit?

 

APPLIQUER LE CADRE : EXEMPLES DE MISE EN RELATION DES PRINCIPES AVEC L’OBJET DE LA LOI

Principes incarnés dans la loi : la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée

Au cœur de la LFSLD se trouve un ensemble de principes concordant au cadre. Le principe fondamental de la loi stipule qu’un foyer de soins de longue durée est avant tout le foyer de ses résidents et qu’il doit être un endroit où « ils peuvent vivre avec dignité ainsi que dans la sécurité et le confort, et où leurs besoins physiques, psychologiques, sociaux, spirituels et culturels sont comblés de façon satisfaisante ». L’ensemble du texte législatif tient compte de ce principe fondamental. Par exemple, il comprend une « Déclaration des droits des résidents » selon laquelle les personnes âgées habitant un foyer de soins de longue durée sont des individus dont les droits doivent être respectés et promus, notamment :

  • le droit d’être traité avec courtoisie et respect, et d’une manière qui tient pleinement compte de l’individualité du résident et respecte sa dignité;
  • le droit d’exercer ses droits civiques;
  • le droit au respect de sa participation à la prise de décision;
  • le droit de recevoir des soins et de l’aide qui favorisent l’autonomie du résident et qui sont fondés sur une philosophie axée sur les soins de rétablissement, de façon à maximiser le plus possible son autonomie;
  • le droit de se lier d’amitié et d’entretenir des relations avec qui que ce soit, et de participer à la vie du foyer de soins de longue durée;
  • le droit au respect de son mode de vie et de ses choix.
     

Un autre exemple de l’expression des principes dans la loi est la nécessité pour les foyers de soins de longue durée d’assurer la création d’un conseil composé des résidents du foyer en question. Ce conseil joue un rôle consultatif : il est habilité à informer les résidents au sujet des droits et des obligations que leur confère ou impose la loi, à tenter de régler les différends opposant le titulaire de permis du foyer et les résidents, à informer le titulaire de permis de toute préoccupation qu’a le conseil concernant l’exploitation du foyer, à faire des recommandations au titulaire de permis quant aux mesures à prendre pour améliorer les soins ou la qualité de vie au foyer, et à transmettre au gouvernement toute préoccupation ou toute recommandation qui devrait être portée à son attention. Les conseils de résidents appliquent les principes de participation et d’inclusion, et ils s’assurent que les foyers de soins de longue durée mettent en œuvre les autres principes. Par exemple, leur capacité de répondre aux préoccupations exprimées peut améliorer la sécurité des résidents, et le fait de reconnaître que ceux‑ci ont des points de vue valables peut accroître le respect à l’égard de leur dignité et de leur valeur.

  • Veuillez consulter la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée, L.O. 2007, chapitre 8, articles 1, 3 et 56.

Conflits entre les principes : lois sur la protection des adultes

Certaines provinces ont adopté des lois exhaustives sur la protection des adultes. Ces lois visent à traiter les risques de mauvais traitements et de négligence envers les personnes âgées, et à créer des structures institutionnelles pour s’occuper de tels cas. En règle générale, elles englobent la violence physique, sexuelle et émotionnelle, l’exploitation financière, et la négligence de soi. Pour y parvenir, elles prévoient l’intervention par des tiers. L’objectif premier de ces lois consiste à établir un lien entre les individus et les services sociaux et médicaux dont ils ont besoin.

Les lois sur la protection des adultes ont toujours été controversées. Dans les provinces de l’Atlantique, le champ d’application très vaste de ces lois constitue un élément fondamental de la réaction négative aux règles de declaration obligatoire, car elles permettent une intervention unilatérale et potentiellement brutale dans la vie de personnes âgées qui, dans d’autres contextes, seraient perçues comme tout à fait capables de prendre leurs propres décisions. En raison de la nature de leur handicap, certains adultes sont incapables d’agir, de s’exprimer ou de prendre des décisions pour protéger leur sécurité, et ils peuvent avoir besoin de l’aide d’autrui pour agir ou de l’intervention de quelqu’un d’autre agissant à leur place. Dans certaines provinces, cependant, le champ d’application des lois sur la protection des adultes va bien au‑delà de cela, permettant ainsi une prise de décision paternaliste susceptible d’être influencée par des stéréotypes ou des attitudes âgistes qui portent une atteinte considérable à l’autonomie des personnes âgées. On peut donc considérer ces lois comme des exemples représentatifs de conflits communs entre les principes de sécurité et d’indépendance et d’autonomie dans le domaine du droit des aînés.

  • Pour de plus amples renseignements sur les conflits entre les principes et les lois sur la protection des adultes, veuillez consulter le chapitre III.B.5 du rapport final.

 

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