A. Approches conceptuelles et définitions

Comme indiqué ci-dessus, la CDO a publié au printemps 2009 un texte intitulé Document de consultation préliminaire : Méthodes de définition de l’incapacité. Ce document abordait de façon détaillée les approches conceptuelles relatives au handicap et la façon dont elles sont prises en compte par les lois sur le handicap en vigueur en Ontario. Il mettait également en lumière un certain nombre de questions sur la façon dont le concept de handicap est défini dans le contexte de la loi.

La CDO remercie toutes les personnes qui ont fait part de leurs commentaires et de leurs observations au sujet de ce document. Les enjeux soulevés sont complexes et seront étudiés de façon approfondie tout au long de ce projet. Toutefois, il faut commencer par souligner qu’il est clair que les conceptions liées au handicap sont complexes, contestées et en constante évolution. Ainsi, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a mis en évidence les problèmes posés par le fait que certains textes législatifs incorporent des approches divergentes en ce qui touche le handicap. Un texte législatif dont le mandat central concerne l’élimination des obstacles (le Code des droits de la personne) est employé pour remettre en question certaines lois, par exemple le Code du bâtiment, la Loi sur le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées ou encore la Loi sur l’éducation, qui abordent le concept de handicap sous un angle plus restrictif.[1]

Aucune approche ou définition ne peut capturer à elle seule toutes les facettes du handicap et la diversité des expériences des personnes handicapées, ou aborder de façon appropriée toutes les situations dans lesquelles interviennent les différentes notions ayant trait au handicap. Plusieurs personnes ont suggéré à la CDO que, plutôt que de se focaliser sur un modèle approprié de handicap, il serait préférable d’appliquer des principes au moment de formuler concrètement la loi, au lieu de se fonder sur un seul modèle de handicap.[2] La CDO emploiera une multitude d’approches ou de modèles de handicap afin de mieux comprendre l’impact de la loi sur les personnes handicapées, et examinera la façon dont la multiplicité des modèles et des définitions du handicap peut venir appuyer certains objectifs stratégiques pour la loi, attendu que ces objectifs stratégiques sont formulés par le biais de principes identifiés.

ARCH (Centre de la défense des personnes handicapées) indique que les définitions du handicap reposent souvent sur une vision paternaliste des personnes handicapées, qui les singularise en les différenciant de la « norme », et donc, dans un certain sens, en les considérant comme déficientes. ARCH souligne qu’il est essentiel que les personnes handicapées participent elles aussi à l’élaboration des définitions relatives au handicap :

Une façon de garantir que les personnes handicapées soient traitées de façon plus équitable consiste à les intégrer au processus de formulation des définitions relatives à la notion de handicap. Une fois que les personnes handicapées seront en mesure d’influencer ou de contrôler les définitions et les acceptions associées au handicap, il sera possible de remettre en cause bon nombre de préjugés qui ont la vie dure et qui continuent à peser sur les réformes législatives. Pour ce faire, il faut créer un cadre qui, aux yeux des personnes handicapées, reflète réellement leur vécu, la signification du handicap dans leur vie ainsi que son impact, plutôt que de leur imposer des définitions.[3]

 

B. La diversité de l’expérience du handicap

Bien que les personnes handicapées puissent avoir en commun certaines expériences, comme l’exclusion ou la marginalisation, il n’en demeure pas moins que la communauté des personnes handicapées est loin d’être un groupe homogène.

Pour commencer, les expériences vécues par chaque personne peuvent varier sensiblement en fonction de la nature de leur handicap (physique, sensoriel, psychiatrique, intellectuel, lié à l’apprentissage ou autre). Ainsi que le souligne le premier rapport du gouvernement du Canada intitulé Vers l’intégration des personnes handicapées, toutes les personnes handicapées font l’expérience de l’exclusion, mais chaque type de handicap peut faire apparaître des besoins uniques.[4] Les besoins dépendent du degré d’incapacité ainsi que du type de handicap. En fonction de la nature de leur handicap, les personnes handicapées sont également affectées par différents types d’obstacles et d’attitudes d’ordre social. Ainsi, les personnes qui ont des handicaps psychiatriques, intellectuels ou de développement sont marquées par des stigmates d’infériorité particulièrement lourds.[5] Certaines personnes font ainsi face à des obstacles dans le domaine des transports ou de l’éducation, ce qui rend leur participation à la vie communautaire très difficile, même si leur niveau d’incapacité est relativement modéré.

Un niveau d’incapacité identique peut déboucher sur différentes expériences en fonction du moment de la vie où cette expérience a lieu et de l’environnement social adjacent. L’expérience d’une personne qui est née avec un handicap auditif, qui est intégrée à la communauté des sourds et qui utilise le langage gestuel comme langue première sera bien différente de celle d’une personne qui atteint le même degré de surdité à un âge avancé, qui ne maîtrise pas le langage gestuel et qui n’appartient pas à une communauté de personnes sourdes.

De même, de nombreuses études se sont penchées sur les différences d’expérience du handicap en fonction du sexe, de la race, de l’orientation sexuelle et d’autres aspects relatifs à l’identité d’une personne. Les femmes handicapées font face à des difficultés particulières en ce qui concerne la maternité et le rôle parental. Les personnes handicapées autochtones peuvent rencontrer des difficultés pour accéder à des services de soutien sensibles à leur culture et à leur histoire. Un homme de race noire, qui, outre le fait d’être handicapé, a du mal à trouver un emploi, fait face à un double obstacle fondé sur sa couleur de peau et son handicap.

L’impact d’un handicap peut également varier en fonction du lieu de résidence : l’accès aux soutiens et aux services sera probablement plus aisé dans une zone urbaine que dans une zone rurale ou isolée. De même, il faut prendre en compte des facteurs tels que le soutien familial et communautaire, le statut socio-économique, etc.

 

Précédent Suivant
D’abord Bout
Table des matières