Contrairement aux stéréotypes, la plupart des personnes âgées continuent de vivre dans des logements privés. Seulement 7 pour 100 des Canadiens âgés de 65 ans et plus vivent en établissement. La probabilité de vivre dans un tel milieu s’accroît avec l’âge : 32 pour 100 des Canadiens de plus de 85 ans y vivent et, en raison de leur plus grande espérance de vie, ces résidents sont en grande majorité des femmes[43].

 

A. Vieillir chez soi

On accepte généralement le principe que les personnes âgées devraient pouvoir « vieillir chez elles » et recevoir les services et les soutiens dont elles ont besoin dans les collectivités où elles vivent. En fait, les personnes âgées font face à de nombreux obstacles qui peuvent entraîner leur placement en établissement; citons seulement la pénurie de logements et de services abordables et l’insuffisance des soutiens sociaux. Par exemple, les règlements qui régissent la quantité permise de soins que les centres d’accès aux soins communautaires peuvent approuver ont pour effet de restreindre énormément la disponibilité des soins à domicile. Ces centres ne sont même pas toujours en mesure d’offrir les services obligatoires.

Nous incitons la Commission à examiner les critères des services que doivent fournir les centres d’accès aux services communautaires selon la Loi sur les soins de longue durée, le manque de règlements sur les critères d’accès et d’admissibilité aux divers services, les ententes de financement conclues entre les réseaux locaux d’intégration des services de santé et les centres d’accès aux soins communautaires, la suffisance de ces ententes par rapport aux obligations de ces centres d’offrir les services obligatoires énumérés dans la Loi sur les soins de longue durée et la question de savoir si les personnes âgées jouissent de tous les avantages prévus par la Loi.
– Advocacy Centre for the Elderly

 

B. L’imposition de normes : favoriser la sécurité des pensionnaires des établissements

Les établissements où vivent les personnes âgées sont des maisons de soins, communément appelés « maisons de retraite », et des établissements de soins de longue durée. Ces derniers sont régis par des textes spéciaux, notamment la Loi sur les maisons de soins infirmiers[44], la Loi sur les foyers pour personnes âgées et les maisons de repos[45] et la Loi sur les établissements de bienfaisance[46]. Ces textes stipulent les exigences en matière de permis, d’admission, de plans de soins, de frais et de droits et d’inspection. L’Ontario a adopté une nouvelle loi qui, lors de son entrée en vigueur par proclamation, remplacera toutes ces lois : il s’agit de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée[47]. Les logements qui entrent dans le champ de ces lois sont dispensés des mesures de protection prévues par la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation[48].

Les « maisons de retraite » ne sont pas assujetties à de tels textes exhaustifs. Elles tombent dans le champ d’application des dispositions générales de la Loi sur la location à usage d’habitation. Celle-ci comporte bien des dispositions spéciales traitant des « maisons de soins », notamment des normes particulières concernant les baux de location et leur résiliation ou le transfert de locataires. Certains ont fait part de leurs inquiétudes concernant le manque de réglementation globale du secteur des maisons de soins en évoquant des problèmes précis d’éviction indue des locataires, d’utilisation de moyens de contention, de lacunes dans les aménagements adaptés aux besoins des personnes handicapées et d’incapacité de répondre correctement aux plaintes. En 2007, le Secrétariat aux affaires des personnes âgées de l’Ontario a mené des consultations publiques sur la réglementation des maisons de retraite. En fonction du résultat de ces consultations, le gouvernement s’est engagé à déposer un projet de loi dans le domaine de la protection du consommateur qui aurait pour effet de fixer les normes de soins et de service pour ces établissements[49]. Ce projet de loi n’a pas encore été déposé.

Cette absence de réglementation suscite des préoccupations, particulièrement suite à l’impression que le système de soins privé se généralise rapidement. Les maisons de retraite fonctionnent peut-être déjà comme de véritables foyers de soins de longue durée sans respecter les critères ni offrir les mesures de protection en vigueur dans ces foyers. Par exemple, certaines maisons de retraite se sont dotées d’unités « de détention » pour maîtriser le comportement de certains pensionnaires, ce qui suscite la crainte que de nombreuses violations graves de droits fondamentaux ne se produisent sans protection ni contrôle.

On s’est également inquiété des maisons non conformes aux normes et de la suffisance et de la transparence des mécanismes permettant de contrôler et d’éliminer les situations de non-conformité[50]. Les normes, les mesures de protection et les mécanismes d’exécution sont extrêmement importants compte tenu de la vulnérabilité de ceux qui vivent en établissement. Les témoins ont évoqué de nombreux exemples où ces aspects sont déficients dans les foyers de soins de longue durée. Citons, entre autres, les normes de dotation en personnel et de soins aux pensionnaires (notamment la question de l’utilisation des produits contre l’incontinence) et les mesures de protection contre les violences aux personnes âgées en vigueur dans ces établissements.

 

C. Promouvoir la dignité, l’indépendance, la participation et la diversité

La vie en établissement pose des défis complexes et la promotion, dans un tel milieu, des principes de dignité, d’indépendance, de participation et de respect de la diversité demande une attention particulière. Par exemple, l’expression de la sexualité soulève des questions difficiles dans un établissement de soins de longue durée. Il s’agit pourtant d’un aspect normal d’une vie saine et la plupart des gens qui ne vivent pas en établissement sont en mesure de faire leurs propres choix en ce qui concerne leur vie sexuelle. Toutefois, dans un milieu collectif où de nombreux résidents risquent d’avoir des handicaps cognitifs ou d’être par ailleurs vulnérables aux violences ou à l’exploitation, et où le personnel a le devoir de prévenir les mauvais traitements et l’exploitation sexuels, il n’est pas évident de soutenir une vie sexuelle normale tout en faisant en sorte de protéger les pensionnaires contre toute activité imposée. Les personnes âgées GLBT font face à des obstacles supplémentaires lorsqu’elles sont trop souvent exposées aux préjugés du personnel de l’établissement ou des autres pensionnaires, ou lorsque les membres de leur famille naturelle tentent de diriger leur vie sexuelle.

Il surgit également des conflits entre les droits que les personnes âgées ont dans ce qui est, après tout, leur domicile et ceux des travailleurs qui s’occupent d’eux. Par exemple, ceux qui ne vivent pas en établissement peuvent généralement choisir de fumer ou non; dans un établissement, ce droit n’existe qu’en regard de celui des travailleurs de ne pas être exposés au tabagisme passif.

L’un des principaux problèmes à l’égard des soins de longue durée est la politique dite « du premier lit disponible »[51]. Cette politique des hôpitaux oblige les patients à accepter le premier lit disponible dans un établissement de soins de longue durée. Elle n’a pas seulement pour effet de limiter considérablement les options offertes aux personnes âgées quant à la question fondamentale du choix de l’endroit où elles vont vivre, mais, en les plaçant dans un milieu souvent éloigné de leur famille, de leurs amis et de leurs autres soutiens, elle a une incidence grave sur leur sécurité, leur participation et leur indépendance. Certains aînés peuvent se retrouver dans des établissements non conformes aux normes ou qui ne répondent pas à leurs besoins. L’Advocacy Centre for the Elderly estime que les politiques de ce genre ne cadrent pas avec la loi, qui met l’accent sur les propres choix et les intérêts véritables de chacun.

La garde en milieu fermé et les moyens de contention soulèvent de graves questions sur le plan des droits fondamentaux. L’Advocacy Centre for the Elderly souligne qu’aucune disposition législative ne confère aux établissements le pouvoir d’immobiliser ou d’enfermer leurs pensionnaires, sauf dans de très rares cas. Il y a bien parfois des motifs légitimes sur le plan de la sécurité pour détenir des personnes âgées qui, par exemple, ont des problèmes mentaux ou constituent un danger pour elles-mêmes. En dehors de ces cas, la détention pose problème. Par exemple, certains établissements ont comme politique d’empêcher leurs pensionnaires de sortir sans être accompagnés. Ces questions peuvent être difficiles à résoudre puisqu’il n’y a aucun moyen de contester de telles détentions autrement qu’en s’adressant à un tribunal.

De nombreux organismes ont évoqué devant la Commission l’importance d’offrir aux personnes âgées des options de logement qui reconnaissent et qui soutiennent leur diversité. Le manque de services culturellement adaptés peut facilement amener les personnes âgées à se sentir isolées et seules. On s’est dit préoccupé, par exemple, par le manque général de formation aux questions concernant la population GLBT au sein du secteur des maisons de retraite. On peut desservir des communautés diverses en offrant des soutiens et de la sensibilisation dans des maisons de retraite ou des foyers de soins de longue durée destinés à tous, ou en créant des établissements spécialisés pour répondre aux besoins de communautés particulières telles que la population GLBT ou la communauté afro-canadienne. Le Secrétariat aux affaires des personnes âgées de l’Ontario a très récemment produit une trousse destinée aux établissements résidentiels pour personnes âgées, intitulée Diversité dans l’action, qui donne des indications utiles aux maisons de retraite et de soins de longue durée sur la façon d’offrir des services respectueux et culturellement adaptés aux personnes âgées provenant de divers horizons[52].

 

D. Conclusions

Le principe de vieillir chez soi est au cœur de tous les débats sur les conditions de logement des personnes âgées. Par ailleurs, même si seulement une minorité d’aînés vit en établissement, ces milieux doivent, parce qu’ils soulèvent des questions particulières et complexes, être examinés attentivement lors de l’élaboration d’un cadre utile. Les aspects à considérer sont entre autres les suivants :

  • De quels soutiens, systèmes ou textes a-t-on besoin pour mettre en œuvre le principe de vieillir chez soi ?
  • Comment peut-on faciliter l’autonomie et la participation à la collectivité dans un établissement ?
  • Quels systèmes et quelles normes peuvent le mieux garantir la sécurité physique et affective des personnes âgées qui vivent en établissement ?
  • Comment peut-on concilier les droits des pensionnaires des établissements dans ce qui est, après tout, leur domicile et ceux des travailleurs qui s’occupent d’eux ?
  • Quel est le meilleur moyen d’offrir des services adaptés aux personnes âgées qui proviennent de divers horizons ?
  • Comment peut-on élaborer de bons mécanismes pour faire respecter les droits des personnes âgées lorsque celles-ci dépendent, pour leurs soins, des personnes ou des établissements mêmes qui ont violé ces droits ?
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