A.    Le projet de la Commission du droit de l’Ontario sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle

Le droit concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle a des répercussions profondes sur la vie des personnes auxquelles il s’applique. Il est fondamental pour notre autonomie, notre sécurité et notre conception de nous-mêmes que nous ayons la possibilité de décider pour nous-mêmes, et nous considérons en général que la faculté de faire nos propres choix est un droit fondamental qui ne peut être restreint que dans des limites justifiées.

L’Ontario dispose d’un régime juridique moderne et sophistiqué pour les situations dans lesquelles il faut prendre des décisions, mais les aptitudes à décider peuvent être en jeu. Le droit ontarien sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle est le produit d’un travail approfondi et complet de réforme juridique effectué à la fin des années 1980 et au début des années 1990.

Néanmoins, au cours des deux projets de la Commission du droit de l’Ontario sur le droit touchant les personnes handicapées et sur le droit touchant les personnes âgées, des personnes des deux groupes ont indiqué que les problèmes dans ce domaine devaient en priorité être réexaminés et faire l’objet de réformes, ce qui témoigne de grandes préoccupations quant au fonctionnement pratique du droit et quant à ses répercussions sur l’autonomie, la sécurité, la dignité et l’intégration des personnes âgées et des personnes handicapées. De plus, des changements démographiques, sociaux et comportementaux majeurs sont survenus depuis les réformes législatives des années 1990, et des événements importants ont eu lieu sur la scène internationale. Ces dernières années, de nombreuses administrations ont révisé leurs lois dans ce domaine, notamment l’Alberta, le Yukon, l’Irlande et les États de Victoria et du Queensland en Australie.

En septembre 2011, le Conseil des gouverneurs de la CDO a approuvé le projet d’examiner le cadre législatif ontarien pour la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle, en vue de formuler des recommandations de réforme des lois, des orientations et des méthodes dans ces domaines. Le projet se fondera pour son analyse sur le Cadre du droit touchant les personnes âgées[1] et le Cadre du droit touchant les personnes handicapées[2], dont les rapports finaux ont été publiés par la CDO au cours du deuxième semestre 2012. Le travail sur ce projet a commencé à la toute fin 2012, et le projet a été officiellement lancé lors du colloque de la CDO en janvier 2013. Le présent document de travail est la première publication de ce projet, auquel feront suite le rapport intermédiaire, puis le rapport final.

 

B.    La portée du projet

Le droit concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle est très vaste. Outre qu’il est au centre même de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui[3] (LPDNA) et la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé[4] (LCSS), le droit concernant la capacité juridique et la prise de décision se trouve dans la législation de la common law portant notamment sur les renseignements de santé, la vie privée, la santé mentale. Il concerne presque tous les domaines de la vie, dont le consentement au traitement, les questions de finance, le mariage, le testament, la succession, la capacité d’ester en justice, la participation à la recherche. Toutes les dimensions de ces domaines du droit dépassent ce que peut embrasser un seul projet. Il était important que la CDO s’attache pour l’élaboration de ce projet aux domaines pour lesquels les réformes sont les plus urgentes.

1.     Déterminer la portée du projet

Une fois le projet approuvé par le Conseil des gouverneurs, la CDO a donc mené des recherches et des consultations préliminaires considérables, dont environ 70 entretiens avec des organisations et des personnes très diverses, pour aider :

  • à comprendre les principaux contextes du fonctionnement du droit et la façon dont ses effets diffèrent selon les populations et les contextes;
  • à établir les domaines pour lesquels l’examen et la réforme seraient les plus bénéfiques;
  • à comprendre les objectifs que la réforme du droit devrait s’efforcer de favoriser;
  • à établir quelles autres actions en cours sont susceptibles d’influer dans un avenir proche sur ce domaine du droit et sur le projet de la CDO.

La CDO a défini la portée du projet sur la base de ce qui précède et des observations de son groupe consultatif pour le projet.

Le projet de la CDO sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle portera sur les dispositions de la LPDNA et de la LCSS. Il ne portera pas sur les règles de la common law concernant la capacité juridique et la prise de décision, ni sur les dispositions de la Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé[5] (LPRPS). Il abordera quelques aspects précis de la Loi sur la santé mentale[6] (LSM), qui est complexe et qui aborde des questions très diverses, dont quelques-unes seulement ont directement trait à la capacité juridique et à la prise de décision. En de nombreuses façons, elle est intégralement liée à la LPDNA et à la LCSS. On ne peut comprendre correctement les expériences des nombreuses personnes qui sont visées par ces trois lois sans étudier attentivement le rapport entre ces dernières. Le projet vise précisément la capacité juridique et la prise de décision, non la réforme de la LSM en général. Il n’abordera pas par exemple les questions complexes liées à l’admission en cure obligatoire en vertu de la LSM. La CDO étudiera en revanche les dispositions de la LSM qui font directement état de la capacité juridique et de la prise de décision, surtout la partie Trois, à propos de l’examen pour établir la capacité de gérer des biens. Elle reconnaître de plus dans son analyse de l’incidence de la LPDNA et de la LCSS que le fonctionnement de la LSM constitue un contexte important pour de nombreuses personnes.

Dans les limites de la LPDNA et de la LCSS, la CDO s’attachera aux grandes questions suivantes :

  1. la norme concernant la capacité, dont les critères de détermination de la capacité et les divers moyens et mécanismes que prévoient à cette fin la LPDNA, la LCSS et la LSM;
  2. les modèles décisionnels, y compris examiner si d’autres modes décisionnels pouvant remplacer la prise de décision au nom d’autrui, notamment la prise de décision assistée et la codécision, sont souhaitables et quelles seraient leurs répercussions pratiques;
  3. les procédures de nomination (des mandataires spéciaux par exemple), nomination par la personne ou par procédure publique, en s’attachant à l’utilisation appropriée et à l’amélioration de l’efficacité et de l’accessibilité;
  4. les attributions des tuteurs et autres mandataires spéciaux, dont les possibilités de formes de tutelle plus limitées et étude des options pour les personnes n’ayant pas de famille ou d’amis pour les aider;
  5. la surveillance, la responsabilité et la prévention des abus vis-à-vis des mandataires spéciaux ou des accompagnateurs, quel que soit leur mode de nomination, ainsi que des abus par des prestataires de services tiers, y compris les mécanismes pour accroître la transparence, repérer les possibilités d’abus et garantir le respect des exigences de la loi;
  6. le règlement des différends, y compris les réformes afin d’accroître l’accessibilité et l’efficacité des mécanismes en vigueur.

 

2.     Les thèmes du projet

L’analyse de ces questions sera renseignée par plusieurs thèmes primordiaux, en particulier : 

1. la diversité des expériences et des besoins des personnes directement touchées par ce domaine du droit : les personnes directement concernées par les lois ontariennes sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle vivent certes des expériences et des situations communes, mais la diversité est toutefois considérable. Les différences par exemple entre le parcours de vie, les réseaux de soutien et les déficiences d’un jeune adulte atteint de déficience intellectuelle, d’un adulte ayant un traumatisme cérébral et d’une personne plus âgée qui devient démente marqueront profondément la façon dont ces trois personnes vont aborder ce domaine du droit ainsi que les besoins auxquels le droit doit répondre. D’autres formes d’identité ou de vécu affecteront aussi l’expérience vis-à-vis du droit. Les normes culturelles par exemple affectent les façons dont les personnes démontrent leurs aptitudes à décider (et partant la façon dont leur capacité juridique est évaluée). Pour quelques questions, cette diversité fera problème pour décider de la meilleure façon d’envisager la réforme du droit;

2. les mentalités, la compréhension et le rôle de l’éducation : la mentalité des personnes, des familles, des spécialistes et des institutions vis-à-vis notamment de l’incapacité, du vieillissement, du risque et du rôle des familles, ainsi que la façon dont sont compris les objets et les dispositions des lois influencent fortement l’application de ce domaine du droit. Le droit reflète les mentalités autant qu’il les façonne. Pour que la réforme du droit soit mise en œuvre avec efficacité, il faudra peut-être s’attacher à l’essence de la loi, et aussi à vulgariser celle-ci et à en informer toutes les personnes concernées;

3. les familles et les relations interdépendantes : les familles et d’autres relations personnelles étroites des personnes directement concernées sont au cœur de nombre des questions que soulève le droit dans ce domaine. La dynamique familiale est complexe. Les soutiens sociaux que nous assurons aux personnes handicapées s’appuient fortement sur les soutiens qu’apportent les familles, mais beaucoup de personnes n’en disposent pas, pour des raisons diverses. Les familles peuvent être des sources profondes de soutien et de prise en main personnelle; elles peuvent aussi être sources de maltraitance et d’exploitation. Il importe de reconnaître que les membres des familles ont leurs propres besoins, qui peuvent parfois s’opposer à ceux de la personne handicapée. La façon dont nous concevons les familles et ce qui nous semble convenable et réaliste d’attendre d’elles auront de profondes incidences sur les options dont nous disposerons pour réformer le droit;

4. le rôle de la sphère publique et celui de la sphère privée : en rapport avec le thème précédent, se pose la question du juste rôle des institutions publiques pour soutenir, surveiller ou intervenir. Dans quelle mesure est-ce un domaine dans lequel les personnes devraient avoir la latitude de faire des choix mal informés ou mal avisés (en élaborant une procuration par exemple), pour ensuite pâtir des conséquences parfois très graves? Dans quelles circonstances convient-il que des institutions publiques interviennent dans la dynamique familiale de la sphère privée? Quelle responsabilité ont les pouvoirs publics pour renseigner et soutenir afin de garantir que les personnes disposent des options qui conviennent et des ressources pour comprendre ces options et y avoir accès?

5. les lacunes dans la mise en application des lois : de nombreuses facettes des lois sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle suscitent des préoccupations non pas tant du fait du libellé particulier de la loi que de son mode d’application. Il s’agit notamment de préoccupations concernant le manque d’information et de vulgarisation suffisantes pour les personnes qui fonctionnent dans le système, des mécanismes inadéquats de surveillance et de contrôle, le manque de coordination entre les différentes parties du système et la pénurie de ressources à divers niveaux;

6. l’accès à la défense des intérêts et aux soutiens : parce que ce domaine du droit touche des personnes qui peuvent être vulnérables ou marginalisées de diverses façons et parce que le droit est extrêmement complexe, on a beaucoup souligné qu’il faut plus de soutien pour que les personnes concernées comprennent les options, naviguent dans les systèmes et résolvent les problèmes;

7. la simplification et le caractère proportionnel de la conception des procédures : afin d’apporter une réponse à des questions multidimensionnelles et à des vécus divers, les systèmes peuvent devenir complexes, fragmentés et lourds. Cette complexité peut être un obstacle majeur à l’accès au droit; cette préoccupation a été évoquée à propos de l’évaluation de la capacité et aussi à propos des procédures d’entrée et de sortie en matière de tutelle. Il faut penser avec soin, dans la conception des lois et des procédures dans ce domaine du droit, à équilibrer le degré de procédure et les protections que celle-ci procure avec la gravité du problème en cause, et si cela convient et que c’est possible, à simplifier les procédures afin qu’elles soient plus accessibles et plus efficaces;

8. la surveillance et l’évaluation de la législation : il importe, pour la réussite de toute réforme du droit, d’inclure des mécanismes de transparence, de responsabilité et d’évaluation régulière de l’efficacité de la loi quant à la réalisation de ses objectifs. Il s’agit notamment d’inclure des possibilités de réaction pour la population et de collecte de données utiles sur le fonctionnement du droit.

 

3.     Raisonner dans une optique de système

Les questions et les thèmes que l’on vient de dégager sont tous interreliés et interdépendants. Les difficultés liées aux procédures de nomination influent par exemple sur la surveillance, la responsabilité et sur la prévention des abus, lesquelles sont liées aux préoccupations concernant les procédures de règlement des différends. On ne peut analyser de façon isolée les possibilités de réformer l’un ou l’autre de ces questions : celles-ci auront des répercussions sur l’ensemble des lois concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle. Autrement dit, il faut aborder chaque question, chaque thème en tant que partie d’un système plus vaste.

Ceci vaut si l’on tente de comprendre le fonctionnement du droit ontarien en vigueur et l’incidence potentielle de tout changement sur l’ensemble de celui-ci. Ceci vaut également pour l’analyse d’autres régimes de capacité et de tutelle en vue de s’en inspirer pour des possibilités de réforme des lois ontariennes. Pour l’étude du régime complet d’enregistrement de tous les mandataires spéciaux au Royaume-Uni ou celle du fonctionnement des programmes de visite de l’État australien du Victoria, il importe de comprendre comment ils s’insèrent dans l’ensemble de la législation de leur administration dans ce domaine ainsi que le régime général de celle-ci pour la prestation des services et des soutiens aux personnes qui sont touchées de façon disproportionnée par les lois sur la capacité juridique et la prise de décision, par exemple celles qui ont des troubles mentaux, ou sont atteintes de déficiences intellectuelles ou cognitives liées au vieillissement.

Si l’on envisage les lois ontariennes en tant que système, on peut considérer qu’elles ont deux volets. Leur noyau est constitué par l’ensemble des réponses aux questions centrales : qu’est-ce que « la capacité »? Quel doit être le rôle de cette notion relativement à la prise de décision? Qui doit décider si une personne a cette qualité de « capacité », et comment cela doit-il se faire? Qui doit pouvoir aider les personnes qui ont de la difficulté à décider, et quelle doit être leur fonction? Quel type d’arrangement doit être obligatoirement prévu par la loi pour formaliser ces fonctions d’assistance? À la périphérie de ce noyau se situent des mécanismes de mise en œuvre de ces démarches : des systèmes de contrôle, d’éducation et de formation, de soutien et de règlement des différends. Des postulats sur les principes et les priorités fondamentaux devant guider le système, sur le rôle relatif de soutien des familles et de l’État, la nature de l’incapacité et sur le vieillissement par exemple sous-tendent cet ensemble. Dans chaque système, de telles prémisses varient dans une certaine mesure et reflètent l’histoire, l’économie, la culture et les structures sociales des pays.

Il faut donc, pour l’étude des lois ontariennes sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle, considérer le mode de fonctionnement non seulement de facettes particulières de la loi, qu’il soit efficace ou non, mais aussi celui du système dans son ensemble. C’est là une préoccupation de nature générale, qui dépasse les problèmes particuliers, même si elle influera sur la façon dont ceux-ci peuvent être analysés et traités. Quelques-unes des grandes questions à aborder pour l’analyse du régime ontarien de la capacité juridique, de la prise de décision et de la tutelle sont brièvement posées ci-dessous.

1. À quel point sommes-nous en mesure d’étudier le système? Celui-ci est-il dans son ensemble transparent et responsable, de sorte que les usagers et les intéressés puissent décider de façon relativement efficace s’il satisfait à ses objectifs, et ce, correctement et efficacement? Existe-t-il par exemple dans les lois des « mécanismes de rétroaction », de sorte que le fonctionnement du système puisse être évalué? Existe-t-il des moyens de collecte de données sur des fonctions particulières du système? Les intéressés et la population disposent-ils de renseignements sur le fonctionnement du système?

2. Dans quelle mesure le droit fonctionne-t-il bien en tant que système? A-t-il une coordination interne? Existe-t-il des moyens efficaces de mise en commun des compétences et des renseignements entre les diverses parties du système? Existe-t-il des moyens de repérer les problèmes qui sévissent transversalement dans diverses parties du système, et de permettre de travailler en collaboration à les résoudre? Autrement dit, existe-t-il des mécanismes favorisant le fonctionnement efficace du droit en tant qu’ensemble coordonné?

3. Existe-t-il des mécanismes de surveillance et d’évaluation permanentes du droit, afin de permettre de régler les problèmes touchant le système tout entier? Existe-t-il des capacités ou des mécanismes de surveillance du système, quant à son efficacité à satisfaire à ses objectifs et quant à la pertinence continue de ceux-ci?

Ces questions sont abordées brièvement en fin de document, à la partie Cinq.

 

  • QUESTION À ABORDER : y a-t-il d’autres questions ou d’autres thèmes qu’il faudrait aborder dans les paramètres qui ont été définis pour le projet?


C.    Appliquer les cadres de la CDO

Comme nous l’avons déjà indiqué, le projet est issu de deux projets « cadres » de la CDO qui ont été achevés en 2012, le premier sur le droit touchant les personnes âgées et le second sur le droit touchant les personnes handicapées. Ces deux projets qui sont allés de pair visaient à formuler non des recommandations précises de modification de lois particulières, mais des démarches de réforme de la législation concernant les deux populations. Ces projets ont abouti à des rapports complets et à des cadres énonçant des méthodes par étape d’évaluation des lois, des orientations, des pratiques et des propositions de réforme législative concernant les deux populations, sur la base d’un ensemble de principes et de réflexions.

L’application des cadres au projet de la CDO sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle a plusieurs incidences sur celui-ci :

  • les cadres se fondent sur la constatation que les personnes handicapées et les personnes âgées sont, de diverses façons, confrontées à la marginalisation, à la discrimination et à des obstacles pour avoir accès à la justice; et sur la constatation que ces réalités sont à prendre en compte pour formuler des propositions de réforme du droit;
  • les cadres se fondent sur la valeur prépondérante d’égalité réelle qui s’applique à un ensemble de principes. On évaluera dans ce projet le droit en vigueur et des propositions de réforme par rapport à ces principes, sans perdre de vue la valeur prépondérante;
  • les « écarts » entre les lois telles qu’elles sont rédigées et la façon dont elles sont appliquées ont constitué un thème majeur des deux cadres, et selon les recherches et les consultations de la CDO jusqu’à présent, c’est également un facteur important pour ce projet; ceci souligne combien il importe d’envisager non seulement le droit écrit, mais aussi les orientations et les moyens de sa mise en application;
  • l’application des deux cadres aidera à se concentrer sur la façon dont le droit dans ce domaine est vécu différemment par les personnes concernées en fonction de la nature de l’incapacité et du moment auquel elle est survenue, ce qui indique combien l’analyse fondée sur le parcours de vie est importante;
  • les cadres reconnaissent que le processus de la réforme du droit est important en lui-même et qu’il façonnera considérablement le résultat; le processus de ce projet sera guidé par les recommandations des cadres. 

Même si les cadres formeront le fondement de l’analyse de ce projet, il faut se rappeler que nombre de personnes directement concernées par les lois régissant la capacité et la prise de décision ne sont ni âgées, ni handicapées – de façon temporaire, elles ont perdu leur capacité juridique, du fait d’une brève maladie ou d’une crise médicale qui ne donne pas lieu à une incapacité. Le fait de se servir des cadres comme outil d’analyse peut occulter leur vécu : il sera important de ne pas perdre ces personnes de vue.

L’annexe A du présent document de travail expose pour plus de facilité les principes et les questions à aborder pour la mise en œuvre de chaque cadre. Les cadres comportent aussi la marche à suivre détaillée pour évaluer les lois, les orientations et les pratiques, dont un ensemble de questions aidant à définir et à analyser l’application au droit des principes et des questions à aborder. Nous soulignons que nous tenterons d’appliquer dans ce projet tous les aspects des cadres, pas seulement les éléments résumés dans l’annexe. On peut consulter les cadres complets sur le site de la CDO www.lco-cdo.org.

Il faut aussi garder à l’esprit que ni les personnes âgées, ni les personnes handicapées ne sont assujetties aux lois régissant la capacité et la tutelle simplement du fait de leur âge ou de leur handicap. Ces lois touchent de façon disproportionnée certains groupes de personnes âgées et de personnes handicapées dont la capacité est en cause. De plus, un groupe plus large de personnes âgées et de personnes handicapées peut être touché par le postulat que celles-ci manquent peut-être de capacité juridique et relèvent peut-être de ces lois. Il est cependant essentiel de ne pas faire l’amalgame entre vieillesse ou incapacité et manque de capacité juridique.

Enfin, ce projet met en lumière les zones où se rencontrent la vieillesse et les personnes handicapées. Les opinions continuent de diverger sur le point de décider à quoi s’applique ou devrait s’appliquer la définition de « personne âgée » ou celle de « personne handicapée », comme en témoignent les discussions approfondies des projets-cadres. La CDO reconnaît que les définitions ont des objets différents dans des contextes différents. On a adopté dans les projets-cadres des définitions larges et peu restrictives de « personne âgée » et de « personne handicapée », et la CDO continuera selon cette optique dans ce projet. Il y a donc un chevauchement considérable entre les deux groupes, et l’intersection aura des conséquences importantes pour ce que vivront les personnes. Pour la personne qui devient démente dans sa vieillesse par exemple, son âge influera fortement sur la façon dont elle vit son incapacité.


D.   La méthode du projet

Conformément aux méthodes adoptées pour les projets-cadres et en réaction aux questions et aux contextes de ce projet, la CDO a adopté pour celui-ci les méthodes suivantes :

1. fondées sur les principes : conformément à la méthode des cadres, les questions que soulèveront diverses facettes du droit concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle seront analysées sur le fondement des principes établis dans les cadres, afin de promouvoir l’égalité réelle, dans le souci de la notion de réalisation progressive[7];  

2. attention portée au vécu : ce que vivent les personnes directement touchées par le cadre législatif en vigueur est essentiel pour comprendre les avantages et les inconvénients du système actuel ainsi que les options et les objectifs de réforme;

3. interdisciplinarité : étant donné la complexité des problèmes humains et des expériences au cœur même de ce domaine du droit, non seulement la CDO examinera des sources et des documents juridiques, mais de façon plus large, elle se tournera vers d’autres disciplines, dont la médecine, les autres sciences de la santé, la philosophie, l’éthique, les sciences sociales, la gérontologie critique et les études sur l’incapacité;

4. valeur concrète et possibilité de mise en œuvre : au regard de l’importance des « lacunes dans la mise en application des lois » dans ce domaine du droit, et de la réalité de l’amoindrissement des ressources à de multiples niveaux, la CDO s’attachera à formuler des recommandations prospectives, qui soient pratiques et de mise en œuvre possible. Elle va également étudier de quelle façon l’utilisation des ressources et des compétences peut être la plus efficace, grâce à l’amélioration de la coordination par exemple;

5. soutien des relations et des discussions : même si les questions évoquées dans ce projet valent dans de nombreux contextes et touchent un grand nombre et une grande variété de personnes et d’organisations, les possibilités de discussions transversales entre contextes et groupes ont été relativement peu nombreuses. La CDO s’attachera à faciliter les débats transversaux entre disciplines, contextes et points de vue;

6. ouverture et accessibilité : reconnaissant la grande diversité des personnes que touche ce domaine du droit, reconnaissant également que d’importants groupes de celles-ci peuvent être confrontés à des obstacles pour avoir accès à la justice, la CDO s’efforcera de réaliser ce projet de façon accessible et ouverte à de nombreux types de diversité;

7. fondées sur des données probantes : la CDO sera attentive aux données qualitatives et quantitatives existantes, relativement à la situation en Ontario et aussi à celle dans d’autres administrations canadiennes et à l’étranger.

Le présent document de travail constitue la troisième phase du projet; il fait suite à la phase de délimitation des paramètres du projet qui a demandé des recherches et des consultations préliminaires considérables, puis à une phase de recherche intensive pour laquelle cinq documents de recherche ont été commandés. La liste des personnes consultées jusqu’à présent et celle des documents commandés figurent à l’annexe B du document de travail. Celui-ci sera suivi de consultations publiques intensives. Le chapitre II de la partie Cinq « Participer au processus de réforme du droit : les consultations publiques de la CDO » contient des renseignements sur les consultations publiques de la CDO et sur les possibilités de présenter des observations. Les réponses à ces consultations ainsi que d’autres recherches que mènera la CDO, constitueront le fondement du rapport intermédiaire, qui formulera des projets d’analyse et de recommandations. Avant l’élaboration du rapport final et de ses recommandations, ce rapport intermédiaire sera distribué afin de recueillir encore des observations.

 

  • QUESTION À ABORDER : de quels éléments la CDO devrait-elle avoir connaissance pour garantir que les propositions de réforme du droit dans ce domaine seront pratiques et que leur mise en œuvre sera possible?

 

E.    Le présent document de travail

1.     Son contenu

Le présent document de travail est fondé sur les recherches et les consultations publiques que la CDO a menées jusqu’à présent, notamment les documents commandés terminés et les consultations préliminaires avec un groupe de divers intéressés.

On y fait la synthèse des renseignements recueillis jusqu’à présent, on y définit les grandes questions de ce domaine du droit et on y expose quelques possibilités d’orientation de réforme, sur le fondement d’un examen des lois d’autres administrations, de recommandations d’autres actions de réforme du droit et de l’analyse d’experts et de défenseurs. Il se veut le fondement des consultations publiques et des débats sur les questions définies. Il est accompagné d’un ensemble de documents simplifiés, plus courts, destinés à soutenir le processus de consultation.

La partie Un présente le contexte du projet et des lois ontariennes sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle. La partie Deux analyse la notion de capacité, et examine les points de vue sur la capacité juridique et les critères pour la déterminer ainsi que sur les moyens de mener des évaluations de la capacité. La partie Trois analyse les questions relatives à la prise de décision, y compris à l’égard des personnes ayant qualité pour agir dans les situations où la personne est reconnue comme n’ayant pas la capacité juridique, les moyens pour remplacer la prise de décision, et les procédures de nomination des mandataires. La partie Quatre étudie les questions relatives à la façon dont on accède véritablement au droit, dont les préoccupations quant à l’information, la vulgarisation et la formation, quant à l’exercice des droits et au règlement des différends, ainsi que pour déceler et traiter les abus. La partie Cinq met en lumière les enjeux pour garantir des réformes efficaces du droit dans ce domaine, y compris les façons d’intégrer des mécanismes de surveillance et de responsabilité aux nouvelles lois; elle renseigne également sur comment on peut prendre part aux consultations publiques de la CDO.

 

2.     Comment l’utiliser

Le présent document de travail est l’un de ceux que la CDO a publiés pour soutenir les consultations publiques sur la réforme des lois ontariennes sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle.

Il s’accompagne du sommaire des enjeux pour les consultations, beaucoup plus court, dans lequel sont résumés les grands enjeux que la CDO a définis pour ses recherches et ses consultations préliminaires et figurent aussi des questions visant à orienter la consultation. Ce sommaire permet de s’orienter dans la structure et dans les sujets du présent document de travail, fort vaste.

Dans sa structure, le présent document de travail reprend celle du sommaire des enjeux pour les consultations. Il approfondit toutefois considérablement l’étude des enjeux. Chaque chapitre résume le droit en vigueur; il expose les questions qui préoccupent et leur contexte, une analyse de celles-ci au regard des cadres de la CDO ainsi que les options de réforme comportant des programmes comparables dans d’autres administrations. Cette documentation vise à aider à définir les priorités et les options de réforme, et à les pondérer.

Ce domaine du droit est vaste et soulève de nombreuses questions. On sera peut-être intéressé par quelques sujets seulement plutôt que par toute la gamme des questions développées. Il n’est pas obligatoire de lire le présent document de travail consécutivement ni même entièrement pour y réagir. On peut lire chaque chapitre de façon indépendante, mais les questions étant intimement liées, les autres chapitres comporteront aussi de nombreuses références.

Chaque chapitre comporte des questions à aborder. Elles visent à susciter et à orienter la discussion. Pour réagir au présent document de travail, point n’est besoin d’avoir une compréhension fine de ces questions ni de penser qu’elles épuisent toutes les réponses possibles. Les questions figurent dans le texte des chapitres, près de la discussion à laquelle elles se rapportent. Pour plus de commodité, elles sont aussi reprises à la fin de chaque chapitre et dans l’annexe, à la fin du présent document de travail. 

 

F.     Questions à aborder

  1. Y a-t-il d’autres questions ou d’autres thèmes qu’il faudrait aborder dans les paramètres qui ont été définis pour le projet?
  2. De quels éléments, de quelles possibilités la CDO devrait-elle avoir connaissance pour garantir que les propositions de réforme du droit dans ce domaine seront pratiques et que leur mise en œuvre sera possible?

 

 

 

Précédent Suivant
D’abord Bout
Table des matières