Afin de délimiter le cadre de l’étude, nous présentons dans cette partie un bref aperçu de l’éducation des enfants handicapés en Ontario[6] pour pouvoir ensuite exposer la méthodologie qui a guidé la recherche. Dernièrement, nous expliquerons les limites de cette étude de cas pour mieux en cerner l’étendue et l’utilité.

 

A. L’éducation de l’enfance en difficulté en Ontario

 

Le système actuel est en place depuis 1980, lorsque la législation créa l’obligation pour les conseils scolaires d’offrir des programmes éducatifs et des services connexes aux enfants en difficulté[7]. La loi et les règlements, qui vont être analysés plus loin, prévoient des procédures pour l’identification et le placement des enfants en difficulté, la participation des parents aux processus, et la possibilité pour les parents d’appeler des décisions d’identification et de placement. Nous notons par ailleurs que le système de l’éducation en Ontario utilise le terme « en difficulté » (exceptional en anglais), alors que cette étude parle d’enfants « handicapés », qui est le terme auquel on fait référence au niveau international et dans le système des droits de la personne au niveau interne.

 

L’entité principale en lien avec ces processus, qui concernent l’enfant individuellement, est le Comité d’identification, de placement et de réexamen (CIPR). Le CIPR peut identifier formellement un enfant en difficulté et la catégorie de l’anomalie en question, et les cas échéant, décider du placement de l’enfant variant entre la ségrégation et l’inclusion complète en classe ordinaire. Les parents participent aux réunions du CIPR, qui peut se réunir à la demande des parents pour réexaminer l’identification et/ou le placement de l’enfant. Il y a également les entités permettant aux parents d’appeler des décisions du CIPR : les Commissions d’appel en matière d’éducation de l’enfance en difficulté (CAEED), dont les recommandations ne lient pas les conseils scolaires, et le Tribunal de l’enfance en difficulté (TEDO), dont les décisions sont obligatoires. Les documents juridiques prévoient aussi le développement d’un Plan d’enseignement individualisé (PEI) pour chaque élève en difficulté, ainsi que des plans de transition, au besoin. Le développement et la mise en œuvre de ces plans est de la responsabilité des directeurs d’école, et les parents doivent être consultés lors de ce processus. Dans la pratique ce sont généralement les enseignants qui développent le PEI. Aucun mécanisme de suivi ou d’appel n’existe pour les PEI, qui prévoient les programmes et services appropriés pour l’élève en difficulté.

 

Il existe aussi d’autres organes qui permettent une participation des représentants des enfants au niveau des politiques. Il s’agit donc de questions qui ne les concernant pas individuellement, mais plutôt en tant que groupe, soit au niveau du conseil scolaire, soit au niveau du gouvernement provincial. En effet, la législation établit les Comités consultatifs pour l’enfance en difficulté (CCED), à travers lesquels les associations de parents d’enfants en difficulté peuvent participer aux travaux des conseils scolaires à titre consultatif. En plus de cela, il existe un Conseil consultatif ministériel de l’éducation de l’enfance en difficulté (CCMEED), qui fait des recommandations au ministère. Des représentants des associations siègent également sur ce comité.

 

Ainsi, la législation prévoit des mécanismes de participation au niveau micro pour les décisions individuelles, et au niveau macro pour les décisions touchant l’éducation de l’enfance en difficulté de manière plus générale.

 

B. La méthodologie

 

Cette étude se compose d’une analyse de textes pertinents, ainsi que d’entrevues. Les textes juridiques et politiques servent à définir les droits de participation des enfants handicapés, ainsi que le cadre de l’éducation pour les enfants handicapés en Ontario eu égard à ces droits de participation. Ces textes se composent[8] :

  • d’instruments internationaux : la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) et surtout la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH);
  • de lois, de règlements et de documents de politique provinciale : notamment la Loi sur l’éducation, le Règlement 181/98, et le Code des droits de la personne;
  • de la jurisprudence pertinente des tribunaux judicaires et administratifs, notamment le Tribunal de l’enfance en difficulté (TEDO) et le Tribunal des droits de la personne (TDPO);
  • de documents des conseils scolaires, tels que les politiques sur les commissions d’appel (CAEED) et les services à l’éducation de l’enfance en difficulté.
     

D’autres documents ont également été consultés, tels que de la documentation d’organisations représentant les personnes handicapées, comme des présentations de position, des documents de stratégie et de conseil. Ces documents servaient surtout à appuyer les points de vue des participants et à placer les données recueillies dans un contexte.

 

En plus de l’analyse de textes, cette étude comporte des entrevues. Des entretiens formels, ainsi que des discussions plus informelles ont été faites avec des enfants handicapés d’âge scolaire, ainsi que des personnes pouvant représenter les enfants handicapés. Il s’agissait des parents en premier lieu, mais également des membres ou employés d’organisations qui représentent les enfants handicapés ou œuvrent en faveur de leur intérêt. Des entrevues ont aussi été faites avec d’autres personnes impliquées dans les processus de prise de décision concernent les élèves en difficultés, tels que des personnes de soutien, des personnes impliquées dans les conseils scolaires, les CCED et le CCMEED.

 

Les entrevues étaient nécessaires pour connaitre la participation des enfants handicapés dans la pratique, par rapport à la législation nationale et aux normes internationales. Il était important de connaitre la participation directe de enfants, ainsi que de savoir comment les enfants sont représentés dans le milieu de l’éducation à tous les niveaux : au niveau des processus de prise de décisions individuelles et au niveau des développements de législation et de politiques qui les touchent. Les représentants devaient donc inclure des personnes travaillant au niveau local (au niveau des écoles et des conseils scolaires), ainsi qu’au niveau provincial (au niveau du ministère de l’éducation). Les entrevues portaient sur l’expérience de ces personnes dans le système de l’éducation en relation avec l’éducation de l’enfance en difficulté, sur leur capacité de représenter l’élève handicapé et sur leurs suggestions pour améliorer le système.

 

C. Limites à la recherche

 

1. Quant à la participation des enfants

 

L’étude de cas a posé certaines difficultés au niveau de la recherche. Au départ, il était prévu que la recherche se concentrerait sur la participation directe des enfants et que les entrevues se feraient donc surtout avec les enfants handicapés. La méthodologie initiale prévoyait l’organisation d’entrevues à travers les écoles de la région d’Ottawa. Cependant, faute d’accord par les conseils scolaires concernés, il a fallu changer de méthode, et nous avons décidé de contacter des associations au niveau local afin d’entrer en contact avec leurs membres : les parents. Cette démarche a mené à des résultats qui n’avaient pas été prévus d’avance : Un grand nombre de parents ont été intéressés à participer à l’étude, mais très peu d’entre eux ont voulu faire participer leurs enfants. Il apparait que les raisons pouvant expliquer ce manque d’intérêt seraient en grande partie dues aux perceptions parentales, qui sont d’ailleurs souvent justifiées :

  • L’âge des enfants : Plusieurs enfants étaient considérés trop jeunes pour participer (surtout les enfants de moins de 10 ans), et certains parents jugeaient que les enfants plus âgés seraient réticents à participer ou ne pourraient pas être objectifs, ainsi mésestimant leurs difficultés (surtout les adolescents);
  • Le handicap de leur enfant : Certains enfants étaient considérés incapables de s’exprimer (par exemple autisme non-verbal).
     

Nous avons noté aussi que l’utilisation du terme « enfant handicapé » pouvait être un irritant pour les parents ou les enfants, et que l’utilisation du terme « élèves en difficulté » était préférable, bien que certains aient aussi exprimé des préoccupations par rapport à la connotation négative de ce terme[9].

 

Le résultat est que l’étude représente finalement plus les points de vue d’adultes concernés que les opinions des enfants eux-mêmes. La perspective des enfants n’y est donc pas aussi présente que voulue, mais d’un autre côté la participation des parents a apporté beaucoup d’information supplémentaire sur le système de l’éducation de l’enfance en difficulté.

 

2. Quant aux données exposées

 

Malgré la richesse des contributions des parents, cette étude n’a pas pour but d’exposer toutes les difficultés liées à l’éducation de l’enfance en difficulté. Seulement les données pertinentes à la participation directe ou indirecte des enfants handicapés ont été analysées.

 

3. Quant à la portée géographique

 

L’étude est délimitée à la province de l’Ontario et encore plus particulièrement à la région de la capitale nationale. Nous sommes conscients du fait que même si la législation s’applique partout dans la province, les conseils scolaires ont une large marge de manœuvre pour mettre en œuvre les politiques provinciales en matière d’éducation. Ainsi, ce qui se passe dans un conseil, n’est pas nécessairement représentatif des autres conseils. De même, les situations en région rurale sont différentes des villes.

 

Néanmoins, plusieurs entrevues ont eu lieu avec des personnes se trouvant en dehors de la région d’Ottawa, notamment dans l’est de l’Ontario, et spécifiquement la région de Prescott-Russell, ainsi que dans des communautés francophones du nord-est de l’Ontario. Un plus petit nombre d’entrevues a été effectué avec des personnes représentant les régions de Toronto et de York. Alors qu’il était l’intention au départ pour cette étude de se limiter à l’expérience des usagers du système scolaire d’Ottawa, la recherche a donc mené aussi à d’autres régions par l’intérêt des parents qui voulaient participer à l’étude. Cela n’a pas été fait de manière systématique, et nous ne prétendons pas que la recherche soit représentative des autres régions, mais ces discussions ont pu confirmer les données recueilles à Ottawa, en plus de démontrer les différences existant entre la ville et la campagne.

 

4. Quant aux handicaps

 

Alors que cette étude voulait être la plus représentative possible, tous les groupes de personnes handicapées n’ont pas pu être atteints. La recherche de participants a démontré que certains groupes sont beaucoup mieux organisés et plus actifs que d’autres. Ce sont bien sûr les groupes qui sont les plus actifs qui sont les plus faciles à atteindre, et qui sont aussi intéressés à participer. Ces groupes agissent sur le plan du lobbying politique et ils veulent se faire entendre pour faire passer leur message. Ces groupes incluent les organisations représentant les personnes avec des troubles d’apprentissage, l’autisme, la déficience intellectuelle, ainsi que la surdité (spécifiquement les organisations prônant la méthode oraliste).

 

 

Précédent Suivant
D’abord Bout
Table des matières