A. Introduction

L’Ontario s’est engagé en faveur de l’égalité d’accès aux soins de qualité dispensés durant les derniers moments de la vie, indépendamment de facteurs tels que l’âge, l’orientation et l’identité sexuelle, la situation socioéconomique, la culture, l’origine ethnique ou le lieu de résidence.

Le type de soins nécessaires pour répondre aux besoins des personnes ou des groupes est variable. Les lois, les orientations et les programmes devraient malgré tout être suffisamment flexibles pour s’appliquer à cette diversité, en conformité avec les droits et les principes établis dans les cadres juridiques, notamment la Constitution et le Code des droits de la personne.

Le présent chapitre examine la situation de groupes qui se heurtent à des obstacles particuliers pour accéder à des soins durant les derniers moments de la vie : présentation tout d’abord de la question, puis rappel des cadres juridiques applicables (voir aussi en 3.C), et quelques exemples enfin de groupes ayant des besoins non satisfaits en Ontario.

B. Difficultés à obtenir l’égalité d’accès aux soins en Ontario

De récents examens des soins palliatifs par l’Ontario confirment qu’il existe dans la province des disparités marquées pour l’accès à des soins de qualité durant les derniers moments de la vie. La Déclaration de partenariat (la vision d’avenir de l’Ontario pour les soins palliatifs), le rapport de la vérificatrice générale sur les soins palliatifs et le rapport Fraser par exemple relèvent des inégalités fondées sur des facteurs divers.

La vérificatrice générale souligne dans son rapport que les difficultés de la province à obtenir l’égalité découlent à bien des égards de l’absence dans le système de méthodes pour repérer les personnes qui pourraient avoir droit à des soins palliatifs, et de la répartition inégale des services dans les RLISS régionaux. Elle a constaté par exemple que « [p]arce que les conditions d’admissibilité aux services de soins palliatifs et l’offre de tels services varient, les patients qui sont admissibles dans une région de la province peuvent ne pas avoir accès à des services similaires dans une autre région »[349].

La CDO est au courant que le ROSP va aborder les obstacles systémiques relatifs au cadre institutionnel décentralisé et à la normalisation des conditions d’admissibilité, ce qui va aider considérablement à corriger les disparités d’accès. De plus, l’Ontario est à élaborer une stratégie à l’échelle de la province, ainsi que l’a recommandé la vérificatrice générale[350].

Une variété de facteurs complexes contribue à l’inégalité de l’accès. Même si ceux-ci recoupent les problèmes liés aux conditions d’admissibilité de base et à la coordination, ils reflètent la diversité des situations dont il faut tenir compte dans toute méthode normalisée.

Il existe une relation dynamique – parfois tendue – entre les méthodes normalisées et le fait de garantir un degré de personnalisation qui satisfasse aux besoins uniques des personnes, des familles et des groupes. On reconnaît pour les soins palliatifs par exemple un ensemble de principes essentiels concernant les traitements médicaux et d’accompagnement, ainsi que la nécessité des démarches axées dans chaque cas sur les personnes et les familles (voir en 4.C.1). En conformité avec la « personnalisation » des soins palliatifs, la CDO est d’avis que les soins de fin de vie doivent s’adapter à la diversité des groupes ontariens[351].

Le rapport Fraser attire l’attention sur la place de la diversité pour la réalisation de l’égalité d’accès et cite des informations que des intervenants ont communiquées au gouvernement et qui reprennent ce que la CDO a entendu dans ses propres consultations. Selon M. Fraser,

  • [s]’il ne fallait retenir qu’un seul point de vue émis lors des consultations à l’échelle de la province sur les soins palliatifs, ce serait que les Ontariens n’ont pas tous accès aux mêmes soins. Les obstacles sont nombreux et divers : fragmentation du système, facteurs géographiques, difficulté de prodiguer des soins adaptés à la culture du patient[352].

M. Fraser évoque divers groupes touchés par des disparités d’accès et affirme ce que la CDO a également entendu à maintes reprises : que l’Ontario devrait s’efforcer de donner suite aux difficultés des groupes divers ayant des besoins non satisfaits. Selon M. Fraser,

  • [l]es participants ont très souvent souligné l’importance de s’assurer que tous les patients ont accès à des soins palliatifs et en fin de vie, soins sûrs et adaptés à leur culture, qu’ils habitent dans des collectivités urbaines, rurales ou éloignées, qu’ils fassent partie de groupes culturels, linguistiques ou confessionnels différents, qu’ils appartiennent à des populations vulnérables (par exemple, les sans-abri ou les personnes souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie) ou à une collectivité autochtone, ou qu’ils vivent avec un handicap.[…]
  • De l’avis des participants, l’approche des soins palliatifs doit être adaptée à chaque collectivité[353].

De façon analogue au rapport Fraser et au rapport de la vérificatrice générale, la Déclaration de partenariat reconnaît que des groupes sont sous-représentés ou marginalisés dans le système actuel. En outre, des partenaires comme l’Ontario, les RLISS et les organismes communautaires se sont formellement engagés dans la Déclaration à « [f]ournir un accès plus équitable à tous les groupes de la population »[354].

Ces documents ainsi que d’autres confirment que l’Ontario reconnaît l’égalité concernant les soins palliatifs et qu’il est déterminé à l’instaurer, et la CDO estime que toute stratégie à venir doit approfondir ces engagements actuels. Elle estime de plus que l’égalité doit dépasser l’accès aux soins palliatifs pour s’appliquer à l’aide médicale à mourir (au sens de la loi) et à certains avantages sociaux et juridiques qui permettraient d’obtenir des résultats justes pour les nombreux groupes touchés par la mort. L’assurance par exemple que les aidants reçoivent du soutien quand ils dispensent aux mourants des services sans cadre officiel correspondrait à ce que la CDO entend par « égalité » pour les personnes concernées par ce domaine du droit, et de façon générale, à sa définition de l’accès à la justice.

Les groupes qui, selon notamment le rapport Fraser, la Déclaration de partenariat et le rapport de la vérificatrice générale, ont des besoins non satisfaits sont énumérés dans le tableau qui suit. Il est manifeste que ces groupes représentent une proportion importante de la population ontarienne.

Des exemples des difficultés que quelques-uns de ces groupes rencontrent sont donnés plus avant, afin d’illustrer combien la personnalisation des soins est nécessaire.

Figure 5 Groupes ontariens ayant des besoins non satisfaits
· Aidants naturels, familles, amis · Premières Nations, Inuits, Métis
· Les personnes âgées très fragiles · Groupes confessionnels, groupes de cultures diverses
· Les personnes vivant en établissement de soins de longue durée · Les personnes nouvellement arrivées au Canada
· Les personnes vivant en maison de retraite

· Les francophones

· Les détenus

· Les personnes atteintes du VIH/sida

· Les personnes dont la langue première n’est pas l’anglais · Les personnes souffrant de maladie mentale et de dépendance
· Les sans-abri · Les personnes vivant en zone rurale et isolée
· Les personnes handicapées · Les homosexuels, bisexuels, transsexuels
· Les enfants, notamment ceux en bas âge · Les personnes à faible revenu

C. Cadres juridiques applicables aux groupes ayant des besoins non satisfaits

Le chapitre 3 a examiné les textes fondateurs qui s’appliquent aux soins de fin de vie – Constitution, Loi canadienne sur la santé, Loi de 2010 sur l’excellence des soins pour tous, Code des droits de la personne notamment. Chacun de ces textes traite des problèmes d’égalité d’accès à ces soins pour les mourants et les personnes qui les accompagnent.

Les droits à l’égalité que garantit l’article 15 de la Charte, selon lequel les services financés par l’État doivent être fournis indépendamment de toute discrimination, notamment fondée sur l’âge, l’orientation sexuelle, l’origine ethnique, la religion ou les déficiences, ont été examinés précédemment. Les autorités peuvent être tenues en vertu de cet article 15 de prendre des mesures pour accommoder des personnes et des groupes discriminés, dans la mesure où cela ne cause pas de préjudice injustifié. Or, le fait de demander des services de santé qui ne font pas déjà partie de ceux que finance l’État peut ne pas forcément aboutir, car selon la Loi canadienne sur la santé et l’Assurance-santé de l’Ontario, la protection est partielle.

Précision à propos d’« égalité » et d’« équité »
Au plan juridique, la CDO emploie « égalité » pour parler du droit à bénéficier de services sans discrimination.

Le terme reconnaît que la discrimination peut être intentionnelle ou bien l’effet de mesures générales. Il ne veut donc pas dire les « mêmes services pour tous », car la normalisation peut être en réalité discriminatoire contre les personnes ayant des besoins particuliers.

L’égalité reconnaît que des mesures antidiscriminatoires sont peut-être nécessaires pour respecter la dignité et obtenir la participation de tous.

En matière de santé, la notion d’« équité » correspond au sens que la CDO attribue à « égalité »[1].

Comme on l’a vu au chapitre 3, le Code des droits de la personne protège en Ontario le droit à l’égalité de façon similaire à l’article 15 de la Charte, et s’applique à la sphère privée, notamment aux services et aux établissements de santé, alors que la Charte s’applique uniquement à la sphère publique.

Les politiques et les directives que rédige la Commission ontarienne des droits de la personne précisent la façon d’interpréter l’égalité en vertu du Code des droits de la personne. Elle a publié des politiques sur des sujets susceptibles de se rapporter à la façon dont les soins de fin de vie doivent être dispensés aux populations diversifiées de l’Ontario, notamment :

  • la croyance et les pratiques religieuses,
  • l’identité sexuelle, et l’expression de celle-ci,
  • l’orientation sexuelle,
  • les troubles mentaux et la dépendance,
  • la langue,
  • le racisme et la discrimination raciale,
  • l’âge (concernant les personnes âgées),
  • l’incapacité[356].

Quelques documents d’orientation de la Commission font directement état de l’accommodement dans le secteur de la santé. Dans la politique relative à la croyance par exemple, le Code doit s’interpréter selon une « conception inclusive ». « Cela suppose d’être conscient des différences qui caractérisent les membres des groupes protégés par le Code au moment de faire des choix sur le plan de la conception afin d’éviter de créer des obstacles »[357]. La Commission y donne un exemple de la création dans un établissement de soins d’une « salle multiconfessionnelle de prière/réflexion pour permettre aux personnes de différentes confessions d’observer leurs convictions ou pratiques rattachées à la croyance »[358].

L’obligation d’accommoder par souci de l’égalité ne porte pas seulement sur le retrait d’obstacles manifestement discriminatoires – infrastructures gênant par exemple les personnes ayant des déficiences physiques. Elle vise au contraire à favoriser la participation, la dignité et la citoyenneté de tous les Ontariens ainsi que leur diversité. La Commission précise à cet égard :

L’accommodement […] a pour but d’aider tout le monde à bénéficier des mêmes possibilités et avantages, et du même accès. […] L’obligation d’accommodement vient en partie de la reconnaissance du fait que « les façons habituelles de faire les choses » au sein d’organisations et de la société ne sont souvent pas « neutres » et peuvent plutôt par inadvertance créer un désavantage ou un privilège pour certains groupes ou mieux répondre aux besoins de certains groupes par rapport aux autres. Au lieu d’accorder des privilèges ou avantages spéciaux, les mesures d’adaptation aident à « créer un terrain de jeu équitable » en assurant l’inclusion et l’accommodement de toutes les Ontariennes et de tous les Ontariens.

Le Code des droits de la personne de l’Ontario a pour objectif de favoriser la création d’une société qui permet le plein épanouissement de la diversité.[359]

Les mesures d’accommodement en vertu de la Charte et du Code ont malgré tout leurs limites. On a déjà mentionné celle relative aux allégations qu’il faudrait financer de nouveaux programmes pour améliorer la situation de groupes particuliers que l’État exclut des services de santé qu’il finance. L’obligation que les personnes ou les groupes relèvent des « motifs » établis d’égalité constitue une autre limite. Ces motifs sont énumérés dans la Charte et dans le Code, et les tribunaux peuvent qualifier des motifs « analogues »[360]. Des exemples viennent d’être énumérés ci-dessus (race, déficience, âge).

Dans la mesure où quelques-uns des groupes ontariens dont les besoins en fin de vie ne sont pas satisfaits ont peut-être des droits fondés ces motifs, la Charte et le Code pourraient permettre un raisonnement convaincant afin d’améliorer l’accès à des soins de qualité. En sa qualité d’organisme de réforme du droit, la CDO n’a pas pour fonction d’apprécier le bien-fondé relatif des demandes fondées sur le droit à l’égalité présentées par des groupes particuliers. Elle recommande souvent néanmoins des modifications systémiques des cadres juridiques et stratégiques en vigueur, qui lui paraissent susceptibles de faire progresser l’égalité.

D’autres droits et d’autres principes peuvent s’avérer utiles pour les groupes n’ayant pas de droit sur le fondement de motifs reconnus ou pouvant ne pas être admissibles à des services parce qu’ils se situent hors du champ d’application de la définition légale de la discrimination. Ces droits et ces principes reprennent parfois l’interprétation flexible de l’égalité, et font partie de la définition de l’accès à la justice selon la CDO.

L’article 7 de la Charte par exemple protège les personnes des sanctions pénales prises en cas de pratiques médicales les privant du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. Des arrêts fondés sur cet article ont été rendus explicitement en faveur des droits des personnes atteintes de maladies en phase terminale ou chroniques. Ce sont notamment le droit de décider des médicaments qui soulagent les effets de la maladie et celui d’être protégé des atteintes à son intégrité physique et psychologique[361]. La Cour suprême a affirmé dans son arrêt Carter que « les préoccupations relatives à l’autonomie et à la qualité de vie étaient des droits à la liberté et à la sécurité »[362].

Les garanties juridiques et les principes se rapportant aux groupes qui sont en fin de vie et qui ont des besoins non satisfaits sont en résumé les suivants :

  • droit à l‘égalité (article 15 de la Charte);
  • droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne (article 7 de la Charte);
  • droit à la liberté de conscience et de religion (article 2 de la Charte);
  • droits ancestraux et issus de traités (Loi constitutionnelle de 1982, article 35);
  • universalité des modalités d’accès aux services de santé assurés au titre du régime provincial (Loi canadienne sur la santé, alinéa 7a), paragraphe 10)[363];
  • accessibilité aux services de santé assurés qui est raisonnable, sans obstacle d’ordre financier ou autre, non discriminatoire (Loi canadienne sur la santé, alinéa 7e), paragraphe 12)[364];
  • soins de santé de grande qualité, accessibles, appropriés, efficaces, efficients, équitables, intégrés, axés sur les patients, centrés sur la santé de la population et sécuritaires (Loi de 2010 sur l’excellence des soins pour tous, préambule).

De même que pour les droits à l’égalité, la CDO n’apprécie pas dans le projet le bien-fondé relatif des demandes de services fondées sur ces principes et garanties juridiques. Elle est d’avis toutefois que les Ontariens devraient jouir de l’égalité d’accès aux soins, et que le fait que quelques groupes seulement aient accès à des services publics essentiels pour la fin de vie est peut-être incompatible avec les garanties et les principes en vigueur. C’est pourquoi la conception de la réforme du droit de la CDO s’appuie donc ceux-ci, ainsi que sur les principes de ses cadres, et elle en tient compte dans le projet.

La section suivante évoque les garanties juridiques et les principes qui se rapportent aux exemples de groupes confrontés à des défis dans ce domaine du droit. On expose surtout des situations que des intervenants ont signalées à la CDO, et l’on reconnaît que certains groupes pourraient bénéficier de lois, d’orientations ou de programmes adaptés.

D. Exemples de groupes ayant des besoins non satisfaits

L’analyse jusqu’à présent fait apparaître que les nombreux groupes distincts qui vivent en Ontario pourraient bénéficier de l’adaptation des soins. Les raisons à cela sont complexes – notre histoire constitutionnelle, les tendances démographiques, la discrimination qui persiste, des facteurs interdépendants. La CDO estime dans l’ensemble que l’importance de traiter les besoins particuliers de façon nuancée et adaptée découle des facteurs suivants :

  • la mort et le deuil concernent chacun et chacune d’entre nous;
  • l’Ontario possède une riche tradition de diversité;
  • la religion, les valeurs notamment culturelles, les croyances et les pratiques religieuses influent énormément sur notre définition de « soins de qualité »;
  • les groupes interagissent différemment avec le système de santé, et leurs besoins sont parfois sous-représentés dans les pratiques normalisées.

Étant donné l’extrême variété des personnes et des groupes concernés, la CDO propose seulement quelques exemples de groupes ayant des besoins non satisfaits.

Quelques groupes ont été choisis parce qu’ils apparaissent peu dans les recherches et parce qu’on les connaît mal. Attentive aux plans du ROSP visant à améliorer les soins palliatifs dans les régions, la CDO ne les a pas présentés ici. Elle a financé des recherches externes sur les homosexuels, les bisexuels, les transsexuels, les personnes âgées très fragiles et les personnes qui les accompagnent. On trouve ces recherches sur son site www.lco-cdo.org. Les questions relatives à la religion et à la culture sont traitées dans un chapitre distinct, car elles sont omniprésentes dans la situation de presque tous les groupes (6.G).

Le tableau de la page 73 présente la liste des groupes pour lesquels il est établi que les besoins ne sont pas satisfaits en Ontario. La CDO vous invite de plus à lui faire indiquer tout autre groupe qu’elle devrait prendre en compte dans ses consultations pour le projet.

La CDO reconnaît enfin que les discussions ci-après ne renseignent que partiellement sur les défis auxquels sont confrontés les groupes. Sans viser l’exhaustivité, le présent chapitre propose des exemples utiles à partir desquels le projet peut se construire.

1. Aidants naturels, familles, amis

La CDO a appris lors des consultations de discussion que les aidants naturels, les familles, les amis qui soutiennent des personnes en fin de vie, souhaitent des services améliorés pendant la maladie et après le décès de celles-ci.

i. Mesures de soutien pour les aidants naturels

Les aidants naturels ont une fonction indispensable dans le système de santé ontarien. Pour l’essentiel, ils dispensent des aides extrêmement diverses dans les établissements de santé et complètent les services financés par l’État[365]. Des études indiquent que nombre d’entre eux considèrent que leur rôle est positif et empreint de réciprocité, car il est à leur avantage et à celui des personnes qu’ils aident[366]. Des éléments dignes de foi montrent également toutefois que l’aide dispensée a souvent des conséquences sanitaires, sociales et financières négatives[367].

Dans son rapport de 2016, A Profile of Family Caregivers in Ontario, The Change Foundation documente les nombreuses répercussions de l’aide dispensée. Elle montre par exemple que le fait de concilier l’aide à dispenser et son emploi peut avoir un effet déstabilisateur sur celui-ci[368]. Les aidants naturels signalent fréquemment qu’ils se sentent inquiets, anxieux, fatigués, déprimés, seuls et dépassés[369], et presque un sur dix signale avoir des difficultés financières du fait de leurs responsabilités – emprunts, recours à l’épargne, vente de biens notamment[370].

Les aidants naturels vivant en Ontario peuvent actuellement avoir droit à quatre mesures :

  1. congé autorisé dans les cas prévus,
  2. soutien financier de l’assurance-emploi fédérale,
  3. services de relève par l’intermédiaire du système de santé provincial,
  4. crédit d’impôt.

La Loi de 2000 sur les normes d’emploi protège les salariés contre la perte de leur emploi dans les cas où ils prennent des congés pour s’occuper de membres de leur famille ou de personnes assimilées à ceux-ci ou dans des situations d’urgence[371]. Les dispositions sur les congés sont très complexes, car il existe plusieurs types de congé, chacun dépendant de certains facteurs – relation à la personne à aider, pronostic, durée de l’emploi.

Le nombre maximum de semaines de congé dans une période donnée constitue une limite. Pour le « congé familial pour raison médicale » par exemple, il est possible de prendre, par période de 26 semaines, jusqu’à 8 semaines pour s’occuper d’une personne dont le risque de décès est important. Si la personne ne décède pas dans la période de 26 semaines, il est possible de prendre un autre congé de 8 semaines, mais seulement dans une période de 26 semaines subséquente[372].

Les conditions en vigueur ont pour conséquence que les aidants naturels peuvent épuiser les congés auxquels ils ont droit ou ne pas pouvoir prendre des congés ininterrompus. Les interruptions peuvent être particulièrement prononcées dans les cas où la maladie suscite des hauts et des bas pendant une période prolongée. Des congés en continu pour la période nécessaire pour s’occuper de personnes malades peuvent donc être difficiles[373]. De plus, même si les protections en Ontario ont été récemment élargies[374], elles n’équivalent pas à celles des employés relevant du fédéral. Le Code canadien du travail prévoit 20 semaines de plus pour un congé de même nature que le congé familial pour raison médicale[375].

La Loi de 2000 sur les normes d’emploi ne garantit pas le salaire des employés qui peuvent prendre des congés. Des Ontariens peuvent avoir droit aux prestations de l’assurance-emploi fédérale, dont la « prestation de soignant »[376]. Puisque l’assurance-emploi est alignée avec le droit à des congés en vertu du régime fédéral, ces prestations peuvent être possibles pendant 26 semaines[377]. La CDO a malgré tout appris qu’étant donné que les prestations sont liées à la situation professionnelle, des aidants naturels peuvent ne pas y avoir droit si par exemple ils n’ont pas accumulé suffisamment d’heures de travail, s’ils travaillent en indépendants ou si leur emploi est précaire. De plus, les prestations ne sont ouvertes qu’aux aidants d’enfants gravement malades ou de personnes dont le risque de décès est élevé, et ne s’appliquent pas à d’autres maladies chroniques[378].

Les services de relève à court terme dispensés dans le système de santé et le crédit d’impôt sont aussi des mesures de soutien pour les aidants naturels[379]. Des intervenants ont toutefois indiqué à la CDO que dans l’ensemble, les indemnités de soignant qui existent actuellement en Ontario sont inadéquates. Le rapport Fraser fait le constat d’avis semblables à propos du niveau actuel des soins à domicile (qui pourraient atténuer le besoin que l’on a des services des aidants naturels), des services de relève et des indemnités pécuniaires[380].

La CDO sait que des organismes communautaires militent en Ontario en faveur d’une allocation aux aidants naturels qui soit distincte des régimes de l’emploi[381]. Au Canada, cette allocation existe en Nouvelle-Écosse, et son montant est de 400 $ par mois[382]. Il existe au Royaume-Uni et en Australie toute une variété d’allocations pécuniaires aux aidants naturels, et la législation y prévoit des arrangements « flexibles »[383] pour le travail.

Le Royaume-Uni et l’Australie ont des lois qui définissent précisément l’expression « aidant naturel », ainsi que des points qui centralisent des soutiens informationnels (portails en ligne et centres d’appel)[384]. Le fait que l’Ontario ne reconnaisse pas officiellement les aidants naturels en tant que groupe particulier de bénéficiaires est l’un des défis qui est apparu lors des consultations de la CDO. Cette reconnaissance pourrait améliorer la coordination de services et de mesures de soutien qui leur soient destinés.

ii. Services relatifs au deuil

Les aidants naturels, les familles, les amis ont indiqué avoir besoin, outre de mesures de soutien direct pour les soins, le besoin, de services améliorés touchant le deuil.

La Déclaration de partenariat reconnaît que les soins relatifs au deuil sont une partie majeure du plan ontarien des soins palliatifs. L’accès aux mesures de soutien pour le deuil y figure parmi les priorités d’action, et la Déclaration appelle les RLISS et le Réseau ontarien des soins palliatifs à assurer des mesures de soutien appropriées avant et après le décès[385].

Le counselling et les soins psychologiques ne sont généralement pas couverts par l’assurance-maladie ontarienne, sauf s’ils sont dispensés par des psychiatres (parce qu’ils sont médecins) ou dans des hôpitaux, des cliniques ou des programmes financés par l’État[386]. De nombreuses organisations passionnées et engagées coordonnent des programmes de bénévolat bénéficiant souvent de fonds publics et destinés à aider les familles et les amis dans leur travail[387].

Des intervenants ont toutefois indiqué à la CDO que des groupes ont besoin de capacités plus solides afin de dispenser le soutien qu’ils s’efforcent de procurer. Pour l’instant, les services sont fragmentés, et le soutien psychologique n’a pas été correctement intégré aux soins palliatifs. Elle a été informée que le système ontarien pour la thérapie est par conséquent à deux paliers, l’un pour ceux qui peuvent payer des services privés et l’autre pour ceux qui ne le peuvent pas.

On a de plus exprimé à la CDO que les congés que prévoit la Loi de 2000 sur les normes d’emploi ne suffisent pas quand il faut faire face aux difficultés consécutives à un décès – organiser les funérailles, gérer la douleur du deuil. Avec le congé familial pour raison médicale, il n’est pas possible de demeurer en congé après le dernier jour de la semaine où a lieu le décès[388].

Le rapport Fraser confirme nombre des constatations de la CDO. Tout en soulignant les programmes novateurs de la province, John Fraser remarque ce qui suit :

Les familles sauraient profiter de programmes plus solides de soutien préventif en période de douleur, de perte et de deuil, y compris d’information, de groupes de soutien continu et de services de counseling à toutes les étapes de prestation des soins[389].

2. Personnes vivant en foyer de soins de longue durée

Les difficultés qui existent pour dispenser et recevoir des soins palliatifs de qualité dans les foyers de soins de longue durée ont été soulignées avec récurrence par les nombreux intéressés pendant les consultations de la CDO.

Les foyers de soins de longue durée sont reconnus internationalement comme des lieux importants pour les soins palliatifs[390] : une grande variété de personnes y réside – personnes âgées surtout, personnes handicapées, personnes gravement malades ayant besoin d’avoir en permanence accès à des soins. Ainsi que l’explique l’Ontario Long Term Care Association :

[traduction] Presque tous les résidents des foyers de soins de longue durée (97,4 %) ont au moins deux maladies chroniques mettant sérieusement en péril leur santé. Plus de 6 sur 10 (62 %) ont la maladie d’Alzheimer ou une autre forme de démence à un stade tel qu’ils ne peuvent plus vivre chez eux ou en maison de retraite. La plupart sont âgés, et la moitié a plus de 85 ans[391].

La plupart des résidents des foyers de soins de longue durée y meurent également : environ un tiers décède chaque année[392].

L’un des principes fondamentaux du régime ontarien des soins de longue durée est que les foyers sont des maisons. La Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée précise que ces établissements doivent fonctionner d’une façon qui respecte la dignité, la sécurité et le confort des résidents, et satisfaire leurs besoins physiques, psychologiques, sociaux, spirituels et culturels[393]. La législation ontarienne comporte plusieurs dispositions visant à ce que des mesures de soutien et des services globaux soient fournis aux personnes qui sont en fin de vie :

  • pour chaque résident, il doit exister un programme de soins écrit qui soit fondé sur une évaluation du résident et de ses besoins et préférences, et qui couvre tous les aspects des soins, notamment les soins médicaux, les soins infirmiers, le soutien personnel, les activités sociales, les soins de rétablissement ainsi que les pratiques religieuses et spirituelles[394];
  • chaque foyer de soins de longue durée doit disposer d’un programme portant sur les pratiques religieuses et spirituelles[395];
  • chaque foyer doit appliquer des méthodes interdisciplinaires[396].

On a déjà vu que selon la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée, les titulaires de permis doivent former aux soins palliatifs le personnel qui soigne directement les résidents[397]. Selon le Règlement, ils doivent en outre « veille[r] à ce que chaque résident reçoive des soins en fin de vie, au besoin, fournis d’une manière susceptible de répondre à [ses] […] besoins »[398].

Plusieurs intervenants ont malgré tout signalé que les résidents de ces foyers pourraient bénéficier de soins qui comportent des modèles de soins palliatifs et s’inspirent davantage.

Les publications et les consultations de la CDO indiquent que des soins palliatifs uniformes et de qualité ne sont pas accessibles dans de nombreux foyers de soins de longue durée[399]. On a indiqué à la CDO que malgré les améliorations apportées, la douleur et les symptômes des résidents n’y sont souvent pas traités[400], que ceux qui sont en fin de vie sont encore trop souvent transférés à l’hôpital et que la mort y est « dissimulée » plutôt que discutée en tant que stade normal de la vie[401]. Ces inquiétudes révèlent en Ontario des obstacles liés à la réglementation et à la mise en œuvre que semble-t-il les recherches et les orientations commencent seulement à prendre en compte.

Une préoccupation soulevée lors des consultations de la CDO a trait par exemple aux conditions d’admissibilité aux soins palliatifs. Selon des intervenants, il existe une partition notionnelle et pratique entre les soins pour les personnes âgées qui s’acheminent vers leur mort, sont très fragiles et souffrent de maladies concomitantes et de démence, et les soins pour les personnes pour lesquelles a été posé un diagnostic de maladie en phase terminale ou limitant l’espérance de vie. Même si des outils de pronostic existent pour évaluer la fragilité à des fins cliniques, celle-ci n’a pas encore été ajoutée aux conditions d’admissibilité aux soins palliatifs[402].

L’imprécision des exigences que le règlement prévoit pour les soins palliatifs et des problèmes de mise en œuvre sont d’autres sujets d’inquiétude. Les foyers de soins de longue durée sont tenus de veiller au respect des normes que prévoit la loi à propos de la dotation en personnel et des soins, et d’établir par écrit un plan prévoyant une dotation variée qui soit compatible avec les besoins évalués des résidents en matière de soins et de sécurité[403]. Selon les recherches toutefois, la plupart des établissements ontariens n’ont pas de stratégie ni de programme pour les soins palliatifs, et le personnel n’y est pas correctement formé (surtout les préposés aux services de soutien à la personne qui assurent la plupart des soins de première ligne)[404]. Les soins y sont surtout axés sur le quotidien[405]. La CDO a été informée que les niveaux de dotation actuels et les exigences pour le rendement et pour faire rapport n’y tiennent pas compte des besoins des résidents qui sont en fin de vie[406].

La CDO a entendu dire que ces difficultés sont avant tout dues au fait qu’un « changement de culture » est nécessaire. Celui-ci permettrait que l’ensemble du système de la santé reconnaisse davantage la valeur et l’importance du système des soins de longue durée. Il permettrait aussi que ce dernier reconnaisse que les résidents des foyers sont de plus en plus âgés, qu’ils sont fragiles et vulnérables, que leurs besoins médicaux sont très complexes et qu’ils pourraient bénéficier de niveaux supérieurs et de formes différentes de soins, palliatifs notamment.

On peut résumer ainsi les difficultés qui existent pour satisfaire aux besoins des personnes en foyer de soins de longue durée, qui sont en fin de vie :

  • imprécision des conseils sur le mode de mise en œuvre des exigences qu’impose la réglementation à propos des soins palliatifs dans les orientations et les procédures des foyers de soins de longue durée et dans les obligations de rendre compte de ceux-ci;
  • absence de reconnaissance des personnes très fragiles, notamment des personnes âgées, dans les conditions d’admissibilité aux soins palliatifs;
  • de même que dans le système général de la santé, obstacles psychologiques pour reconnaître le caractère commun de la mort;
  • insuffisance des effectifs, et de la formation du personnel qui conviendrait pour soutenir les soins à prodiguer en fin de vie;
  • non-intégration des soins palliatifs dans les soins de longue durée et dans le secteur de la santé;
  • nécessité d’un « changement général de culture », sur le fondement du vieillissement des personnes résidant en foyer de soins de longue durée.

3. Personnes vivant en maison de retraite

Les maisons de retraite sont financées par des fonds privés; mais leurs résidents ont des ressources variées et ne sont pas forcément à l’aise. De plus en plus recherchées, du fait du manque de places dans le secteur ontarien des soins de longue durée et des conditions d’admissibilité sans cesse plus rigoureuses[407], les maisons de retraite ne sont pas assujetties au même degré de contrôle que les foyers de soins de longue durée. Des personnes vulnérables y résident. Selon l’Advocacy Centre for the Elderly,

  • [traduction] les résidents des maisons de retraite dépendant souvent de l’institution qui les héberge et leur fournit des soins, ils peuvent être en situation de vulnérabilité, d’autant que se trouvant à l’abri de tout examen public, ils « ne sont pas à la vue »[408].

De tristes situations ont été portées à l’attention de la CDO à propos de l’absence de soins de qualité supérieure, de soins palliatifs en particulier. La Loi de 2010 sur les maisons de retraite prévoit que celles-ci doivent mettre au moins deux types de service de soins à la disposition de leurs résidents, directement ou indirectement[409]. La définition de « service en matière de soins » y est large, et s’entend notamment de « l’aide à l’habillage » et de la fourniture des repas[410]. Contrairement aux foyers de soins de longue durée, les maisons de retraite ne sont donc pas tenues de fournir des soins palliatifs ni de fin de vie.

Outre les limites relatives aux maisons de retraite elles-mêmes, des intervenants ont fait part à la CDO des obstacles majeurs qui existent pour y recevoir des services externes. On lui a indiqué par exemple que des prestataires de services organisés par des CASC et de soins palliatifs se sont vus refuser l’accès à l’appartement des résidents. On sait aussi que des maisons de retraite expulsent des résidents au moment où ils besoin de soins palliatifs, et ce, alors qu’ils vivent dans leur appartement, ou bien au moment de leur admission à l’hôpital en cas d’incident de santé. Des maisons de retraite ont interdit à des résidents de rentrer chez eux à leur sortie de l’hôpital[411].

La Loi de 2010 sur les maisons de retraite a établi l’Office de réglementation des maisons de retraite, qui contrôle les normes, les permis, les inspections, les enquêtes et l’exécution. Les maisons de retraite constituant des locations privées, elles sont également visées par la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation. Ces deux lois combinées créent des droits d’occupation qui ne sont pas toujours évidents dans la situation des résidents.

Les deux lois confèrent explicitement aux résidents le droit de demander des services externes de leur choix et de les recevoir chez eux. La Loi de 2010 sur les maisons de retraite prévoit par exemple ce qui suit :

Prestataires externes

  • Le titulaire de permis d’une maison de retraite ne doit pas empêcher les résidents de la maison de demander à obtenir des services en matière de soins auprès de prestataires externes de leur choix. […]
  • […] le titulaire de permis d’une maison de retraite ne doit pas s’ingérer dans la fourniture de services en matière de soins à un résident de la maison par un prestataire externe […][412].

La Déclaration des droits des résidents qui figure dans la Loi de 2010 sur les maisons de retraite et la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation prévoient des garanties aussi claires[413].

Les maisons de retraite peuvent toutefois demander à la Commission de la location immobilière d’expulser les locataires ayant « besoin d’un niveau de soins qu’[elles ne peuvent] […] fournir »[414]. Il faut souligner qu’il revient à la Commission, et non aux locateurs, de décider s’il convient de rendre une ordonnance d’expulsion.

La Commission peut rendre l’ordonnance uniquement dans les cas où elle est convaincue que deux conditions sont remplies :

  1. les services de soin dispensés par la maison de retraite, ajoutés aux services externes également dispensés (soins à domicile et en milieu communautaire financés par l’État) doivent être insuffisants pour combler les besoins du résident;
  2. il existe un autre logement convenable pour le résident[415].

Les résidents disposent donc de moyens de recours, dont celui de déposer une requête auprès de la Commission de la location immobilière en cas d’expulsion illégale, ou encore celui de présenter une plainte à l’Office de réglementation des maisons de retraite[416].

Mais en pratique, les maisons de retraite expulsent des résidents ou font pression sur eux pour qu’ils partent sans déposer de requête auprès de la Commission de la location immobilière[417]. On a déjà indiqué qu’il arrive qu’elles leur interdisent l’accès aux services externes auxquels ils ont droit (de façon générale et avant l’ordonnance d’expulsion).

Les résidents et les personnes à la recherche de produits de vulgarisation juridique et de conseils disposent de plusieurs ressources, dont l’Advocacy Centre for the Elderly et Éducation juridique communautaire Ontario. La CDO tient à en savoir davantage sur la façon dont la Loi de 2010 sur les maisons de retraite et la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation pourraient être mieux observées, et dont les droits des résidents pourraient être mieux respectés; elle veut aussi savoir si des mesures de réforme législative seraient bénéfiques.

4. Premières Nations, Inuits, Métis

Au Canada, les soins de santé pour les peuples autochtones ont de toute urgence besoin de réformes. L’espérance de vie des Autochtones est plus courte, ils connaissent des taux plus élevés de maladies chroniques et des crises sanitaires alarmantes[418]. Ils n’ont pas accès à des services sûrs, adaptés à leur culture, dont ils auraient décidé eux-mêmes[419].

Dans ses appels à l’action, la Commission de vérité et réconciliation du Canada énumère plusieurs domaines de collaboration entre les autorités autochtones, fédérales, provinciales et territoriales en vue d’améliorer la santé, et appelle ces autorités à

[….] reconnaître que la situation actuelle sur le plan de la santé des Autochtones au Canada est le résultat direct des politiques des précédents gouvernements canadiens, y compris en ce qui touche les pensionnats, et de reconnaître et de mettre en application les droits des Autochtones en matière de soins de santé tels qu’ils sont prévus par le droit international et le droit constitutionnel, de même que par les traités.[420]

Les administrations fédérale et provinciales se sont engagées depuis l’an dernier à faire de nouveaux investissements de santé pour les collectivités autochtones[421]. L’Ontario a lancé son Plan d’action pour la santé des Premières Nations pour garantir l’« accès à des soins de santé plus adaptés sur le plan culturel et à de meilleurs résultats »[422].

Le plan d’action ontarien vise plusieurs priorités essentielles, dont les soins de base, la santé publique et la promotion de la santé, les soins aux personnes âgées, la promotion de la vie et le soutien en situation de crise[423]. Des actions recevant davantage de fonds dans ces domaines pourraient peut-être en consacrer une partie aux soins palliatifs[424]. Le plan d’action cependant ne fait pas précisément état de ces derniers. L’Ontario a promis de le mettre en place et de l’évaluer en collaboration avec les partenaires autochtones[425]

Des obstacles considérables sont à vaincre pour que des soins de vie de qualité soient dispensés aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis en Ontario. Les peuples autochtones reçoivent un mélange de soins dispensés selon des arrangements complexes de fonds et de services fédéraux et provinciaux, et issus aussi des Premières Nations. Les soins palliatifs que reçoivent les Autochtones sont fortement tributaires de facteurs tels que le statut au sens de la Loi sur les Indiens, la situation du domicile dans une zone relevant ou non de la compétence des Premières Nations, la situation géographique et les ressources des communautés de celles-ci.

Étant donné les engagements de l’Ontario vis-à-vis des soins palliatifs et aussi de la santé des Autochtones, la CDO que c’est le moment d’améliorer les soins palliatifs d’une façon qui prenne en compte les désavantages subis par les communautés autochtones, notamment les inégalités entre celles-ci. Elle présente à cette fin les difficultés actuelles à prendre en compte.

Il va sans dire que la CDO ne saurait s’exprimer au nom des peuples autochtones. Elle ne fait qu’exposer, dans les limites de son présent document, des obstacles qui ont déjà été signalés.

Voici quelques exemples des difficultés sur lesquelles la CDO souhaite en savoir plus.

  1. Le partage des responsabilités entre les administrations fédérale et provinciales donne lieu à des « failles » en matière de santé : l’administration fédérale régit et finance les soins de santé pour les Premières Nations vivant dans des réserves[426]. Mais l’Ontario doit en même temps dispenser les services financés par l’État à toutes les personnes vivant sur son territoire[427]. Les ambiguïtés découlant de ce partage des compétences donnent lieu à des « failles » dans les soins pour les personnes vivant dans des réserves[428]. Le Tribunal canadien des droits de la personne a récemment interprété avec rigueur le « principe de Jordan », selon lequel le premier organisme « qui reçoit une demande de paiement de service [concernant des enfants vivant dans des réserves] doit d’abord payer ce service et résoudre les problèmes de compétence ensuite »[429]. Les conflits de compétence influent néanmoins sur l’accès aux soins palliatifs en tant que type de service spécial, ce qui est examiné ci-après.
  1. Les soins palliatifs pour les peuples autochtones de l’Ontario sont insuffisants : le financement fédéral pour les réserves couvre les services de santé « essentiels » — soins à domicile et en milieu communautaire, mais non les soins palliatifs adaptés, ni ceux de longue durée[430]. Les personnes vivant dans des réserves ont droit aussi aux services ontariens de soins à domicile et en milieu communautaire[431]. Or, les services financés et dispensés par l’Ontario dans les réserves varient et souvent ne sont pas accessibles, surtout dans les collectivités éloignées[432]. Les personnes autochtones vivant hors réserve peuvent généralement accéder aux mêmes services que les autres résidents de l’Ontario[433]. Des obstacles de nature sociale — culturels, linguistiques notamment – peuvent alors exister (voir ci-après). De plus, le fait de devoir quitter son domicile dans la réserve pour recevoir des soins de fin de vie peut avoir des effets néfastes pour le ou la malade, sa famille, sa collectivité[434]. Même si le MSSLD finance des centres d’accès aux services de santé pour les Autochtones, lesquels dispensent des soins palliatifs dans les réserves et en dehors[435], ceux-ci ont dans l’ensemble insuffisamment accès aux soins palliatifs[436].
  2. Des inégalités existent, selon que l’on vit dans une réserve ou en dehors et selon les collectivités des Premières Nations : les inégalités entre les services accessibles aux personnes vivant dans les réserves et ceux accessibles à celles vivant en dehors se dégagent des deux difficultés que l’on vient d’exposer[437]. Ces disparités touchent différemment les Premières Nations, les Inuits et les Métis, puisqu’en Ontario, seules les Premières Nations bénéficient dans les réserves de services financés par le fédéral. Même si la Cour suprême du Canada a affirmé dans un arrêt récent que la Couronne fédérale a envers les Métis et les Inuits une obligation de fiduciaire et des obligations en vertu de la Loi sur les Indiens, celles-ci ne s’appliquent pas à la prestation des soins de santé[438]. La CDO a appris que la situation démographique, les ressources et les capacités des diverses collectivités des Premières Nations en Ontario diffèrent énormément, en fonction de facteurs complexes (proximité des zones urbaines par exemple)[439].
  1. L’autodétermination est une part importante des soins de santé: leur planification et leur prestation se font en partenariat avec des gouvernements et des organismes autochtones. L’administration de la santé se fait selon un arrangement différent dans chaque réserve. Par exemple, quelques collectivités dispensent les soins au moyen d’ententes de financement entre le Canada et le conseil de bande, et d’autres, en partenariat avec des organismes régis par des traités (la Nishnawbe-Aski Nation par exemple) ou avec des autorités sanitaires des Premières Nations[440]. Dirigés par les collectivités, les centres ontariens d’accès aux services de santé pour les Autochtones tentent de promouvoir l’autodétermination : 60 % de leurs spécialistes sont autochtones; ils emploient aussi des guérisseurs traditionnels (pour un effectif de 360, dans 10 centres)[441]. Malgré tout, la CDO a appris qu’il y a des tensions dans les modes actuels de gestion, et que la volonté existe de renforcer l’autodétermination concernant les soins de santé dispensés aux Autochtones.
  1. En matière de soins de santé, l’adéquation culturelle est liée à la « sécurité »: elle est un objectif pour tous les soins de fin de vie. On emploie parfois « sécurité culturelle » pour désigner la sensibilisation aux cultures et la capacité de bien soigner les Autochtones[442]. Le fait de cerner la question en termes de sécurité permet de saisir la relation entre les services classiques et la colonisation, la discrimination et l’oppression qu’ont vécues les Autochtones et dont les répercussions traumatiques sur de multiples générations se poursuivent[443]. Il est certain que l’on s’efforce en Ontario d’intégrer la dimension de la sécurité culturelle aux soins de fin de vie[444]. Pourtant, les conseils normalisés sur la sécurité culturelle n’existent pas, et les croyances, les pratiques et les langues autochtones n’ont été ni bien intégrées, ni renforcées[445]. La CDO estime que la demande de soins culturellement adaptés en tant que droit issu des traités, et les contestations en justice sur le droit de recevoir des soins traditionnels en vertu de la Constitution démontrent l’urgence de formuler l’ampleur de la sécurité culturelle[446]. La CDO approfondit les questions se rapportant aux cultures, autochtones notamment, au chapitre 6 du présent document.

On a déjà indiqué que la CVRC recommande dans ses appels à l’action d’améliorer les soins de santé destinés aux Autochtones, notamment de reconnaître les pratiques autochtones pour guérir, d’augmenter l’effectif des personnels sanitaires autochtones et d’enseigner obligatoirement l’histoire des Autochtones, leurs droits, leurs pratiques, et les traités[447].

La CDO a appris lors de ses consultations que de nombreuses actions prometteuses sont en cours en Ontario pour les soins palliatifs, dans lesquelles s’affirment la mobilisation et l’autonomisation des collectivités autochtones, par exemple le projet visant à améliorer les soins de fin de vie dans les collectivités des Premières nations, qui est mené avec quatre d’entre elles[448].

La CDO souhaite connaître, outre ce que vivent les personnes autochtones, la façon dont ces programmes et ces sources communautaires, comme le rapport de la CVRC, pourraient nourrir les travaux en cours.

5. Les sans-abri

L’absence de domicile fixe touche une diversité de personnes vivant dans des situations extrêmement vulnérables – personnes victimes de violence familiale hébergées dans des refuges, immigrants hébergés dans des logements temporaires, personnes sans abri qui vivent dans la rue. La portée des définitions de l’expression « absence de domicile fixe » est variable, et le Rond-point de l’itinérance lui donne un sens large :

  • situation d’un individu ou d’un ménage qui n’a pas de logement stable, permanent et adéquat, ou qui n’a pas de possibilité immédiate de s’en procurer un[449].

La gamme des situations est variée, car l’« absence de domicile fixe ne fait pas de distinction selon l’âge, le genre, la sexualité ou la race »[450]. Des groupes sont toutefois beaucoup trop touchés, notamment quelques-uns de ceux mentionnés ci-dessus :

  • les personnes cherchant à se protéger des mauvais traitements,
  • les nouveaux immigrants,
  • les personnes ayant des problèmes mentaux et des déficiences cognitives;
  • les personnes ayant des problèmes de dépendance,
  • les personnes cherchant à se loger après un séjour en institution (foyer de groupe, protection de l’enfance, établissement psychiatrique, prison par exemple).

Les personnes à faible revenu ont moins accès aux services de santé et sont en moins bonne santé, et ces constatations sont particulièrement évidentes chez les sans-abri[451]. Ceux-ci cumulent les difficultés et ont souvent des problèmes mentaux. Ils disposent pourtant de moins de ressources pour traiter leurs problèmes physiques, psychologiques et sociaux, et leur taux de morbidité est plus élevé que celui du reste de la population[452]. On estime que [traduction] « les hommes de 25 ans qui vivent dans des refuges, des meublés ou des hôtels vivront en moyenne 42,3 années »[453].

Des intervenants ont indiqué à la CDO que les services classiques de soins palliatifs ne sont pas bien adaptés pour rejoindre les sans-abri de l’Ontario et leur prodiguer des soins de qualité.

Des obstacles sont certes particuliers pour différentes personnes de ce groupe, mais d’autres sont communs à tout le groupe. La plupart des sans-abri par exemple n’ont pas de carte Santé[454]. L’absence de domicile fixe rend difficile l’utilisation des documents ordinaires, ce qui gêne l’accès à l’ensemble du système de santé[455]. Des maisons de soins palliatifs refusent de s’occuper de personnes sans domicile fixe ou sans prestataire de soins de base – et les sans-abri peuvent n’avoir ni l’un, ni l’autre[456]. Même les soins de première urgence et à l’hôpital peuvent être hors de leur portée[457].

Les priorités des sans-abri entrent souvent en concurrence avec leurs besoins en matière de santé. Les nécessités immédiates de la vie comme la nourriture et le logement priment souvent sur les soins, d’où des possibilités de retard pour obtenir de l’aide ou un manque de continuité dans les soins[458]. Le caractère temporaire du logement peut ainsi entraîner une incapacité à prendre des rendez-vous ou à les respecter[459]. Il peut aussi y avoir des difficultés à obtenir des médicaments sur ordonnance et à suivre les conseils du médecin[460].

La CDO a été informée que des sans-abri subissent des préjudices considérables, ce qui influe sur la qualité des soins qu’ils ou elles reçoivent et les fait hésiter à rechercher de l’aide[461]. Elle a appris que souvent, des prestataires de soins ont du mal à comprendre certains choix de vie ou les critiquent, aggravant ainsi l’absence de contact des sans-abri avec le système de santé.

Parmi les autres difficultés propres à ce groupe, citons les politiques restrictives sur la consommation de stupéfiants dans les établissements de santé pour les personnes dépendantes, et le fait de dépendre du personnel ou des travailleurs sociaux parce que l’on est isolé de sa famille et de ses amis[462]. Ce ne sont là que quelques-uns des obstacles auxquels est confronté le groupe des sans-abri.

La Déclaration de partenariat reconnaît la marginalisation des sans-abri et que les pouvoirs publics doivent y apporter une meilleure réponse[463]. Le rapport Fraser fait état de l’absence de domicile fixe, et conseille aux prestataires de soins de « faire preuve de souplesse lorsqu’ils prodiguent des soins à […] [d]es sans-abri et des patients n’ayant pas de papier d’identité, de carte d’assurance-maladie ou de domicile fixe pour recevoir le fournisseur de soins de santé »[464]. L’Ontario fait peu cependant pour combler les manques vis-à-vis du groupe des sans-abri. Les actions visant à répondre à leurs besoins sont souvent des projets particuliers et indépendants[465].

Il y a par exemple l’action des « infirmiers de rue » et aussi deux projets qui attirent favorablement l’attention : Palliative Education and Care for the Homeless (PEACH) à Toronto, et le Mission Hospice Program à Ottawa.[466]

Programme communautaire d’action sociale, PEACH procure des soins palliatifs grâce à un système d’abri mobile à des personnes qui pour diverses raisons n’ont pas de domicile fixe[467]. Soixante médecins et des infirmiers y travaillent, qui se déplacent dans des refuges et dans des haltes pour aider les personnels à développer leurs capacités et pour dispenser des soins directs. On aide les personnes qui depuis des années voient peu ou pas du tout les médecins. On dispense les premiers soins palliatifs, quel que soit le stade de la maladie[468].

Le Mission Hospice Program dispense des soins palliatifs aux résidents de la Mission d’Ottawa[469]. Selon une méthode de réduction des préjudices visant à gérer les besoins particuliers des résidents dépendants qui reçoivent des soins palliatifs, on s’efforce d’atténuer les effets néfastes des drogues sans exiger l’arrêt de la consommation. Les règles sont strictes en revanche concernant les injections à la Mission, et pour garantir que les médicaments sont conservés en lieu sûr et administrés uniquement par le personnel[470].

La CDO souhaite dans ses prochaines consultations en apprendre davantage sur les possibilités de mettre à profit des actions telles que PEACH et le Mission Hospice Program, et sur les changements systémiques possibles.

6. Personnes handicapées

Les personnes handicapées défendent depuis longtemps les pleins droits de citoyenneté et de participation dans la société. Elles ont réussi à faire reconnaître diverses mesures d’accommodement, et en vertu de la Charte, du Code des droits de la personne, de la Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario et de la Loi de 2008 sur les services et soutiens favorisant l’inclusion sociale des personnes ayant une déficience intellectuelle, à faire éliminer certaines inégalités issues de la discrimination sociale[471]. Elles continuent à se battre pour que soient éliminées les inégalités qui persistent dans de nombreux domaines, pour les soins dispensés durant les derniers moments de la vie notamment.

Toutes les personnes qui sont en fin de vie sont vulnérables, mais les personnes handicapées le sont davantage encore. En vieillissant, il est possible de développer des déficiences physiques et cognitives, et la santé fonctionnelle des personnes dont l’incapacité est antérieure peut se détériorer avec les années[472].

La vulnérabilité accrue des personnes handicapées en fin de vie peut être attribuée à des facteurs sociaux comme le préjudice, la marginalisation, l’isolement social et les nombreuses expériences d’avoir été maltraitées et négligées[473]. La vulnérabilité est surtout ressentie par les personnes dont les capacités cognitives sont amoindries : elles peuvent ignorer les options dont elles disposent, ou avoir des difficultés à communiquer leurs besoins et leurs inquiétudes[474]. Parce qu’elles limitent la capacité d’obtenir des services et parfois celle de faire valoir ses droits, la discrimination et la vulnérabilité sont malheureusement des obstacles à la qualité des soins[475].

Le manque d’accessibilité est également un obstacle majeur qui influe sur l’admission des personnes handicapées aux soins palliatifs[476]. Il peut être difficile pour les prestataires de soins par exemple de déceler le début de la fin de vie chez les personnes handicapées[477]. Parce que le parcours de leur maladie peut avoir été peu étudié ou parce qu’il est imprévisible, il peut s’avérer difficile de déterminer à quel moment la personne pourrait passer à des types de soin différents ou bien être transférée dans des établissements différents[478].

Certains obstacles à la qualité des soins que reçoivent des personnes handicapées sont connus. Elles peuvent avoir des besoins sanitaires complexes qui limitent la gamme des options dont elles peuvent disposer[479]. La personne qui se sert d’un fauteuil roulant peut par exemple être limitée aux établissements ayant des rampes d’accès ou des couloirs suffisamment larges pour permettre le passage des fauteuils roulants[480]. Les personnes dont l’incapacité touche l’ouïe, la parole, la capacité de lire ou de comprendre peuvent avoir besoin d’aides pour surmonter les obstacles de communication.

De plus, les rapports de certaines personnes handicapées avec le système de santé sont souvent marqués par la méfiance[481]. Il y a des antécédents bien établis de paternalisme à leur égard, notamment d’institutionnalisation généralisée, en Ontario et ailleurs, des personnes ayant diverses incapacités physiques, cognitives et de communication[482]. Il s’ensuit que l’institutionnalisation est la pire solution pour nombre d’entre elles, qui préféreraient vivre chez elles avec de l’aide ou dans des logements avec des services de soutien et des soins palliatifs[483].

La CDO a entendu dire que pour les Ontariens handicapés, le passage aux soins de longue durée est une étape particulièrement sensible qui mérite d’être étudiée. On a notamment exprimé les inquiétudes que ce type de soins est perçu comme une forme de « réinstitutionnalisation », que souvent les foyers de soins de longue durée ne sont pas équipés pour dispenser des soins personnalisés aux personnes ayant des besoins complexes et que les services de soins existants pourraient être renforcés de façon à s’adapter à l’évolution des besoins des personnes handicapées qui vieillissent. Les soutiens pour vivre en autonomie sont surtout inexistants pour les jeunes handicapés, qui ne sont peut-être pas à leur place dans un système destiné aux personnes âgées. Des partenariats novateurs dans les secteurs sanitaire et social sont à l’évidence nécessaires pour aborder ces problèmes.

Ces difficultés et d’autres encore pour répondre aux besoins des personnes handicapées en fin de vie peuvent se résumer de la façon suivante :

  • indifférence aux besoins complexes des personnes handicapées pendant les derniers moments de leur vie, notamment absence d’accommodements dans les établissements et dans l’accès aux soins palliatifs;
    • obstacles dans les mentalités à propos des capacités des personnes, notamment celle de décider de leurs traitements;
    • absence de soutiens pour les obstacles à la communication;
    • rapports difficiles avec le système de santé, dus à la discrimination sociale, notamment à l’institutionnalisation;
    • intégration insuffisante dans les secteurs sanitaire et social.

En Ontario, quelques actions ont une démarche de collaboration afin de prendre en compte les préoccupations des personnes qui ont des troubles du développement et qui sont en fin de vie. L’OPADD (Ontario Partnership on Aging and Developmental Disabilities) par exemple est un réseau de partenaires, dont le MSSLD, le MCSS et des établissements médicaux. Il dispose d’un groupe de travail sur le vieillissement qui travaille à assurer la continuité des soins[484].

Le MSSLD et le MCSS ont élaboré conjointement un protocole visant à faciliter l’accès aux foyers de soins de longue durée pour les personnes ayant des déficiences intellectuelles[485]. Le protocole est en cours de révision; à la connaissance de la CDO, il n’aborde pas précisément les questions de la fin de vie, les soins palliatifs notamment.

Comme pour les autres groupes qu’elle étudie dans le projet, la CDO espère en apprendre davantage sur d’autres mesures qui pourraient renforcer la dignité, la participation et l’égalité des personnes handicapées en fin de vie.

E. L’accès à la justice au plan de la réforme du droit

Dans la mesure où le fait de favoriser l’égalité et l’accès à la justice pendant les derniers moments de la vie est une priorité de son projet, la CDO doit réfléchir à la façon d’y arriver, surtout sur le plan de la réforme du droit.

Le présent chapitre a examiné les rapports entre les garanties et les principes juridiques, et l’accès aux services et aux soutiens. On a montré que les droits à l’égalité ainsi que d’autres droits et principes permettent de répondre aux besoins des populations diverses de l’Ontario dans le respect de leur dignité, de leur participation, de leur égalité et de leur sécurité. (Les textes fondateurs dans ce domaine ont été brièvement présentés en 3.C)

On a en outre résumé quelques-uns des engagements antérieurs de l’Ontario pour des soins palliatifs équitables, ainsi que les observations que la province a reçues des intervenants qui demandent que soit utilisée une conception « adaptée ».

Compte tenu de tous ces éléments, la CDO voudrait savoir en quoi, selon les Ontariens, devrait consister son rôle pour la présentation de recommandations concernant les groupes ayant des besoins non satisfaits.

La CDO pourrait par exemple recommander dans son projet que l’Ontario adopte dans sa stratégie pour les soins palliatifs, qui est en cours de rédaction, des mesures visant à garantir des modes de soin adaptés à l’intention de groupes particuliers ayant des besoins non satisfaits. Elle pourrait notamment proposer que les actions en cours pour normaliser les principes et les conditions d’admissibilité tiennent compte des personnes qui souvent ne sont pas mentionnées, s’agissant de soins palliatifs – personnes âgées très fragiles, personnes handicapées. Elle pourrait aussi proposer que les aidants naturels soient officiellement reconnus dans la stratégie pour les soins palliatifs. Elle pourrait recommander notamment l’adoption de mesures visant à garantir que les services soient élargis aux établissements de soins qui pour l’instant ont du mal à dispenser des soins équitables à leurs résidents – foyers de groupe, refuges, foyers de soins de longue durée en particulier.

La CDO pourrait aussi aborder une réforme du droit en évaluant les cadres juridiques qui concernent des populations variées, de façon à ce qu’ils incluent des dispositions pertinentes aux derniers moments de la vie. Elle pourrait par exemple analyser les lois et les orientations du régime ontarien des droits de la personne, en vue de déterminer si elles protègent correctement les groupes qui sont sous-représentés dans le système de santé.

Enfin, la CDO pourrait délibérément cibler divers groupes afin de présenter des recommandations adaptées à leur situation particulière – aidants naturels, sans-abri, Premières Nations, Inuits, Métis notamment.

En proposant ces options, la CDO vise à valoriser les rapports déjà publiés dans ce domaine – à aller plus loin en présentant des recommandations adaptées, concrètes, précises, réalisables.

À ce stade du projet, la CDO demande simplement aux Ontariens de commenter ces options dans une optique de réforme du droit, afin qu’elle puisse affiner son analyse dans ses consultations, puis dans ses rapports.

F. Questions à discuter

7. Qu’avez-vous pu constater vis-à-vis d’un groupe ayant des besoins pendant les derniers moments de la vie, soit que vous apparteniez à ce groupe, soit que vous le souteniez?

8. Quelles réformes législatives sont nécessaires selon vous pour les groupes ayant des besoins non satisfaits? Quelle serait la façon la plus efficace de les mettre en application?

9. Y a-t-il des groupes ayant des besoins non satisfaits dont le présent document ne fait pas état, et que la CDO devrait prendre en compte?