Dans cette  partie nous présentons le cadre normatif de l’étude, y compris la notion juridique de « participation », tirée des conventions internationales. Les concepts de participation directe et indirecte sont développés dans le contexte de l’éducation, eu égard aux obligations internationales du Canada. Ensuite nous examinons le cadre juridique interne composé de la législation, de la jurisprudence et des documents de politique. La dernière section comporte une évaluation de ces données par rapport au concept juridique de participation tel que défini ici.

 

A. Le concept de participation

 

1. La participation comme concept juridique

 

Le concept de participation semble être un concept fourre-tout et un mot en vogue, qui est beaucoup utilisé surtout dans le domaine du développement. On parle de participation dans le processus politique (démocratie participative), et de participation des populations vulnérables dans le développement de programmes et de recherche participative. Dans le domaine du handicap, ce terme signifie de manière générale l’inclusion dans la société[10]. En matière de développent social et dans le cadre du mouvement pour les droits des personnes handicapées, la participation est en effet contrastée avec la ségrégation, généralement reliée au modèle médical du handicap, qui s’intéresse à la condition physique de la personne, plutôt qu’à son environnement[11]. Participer, dans le contexte social, implique la levée de tous les obstacles qui empêchent les personnes handicapées d’être pleinement incluses dans tous les secteurs et dans toutes les activités de la société. Ceci est en accord avec l’approche adoptée par l’Organisation mondiale de la santé, qui, dans sa Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF), inclut depuis 2001 la participation comme « l’implication d’une personne dans une situation de vie réelle »[12].

 

Alors que la participation n’est pas un terme commun en matière juridique, on retrouve ces mêmes significations dans certaines conventions des droits de la personne. La Convention sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes mentionne ce terme en relation avec la participation à la vie publique, la participation dans le développement et la participation aux activités de la communauté[13]. Dans la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE)[14], la participation apparaît dans l’article 23, sur les droits des enfants handicapés, en relation avec la participation active des enfants handicapés à la vie de la collectivité. Le Comité des droits de l’enfant, organe de suivi de la CDE, a noté que le message clef est l’intégration des enfants à la société[15]. C’est dans ce sens que le terme apparaît plusieurs fois dans la CDPH. Un des principes généraux de la convention est d’ailleurs « la participation et l’intégration pleines et effectives à la société » (art. 3(c)), ce qui veut dire que toutes les dispositions doivent être interprétées comme mettant en application ce principe.

 

Alors que l’inclusion dans tous les secteurs et activités de la société est le sens le plus courant du terme « participation», nous nous intéresserons à son sens plus strict, qui ressort des droits de l’enfant. En effet, en droits de l’enfant, le terme participation est devenu le synonyme du droit des enfants d’être entendus, garanti par l’article 12 de la CDE[16]. Cet article dispose que l’enfant capable de discernement a le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant et que les opinions de l’enfant seront prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. De plus, dans les procédures judiciaires et administratives, l’enfant pourra être entendu soit directement, soit  par l’intermédiaire d’un représentant ou d’une organisation appropriée. Cette disposition a été reprise dans la CDPH dans son article 7 sur les enfants handicapés. On y ajoute en plus le droit de l’enfant d’obtenir une aide adaptée à son handicap et à son âge pour pouvoir exercer ce droit de participation. De surcroît, la CDPH renforce le droit de participation dans le sens du droit d’être entendu dans les affaires qui nous concernent. En effet, la convention, dans son article 4(3), rajoute l’obligation pour les États de consulter étroitement les personnes handicapées, y compris les enfants handicapés, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, pour toute question touchant à la mise en œuvre de la convention, y compris au niveau de l’élaboration de lois et de politiques.

 

Ainsi, grâce à l’article 12 de la CDE et aux dispositions de la CDPH qui renforcent le droit d’être entendu, le droit de participation acquiert une signification juridique bien définie. Le Canada, qui est un État partie à la CDE depuis 1991 et à la CDPH depuis 2010, a donc des obligations internationales qui peuvent se résumer ainsi :

L’obligation de donner l’opportunité aux enfants d’être entendus dans les questions qui les intéressent individuellement, soit directement, soit à travers leurs représentants.
L’obligation de consulter les enfants handicapés à travers les organisations qui les représentent au niveau de l’élaboration de lois et de politiques qui les concernent.
 

2. La signification dans le contexte de l’éducation

 

Participation directe

 

Qu’est-ce que cela veut dire dans le contexte de l’éducation des enfants handicapés? Pour la première obligation, il s’agit notamment de donner la possibilité aux enfants de s’exprimer concernant les décisions qui les touchent directement, par exemple au niveau des processus d’identification, de placement et du développement du PEI. On peut y ajouter aussi les décisions de suspension ou d’expulsion. Donner l’occasion aux enfants de s’exprimer implique notamment  le devoir de leur donner l’information pertinente dans un format qu’ils comprennent et de leur offrir l’occasion de s’exprimer d’une manière qui leur convient, c’est à dire pas nécessairement selon les modalités prévues pour les adultes. Cela implique également que les décideurs doivent prendre en compte l’opinion de l’enfant, même si cette opinion ne sera pas nécessairement décisive.

 

Lorsque l’enfant participe directement, il faut s’assurer que les procédures soient adaptées, pour que la participation soit effective et non simplement formelle. Il faudrait donc s’assurer par exemple que les adultes présents soient préparés, que les enfants comprennent la procédure, qu’ils soient activement inclus, et que la procédure soit basée sur le dialogue plutôt qu’un mode conflictuel. Cela est surtout pertinent pour les procédures plus formelles telles que les réunions du CIPR ou de la CAEED.

 

Les difficultés reliées à la pleine participation diffèrent naturellement d’un enfant et d’un contexte à l’autre et doivent donc être traitées au ca par cas. Par exemple, dans les régions rurales, le manque de services et le besoin de transports peuvent poser des obstacles à la participation. Vu la grande diversité des handicaps, il est clair que le type et le degré de handicap doivent aussi être pris en compte : Les besoins d’un un enfant aveugle ne sont pas les mêmes que ceux d’un un enfant ayant des déficiences intellectuelles. Cependant pour tous, l’accessibilité de l’information et de la communication est cruciale. Cette accessibilité est reliée particulièrement à un diagnostic correct des déficiences, à la disponibilité des services et à la formation des adultes impliqués. Par exemple, un enfant sourd va pouvoir avoir besoin soit d’un recours à un interprète en langue des signes, soit à une aide auditive et/ou à la présence d’adultes qui sont formés dans la méthode oraliste. Un enfant ayant des troubles d’apprentissage peut avoir besoin d’information orale et/ou visuelle (plutôt qu’écrite), selon son mode d’apprentissage. La CDPH donne d’ailleurs une indication de l’étendue des accommodements nécessaires pour arriver à l’accessibilité de la communication pour tous :

On entend par « communication », entre autres, les langues, l’affichage de texte, le braille, la  communication tactile, les gros caractères, les supports multimédias accessibles ainsi que les modes, moyens et formes de communication améliorée et alternative à base de supports écrits, supports audio, langue simplifiée et lecteur humain, y compris les technologies de l’information et de la communication accessibles.

 

On entend par « langue », entre autres, les langues parlées et les langues des signes et autres formes de langue non parlée ; (art. 2)

 

L’âge, le niveau de développement et la maturité de l’enfant doivent aussi pouvoir être pris en compte, pour s’assurer que chacun ait la chance de participer. La recherche indique qu’il n’y a pas d’âge minimum pour pouvoir donner son opinion[17]. Cependant des ajustements doivent être faits pour permettre aux enfants de différents âges de participer. Il est clair que la participation d’un enfant de 15 ans est différente de celle d’un enfant de 5 ans. La participation d’un élève du secondaire pourra ressembler plus à la participation des adultes, avec des ajustements au niveau du vocabulaire utilisé, entre autres, alors que celle d’un élève de maternelle pourra se faire par exemple par le dessin.

 

Les obstacles reliés à l’âge et au handicap sont souvent reliés aussi aux préjudices des adultes en plus des problèmes d’accessibilité. Les adultes ont tendance à vouloir protéger les enfants et les privent ainsi de l’information nécessaire qui leur permettrait de participer de manière significative aux processus de prise de décision. Ainsi, come le souligne le Comité des droits de l’enfant, il est important que les adultes impliqués soient formés pour répondre aux besoins individuels des enfants eu égard à leur âge et à leur handicap, de même que pour comprendre les droits des enfants et l’importance de leur participation dans le respect du développement de leurs capacités[18].

 

Participation indirecte

 

Selon les différentes procédures en question, on peut prévoir que l’enfant s’exprimera directement ou à travers un représentant. Il est entendu que plus la procédure est formelle, plus il sera question de participation indirecte. Si l’enfant participe à travers son représentant, il est important que ce représentant transfère le point de vue de l’enfant, et qu’il ne représente pas uniquement son propre opinion sur l’intérêt de l’enfant. Bien que les parents soient les meilleurs spécialistes en ce qui concernent leur propre enfant, il ne faut pas perdre de vue le fait que leur intérêt ne coïncide pas toujours avec l’intérêt de l’enfant, ni le fait que l’intérêt de l’enfant ne correspond pas toujours avec l’opinion de l’enfant[19].

 

De plus, les parents ont l’obligation d’aider leurs enfants à exercer leurs droits d’une manière qui soit conforme aux capacités évolutives de ceux-ci[20]. Cela ne veut pas dire que les parents ne peuvent pas présenter leur point de vue et le défendre, mais que s’ils représentent l’enfant et l’aident à exercer son droit de participation, ils doivent connaître son point de vue et le transmettre aux décideurs. Ces remarques valent aussi pour les autres représentants de l’enfant, tels que les avocats pour enfants, les tuteurs à l’instance nommés par les tribunaux, les défenseurs des enfants et les défenseurs en éducation, entre autres.

 

Pour la deuxième obligation il faut que le gouvernement provincial puisse consulter les enfants handicapés par rapport à la législation sur l’éducation et les politiques pertinentes. Cela comprend les lois, règlements et politiques concernant l’éducation à l’enfance en difficulté, mais aussi les documents juridiques et politiques plus généraux, qui touchent ces enfants particulièrement, tels que la Loi sur la sécurité dans les écoles et la politique de la Tolérance zéro[21]. Pour satisfaire à cette obligation il faut que les organisations consultées par le gouvernement soient en mesure de représenter les enfants handicapés et qu’elles procèdent à des consultations des enfants qu’elles représentent. Ceci peut se faire par exemple par des sondages ou des discussions avec des groupes témoins. Les réflexions sur la prise en compte de l’âge et du handicap de l’enfant s’appliquent bien entendu dans ce cas également.

 

B. Le cadre juridique

 

Nous allons catégoriser ici les documents qui définissent le cadre législatif concernent l’éducation des enfants handicapés[22]. Nous y incluons la législation et les documents de politique, ainsi que la jurisprudence pertinente. Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive, mais il s’agit des documents qui se sont avéré les plus pertinents pour cette étude. Les documents législatifs et les documents de politique sont classés du plus général au plus détaillé, ce qui correspond aussi à une certaine hiérarchie entre les documents.

 

1. Les lois

 

Le Code des droits de la personne[23]

 

Ce Code, qui l’emporte sur les autres lois ordinaires en Ontario, garantit le traitement égal à tous en matière de services, de biens et d’installations. Or, la jurisprudence établit que l’éducation est un service au sens du Code[24]. Le Code interdit explicitement la discrimination fondée sur le handicap, qui est défini comme suit :

a) tout degré d’incapacité physique, d’infirmité, de malformation ou de défigurement dû à une lésion corporelle, une anomalie congénitale ou une maladie, et, notamment, le diabète sucré, l’épilepsie, un traumatisme crânien, tout degré de paralysie, une amputation, l’incoordination motrice, la cécité ou une déficience visuelle, la surdité ou une déficience auditive, la mutité ou un trouble de la parole, ou la nécessité de recourir à un chien-guide ou à un autre animal, à un fauteuil roulant ou à un autre appareil ou dispositif correctif;

b) un état d’affaiblissement mental ou une déficience intellectuelle;

c) une difficulté d’apprentissage ou un dysfonctionnement d’un ou de plusieurs des processus de la compréhension ou de l’utilisation de symboles ou de la langue parlée;

d) un trouble mental;…

 

Bien que la liste soit limitative et qu’elle se fonde sur un modèle médical  du handicap, elle inclut les différentes catégories d’anomalies prévues par la législation, comme nous allons voir ci-dessous.

 

Alors que le Code lui-même ne mentionne pas la participation des enfants handicapés, la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) s’y intéresse. C’est sur la base de l’obligation de traiter les enfants handicapés sans discrimination que la Commission a élaboré des politiques et des guides en matière d’éducation spéciale et d’accessibilité, qui sont pertinents pour la question de la participation. Le Code est aussi important pour la question de la participation dans les décisions qui concernent les enfants handicapés, car il prévoit des mécanismes de plaintes qui peuvent être utilisés en cas de discrimination pour cause de handicap dans le domaine de l’éducation.

 

La Loi sur l’éducation[25]

 

C’est la loi cadre qui s’applique à l’éducation en Ontario, et qui comporte les principales modifications apportées à l’éducation des enfants handicapés par la Loi de 1980 modifiant la Loi sur l’éducation. Cette loi définit « l’élève en difficulté » comme : « élève atteint d’anomalies de comportement ou de communication, d’anomalies d’ordre intellectuel ou physique ou encore d’anomalies multiples qui appellent un placement approprié ». La Loi sur l’éducation assure que les enfants handicapés recevront gratuitement des programmes d’enseignement et des services destinés à l’enfance en difficulté. Il prévoit l’identification des élèves et la création de comités pour ce faire, la possibilité de faire appel des décisions du comité, ainsi que la création de Tribunaux à l’enfance en difficulté et de Comités consultatifs pour l’enfance en difficulté au sein de chaque Conseil scolaire. La Loi prévoit aussi l’existence des écoles provinciales pour les élèves sourds et aveugles et des écoles d’application pour les élèves ayant des difficultés d’apprentissage.

 

Cette loi, qui sert de cadre pour tous les règlements et politiques en matière d’éducation à l’enfance en difficulté, ne contient aucune disposition se rapportant à la participation des élèves dans les questions qui les concernent. Rien ne garantit donc la participation des enfants handicapés dans les questions qui les concernent, ce qui ne semble pas être discriminatoire en soi, puisqu’on ne reconnait pas aux autres élèves non plus le droit d’être entendus; la seule exception relevant de la nomination d’élèves conseillers au sein des conseils scolaires. Même les décisions qui peuvent toucher les convictions intimes de l’enfant, telles que l’éducation religieuse, ne sont pas soumises à la décision de l’enfant (art. 51). Il est à noter que le manque de dispositions sur la participation des élèves est flagrant, surtout considérant que l’âge de l’éducation obligatoire est de 18 ans, et que les enfants entre l’âge de 12 et de 18 ans ont beaucoup plus de chances de participer dans d’autres secteurs de la vie[26]. Il faut considérer cependant que, vu que les enfants handicapés ont le choix de rester scolarisés jusqu’à l’âge de 21 ans, plusieurs d’entre eux vont avoir la possibilité d’agir indépendamment dans le système scolaire. Ceci peut être difficile cependant si le jeune âge des élèves n’est pas pris en compte dans les procédures.

 

2. Les règlements

 

Le règlement 181/98[27]

 

Il s’agit du règlement qui régit l’identification et le placement des élèves en difficulté en conformité avec la loi. Il prévoit la création de CIPR au sein de chaque conseil scolaire et les grandes lignes de leur fonctionnement, y compris l’aiguillage des élèves vers le comité et le réexamen de décisions. Il détermine également les modalités d’appel des décisions des comités. Le règlement contient aussi des dispositions sur l’élaboration du PEI, d’un plan de transition pour les élèves de 14 ans et plus, et la préparation, par chaque conseil scolaire, de guides pour les parents. C’est donc le document principal qui définit les procédures liées à l’éducation de l’enfance en difficulté, ainsi que les droits des parents.

 

Ce règlement détermine que les enfants de 16 ans et plus pourront participer aux réunions du CIPR et de la CAEED. Cependant, les élèves eux-mêmes ne peuvent pas faire appel ou saisir le TEDO. Les élèves qui ont moins de 16 ans ne peuvent participer qu’à la demande du CIPR et avec l’accord des parents. C’est au comité de décider s’il est utile de faire participer l’enfant et aucune des politiques ou directives du ministère n’élabore sur ce sujet. Le règlement ne prévoit pas la participation des enfants de moins de 16 ans à propos de leur PEI ou de leur plan de transition non plus. On pourrait penser qu’il serait important de consulter l’étudiant à propos de son plan de transition, qui doit être inclus pour l’élève de 14 ans et plus, et qui concerne ses options après la fin des études secondaires, notamment les orientations vers des études supérieures ou un emploi, ainsi que la vie indépendante.

 

Le règlement 306[28]

 

Ce règlement porte sur les programmes d’enseignement et les services à l’enfance en difficulté. Il dispose que chaque conseil scolaire devra adopter un plan pour l’enfance en difficulté et le réexaminer annuellement. Ce plan doit être présenté au ministre de l’éducation. Le règlement est pertinent pour cette étude, car le droit de participation devrait prévoir la consultation des enfants handicapés sur l’élaboration de ce genre de plan.

 

 

Le règlement 464/97[29]

 

Ce règlement porte sur la création des CCED au sein des conseils scolaires et définit leur rôle et leur composition. Ces comités sont intéressants pour cette étude en ce qu’ils doivent être consultés lors du développement du plan pour l’enfance en difficulté et qu’ils peuvent représenter les enfants handicapés. Alors que les élèves en difficulté ne siègent pas sur le CCED, celui-ci est composé majoritairement de représentants d’organisations qui promeuvent les intérêts des enfants handicapés, et il y aurait donc une possibilité de participation indirecte des enfants à travers cet organe.

 

Les règlements 296 et 298[30]

 

Ces règlements portent sur la création des écoles pour sourds et aveugles et sur le fonctionnement des écoles. Ces règlements sont pertinent, notamment en ce qu’ils définissent le rôle de chacun (enseignants, parents, surintendant…), prévoient les obligations des élèves, et traitent des mesures de discipline et des possibilités d’appel, qui sont limités aux parents et aux élèves de plus de 18 ans. Il est intéressant de noter que les droits de l’étudiant ne sont pas associés aux obligations des étudiants dans ces règlements.

 

 

 

3. Les documents de politique

 

Normes sur le Plan d’enseignement individualisé[31]

 

Ce document contient des normes que doivent suivre les enseignants et directeurs d’école lors de l’élaboration, de la mise en œuvre et du suivi des PEI. Le document spécifie qu’un PEI doit être élaboré pour chaque enfant ayant été identifié par un CIPR. Le document explique que les parents et l’élève, s’il a au moins 16 ans, doivent être consultés à propos du PEI et qu’il doit y avoir des preuves sur ces consultations, notamment à travers un formulaire qui doit être signé. Le formulaire, qui sert à s’assurer que les parents ont bien été consultés et informés sur l’élaboration du PEI, doit indiquer si les parents ont :

• été consultés lors de l’élaboration du PEI;

• refusé d’être consultés;

• reçu un exemplaire du PEI;

• fourni des commentaires qui ont été notés sur le formulaire (p. 18)

 

Concernant la participation des élèves à de moins de 16 ans à ce processus, le Ministère y réitère simplement les dispositions du Règlement 181/98.

 

Normes concernant les plans de l’enseignement de l’enfance en difficulté[32]

 

Il s’agit de normes que doivent respecter les conseils scolaires lors de l’élaboration de leur plan de l’enseignement à l’enfance en difficulté. En premier lieu, ce document inclut des normes pour la consultation de la communauté pour l’élaboration du plan. Le conseil doit tenir compte des préoccupations des parents, des conseils d’école, des organismes communautaires et des élèves. Ces consultations publiques doivent avoir lieu avec l’appui du CCED et elles doivent êtres tenues de façon continue pendant toute l’année.

 

À la lecture de ces normes on se pose la question suivante : Comment les élèves vont-ils pouvoir participer, puisqu’ils ne sont pas représentés par le CCED? Le document n’offre pas d’explication sur cette question. Les plans des conseils doivent comprendre notamment un résumé des commentaires reçus suite aux consultations menées par le conseil lors du développement du plan. En étudiant le plan du conseil scolaire public d’Ottawa : Ottawa-Carleton District School Board (OCDSB), par exemple, on apprend que les consultations ont eu lieu en ligne à travers le site du conseil[33]. En lisant le plan du Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO), on apprend que la consultation s’est faite uniquement à travers le CCED, et le conseil note que ces réunions sont ouvertes au public[34]. Dans ces deux cas, rien n’indique que des élèves aient participé à la consultation ou qu’ils aient été informés de cette possibilité. Même dans le cas d’un conseil où les efforts de consultations ont été bien plus élaborés, on note que le conseil n’a pas spécifiquement recherché les points de vue des élèves. Ainsi, le plan du Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE) explique que :

[p]rès de 1 200 personnes représentant les parents, le personnel enseignant, les éducatrices et les éducateurs, le personnel préposé aux soins, les directions d’école, le personnel professionnel non enseignant, les associations et autres groupes d’appui ainsi que le CCED avaient participé à cette étude par le truchement d’entrevues de groupe, de rencontres individuelles ou de  questionnaires. Une invitation avait aussi été lancée à l’ensemble de la communauté et une ligne téléphonique ainsi qu’une adresse de courrier électronique étaient à la disposition de quiconque voulait se faire entendre sur les thèmes de l’étude.[35]

 

Les consultations sont bien ouvertes à la communauté, mais il serait intéressant de savoir à quel point la communauté, y compris les élèves, sont conscients de ces processus et des possibilités d’y participer.

 

En annexe, les Normes sur les plans de l’enseignement à l’enfance en difficulté précisent les rôles et responsabilités en éducation de l’enfance en difficulté. Les acteurs incluent le Ministère de l’éducation, le conseil scolaire, le CCED, la direction de l’école, les enseignants, les parents et l’élève. En ce qui concerne l’élève, le document précise que celui-ci :

• respecte les obligations décrites dans la Loi sur l’éducation, les règlements et les Notes Politiques/Programmes.

• respecte les politiques et processus du conseil.

• participe aux rencontres du CIPR, aux conférences entre parents et personnel enseignant et aux autres activités, au besoin.  (p. 21)

 

La possibilité de participer est donc prévue, mais sans plus d’explication et l’utilisation du terme « au besoin » reste vague et n’encourage certainement pas les conseils scolaires à développer cette possibilité.

 

Notes politique/programmes[36]

 

Ces notes sont envoyées par le ministère de l’éducation aux conseils scolaires, et portent notamment sur les prestations de services et programmes pour les élèves qui ont des difficultés d’apprentissage (NPP no. 8); sur l’obligation de dépistage précoce des besoins d’apprentissage des enfants (NPP no. 11), sur l’évaluation des élèves et l’administration de tests psychologiques (NPP no. 59) et sur la prestation de services auxiliaires de santé offerts en milieu scolaire (NPP no. 81).

 

Concernant les diagnostics, la NPP no. 8 indique qu’ « il est primordial de discuter les résultats des diagnostics et leurs conséquences avec le père ou la mère, l’élève et les éducateurs engagés dans la planification et la mise en œuvre du programme de l’élève »[37]. On y explique l’importance de la collaboration entre le foyer et l’école, mais on n’y élabore pas sur la participation de l’élève.

 

La NPP no.81 explique que les procédures relatives à l’administration de médicaments par voie buccale, en particulier, devraient exiger, notamment, que le médicament soit donné « d’une façon qui encourage l’élève à assumer une certaine responsabilité à cet égard »[38]. La note ne contient aucune explication sur cette directive.

 

Les politiques des conseils scolaires

 

Sur la base de tous ces documents fournis par le Ministère de l’éducation, les conseils scolaires adoptent leurs propres politiques et guides qui sont adaptés aux besoins au niveau local. Chaque conseil a ses propres réponses aux exigences du ministère et il convient de souligner le fait que le système d’éducation en Ontario est décentralisé.

 

Les résultats de la recherche sont très variés d’un conseil à l’autre. En prenant comme exemple la région d’Ottawa, on peut constater que certains conseils se sont doté de plusieurs politiques élaborées en matière d’enfance en difficulté et que d’autres n’en ont aucune, basé sur l’information obtenue de leurs sites internet. Par exemple, le conseil scolaire publique anglophone d’Ottawa, OCDSB, qui est le plus large de la région, dispose de plusieurs documents de politique et de procédure sur l’éducation à l’enfance en difficulté[39], alors que sa contrepartie francophone, le CEPEO, n’affiche aucune politique particulière sur ce sujet[40].

 

Les documents de politique sur l’éducation spécialisée d’OCDSB portent sur l’enseignement à domicile, la collaboration avec les services financés par le particulier, les partenariats avec les agences externes, la commission d’appel, les programmes et services pour élèves en difficulté, l’équipement spécialisé, les mesures de contrôle et salles de retrait. En examinant ces documents, on note qu’aucun ne porte sur la participation des enfants. La politique sur les commissions d’appel indique que les parents peuvent assister à la réunion de la CAEED, ainsi qu’aux délibérations du conseil lorsque la commission lui présente son rapport[41]. À ce moment-là, les parents ne peuvent plus intervenir. La politique sur les services et programmes à l’enfance en difficulté indique que l’objectif de base du conseil est d’assurer que les parents des élèves en difficulté soient consultés à propos de l’évaluation, de l’identification, du placement et du réexamen de chaque élève[42].

 

4. Autres guides et rapports

 

Une chance de réussir[43]

 

Il s’agit d’un rapport de consultation de la CODP qui porte sur l’accès à l’éducation par les enfants handicapés, et qui se base sur le document Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement[44]. Selon le rapport, le personnel de l’école devrait collaborer avec l’élève et ses parents dans le développement du PEI. Ce document définit aussi les rôles et responsabilités de tous les acteurs. Concernant l’étudiant, il prévoit que celui-ci devrait :

 

§  aviser le fournisseur de services d’éducation qu’il a besoin d’une adaptation en raison d’un handicap;

§  décrire ses besoins au meilleur de sa capacité, afin que le fournisseur puisse lui procurer l’adaptation demandée;

§  répondre aux questions ou fournir de l’information sur ses limites pertinentes, en incluant au besoin de l’information provenant de professionnels de la santé,  lorsque c’est approprié;

§  participer aux discussions sur des mesures d’adaptation possibles;

§  coopérer avec tout spécialiste dont l’aide est nécessaire;

§  remplir ses obligations convenues dans le plan d’adaptation;

§  collaborer de façon continue avec le fournisseur de services d’éducation en ce qui concerne la gestion du processus d’adaptation;

§  informer le fournisseur de ses difficultés éventuelles sur le plan de l’accès à la vie scolaire, y compris ses problèmes relatifs aux adaptations accordées. (p. 78)

 

En plus, le rapport reconnait l’existence d’attitudes négative et de stéréotypes à l’encontre des enfants handicapés. Ces attitudes peuvent porter gravement atteinte à la dignité et à la confiance en soi de ces personnes et à leurs perceptions sur leur place dans le système d’éducation (p. 30). Il va sans dire que ces attitudes auront un effet négatif non seulement sur les opportunités des enfants handicapés de participer aux processus de prise de décision, mais aussi sur leur volonté de le faire.

 

Directives concernant l’éducation accessible[45]

 

Ces directives ont été préparées par la CODP pour accompagner le rapport de consultation sur l’accessibilité de l’éducation, examiné ci-dessus. Les Directives reprennent notamment les rôles et responsabilités des différents acteurs, en donnant un rôle significatif à l’étudiant  Les Directives reprennent également les principes de base du document Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement en les appliquant au contexte de l’éducation.

 

En examinant la discrimination fondée sur le handicap et le principe de l’adaptation, ces directives expliquent que l’on porte atteinte à la dignité lorsque l’on « marginalise, stigmatise, néglige ou dévalorise des personnes ». En plus, les Directives précisent que « le respect de la dignité consiste également à tenir compte de la façon dont une adaptation est fournie et de la participation des élèves et étudiants (ou de leurs parents et tuteurs) au processus » (p. 9). Ainsi, selon la Commission, l’absence de participation des élèves dans les procédures reliées à la mise en place et à la mise en œuvre des adaptations pourrait constituer un manque d’accommodement et donc une forme de discrimination envers les personnes handicapées. Pour toute procédure d’adaptation, il faut un dialogue et les élèves devraient être informés de leur droit de participer au processus d’adaptation. En termes d’éducation à l’enfance en difficulté, le processus d’adaptation réfère notamment au développement du PEI.

 

Le document prévoit également la possibilité pour les élèves de porter plainte, avec la création de procédures à cet effet. Pour la résolution des différends, « les élèves et leurs parents devraient pouvoir faire appel sans délai à un mécanisme permettant de signaler et de régler les problèmes liés à l’identification des besoins d’un élève liés à son handicap, au placement, aux programmes et services, et à tout autre aspect relatif au processus. » (p. 23)

 

En plus, « les fournisseurs de services d’éducation doivent d’abord tenter de créer ou d’adapter des services d’éducation de manière à assurer l’intégration et la pleine participation des élèves et étudiants handicapés. » (p.11) Les adaptations appropriées doivent avoir pour objectif d’assurer l’intégration et la pleine participation des élèves et étudiants handicapés à la vie scolaire. Donc les accommodements eux-mêmes doivent pouvoir favoriser la participation des élèves.

 

Guide pour les éducatrices et éducateurs sur l’éducation de l’enfance en difficulté[46]

 

Contrairement à son intitulé, ce guide préparé par le Ministère de l’éducation ne s’adresse pas seulement aux enseignants, mais à tout le personnel des écoles et des conseils scolaires impliqués dans l’enseignement de l’enfance en difficulté. Le guide fournit des informations sur les lois, les règlements, les politiques, les programmes et les ressources propres à l’éducation des élèves en difficulté. Ce document reprend les mêmes éléments concernant les rôles et responsabilités des différents acteurs en matière de l’éducation de l’enfance en difficulté que les Normes concernant les plans de l’enseignement de l’enfance en difficulté des conseils scolaires, sauf qu’il a adopté une traduction plus favorable à la participation. Contrairement aux Normes, ce guide ne traduit pas l’expression anglaise as appropriate par « au besoin », qu’on lie à la participation de l’enfant, mais plutôt par « pertinentes », reliant donc ce qualificatif aux activités auxquelles pourrait participer l’élève : « participe au processus du CIPR, aux rencontres parents-personnel enseignant et aux autres activités scolaires pertinentes ». Cette compréhension du document anglais devrait favoriser la participation des élèves, car on n’aurait plus à satisfaire la condition du « besoin » pour faire participer l’élève. Il est à noter que le Guide de prévention et de résolution de conflits concernant les programmes et services offerts aux élèves ayant des besoins particuliers (ci-dessous) adopte cette même traduction permettant de favoriser la participation des élèves handicapés  (Annexe A).

 

Guide de prévention et de résolution de conflits concernant les programmes et services offerts aux élèves ayant des besoins particuliers [47]

 

Ce guide préparé par le Ministère de l’éducation se concentre sur la communication entre les parents et les employés de l’école. Il inclut notamment une liste de stratégie pour s’assurer que les réunions se déroulent bien (p. 24). Par exemple on y recommande que la représentation des parties soit équilibrée et que des adaptations nécessaires soient faites pour les parents et/ou l’élève. C’est un point très important, car bien qu’on y donne comme exemple l’interprétation en langue des signes, on doit comprendre également que la procédure doive être adaptée à l’enfant qui participe à la réunion. D’ailleurs on y demande que toutes les parties comprennent le processus du PEI, que tout le monde connaisse l’objectif de la réunion et possède les renseignements nécessaires pour participer à la discussion, et que l’on s’assure que l’endroit et l’heure de la réunion conviennent à tout le monde. De plus, le Guide demande que chacun ait la possibilité de s’exprimer et que l’on soit attentif aux points de vue de chacun. Ces mesures sont très pertinentes pour permettre à un enfant de participer effectivement.

 

Pour résoudre les conflits, le document discute de l’importance du rôle des parents comme défenseurs agissant pour défendre les intérêts de leur enfant, ainsi que de l’importance du plaidoyer de l’enfant (self-advocacy) (p.28) Pour les parents, le guide suggère que ceux-ci aient recours à un porte-parole des parents (parent advocate). Concernant les enfants, le Guide reconnait que la capacité de défendre ses droits est une habileté importante à développer chez l’élève pour que celui-ci puisse réussir ensuite à tous les stades de sa vie. Les parents et les éducateurs doivent coopérer pour aider l’enfant à exprimer ses points de vue et à comprendre ses besoins. Le Guide reconnait que « Les écoles sont un excellent endroit pour permettre à ces élèves de commencer à développer et à utiliser des habiletés de défense de leurs droits qui leur serviront pendant toute leur vie. » (p. 29) On y reconnait également que pour défendre leurs droits, les élèves doivent comprendre leurs droits et leurs responsabilités. Cela veut dire clairement qu’il incombe au système de l’éducation d’enseigner les droits aux élèves et d’accepter qu’ils exercent leurs habiletés de défense de leurs droits à l’intérieur de ce système. Pour aider les adultes à décider si un enfant devrait participer à une réunion, le Guide suggère que l’on se pose les questions suivantes : L’enfant a-t-il :

–          la capacité de comprendre la procédure et l’objet de la réunion (aptitudes cognitives)?

–          la capacité de se comporter correctement pendant la réunion (habiletés comportementales)?

–          la capacité d’identifier, d’exprimer et de gérer de manière adéquate ses sentiments pendant la réunion (maturité émotionnelle)?

–          des besoins (accès physique, interprète, etc.) qui requièrent des adaptations pendant la réunion? (p. 29)

 

Il s’agit certainement du document le plus important du Ministère de l’éducation portant sur la participation des enfants dans les processus de décision qui les concernent. Il est intéressant d’ailleurs que dans les exemples de pratique à suivre donnés dans ce guide, et basés sur des mises en situation, on suggère comme stratégie que l’enfant participe activement à la discussion ou à la résolution de problème, qu’il s’agisse d’un élève de 4e année (p. 25) ou de 9e année (p. 38). On ne se cantonne donc pas à la participation prévue par la législation, et on considère que la plupart du temps, la participation de l’enfant est importante pour arriver à une bonne solution. Pour une participation efficace de l’enfant, le Guide suggère d’encourager l’enfant à inviter un porte-parole qui pourra le soutenir à la réunion.

 

Le rapport de la Table de concertation sur l’éducation de l’enfance en difficulté[48]

 

Ce r préparé pour le Ministère de l’éducation propose des solutions pour l’amélioration de l’éducation de l’enfance en difficulté en Ontario. Le rapport met l’accent sur le besoin de formation dans le système scolaire, la responsabilité des conseils scolaires pour le rendement scolaire des élèves, la stabilité du financement, et la coordination des services.

 

Concernant la question de la participation, le rapport promeut la collaboration et le dialogue entre les différents acteurs, et notamment entre les parents et les éducateurs. Le rapport prône la révision des politiques du CIPR et du PEI pour favoriser la participation efficace des parents. Dans le cadre de la collaboration avec les parents, il est noté que « Dans les cas pertinents, la participation des élèves à ce processus devrait également être encouragée » (p. 18). Le processus réfère de manière générale aux décisions touchant les programmes et les services destinés aux enfants en difficulté, et particulièrement au processus de PEI, dans le cadre duquel les élèves partageraient des renseignements avec les autres acteurs. Concernant la participation indirecte par l’intermédiaire des parents, on suggère que ceux-ci aient accès à des représentants ou médiateurs pour aider à prévenir et résoudre les conflits avec le système scolaire.

 

Le rapport de la Table ronde pour l’enseignements en matière de littératie et de numératie pour les élèves ayant des besoins particuliers[49]

 

Alors que ce rapport, préparé pour le Ministère de l’éducation, porte sur l’amélioration de l’efficacité de l’enseignement de la lecture, de l’écriture, de la communication orale et des mathématiques, il est intéressant de noter que dans le cadre de l’évaluation des élèves, le rapport prône des rencontres entre enseignant et étudiant au courant desquels l’enseignant discute avec l’élève et aide celui-ci à définir des buts et des objectifs pédagogiques réalisables (p. 25). L’élève participe donc à la définition des objectifs pédagogiques. De plus, on y suggère que l’enseignant utilise une variété de techniques de discussion pour encourager l’interaction et aider l’élève à mieux se connaître et à développer une plus grande autonomie. Ces rencontres servent donc aussi à développer les capacités de plaidoyer des élèves.

 

Les Renseignements pour les parties du Tribunal de l’enfance en difficulté de l’Ontario[50]

 

Depuis 2008, le TEDO a développé la partie des Renseignements portant sur la participation de l’enfant à l’audience de manière importante (par. 7.6-7.10). Avant la révision de 2008, le sujet était traité en un paragraphe sans renseignements pratiques pour les parties. Le message principal était que « dans certaines circonstances, il peut s’avérer opportun que l’enfant assiste à l’audience ». La nouvelle version exhorte les parents à considérer les raisons pour lesquelles ils voudraient que leur enfant comparaisse devant le tribunal, et à être conscients du fait que la comparution puisse être difficile pour un enfant, notamment à cause de la longueur des audiences et du stress causé par l’interrogatoire. Néanmoins, le document note que témoigner donnera l’occasion à l’enfant de s’exprimer quant au placement et aux services et programmes d’enseignement de l’enfance en difficulté qu’il préférerait. Ce qui est significatif, c’est que le document demande que les parents préparent l’enfant à assister à l’audience et suggère que ceux-ci demandent à une personne de soutien d’accompagner leur enfant. On suggère aussi de discuter avec l’enfant, de lui faire visiter la salle d’audience, de lui fournir des renseignements qui lui permettront de comprendre le processus et de donner des conseils pratiques sur le rôle de témoin. Le document prévoit aussi la possibilité que l’enfant puisse participer en simple observateur. Dans tous les cas, les parents ou le conseil scolaire doivent avoir des raisons pour vouloir que l’enfant participe à la procédure et ils doivent s’entendre à l’avance avec le président du tribunal sur la participation de l’enfant.

 

Directives sur l’enfant comme témoin[51]

 

Le TEDO a développé une directive sur l’élève comme témoin qui vise à aider les parents et les conseils scolaires à décider de l’opportunité de demander à l’enfant de témoigner. Pour prendre cette décision, qui revient normalement aux parents, il faut tenir compte de l’âge et de la maturité de l’enfant, ainsi que de ses capacités intellectuelles, psychologiques et physiques. L’enfant témoin devra prêter serment ou promettre de dire la vérité et ensuite il sera soumis à un interrogatoire et un contre-interrogatoire. Il est possible de prévoir des aménagements à l’avance, tels que des adaptations particulières compte tenu du handicap de l’enfant, la possibilité d’un témoignage à huis clos, et la présence d’une personne soutien à l’élève, autre que les parents.

 

Guide pour les parents préparé par le conseil scolaire

 

Le Ministère de l’éducation demande aux conseils scolaires de préparer un guide des parents à l’enfance en difficulté. Un modèle de guide est annexé aux Normes concernant les plans de l’enseignement de l’enfance en difficulté des conseils scolaires. Le Guide de l’OCDSB se concentre surtout sur le CIPR et son processus[52]. Le guide ne rajoute rien aux documents du ministère et prévoit notamment que l’élève pourra participer aux réunions du CIPR s’il a au moins 16 ans ou « au besoin » (if appropriate). Encore une fois, il n’y a aucune indication sur les cas dans lesquels cette présence pourrait être appropriée. Cependant la représentation de l’enfant est prévue : non seulement les parents peuvent assister, mais également un représentant des parents ou de l’enfant qui parlera en leur nom (p.8). Il est prévu également, comme dans le Règlement 181/98, que les membres du comité pourront rencontrer l’enfant s’ils considèrent que ce serait utile. Cependant un enfant doit avoir au moins 16 ans pour pouvoir soumettre de l’information au CIPR de son propre chef. La consultation des parents dans tous les processus semble être une priorité selon ce document, et en conformité avec les politiques provinciales.

 

La lecture de guides pour les parents préparés par d’autres conseils scolaires démontre que la participation des enfants y est soit réitéré dans les mêmes termes que dans le Règlement 181/98, ou alors qu’elle y est complètement ignorée en ce qui concerne les élèves de moins de 16 ans[53].

 

Plan de l’enfance en difficulté

 

En plus du guide pour les parents, les conseils scolaires sont mandatés de préparer un plan de l’enfance en difficulté. Nous avons examiné plus haut l’inclusion dans ces plans des procédures de consultations adoptées par les conseils lors de la préparation des plans. Dans la section « rôles et responsabilités », les conseils réitèrent généralement les points énoncés dans l’annexe aux Normes sur les plans des conseils scolaires et ne développent pas de plan spécifique pour mieux définir le rôle des élèves et de leurs représentants au sein du conseil. Notamment le plan du CECCE développe de manière significative les rôles des autres acteurs, mais reprend textuellement les points du ministère sur le rôle de l’élève, qui est de respecter les obligations, politiques et processus pertinents et de participer aux rencontres au besoin[54].

 

Le rapport du vérificateur général de l’Ontario[55]

 

Ce rapport est pertinent en ce qu’il révèle qu’il n’existe aucune documentation sur le processus décisionnel des CIPR. Les travaux des CIPR ne sont donc pas consignés. D’après le vérificateur, ce manque d’information signifie notamment que « [l]es renseignements étaient également insuffisants pour permettre l’examen et l’amélioration des procédures des CIPR ou aider les futurs membres des CIPR à comprendre les décisions antérieures » (p.427). Il est difficile de savoir quels ont été les éléments décisifs dans la décision du CIPR, comme il n’y a pas de compte rendu incluant les renseignements sur lesquels sont fondées les décisions ou les motifs du comité.

 

Dans ce sens, le rapport note également qu’il est impossible de savoir quel est la teneur de la participation des parents et des enfants dans les procédures, comme il n’existe aucune pièce justificative indiquant cette participation. Le rapport note que les guides du ministère n’indiquent pas que le personnel de l’éducation a un rôle proactif à jouer pour aller chercher les renseignements nécessaires des parents et n’indique pas non plus de quel type de renseignement le CIPR pourrait avoir besoin. Il est de même pour l’élaboration des PEI : On n’a pas suffisamment d’indications sur la participation des parents ou des enfants à l’élaboration du PEI et les directives du ministère et des conseils scolaires ne précisent pas quel est le type d’information que les écoles doivent obtenir auprès des parents. Le même manque de documentation a été constaté pour la planification de transition des élèves de 14 ans et plus. Il serait important d’avoir une trace écrite de ces procédures, notamment pour pouvoir tirer des leçons de la participation directe et indirecte des élèves à ces procédures. Le vérificateur général recommande ainsi que les CIPR consignent leurs travaux.

 

Le plan d’action du Canada sur les droits de l’enfant[56]

 

En dernier lieu nous citons un document de nature beaucoup plus générale. Il s’agit du plan d’action du Canada sur les droits de l’enfant préparé par le gouvernement fédéral. En ce qui concerne les enfants handicapés, le plan d’action déclare : « nous, au Canada, devons offrir aux enfants et aux adolescents handicapés une vaste gamme de possibilités de participer à la société. » (par. 84) Nous avons noté que dans le contexte du handicap, la participation est souvent comprise comme la participation dans les différentes activités dans la société, de manière inclusive et non ségréguée. Toutefois, cette déclaration doit être comprise dans un contexte plus large. Dans ce document, le gouvernement fédéral démontre de manière très claire son engagement pour les droits de l’enfant et aussi pour la participation des enfants dans les processus de prise de décision. Notamment, il reconnait que « La participation active à la prise de décisions diversifie les perspectives prises en compte dans le processus et favorise l’élaboration de politiques et de programmes plus pertinents et plus équitables, ainsi que l’obtention de résultats plus durables. » (par. 60) Le gouvernement expose donc les bénéfices de la participation des enfants dans la prise de décisions, ce qui s’étend évidemment aux enfants handicapés.

 

5. La jurisprudence

 

À notre connaissance, il n’existe pas de jurisprudence portant spécifiquement sur le droit de participation des enfants handicapés, tel que compris dans cette étude, ce qui peut s’expliquer par la jurisprudence limitée en matière de l’éducation à l’enfance en difficulté[57].  Pourtant il y a des décisions qui touchent à cette question de manière incidente, ou qui sont pertinentes de manière plus générale. Nous allons présenter ici les affaires qui nous semblent être les plus intéressantes.

 

 

 

Wynberg v. Ontario[58]

 

Dans ce jugement, qui a ensuite été renversé par la Cour d’appel de l’Ontario[59], la Cour supérieure de l’Ontario avait déterminé qu’il y avait eu discrimination contre les enfants autistes de plus de six ans, à cause d’une différence de traitement face aux services d’intervention, par rapport aux enfants plus jeunes. Alors que nous ne nous intéresserons pas ici sur la question de fond de cette affaire, le jugement est pertinent, car il explique en détail la relation entre le ministère de l’éducation et les conseils scolaires. Ces éléments ne sont d’ailleurs pas mis en cause par la Cour d’appel. Les deux cours sont d’accord sur le fait que le ministère ne peut offrir directement des services éducatifs ou autres aux étudiants individuels, mais que le ministère a un important pouvoir de réglementation[60]. Selon la juge Kiteley de la Cour supérieure, ces pouvoirs de réglementation et de développement de politiques indiquent que le ministère doit pouvoir exercer un contrôle considérable sur les conseils scolaires, et que sa responsabilité peut être engagée. En effet la cour trouve que malgré le fait que le ministère ait un devoir de supervision du travail des conseils, il n’a imposé que des responsabilités minimales aux conseils[61].

 

En examinant cette relation, la juge Kiteley note le manque de recours qu’ont les parents pour défendre les intérêts de leurs enfants. Il n’y a aucune possibilité d’appel pour les décisions concernant les programmes à l’enfance en difficulté. Ceci renforce l’idée que le ministère doit être rendu responsable, car face aux conseils scolaires, les parents manquent de voie et se trouvent à réinventer la roue[62].  Le ministère doit être plus actif pour donner des directives aux conseils scolaires. Cette affaire touche donc indirectement à la capacité des parents de représenter leurs enfants dans le système scolaire et demande que le ministère soit plus clair dans ses exigences envers les conseils scolaires.

 

Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brant[63]

 

Cette affaire, qui concerne le droit à l’éducation inclusive et le choix de placement d’un enfant handicapé par ses parents, est très importante pour la participation des enfants. La Cour suprême du Canada note que les parents exercent les droits au nom de l’enfant lorsque celui-ci est jeune ou incapable de communiquer ses besoins ou ses désirs. « Dans le cas des enfants plus âgés et de ceux qui peuvent communiquer leurs désirs et leurs besoins, leur opinion jouera un rôle important dans la détermination de leur intérêt » (par. 77).

 

L’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, quant à lui, traite plus de la participation indirecte de l’enfant[64]. La juge Arbour fait la distinction entre les parents qui représentent leur enfant dans les processus liés à l’éducation de l’enfance en difficulté, tels que le CIPR, et dans une requête portant sur les droits constitutionnels de leur enfant. Dans le premier cas, les parents donnent leur propre point de vue en tant que parents, alors que dans le deuxième ils ne font que représenter leur enfant. Ils n’agissent pas en tant que tuteurs, mais en tant que représentants légaux (par. 28). La volonté de l’enfant est ainsi exprimée par les parents (par. 41).

 

La lecture de ces deux arrêts nous permet de tirer les conclusions suivantes sur la participation de l’enfant :

Premièrement, dans le système scolaire, il s’agit, de manière générale, d’essayer d’accommoder les préférences des parents. Dans les différentes procédures, telles que le CIPR, la consultation pour le PEI et la CAEED, les parents expriment leur propre préférence, fondée sur leur vision de l’intérêt supérieur de leur enfant. Il ne s’agit donc pas nécessairement de participation indirecte de l’enfant aux procédures, à moins que les parents n’aient eu une discussion préalable avec l’enfant, que celui-ci n’ait reçu l’information nécessaire pour s’exprimer, que les parents n’aient pris le point de vue de leur enfant en compte et l’aient transmis à la direction de l’école ou aux membres des différents comités. Il est bien probable que les enfants participent ainsi parfois, mais cela dépend évidemment des familles et des relations parent-enfant.

 

Deuxièmement, en cas de plainte portant sur une violation des droits de l’enfant, les parents représentent l’enfant devant les tribunaux. Ils parlent en son nom et exercent les droits en son nom. Il s’agit ici d’une présomption et les tribunaux peuvent bien sûr nommer un tuteur à l’instance à un enfant dont les intérêts pourraient être en conflit avec les intérêts de leurs parents[65]. L’exercice des droits de l’enfant par les parents s’applique particulièrement aux enfants les plus jeunes et ceux qui ne sont pas capables d’exprimer leurs besoins. En cas d’enfants plus âgés et de ceux qui sont capables d’exprimer leurs désirs et leurs besoins, la Cour laisse entendre qu’ils peuvent exercer leurs propres droits et que leur opinion comptera lors de la détermination de leur intérêt.

 

Il y a donc une différence marquée entre le secteur de l’éducation et le secteur des droits de la personne, qui se voit notamment dans l’utilisation du concept de l’intérêt supérieur de l’enfant. Alors que ce concept n’existe pas dans la législation portant sur l’éducation, selon la Cour suprême, le placement de l’enfant doit être dans l’intérêt de l’enfant (best interests of the child en anglais). Il serait donc intéressant de savoir si la décision de la Cour suprême a influencé la pratique dans le domaine de l’éducation en faisant intervenir le concept de l’intérêt supérieur de l’enfant. Au moins le TEDO applique ce critère, qu’il utilise couramment dans sa jurisprudence depuis sa création[66]. Nous concevons que les concepts de l’intérêt supérieur de l’enfant et de la participation des enfants puissent sembler antinomiques, vu la compétition entre les différents intérêts présents, ainsi que les définitions concurrentielles de l’intérêt de l’enfant[67]. Pourtant, ces concepts sont liés et une grande partie de la jurisprudence portant sur le respect de l’opinion de l’enfant le fait spécifiquement dans le cadre de la détermination de l’intérêt de l’enfant[68]. De ce fait, l’application de ce concept en éducation aurait certainement un effet sur la participation des enfants dans les procédures de l’éducation de l’enfance en difficulté.

 

Pour souligner encore le fossé existant entre le domaine des droits de la personne et celui de l’éducation, nous noterons aussi la décision du TEDO dans l’affaire Eaton pour son attitude très défavorable à l’utilisation des recours offerts aux parents en matière de l’éducation des élèves en difficulté[69]. Dans un obiter dictum le tribunal réprimande pratiquement les parents pour avoir choisi une voie de confrontation en engageant un avocat et en s’engageant dans les procédures judicaires et quasi-judicaires. Comme dit la juge Arbour dans l’arrêt de la Cour d’appel, les parents se sont simplement prévalu des seules voies de recours qu’il existait dans le système de l’éducation en Ontario pour défendre les droits de leur enfant[70]. Il est assez surprenant qu’on ait pu leur reprocher cette approche tout à fait légale.

 

A.C. c. Manitoba[71]

 

Si l’on conçoit que la détermination de l’intérêt de l’enfant est nécessaire pour la détermination de son placement, alors l’arrêt A.C. c. Manitoba est pertinent en ce qui concerne la participation de l’enfant à la détermination de son intérêt. Cette affaire, qui porte sur le consentement aux soins de santé est encore plus clair que l’arrêt Eaton sur le fait que l’on doive écouter les enfants plus âgés. L’arrêt va aussi plus loin en donnant à la maturité de l’enfant plus d’importance qu’à son âge :

Plus le tribunal est convaincu que l’enfant est capable de prendre lui‑même des décisions de façon mature et indépendante, plus il accordera de poids à ses opinions dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire prévu au par. 25(8). Dans certaines affaires, les tribunaux seront inévitablement tellement convaincus de la maturité de l’enfant que le principe du bien‑être et celui de l’autonomie ne seront plus distincts et que la volonté de l’enfant deviendra le facteur déterminant. (par. 87)

 

Cette analyse devrait également être appliquée dans le cadre de l’éducation si l’on accepte l’analyse de la Cour suprême dans l’affaire Eaton, selon lequel le placement de l’enfant doit dépendre de son intérêt.

 

L & Le Conseil scolaire de District Catholique du Centre-Est de l’Ontario[72]

 

Le Tribunal de l’enfance en difficulté (TEDO) est une instance administrative qui entend des appels des décisions de la CAEED reliées à la procédure du CIPR. On conçoit normalement que les parents ont des droits de recours seulement en cas d’identification et de placement. Aucun recours n’est prévu dans la législation en matière de programmes et de services à l’enfance en difficulté dans le domaine de l’éducation. Cette affaire est intéressante, car le tribunal y conjugue de manière très claire le placement avec les services à l’enfance en difficulté. Selon le tribunal, le placement et les services sont inter reliés, ce qui veut dire que le recours pour contester un placement peut également inclure des questions concernant les services. Ceci est contraire à la vision du conseil scolaire selon lequel le placement se limite strictement au choix entre la classe régulière et la classe spécialisée. Le TEDO, cependant, n’interprète pas la loi comme imposant cette vision limitée du placement. Il se réfère notamment à l’article 17(1) du Règlement 181/98, qui demande au conseil d’assurer que le placement dans une classe ordinaire soit conjugué aux services de l’enfance en difficulté appropriés qui, d’une part, répondrait aux besoins de l’enfant et, d’autre part, respecte les préférences des parents. Donc, l’examen d’un placement doit aussi comporter l’examen des services connexes par rapport aux besoins de l’enfant.

 

Cette affaire est importante pour notre étude, car il s’agit d’élargir potentiellement la portée de la voix des enfants (et de leurs parents) à un domaine dans lequel traditionnellement il n’y a pas de recours. Il est clair que l’examen du caractère approprié des services et de leur lien avec les besoins de l’enfant pourrait donner une occasion à l’enfant d’exprimer son point de vue. En plus, le tribunal reconnait l’importance de la participation des parents dans les processus reliés à l’éducation de l’enfance en difficulté. Le tribunal note que « la plus grande doléance des parents […] a été celle de ne pas avoir été consultés; de ne pas avoir été écoutés lorsqu’ils parlaient au nom de [leur fils] » (p.45).

 

Les décisions des tribunaux administratifs sont cependant limitées, la règle de stare decisis ne s’appliquant pas. C’est-à-dire qu’on ne peut appliquer la même décision à une autre cause semblable, car les tribunaux administratifs ne sont pas liés par les décisions antérieures, bien que souvent ils s’y réfèrent. Ainsi, le terme « placement » n’a pas reçu une interprétation aussi large dans la plupart des autres décisions, comme nous allons le voir.

 

 

S & Peel District School Board[73]

 

Cette affaire du TEDO concernant l’identification d’un enfant ayant des troubles d’apprentissage traite de manière incidente de la participation de l’enfant.  Dans ce cas c’était le conseil scolaire qui voulait donner l’occasion à l’enfant de s’exprimer en insistant sur l’importance des points de vue de l’enfant. Comme les parents et l’enfant était opposés à l’idée de faire comparaître l’enfant, les parties se sont entendues pour une entrevue privée entre le tribunal et l’enfant dans un environnement familier : l’école. Le TEDO indique dans sa décision que l’entrevue avait été très productive et utile pour le tribunal (p.16).

 

Un des problèmes soulevés par les parties étaient les difficultés de communication. On apprend que les parents étaient d’avis qu’ils ne recevaient pas assez d’information de la part de l’école. L’enfant quant à lui trouvait qu’il y avait trop de communication et il souhaitait ne pas être étiqueté comme élève en difficulté. Le TEDO recommande aux parties de se rencontrer, en présence de l’enfant, pour tenter de résoudre les problèmes de communication. Le tribunal souligne que les besoins et les opinions de l’enfant doivent être pris en considération, vu qu’il s’agit d’un élève de l’école secondaire (p.19). Dans un obiter dictum le TEDO encourage l’enfant à continuer de s’efforcer à défendre ses droits (p.20), et soutien la vision du conseil qui veut inclure l’élève dans les procédures d’accommodement.

 

Cette affaire est un bel exemple de la manière dont pourrait se dérouler la consultation de l’enfant et du rôle que le TEDO peut jouer pour arriver à persuader les parents (dans ce cas-ci) et les conseils scolaires à inclure les enfants dans les processus de prise de décision. Bien évidemment, les mêmes restrictions que dans le cas précédent s’appliquent à cette décision du TEDO.

 

Sigrist and Carson v. London District Catholic School Board[74]

 

Dans cette affaire récente, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) se penche sur la question de la compétence du tribunal dans les questions touchant à l’identification et au placement des élèves en difficulté. Selon le tribunal, il était de l’intention du pouvoir législatif de donner la juridiction exclusive en cette matière au TEDO.

 

Dans cette décision, le tribunal confirme également le fait que selon la jurisprudence du TEDO, le placement comprend les questions relatives aux services et soutiens à l’enfance en difficulté. Ceci est cependant limité, car, bien que le TEDO reconnaisse le fait que le placement, qui n’est pas défini dans la législation, soit entremêlé avec les programmes et les services, dans plusieurs jugements le tribunal a précisé qu’il n’avait pas la compétence d’entendre de plaintes touchant exclusivement aux programmes et services. En adoptant une interprétation plus restrictive que précédemment, le TEDO refuse d’émettre des ordonnances sur ces questions[75]. Le Tribunal des droits de la personne trouve qu’il est incongru que le TEDO puisse dire d’un côté que les programmes et services font partie intégrante du placement, et de l’autre côté qu’il n’a pas la compétence d’émettre des ordonnances à propos de questions de services et de programmes[76]. Alors que le TDPO constate qu’il ne peut se prononcer sur la compétence d’un autre tribunal, il est d’avis que la position du TEDO implique que le TDPO peut avoir compétence sur les questions de programmes et de services à propos desquels le TEDO s’est déclaré incompétent.

 

La position du TDPO est conforme à d’autres décisions récentes. Dans Schafer v. Toronto District School Board, le tribunal note que les parents n’ont pas de droit d’appel des PEI ou de la mise en œuvre des services prévus par le CIPR et le PEI. Le TDPO en conclut donc qu’il doit pouvoir avoir compétence sur ces questions[77]. La position du TDPO est un peu différente dans Campbell v. Toronto District School Board, où le tribunal développe longuement le rôle du TEDO et observe que celui-ci accepte d’examiner les services et programmes offerts aux élèves en difficulté.[78] Dans cette décision, le tribunal refuse d’examiner la question en cause, qui avait fait l’objet d’un jugement par le TEDO. Néanmoins cette affaire est un peu différente des deux subséquentes, car le demandeur n’acceptait pas la décision de placement par le TEDO (en plus d’autres revendications concernant les programmes et services offerts), alors que le TDPO reconnait que les décisions de placement sont du ressort de ce tribunal. Il s’agirait donc ici d’un re-jugement, contraire au principe de l’autorité de la chose jugée.

 

C. Conclusions sur le cadre normatif interne

 

1. L’approche fondée sur les droits de l’enfant

 

L’examen du cadre normatif par rapport au concept de participation, que nous avons défini à la lumière des conventions internationales, nous conduit à des conclusions mitigées. Il est certain que la législation elle-même, c’est-à-dire la Loi sur l’éducation et les divers règlements, ne sont pas conformes aux normes internationales protégeant les droits de participation des enfants handicapés. La participation des élèves de moins de 16 ans n’y est pas prévue et, de manière générale, ces documents ne prônent pas la participation étudiante, excepté dans le cas des élèves conseillers. On peut dire aussi généralement que la législation n’adopte pas une approche basée sur les droits de l’enfant, vu que les documents législatifs n’allient pas les obligations et responsabilités des élèves à leurs droits et qu’ils n’incorporent aucun des principes des droits de l’enfant.

 

Un des principes essentiels des droits de l’enfant est celui de l’intérêt supérieur de l’enfant. Nous avons vu que ce principe doit être déterminant dans les décisions de placement des enfants en difficulté et ce, surtout depuis l’arrêt Eaton. Pourtant la décision de se baser entièrement sur l’intérêt supérieur de l’enfant a été vivement désapprouvée, particulièrement par les personnes et groupes souscrivant à la philosophie de l’éducation inclusive[79]. L’utilisation de ce concept, qui est parfois critiqué pour sa nature indéterminée[80], peut mener à d’avantages de conflits entre parents et professionnels de l’éducation sur sa signification dans un cas précis[81]. Chacun peut avoir sa propre idée sur ce qui serait dans l’intérêt supérieur de l’enfant et il arrive souvent que ces idées se contredisent. Un des conflits les plus communs est justement celui de l’affaire Eaton : L’intérêt supérieur de l’enfant est conçu comme exigeant l’éducation inclusive selon les parents et l’éducation en classe distincte selon le conseil scolaire.

 

La suggestion que les parents ne seraient pas toujours les mieux placés pour déterminer l’intérêt de leur enfant pourrait donc conduire à plus de ségrégation. Comme nous l’avons constaté, la ségrégation est généralement considérée comme contraire à la participation dans sa conception sociale. Elle peut aussi être contraire à la participation des enfants dans sa conception juridique. Il est plausible que les élèves ségrégués aient moins de possibilités d’apprendre à interagir avec des personnes non handicapées et que leurs chances de participer à un niveau égal aux autres enfants soient compromises[82]. Nous pensons notamment à la possibilité plutôt théorique de ces étudiants de se présenter comme candidats et d’être élus/nommés comme représentants dans divers forums, tels que les conseils d’étudiants et les conseils scolaires.

 

Cependant, l’intérêt supérieur de l’enfant est aussi un concept clé pour la participation des enfants. C’est dans le contexte de la détermination de l’intérêt supérieur l’enfant que la participation de l’enfant devient essentielle, surtout compte tenu des interprétations conflictuelles de cet intérêt par les adultes concernés. La jurisprudence a reconnu à maintes reprises que les enfants, surtout s’ils ont atteint un certain âge, doivent pouvoir se prononcer sur la détermination de leur intérêt. L’arrêt A.C. de la Cour suprême rajoute que l’opinion de l’enfant doit même être déterminant lorsque l’enfant a la maturité nécessaire[83]. L’inclusion du concept de l’intérêt de l’enfant dans la législation aurait donc comme avantage d’offrir plus d’opportunités aux enfants de participer, en plus d’inscrire l’éducation dans un cadre plus favorable aux droits de l’enfant.

 

2. Les guides de mise en œuvre

 

Malgré les lacunes dans la législation, d’autres documents qui forment le cadre législatif plus large sont plus en accord avec les normes internationales portant sur les droits de participation des enfants handicapés. Bien que la plupart des documents de politique du Ministère de l’éducation ne rajoutent rien à la législation au niveau de la participation des enfants handicapés, certains contiennent des précisions importantes : Les élèves doivent être inclus dans les consultations publiques sur les plans des conseils scolaires; il est important qu’ils acquièrent la capacité de défendre leurs droits; il devrait y avoir une véritable coopération entre enseignants, parents et élèves; et les élèves ont une place dans la prévention et la résolution de conflits liés à leur éducation. En plus des guides du ministère, la Commission des droits de la personne offre une source significative de directives sur la participation des élèves handicapés. Ses documents sur l’éducation accessible contiennent des indications essentielles sur l’importance de la participation des enfants dans les processus de prise de décision. Ils définissent clairement le rôle que l’enfant pourra avoir dans les processus de prise de décision et illustrent les liens qui existent entre le manque de participation et la discrimination au sens du Code des droits de la personne.

 

Il faut reconnaitre évidemment que ces documents du Ministère de l’éducation et de la CDPO ne servent que de guides et leur application n’est donc pas contraignante. De plus, certains de ces documents, telles que les Normes sur les plans des conseils scolaires, ne contiennent pas assez de précision pour faciliter la mise en œuvre des normes de participation, contrairement, par exemple, aux renseignements préparés par le TEDO, qui sont de nature plus pratique. Il est malheureusement difficile de connaitre l’étendue de l’application de ces guides par les différents conseils scolaires, faute de rapport sur leur mise en œuvre. La partie suivante, portant sur les données recueillies lors des entrevues, pourra offrir des indications, limitées incontestablement, sur l’application de ces guides et directives et aidera à évaluer la pratique par rapport à la législation. Nous suggérons donc de lire la législation à travers ces documents, qui servent à son application concrète; ces documents eux-mêmes contribuant à mettre en œuvre le principe de participation garanti par les conventions internationales.

 

 

Précédent Suivant
D’abord Bout
Table des matières