Cette étude avait pour objectif d’examiner la participation des enfants handicapés dans les processus de prise de décision à travers la législation et la pratique, eu égard aux obligations internationales du Canada. À l’aide des dispositions pertinentes de la CDE et de la CDPH nous avons d’abord défini la notion de participation en distinguant entre la participation directe et la participation indirecte, qui se fait par l’intermédiaire d’un représentant. Nous en avons conclu la signification du principe de participation pour les enfants handicapés dans le contexte de l’éducation, les bienfaits de cette participation ayant été démontrés dans la littérature. Ensuite, nous avons examiné les documents législatifs, politiques et autres par rapport à ce principe de participation. Nous avons constaté à cet égard le manque de conformité du cadre législatif par rapport aux obligations internationales du Canada. Cependant, il a fallu reconnaitre la valeur de la jurisprudence et de certains documents du Ministère de l’éducation et de la Commission des droits de la personne, qui peuvent aider à interpréter les dispositions législatives de manière favorable à la participation des enfants handicapés. Vu que ces documents ne sont pas juridiquement contraignants, il a été intéressant d’étudier la pratique à travers des entrevues avec des enfants, des parents et des représentants d’enfants et de parents, afin d’examiner l’effet de ces documents sur la participation des élèves handicapés.

 

Les données qui ressortent des discussions avec les participants démontrent qu’au mieux la législation est appliquée à la lettre. Généralement ni les guides, ni la jurisprudence pertinents n’ont été appliqués pour favoriser la participation des enfants handicapés dans les processus de prise de décision. Les discussions avec les enfants indiquent que ceux-ci ont bien certaines opportunités de participer aux processus de prise de décision, mais que l’envergure des décisions en question est très limitée. Les adultes confirmaient que les enfants ne participaient généralement pas directement aux processus spécifiques reliés à l’éducation à l’enfance en difficulté. Les discussions avec les adultes montraient aussi que ceux-ci n’agissaient pas véritablement comme représentants des enfants et que donc la participation indirecte des enfants n’était pas assurée non plus.

 

Les discussions avec les participants ont été très utiles pour formuler des recommandations en vue d’améliorer la situation des enfants handicapés, pour que ceux-ci puissent être considérés comme sujets à part entière dans les discussions qui les concernent au sujet de leur éducation. Ces recommandations, qui touchaient surtout à la participation indirecte, consistaient à mieux former les enseignants, à rendre le système plus formel quant aux PEI et à la présence d’avocats, mais aussi plus accessible quant au langage utilisé, à la disponibilité de l’information et aux attitudes plus ouvertes du personnel de l’éducation. On demandait également que les responsabilités soient plus claires entre les différents acteurs et surtout que les conseils scolaires aient plus de comptes à rendre au Ministère de l’éducation.

 

Notre constatation principale, qui provient de l’étude des textes pertinents et qui a été confirmée par l’étude de la pratique, est celui de l’écart entre le domaine des droits de la personne et celui de l’éducation. Cet écart, nous sommes convaincus, a un effet immédiat sur la participation des élèves, et particulièrement sur leur participation directe. Alors que le Code des droits de la personne devrait s’appliquer à l’éducation, les Directives concernant l’éducation accessible préparées par la CODP ne sont clairement pas utilisées par le système de l’éducation.

 

Le manque d’application concrète de la législation interne portant sur les droits de la personne indique qu’il sera certainement très difficile de mettre en œuvre des dispositions de conventions internationales auxquelles le Canada est partie, telles que la CDE et la CDPH. Pourtant, ces conventions ont beaucoup à offrir au cadre juridique interne, ne serait-ce qu’en aidant à définir le concept juridique de participation. Vu le manque de culture des droits de la personne dans le domaine de l’éducation, nous concevons cependant que l’utilisation des normes internationales serait trop incertaine sans l’inclusion des principes essentiels des droits des enfants handicapés dans la législation. Avec cette inclusion, le Ministère de l’éducation pourrait développer des directives claires pour les conseils scolaires, présentant les objectifs à atteindre et les différentes manières d’impliquer les enfants handicapés dans leur éducation. Il est à noter qu’une des faiblesses des documents existants est justement le manque de repères clairs et de dispositions permettant un suivi de l’application de ces normes.

 

Cela rejoint donc la question de la responsabilisation des différents acteurs face à l’éducation à l’enfance en difficulté. Cette responsabilisation, réclamée par la plupart des participants, pourrait être liée à l’établissement de liens entre droits de la  personne et éducation, notamment en permettant un regard extérieur sur le système de l’éducation par rapport à la mise en œuvre des normes des droits de la personne. Il faudrait également s’assurer que les voies de recours ouvertes aux parents et aux élèves soient efficaces et permettent le dépôt de plaintes sur toute question portant sur l’éducation de l’enfance en difficulté, y compris les questions en lien avec les droits de la personne. Il ne faut pas perdre de vue le fait que les enfants handicapés sont doublement vulnérables et la participation est un droit qui aide à combattre la discrimination à leur égard. Les enjeux des processus de prise de décision sont élevés dans le contexte de l’éducation de l’enfance en difficulté et directement reliés à l’égalité des chances et à la pleine intégration dans la société. La mise en œuvre de la CDE, avec son principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, et de la CDPH, reposant sur la participation, l’inclusion, la non-discrimination et l’accessibilité, offre une opportunité excellente d’améliorer le cadre législatif interne et ainsi la situation réelle des enfants handicapés.

 

Précédent Suivant
D’abord Bout
Table des matières