A.   Introduction

Le présent document de travail a exposé précédemment la façon dont les décisions peuvent être prises en vertu des lois sur la capacité juridique et la prise de décision, de même que les personnes qui peuvent participer à cette prise de décision. Le présent chapitre s’attarde aux procédures de nomination et de fin de mandat en ce qui a trait à la prise de décision.

Quelle que soit la forme des procédures de nomination et de fin de mandat, il faut trouver un équilibre entre des buts parfois divergents, notamment :

  • L’accessibilité. Les personnes qui concluent un arrangement de prise de décision ou y mettent fin ont-elles un accès raisonnablement facile aux procédures (notamment en ce qui a trait au coût, à la complexité, à la sensibilité aux réalités culturelles et à l’accessibilité pour les personnes handicapées)? Si les considérations relatives à l’accessibilité sont importantes dans toute procédure juridique, elles prennent ici une signification particulière, car la majorité des personnes concernées ont une forme ou d’une autre de déficience et nombre d’entre elles doivent recourir à ces procédures dans un état de grande vulnérabilité; de plus, ce domaine du droit touche une grande partie de la population, dont un grand nombre connaît peu ce domaine et s’y sent à l’aise.
  • L’efficacité. Les procédures peuvent-elles être appliquées dans un délai raisonnable, sans exercer des pressions indues sur les ressources disponibles? La question du délai revêt souvent une importance particulière dans ce domaine, en raison de la nécessité de protéger les droits fondamentaux et la sécurité des personnes visées.
  • La souplesse. Comme on l’a signalé ailleurs dans le présent document, la capacité juridique est souvent variable. Certaines personnes améliorent leurs compétences en matière de prise de décision au fil du temps, à mesure qu’elles apprennent l’existence des ressources sociales et y recourent, alors que d’autres deviennent moins compétentes. D’autres enfin ont parfois la capacité juridique, et parfois non. Il importe donc que les procédures soient suffisamment souples pour que les personnes juridiquement capables ne se retrouvent pas engagées dans un arrangement de prise de décision au nom d’autrui et que celles qui ont besoin d’aide l’obtiennent rapidement.
  • Le choix. Étant donné la nature de la prise de décision au nom d’autrui, il est important de proposer à la personne la possibilité de choisir elle-même son mandataire spécial, chaque fois que possible, non seulement pour respecter sa dignité et son autonomie, mais aussi pour améliorer la qualité de la nomination. En effet, la personne est la mieux placée pour savoir qui a la compréhension et le dévouement nécessaires pour avoir à cœur ses valeurs et ses intérêts. La possibilité de choisir lui permet de planifier, de prendre et de communiquer des décisions au sujet des imprévus à venir.
  • La surveillance, la protection de la vie privée. L’abus ou l’utilisation à mauvais escient des pouvoirs de prise de décision au nom d’autrui sont des préoccupations récurrentes dans ce domaine du droit; la possibilité que la personne nommée puisse être surveillée est l’un des moyens de prévenir les abus. Par ailleurs, la nomination ou la fin du mandat d’un mandataire spécial supposent souvent des renseignements personnels de nature très délicate; pour protéger la vie privée, il convient parfois de ne rendre publiques ces procédures que lorsque c’est nécessaire.
  • La transparence et la reddition de comptes. Dans le cadre de procédures de nomination, la transparence et la reddition de comptes peuvent aider à prévenir et à reconnaître les abus de pouvoir en matière de prise de décision au nom d’autrui et, lorsqu’il s’agit de procédures publiques, à garantir que le pouvoir discrétionnaire s’exerce correctement et de manière responsable. Ces objectifs doivent toutefois tenir compte d’un juste équilibre par rapport au désir bien naturel des personnes de protéger le caractère privé des détails de leur vie personnelle.
  • La prise en compte du contexte. L’importance relative de ces objectifs et les moyens les mieux à même de les atteindre dépendent de la situation particulière d’une personne. Les procédures les plus appropriées et efficaces dans le contexte des soins de santé diffèrent de celles qui conviennent le mieux aux décisions relatives aux biens d’une personne; une procédure appropriée à une décision ponctuelle ou rapide n’est pas forcément la meilleure dans une situation à long terme.

Il convient de noter ici que le présent chapitre porte sur le modèle actuel de prise de décision au nom d’autrui en Ontario; cependant, nombre de considérations s’appliqueront aussi si l’Ontario devait adopter le modèle de la prise de décision accompagnée.

Comme il est précisé dans les Cadres de la CDO, les procédures d’accès aux droits et avantages fondamentaux sont aussi importantes que les droits et avantages eux-mêmes. La liste des objectifs que doivent viser les procédures de nomination et de fin de mandat met en évidence leur relation avec les principes énoncés dans les Cadres. Non seulement est‑il essentiel de disposer de procédures efficaces et appropriées pour que les personnes visées par ce domaine du droit puissent préserver leur dignité, leur autonomie, leur capacité de participation ainsi que leur santé et leur sécurité, mais les procédures elles-mêmes doivent être conformes à ces principes. Par exemple, un manque d’accessibilité aux procédures de nomination minerait le principe du respect de la diversité et de l’individualité, et à défaut de tenir compte du choix d’une personne quant à l’identité de son mandataire spécial, on nuirait à son autonomie.

Le droit ontarien prévoit trois moyens de nommer un mandataire spécial :

  1. La nomination personnelle. La personne nomme elle-même son mandataire spécial, de façon autonome, par une procuration relative aux biens ou une procuration relative au soin de la personne.
  2. La nomination publique. Une cour, un tribunal ou une entité administrative nomme le mandataire spécial. Il peut s’agir d’une tutelle légale, de la nomination d’un tuteur par le tribunal en vertu de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui (LPDNA) ou de la nomination par la Commission du consentement et de la capacité (CCC) d’un représentant en vertu de la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé (LCSS).
  3. La nomination automatique. En vertu de la LCSS, des mandataires sont nommés selon une liste hiérarchisée.

Lors de ses consultations préliminaires, la CDO a surtout noté des préoccupations touchant la nomination de procureurs (en vertu d’une procuration) et de tuteurs. En ce qui a trait aux nominations automatiques en vertu de la LCSS, les préoccupations portaient principalement sur les problèmes de mise en œuvre liés aux malentendus très répandus au sujet de la liste hiérarchisée[489]. Le présent chapitre est donc axé sur les nominations personnelles et les nominations publiques plutôt que sur les nominations automatiques. Cependant, les intéressés sont encouragés à communiquer leurs préoccupations importantes concernant les nominations automatiques à la CDO dans le cadre des consultations publiques.

 

  • QUESTION À ABORDER : les procédures de nomination de mandataires spéciaux en vertu de la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé soulèvent-elles des préoccupations auxquelles il faut répondre dans le cadre de la réforme de ce domaine du droit?

 

B.    La procédure de nomination personnelle

1.     La réglementation sur les procurations en Ontario

Introduction

En Ontario, les nominations personnelles sont des procurations perpétuelles ou des procurations subordonnées à une condition suspensive relatives aux biens ou au soin de la personne. Une procuration perpétuelle entre en vigueur immédiatement et dure tout le long de l’incapacité du mandant, alors qu’une procuration subordonnée à une condition suspensive ne prend effet que lorsque survient l’incapacité du mandant. Les procurations sont des instruments extrêmement puissants; par exemple, une procuration relative aux biens donne au procureur tous les pouvoirs du mandant, sauf celui de faire un testament. Le mandataire peut donc faire des placements ou vendre des actions, acheter ou vendre des biens (y compris la maison du mandant), faire des achats, importants ou non, et effectuer des opérations entre les comptes du mandant. Le procureur constitué en vertu d’une procuration relative au soin de la personne a une mainmise considérable sur les détails les plus intimes de la vie quotidienne, notamment sur le milieu de vie du mandant, le type de soins de santé qu’il reçoit, ainsi que les décisions portant sur l’hygiène, la nutrition et la sécurité. Cette souplesse permet au procureur d’agir de façon efficace au nom du mandant, mais elle lui donne aussi un ascendant considérable sur son bien‑être. La procuration peut être utilisée à mauvais escient : le choix du procureur aura donc des répercussions considérables sur la vie du mandant. Il faut notamment souligner qu’après avoir perdu sa capacité juridique, une personne perd parfois aussi la capacité de révoquer la procuration.

Les nominations personnelles d’un procureur pour pallier la perte de capacité juridique sont relativement nouvelles. Jusqu’à tout récemment, les nominations publiques étaient la seule façon de nommer un mandataire spécial[490]. L’adoption de dispositions plus souples et plus accessibles, comme les listes hiérarchisées visant des décisions ponctuelles bien définies (par exemple, le consentement aux soins de santé) et les procurations perpétuelles ou subordonnées à une condition suspensive, représente un progrès important dans ce domaine du droit.

Il existe un certain nombre de différences importantes entre une nomination personnelle et une nomination publique d’un accompagnateur ou d’un mandataire spécial :

  • Les nominations personnelles sont habituellement plus accessibles. Une nomination publique entraîne inévitablement des coûts et des délais, notamment lorsqu’une cour ou un tribunal doit intervenir et qu’il faut donc retenir les services d’un avocat. Une nomination personnelle est peu coûteuse, voire gratuite, selon les exigences légales qui régissent sa création.
  • Les nominations personnelles sont habituellement plus souples que les nominations publiques. Il est relativement simple pour une personne d’accorder ou de révoquer une procuration, alors que la procédure de tutelle est souvent complexe et laborieuse, et donc plus difficile à appliquer ou à révoquer.
  • Les nominations personnelles permettent de planifier. Par exemple, les procurations perpétuelles et subordonnées à une condition suspensive permettent de choisir à l’avance un mandataire spécial en cas de perte de la capacité juridique. Les nominations publiques, comme la tutelle, visent à répondre à la situation qui prévaut au moment de la requête.
  • Les nominations publiques, par définition, permettent de mieux surveiller le mandataire spécial et ses activités. Les nominations personnelles reposent sur le discernement de celle-ci, car elle est censée savoir qui a le plus à cœur ses intérêts et ses valeurs. La plupart du temps, la surveillance de l’exercice des pouvoirs conférés par une procuration se fait par des moyens officieux, et les éventuelles sanctions découlent de plaintes individuelles plutôt que de mécanismes proactifs.

Il importe de ne pas confondre le mécanisme de nomination et l’identité des personnes qui peuvent être nommées. Les mécanismes de nominations publiques permettent de nommer des personnes – parents ou amis, par exemple – pour agir au nom d’une personne. Comme on l’a établi au chapitre précédent, les mécanismes de nomination personnelle peuvent, dans certaines circonstances bien particulières, entraîner la nomination du tuteur et curateur public (TCP)[491]. Le plus souvent, les personnes désignées en vertu d’une procuration sont des personnes avec qui le mandant entretient des relations personnelles étroites basées sur la confiance, comme des parents ou des amis proches. Ce sont les personnes qui connaissent le mieux le mandant et qui comprennent vraisemblablement le mieux ses valeurs et ses espoirs, ont à cœur son bien‑être et font preuve du dévouement et de l’engagement nécessaires pour se charger des responsabilités parfois lourdes associées à cette fonction.

L’Ontario prévoit un régime complet qui établit les exigences applicables à la création des procurations, le rôle et les responsabilités des personnes qui agissent en vertu de ces procurations, ainsi que des moyens de résoudre les problèmes découlant d’un mauvais usage. Ce régime est exposé dans la LPDNA[492]. Il existe deux types de procurations, les procurations relatives aux biens et les procurations relatives au soin de la personne, dont les exigences présentent des différences parfois importantes et exposées séparément ici.

 

Les procurations relatives aux biens

La portée de la procuration. Une procuration perpétuelle relative aux biens peut autoriser le procureur à faire, au nom du mandant, tout ce que pourrait faire ce dernier relativement à ses biens s’il était capable, à l’exception de son testament[493]. Le mandant doit avoir au moins dix-huit ans[494].

La capacité de donner et de révoquer une procuration perpétuelle relative aux biens. Comme il est dit au chapitre I de la partie Deux, la LPDNA établit une norme quant à la capacité de créer une procuration perpétuelle relative aux biens. Cette norme est exigeante. Pour que la procuration soit valide, le mandant doit :

a)     savoir quel type de biens il possède et connaître leur valeur approximative;

b)    être conscient des obligations qu’il a envers les personnes à sa charge;

c)     savoir que le procureur pourra faire en son nom, à l’égard de ses biens, tout ce qu’il pourrait faire s’il en était capable, sauf faire un testament, sous réserve des conditions et restrictions énoncées dans la procuration;

d)    savoir que le procureur doit rendre compte des mesures qu’il prend à l’égard de ses biens;

e)     savoir qu’il peut, s’il en est capable, révoquer la procuration perpétuelle;

f)      se rendre compte que si le procureur ne gère pas ses biens avec prudence, leur valeur pourrait diminuer;

g)     se rendre compte de la possibilité que le procureur puisse abuser des pouvoirs qu’il lui donne[495].

Il n’est pas nécessaire que la personne donnant la procuration soit capable, à ce moment-là, de gérer ses biens[496]. Toute personne capable de créer une procuration perpétuelle est également capable de la révoquer[497].

Qui peut agir à titre de procureur? Pour agir à titre de procureur en vertu d’une procuration relative aux biens, il faut avoir au moins dix-huit ans[498]. Une personne peut nommer deux procureurs ou plus, qui doivent agir conjointement à moins de dispositions contraires de la procuration[499]. Si les procureurs agissent conjointement et que l’un d’entre eux décède, démissionne ou devient incapable, les autres peuvent continuer à agir en vertu de la procuration[500]. Le tuteur et curateur public peut agir en qualité de procureur des biens, mais seulement si son consentement est obtenu avant la passation de la procuration[501].

La LPDNA prévoit des dispositions en cas de démission du procureur[502] ou de fin de mandat en raison de son décès ou de son incapacité, de la nomination d’un tuteur aux biens, de la passation d’une nouvelle procuration relative aux biens, de la révocation de la procuration ou du décès du mandant[503].

La création de la procuration. Il n’est pas nécessaire que la procuration perpétuelle soit rédigée selon une formule particulière[504], mais il est possible d’utiliser la formule proposée par le ministère de la Procureure générale[505]. Pour qu’une procuration relative aux biens reste valide lorsque le mandant devient incapable de gérer ses biens, le document doit établir qu’il s’agit d’une procuration perpétuelle, ou le mandant doit y exprimer l’intention que les pouvoirs qu’il accorde se prolongent lorsqu’il deviendra incapable de gérer ses biens[506]. La procuration est passée en présence de deux témoins. La LPDNA énumère les types de personnes qui ne peuvent pas agir en qualité de témoin, notamment les personnes de moins de dix-huit ans, le conjoint ou le partenaire du procureur ou du mandant, le procureur, un enfant du mandant ou une personne ayant un tuteur aux biens ou un tuteur à la personne[507].

L’entrée en vigueur de la procuration. Une procuration perpétuelle relative aux biens peut entrer en vigueur au moment de sa création, ou le mandant peut préciser qu’elle entrera en vigueur au moment où il deviendra incapable de gérer ses biens. Dans ce dernier cas, le mandant peut préciser la méthode à employer pour évaluer sa capacité; s’il ne le fait pas, la procuration peut entrer en vigueur après une évaluation par un appréciateur de la capacité en vertu de la LPDNA, ou une évaluation de la capacité de gérer les biens en vertu de la Loi sur la santé mentale[508].


La procuration relative au soin de la personne

La portée de la procuration. Une procuration relative au soin de la personne peut porter sur des questions comme les soins de santé, l’alimentation, l’hébergement, l’habillement, l’hygiène ou la sécurité[509]. La procuration relative au soin de la personne peut comprendre des conditions ou des restrictions quant à son utilisation, ou des instructions relatives aux décisions que le procureur est autorisé à prendre[510]. Un mandant peut, dans une procuration relative au soin de la personne, dans des circonstances soigneusement définies, autoriser l’usage de la force par le procureur et les autres personnes qui relèvent de lui[511].

La capacité de donner une procuration relative au soin de la personne. Pour créer une procuration relative au soin de la personne, il faut avoir au moins seize ans[512]. Comme il a été dit au chapitre I de la partie Deux, le critère de détermination de la capacité de créer une procuration relative au soin de la personne est le plus facile à satisfaire de tous les critères de détermination de la capacité de la LPDNA et de la LCSS. Pour créer une procuration relative au soin de la personne, une personne doit être en mesure de comprendre si le procureur s’intéresse réellement à son bien-être et se rendre compte qu’elle peut avoir besoin que le procureur prenne des décisions pour elle. Il n’est pas obligatoire que la personne soit capable de prendre soin d’elle-même au moment de la création d’une procuration relative au soin de la personne. Toute instruction donnée dans la procuration relative au soin de la personne quant à des décisions particulières est valide si, au moment de la passation de la procuration, la personne a la capacité de prendre cette décision. Quiconque est capable de créer une procuration relative au soin de la personne est également capable de la révoquer[513].

La création d’une procuration relative au soin de la personne. Comme c’est le cas pour une procuration relative aux biens, une procuration relative au soin de la personne peut prendre n’importe quelle forme, entre autres, la forme proposée au public par le ministère de la Procureure générale[514]. La passation de la procuration relative au soin de la personne doit se faire en présence de deux témoins. La liste des personnes qui ne peuvent pas être témoins est la même que pour la procuration relative aux biens[515].

L’entrée en vigueur d’une procuration relative au soin de la personne. Il importe de souligner que la procuration relative au soin de la personne n’entre en vigueur que lorsque le mandant devient incapable de prendre des décisions quant au soin de sa personne. Les décisions relatives au soin de la personne ne peuvent pas être prises au nom de personnes qui sont capables de prendre ces décisions[516]. Pour les décisions qui relèvent de la LCSS, une procuration relative au soin de la personne entre en vigueur lorsque la personne reconnue incapable au sens de la Loi; le procureur est alors autorisé à prendre les décisions nécessaires. Dans les autres cas, la procuration relative au soin de la personne entre en vigueur lorsque le procureur a des motifs raisonnables de croire que la personne est dans l’incapacité juridique de prendre une décision, c’est-à-dire que cette personne ne peut pas comprendre les renseignements qui sont pertinents à la prise d’une décision (p. ex. hygiène, hébergement) ou évaluer les conséquences raisonnablement prévisibles d’une décision ou d’une absence de décision[517].

Le mandant peut, dans une procuration relative au soin de la personne, demander que l’incapacité relative aux décisions qui ne relèvent pas de la LCSS soit confirmée. Le mandant peut préciser la méthode de confirmation; dans le cas contraire, l’incapacité juridique doit être établie par un appréciateur de la capacité[518].

Qui peut agir en qualité de procureur? Pour agir en qualité de procureur au soin de la personne, il faut avoir au moins seize ans[519]. Le tuteur et curateur public peut agir en qualité de procureur au soin de la personne si son consentement est obtenu avant la passation de la procuration[520]. Les personnes qui fournissent des soins de santé, des services en établissement, des services sociaux, des services de formation ou des services de soutien en retour d’une rémunération ne peuvent pas agir en tant que procureurs, à moins d’être le conjoint, le partenaire ou un parent du mandant[521]. La responsabilité de procureur peut être partagée entre plusieurs personnes; celles-ci doivent agir conjointement à moins de dispositions contraires de la procuration relative au soin de la personne[522]. Si deux procureurs ou plus agissent conjointement et que l’un d’eux décède, devient incapable à prendre soin de sa personne ou démissionne, le ou les procureurs qui restent sont autorisés à agir en vertu de la procuration[523]. La LPDNA prévoit des dispositions relatives à la démission d’un procureur[524] ou à la fin de mandat en raison du décès ou de l’incapacité du procureur, de la nomination d’un tuteur au soin de la personne, de la passation d’une nouvelle procuration au soin de la personne, de la révocation de la procuration ou du décès du mandant[525].

 

2.     Sujets de préoccupation et critiques

L’utilisation des procurations perpétuelles et des procurations subordonnées à une condition suspensive est généralement considérée comme un aspect très positif du régime législatif ontarien, pour les raisons susmentionnées. Une procuration est un moyen souple et accessible pour le mandant de planifier en choisissant la personne qui lui viendra en aide en cas d’incapacité juridique.

Cependant, les intéressés ont exprimé des préoccupations importantes quant aux possibilités d’abus de pouvoir par les procureurs, notamment en cas de procuration relative aux biens. La nature privée de ces nominations tend à réduire les possibilités d’examen et à augmenter le risque que des abus passent inaperçus. Évidemment, il est aussi possible qu’une personne nommée dans le cadre d’une procédure publique (tutelle) abuse de ses pouvoirs. Comme on l’expose au chapitre I de la partie Quatre, les abus existent dans toutes les formes de nomination. Cependant, les ententes privées comportent ou accentuent certains risques qui leur sont propres. Il s’agit de trouver l’équilibre entre la nécessité d’éviter les abus et l’importance d’assurer un accès à ces outils. Comme l’affirme l’Alberta Law Reform Institute,

[traduction] Il est nécessaire de reconnaître que faute d’un système complet, administré et garanti par l’État, d’administration des biens des personnes incapables, il est impossible de garantir à 100 % qu’aucune personne administrant les affaires d’une personne juridiquement incapable, y compris un procureur constitué en vertu d’une procuration perpétuelle, n’abusera de ses pouvoirs. Il faut prévoir des mesures de protection raisonnables contre les abus, mais en accumulant les mesures de protection dans l’espoir de réduire de façon marginale le nombre d’abus, on risque de réduire, voire d’éliminer l’utilité d’un outil très profitable dans la grande majorité des cas[526].

Le chapitre I de la partie Quatre aborde un certain nombre de mesures qui peuvent aider à déceler et à corriger les abus commis dans le cadre de procurations. Aux fins du présent chapitre, il suffit de noter que les procédures de création de procurations doivent trouver un équilibre entre l’objectif fondamental de ces outils – qui est de permettre la planification et de permettre aux personnes de choisir leur propre mandataire spécial – et la nécessité de veiller à ce que les mandants comprennent suffisamment bien la nature des pouvoirs qu’ils accordent et les risques associés à ces pouvoirs. L’efficacité d’une procuration dépend de la capacité du mandant de prendre une décision éclairée quant à la personne le mieux capable, en raison de ses compétences, de sa disponibilité, de son engagement et de son sens moral, d’assumer ces responsabilités. Un mandant qui comprend mal les effets d’une procuration risque de choisir un procureur pour des motifs étrangers à la nature des responsabilités en jeu.

Nombre de préoccupations exprimées lors des consultations préliminaires de la CDO portaient sur le fait que souvent, ni les mandants ni les procureurs ne saisissent bien la nature de ces instruments, les devoirs des procureurs, la gravité des responsabilités en jeu ainsi que les risques qui s’y rattachent. La plupart du temps, c’est au moment de la création de l’instrument qu’il est le plus pertinent d’expliquer ces questions au mandant, à la fois parce qu’il s’agit de la meilleure occasion pour le faire (la personne qui crée la procuration peut par la suite perdre sa capacité juridique et ne plus être en mesure de la révoquer) et parce qu’il s’agit d’un des seuls moments où la loi peut relativement assez imposer des exigences quant à l’information et à la compréhension.

La difficulté pour les tiers de retrouver et de valider les procurations est une autre préoccupation importante exprimée en ce concerne celles-ci. Les fournisseurs de soins de santé et d’autres services sociaux doivent parfois intervenir et obtenir un consentement dans des situations urgentes ou délicates, et ne sont pas toujours en mesure de déterminer facilement s’il existe une procuration pertinente. Il est encore plus difficile pour les tiers de déterminer si une procuration est valide – par exemple, si elle a été remplie à un moment où la personne avait la capacité juridique de le faire, ou si elle a été plus tard révoquée ou remplacée. Cela peut poser des problèmes importants aux tiers, de même que pour l’application efficace de la loi. Un tiers peut se fier à une procuration non valide ou à une procuration utilisée au-delà de sa portée, ou ne pas appliquer une procuration valide. Les fournisseurs de services ont exprimé auprès de la CDO leur frustration devant l’état actuel des choses, mais les façons de résoudre le problème varient considérablement. Certains prestataires de services financiers encouragent leurs clients à remplir des procurations bancaires spéciales pour régler certains de ces problèmes; cette pratique soulève des préoccupations en raison des conséquences importantes que peut avoir une procuration bancaire sur la validité des procurations antérieures.

Enfin, des problèmes pratiques ont été soulevés quant à l’entrée en vigueur des procurations relatives aux biens. Généralement, le mandant souhaite que la procuration n’entre en vigueur que lorsqu’il aura perdu la capacité juridique de gérer ses biens. En vertu de la LPDNA, le mandant peut, comme on l’a dit ci-dessus, créer une procuration subordonnée à une condition suspensive, qui ne prend effet qu’en cas d’incapacité juridique. Cependant, des problèmes pratiques peuvent se poser quant à l’évaluation de la capacité. Certaines procurations prévoient une évaluation des capacités par un médecin de famille; cependant, la plupart des médecins reçoivent peu de formation sur l’évaluation des capacités, et ils ne sont pas toujours habilités ou disposés à s’en charger. La procuration peut aussi préciser que l’évaluation doit être faite par un appréciateur de la capacité désigné en vertu de la LPDNA; cependant, comme on l’a établi au chapitre II de la partie Deux, l’accès à ces appréciateurs peut être compliqué en raison des coûts, de la distance ou de la disponibilité, et l’évaluation ne peut être effectuée qu’avec le consentement de la personne évaluée. De plus, peu importe comment la capacité est évaluée pour déclencher l’application d’une procuration relative aux biens, certains tiers – comme des institutions financières – hésitent à agir en vertu d’une telle procuration en l’absence de documents prouvant qu’elle est effectivement entrée en vigueur. Ces problèmes peuvent limiter l’utilité de cette forme de procuration. Par conséquent, de nombreuses personnes continuent d’utiliser une procuration qui entre en vigueur immédiatement, tout en tentant de prendre des mesures pour qu’elle ne soit pas utilisée prématurément, par exemple en la confiant à un tiers qui la conserve en sécurité. Évidemment, cette démarche comporte aussi certains risques[527].

 

  • QUESTION À ABORDER : quelles seraient les réformes les plus efficaces à apporter aux lois, aux orientations ou aux méthodes pour donner aux mandants qui créent des procurations relatives aux biens des moyens plus efficaces de déclencher leur entrée en vigueur au moment opportun?

 

3.     Les options pour la réforme

Les provinces et les territoires n’imposent pas des exigences de même ampleur ni de même rigueur pour la création d’une procuration ou d’autres nominations personnelles. En général, il semble y avoir un compromis à cette étape entre promouvoir l’accessibilité à ces instruments (et, par conséquent, améliorer la capacité à planifier et à choisir ses propres dispositions) et s’assurer que les personnes qui créent ces documents puissants en connaissent les effets et les risques, ne subissent aucune coercition ou ne sont pas induits en erreur pour ce faire. Comme on l’a dit précédemment, l’Ontario intègre déjà à ces exigences un certain nombre de garanties applicables à la création d’une procuration, notamment celle de deux témoins indépendants, d’une déclaration d’intention de donner une procuration perpétuelle, et l’interdiction pour certaines personnes d’assumer les fonctions de procureur au soin de la personne en raison d’une possibilité évidente de coercition ou d’influence indue. Certaines autres garanties possibles sont exposées brièvement ci-dessous. Plusieurs d’entre elles sont axées sur la compréhension des risques et des avantages de la procuration que doit en avoir la personne qui veut la donner; d’autres sont axées sur la garantie que la personne n’a pas subi de coercition pour nommer un procureur. 

 

Les exigences relatives à la capacité

Le droit peut fixer des exigences rigoureuses relativement à la capacité juridique de procéder à une nomination personnelle pour s’assurer que la personne comprend bien les risques qui s’y rattachent et qu’elle en tient compte dans la nomination. Évidemment, des exigences trop strictes priveront inutilement des personnes des avantages associés à ces nominations. À de nombreux égards, cette question touche au cœur même des débats sur la réforme du droit dans ce domaine, comme l’ont clairement montré les chapitres précédents. 

Le compromis à faire entre l’accessibilité et la prévention des abus est évident à cet égard; les deux aspects peuvent être mis en balance de différentes manières et ils l’ont d’ailleurs été. Par exemple, parce qu’elle reconnaissait que la nature des pouvoirs et des risques liés à l’administration des biens diffère des risques associés au soin à la personne, l’Ontario a imposé des exigences en matière de capacité pour la procuration relative aux biens beaucoup plus rigoureuses que celles de la procuration au soin de la personne. Le critère de détermination de la capacité dans le cas d’une procuration relative au soin de la personne est assez facile à atteindre; par contre, le critère applicable à la capacité pour une procuration relative aux biens est strict comparativement aux critères utilisés ailleurs. Il serait possible de rendre l’exigence en matière de capacité plus accessible, tout en renforçant les mécanismes de surveillance et d’évaluation pendant la durée de la nomination personnelle. 

 

L’obligation de demander un avis juridique

L’obligation, pour les personnes qui veulent donner une procuration, d’obtenir un avis juridique pour donner un document valide est un autre mécanisme qui garantit que les personnes qui font une nomination personnelle comprennent les risques de leur démarche. Cette façon de faire garantit que les mandants obtiennent des renseignements exacts et pertinents sur les répercussions d’une procuration perpétuelle ou d’une procuration subordonnée à une condition suspensive, ce qui peut contribuer à la validité du document et ce qu’il soit le véritable reflet des souhaits du mandant. La Loi sur les procurations perpétuelles du Yukon prévoit qu’une procuration perpétuelle doit être accompagnée d’un certificat d’avis juridique qui atteste que le mandant a eu la capacité de donner le document et qu’il l’a volontairement signé[528]. 

Ces types d’exigences ont cependant un inconvénient, car sauf pour les quelques personnes qui peuvent recourir à l’aide juridique, il faut payer pour obtenir ces services. Le coût peut avoir un effet dissuasif ou même constituer un obstacle absolu à la création de ces nominations. Les personnes à faible revenu pourraient bien ne pas avoir les moyens de nommer elles-mêmes leur propre procureur, à moins que ne soient adoptées des mesures spéciales qui prévoient l’offre d’un accès gratuit ou à très faible coût aux conseils juridiques pour les nominations personnelles. C’est ce qui explique que dans leur rapport sur les procurations, les organismes de réforme du droit de l’Ouest canadien et la Commission de réforme du droit de la Nouvelle-Écosse ont tous deux rejeté finalement les propositions d’avis juridique obligatoire[529].

L’institut de réforme du droit de l’Alberta (IRDA) ne recommande pas d’exiger des avis juridiques pour la création d’une procuration perpétuelle valide. Il recommande d’obliger le mandant à se présenter devant un avocat qui doit certifier que les exigences d’une procuration valide ont été respectées ou demander à l’un des témoins de signer une déclaration sous serment au même effet – un régime semblable à celui qui existe déjà en Saskatchewan[530]. L’IRDA est d’avis qu’un certificat d’avocat assurerait un meilleur contrôle de la qualité et donnerait une occasion d’obtenir un avis juridique utile, mais la seconde option fournirait au mandant un choix moins officiel et maintiendrait l’accessibilité à l’instrument[531].

 

L’information obligatoire

Les Ontariens qui songent à accorder une procuration ou qui agissent en vertu procuration déjà établie disposent de beaucoup d’information. Le ministère de la Procureure générale et le TCP fournissent de l’information dans Internet et des formulaires de procuration facultatifs, proposés dans les sites Web des administrations, fournissent un bon nombre de renseignements et de conseils utiles. Des organismes de défense des droits et des organismes de service ont créé des documents qui décrivent les caractéristiques principales des procurations et les fournisseurs de services ont souvent des publications simplifiées ou en langage simple à l’intention de leurs utilisateurs. Le TCP et des organismes comme l’Elder Abuse Ontario et l’Advocacy Centre for the Elderly ont beaucoup vulgarisé ce sujet des procurations. 

Les personnes qui cherchent de l’information sur les procurations la trouvent assez facilement. Cette information n’est toutefois pas exécutoire. Un grand nombre des personnes touchées par ces lois ne chercheront pas l’information parce qu’ils « ne savent pas qu’ils ne savent pas », ils ne savent pas où chercher l’information, ils se heurtent à des obstacles à l’information (p. ex., problème de langue, la littératie ou déficience liée à l’apprentissage) ou d’autres raisons.

D’autres pays ont un formulaire d’utilisation obligatoire pour garantir la validité de l’instrument. Ce formulaire obligatoire a pour avantage de renseigner sur les exigences, les répercussions et les risques d’une procuration, s’assurant ainsi que les mandants (et les procureurs) ont accès à l’information. L’État du Queensland en Australie est l’un de ces pays. Lorsqu’elle a étudié le formulaire obligatoire, la Commission de réforme du droit du Queensland (CRDQ) a noté qu’on craignait que l’ajout de renseignements exhaustifs sur le formulaire ne le rende trop long et lourd et elle a envisagé de séparer l’information dans une brochure ou une trousse distincte. Finalement, la Commission a recommandé une refonte des formulaires, mais y a maintenu l’information qu’elle a aussi approfondie dans une brochure distincte, ce qui reflète l’importance perçue de s’assurer que les mandants ont accès à l’information et aux mises en garde nécessaires. Comme l’a dit un intervenant à la CRDQ :

[traduction] À de nombreux égards, grâce à cette information, les adultes qui signent le formulaire peuvent être dûment informés des avantages et des inconvénients de la signature d’un document aussi important. De plus, cela signifie que les adultes risquent moins d’être victimes d’escroquerie et persuadés de signer un document qu’ils ne comprennent pas ou qu’ils pensent à d’autres fins. La présence des « petits caractères » tout au long du formulaire est en elle-même un outil utile de mise en garde[532].

 

  • QUESTION À ABORDER : y a-t-il des réformes pratiques à apporter aux exigences ou aux options concernant la création de la procuration qui permettraient aux mandants ou aux procureurs de mieux comprendre les risques, les avantages et les responsabilités liés à ces documents d’une puissance considérable?

 

Les registres

Les registres sont souvent proposés comme moyen de répondre à l’une et l’autre des préoccupations exprimées au sujet des procurations – à savoir la vérification et la validation, la prévention et la reconnaissance des abus. Selon la campagne Grey Flag :

[traduction] Un registre des procurations est la première étape de la réparation d’un système en mauvais état. Il n’y a actuellement aucun moyen pour des parents inquiets de confirmer qu’une procuration a réellement le pouvoir qu’ils prétendent ou de savoir ce qu’elle contient vraiment sans recourir au tribunal. Dès qu’une personne prétend être procureur, des organismes, des professionnels des soins de santé, des banques, des membres de la famille et des amis de la personne touchée devraient pouvoir le vérifier dans un registre public. Sans cela, les économies d’une vie et la qualité de vie des personnes âgées sont menacées[533].

Dans une certaine mesure, l’enregistrement des procurations les rend du domaine public, ce qui permet aux intéressés d’en connaître l’existence, d’examiner comment elles sont utilisées et si un procureur se comporte conformément aux modalités de l’instrument. Dans son rapport de 1972, la Commission de réforme du droit de l’Ontario a recommandé la création d’un registre des procurations, signalant l’avantage de [traduction] « rendre publiques les procurations et surtout d’indiquer publiquement qui sont les procureurs. Cette façon de faire non seulement protège le procureur, mais permet également aux intéressés de s’informer de l’existence de la procuration[534] ». Cette recommandation n’a pas été mise en œuvre.

Plusieurs provinces canadiennes ont des registres volontaires, généralement auprès du curateur public. Ces provinces et territoires sont le Manitoba[535], le Nunavut[536] et les Territoires du Nord-Ouest[537]. La Colombie-Britannique n’a pas de registre obligatoire, mais elle possède un registre sous gestion privée, appelé Nidus E-Registry, et tenu à jour par un organisme de bienfaisance, le Nidus Personal Planning Resource Centre[538]. Comme le registre Nidus n’est pas autorisé par la loi, il dépend du consentement des personnes qui souhaitent enregistrer leur procuration perpétuelle au registre. Il en coûte 25 $ pour enregistrer un document. Les personnes désignées et les fournisseurs de services approuvés (p. ex., les hôpitaux) y ont ensuite accès, mais il faut préciser que les fournisseurs de services doivent payer pour obtenir cet accès.

Il existe des registres obligatoires dans certains pays dont l’Écosse, l’Irlande, certains États de l’Australie et Hong Kong. Le registre obligatoire le plus complet semble être celui de l’Angleterre et du Pays de Galles. Selon la Mental Capacity Act 2005, une procuration perpétuelle n’est pas valide si elle n’est pas enregistrée auprès du curateur public[539]. Le registre comprend non seulement l’information sur les parties à la procuration, mais l’instrument lui-même. L’enregistrement peut se faire au moment de la création de l’instrument ou lorsque le mandant perd sa capacité. Une fois l’enregistrement accepté, toutes les parties nommées (y compris le mandant) sont officiellement informées par le tuteur public de l’enregistrement et de son entrée en vigueur immédiate ou ultérieure lorsque le mandant deviendra incapable. Toute personne peut demander, pour un faible coût, une recherche dans le registre et peut recevoir des renseignements de base sur la nomination, dont la date de naissance du mandant; les noms des représentants ou procureurs; la date à laquelle l’instrument a été fait, enregistré, révoqué ou annulé (s’il y a lieu); le type d’instrument; et si cet instrument est assorti de conditions ou de restrictions (mais non le fond de ces conditions ou restrictions). Pour obtenir de plus amples renseignements, il faut en faire la demande et en préciser les motifs.

La Commission de réforme du droit du Victoria a récemment recommandé un registre en ligne complet et indiqué que cette proposition a reçu un très large appui des intervenants et du public, à la fois parce qu’il permet une mise en œuvre efficace des procurations, mais également parce qu’il réduit les risques d’abus. Le registre comprendrait des instruments connexes tels que les directives préalables concernant la santé, les nominations pour la prise de décision accompagnée, les procurations et les tutelles. L’enregistrement serait obligatoire, et le tribunal civil et administratif du Victoria aurait des pouvoirs correctifs en l’absence d’enregistrement. Seuls les personnes et les organismes autorisés auraient accès au registre; les mandants et les procureurs pourraient voir l’information concernant leur propre instrument[540].

Des députés ont déposé des projets de loi privés à l’Assemblée législative de l’Ontario concernant la création d’un registre, le dernier en février 2013. Le projet de loi no 9, Loi de 2013 sur la protection des personnes vulnérables et des personnes âgées contre les mauvais traitements (procurations), visait la création d’un registre public, tenu par le TCP, de toutes les procurations perpétuelles relatives aux biens et au soin de la personne. Les renseignements contenus dans ce registre seraient le nom et l’adresse du mandant et ceux de son procureur, la date à laquelle les pouvoirs du procureur ont pris effet et toutes les restrictions de ces pouvoirs, de même que les noms des personnes ou des groupes de personnes à qui le mandant, dans la procuration, autorise le TCP à divulguer les renseignements. Le projet de loi no 9 n’a pas dépassé la première lecture. Un projet de loi très semblable avait été déposé sans succès en 2011.

Les critiques du projet de loi no 9 et du projet de loi qui l’a précédé en 2011 ont surtout porté sur la protection des renseignements personnels des personnes qui donnent des procurations et l’accessibilité des procurations. Un député a déclaré :

[traduction] Si, comme le propose le projet de loi, si je donne une procuration à quelqu’un, je dois appeler un bureaucrate, le Bureau du curateur public, et lui dire pour lui dire que j’ai demandé à telle personne d’être mon procureur et que je dois déposer différents documents. Non seulement cela, si le curateur public doit maintenir un registre public dans lequel tout le monde est nommé, qui a la procuration et ainsi de suite, je considère que c’est une violation de ma vie privée. Je suis très capable de prendre cette décision au moment où je donne la procuration parce que, par définition, je ne peux donner une procuration que si je suis entièrement capable. Je sais à qui je dire qui est mon procureur[541].

Un autre député a fait le commentaire suivant au sujet du projet de loi de 2011 :

[traduction] Je crois que c’est très complexe; ce n’est pas aussi facile qu’on le pense. Nous allons créer plus de niveaux de bureaucratie. Nous allons faire en sorte qu’il sera plus difficile pour les personnes âgées d’agir seules, en toute indépendance, si nous les forçons à enregistrer la procuration. Selon tous les professionnels de ce domaine, c’est ce qu’ils m’ont dit et j’ai lu de nombreuses analyses différentes au sujet de ce projet de loi – il deviendra plus difficile pour les personnes âgées de prendre des mesures[542].

Évidemment, les questions liées à la protection de la vie privée sont complexes. La création d’un registre qui serait conforme à la fois à la Loi sur la protection des renseignements personnels sur la santé et à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques serait difficile, en particulier si le registre était obligatoire ou comprenait une copie de l’instrument lui-même.

 

  • QUESTION À ABORDER : un registre des procurations améliorerait-il la capacité de vérifier et de valider ces documents, de prévenir et de reconnaître les abus? Quels seraient les avantages et les inconvénients d’un registre?

 

  • QUESTION À ABORDER : au cas où un registre des procurations était créé :
    a)    serait-il volontaire ou obligatoire?
    b)    quels renseignements devraient y figurer?
    c)     qui devrait avoir accès à l’information du registre et dans quelles circonstances?
    d)    qui s’en occuperait?
    e)    qu’exigerait-on pour s’assurer du respect des lois sur la protection des renseignements personnels?

 

L’exigence de plusieurs procureurs

Dans certaines provinces et certains territoires, le mandant doit nommer plusieurs procureurs. Cette obligation peut permettre une certaine surveillance des éventuels auteurs de mauvais traitements. En réalité, toutefois, de nombreuses personnes ont de la difficulté à trouver même une personne qui convienne, soit prête à assumer la fonction de procureur et capable de le faire; exiger plusieurs procureurs peut ne pas être possible. L’IRDA signale que l’arrangement serait lourd et qu’un procureur déléguerait probablement la plupart de ces pouvoirs à un autre, et pour cette raison, a refusé de faire cette recommandation[543]. L’Ontario prévoit l’option qu’une personne nomme plusieurs procureurs, mais ne l’exige pas. 

 

L’obligation de rendre compte, avis de procureurs en fonction et surveillants

Un certain nombre de provinces et de territoires ont adopté ou recommandé des mesures qui soit encouragent soit obligent les mandants qui donnent une procuration à indiquer dans ces documents les personnes qui surveilleront le procureur ou assureront autrement une certain contrôle. 

Le Manitoba, à la suite des recommandations de la Commission de réforme du droit du Manitoba, a créé l’obligation pour les procureurs de rendre compte de sa gestion des biens, sur demande formelle de toute personne nommée à titre de bénéficiaire de la reddition de comptes par le mandant dans la procuration ou du parent le plus proche, en l’absence de nomination ou lorsque la personne nommée est décédée ou inhabile sur le plan mental (à certaines exceptions près). La personne qui reçoit les comptes n’a pas d’obligation ni de responsabilité à l’égard de ceux-ci[544]. La Saskatchewan a mis en œuvre un système semblable; ce dernier n’est pas obligatoire pour les procureurs qui ne sont pas rémunérés pour leurs activités et les comptes doivent être fournis sur demande[545]. Les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut ont également pris des dispositions sur la reddition des comptes à des personnes nommées dans la procuration[546].

Dans son rapport, l’institut de réforme du droit de l’Alberta (IRDA) a combiné une recommandation visant la précision des personnes qui doivent recevoir les rapports à la recommandation exigeant que les procureurs donnent avis à certaines personnes ou organismes lorsqu’ils assument leurs responsabilités. Le rapport de l’IRDA, Enduring Powers of Attorney : Safeguards Against Abuse, recommande que les procureurs donnent avis, avant ou dans les 30 jours de l’exercice d’une procuration perpétuelle, de leur intention d’assumer leurs fonctions de procureur aux personnes désignées dans la procuration et à certains membres précisés de la famille. Ces personnes auraient par la suite le droit de demander, dans un laps de temps raisonnable et à leurs propres frais, de pouvoir inspecter les listes et les dossiers que la loi oblige le procureur à tenir. Cette disposition vise à créer un mécanisme de contrôle permanent du procureur. Les intéressés qui s’inquiètent du mandant n’ont plus à présenter une demande au tribunal pour examiner la gestion de ses affaires par le procureur[547]. L’IRDA voyait en cette recommandation une solution de rechange plus commode à l’attribution d’une responsabilité à un représentant public, par exemple le curateur public, d’examiner annuellement les comptes d’un procureur ou d’exiger qu’il les dépose au tribunal[548]. Le rapport de 2008 des organismes de réforme du droit de l’Ouest canadien, Enduring Powers of Attorney : Areas for Reform, renferme une recommandation très semblable[549].

La Commission du droit de la Nouvelle-Zélande, en rejetant une recommandation selon laquelle les proches parents devaient être informés à la fois de la constitution d’une procuration et du moment où elle entrait en vigueur, a soutenu que les mandants ne sont parfois pas en contact avec leurs proches parents et qu’ils peuvent ne pas souhaiter que ceux-ci soient informés de leurs affaires[550]. Autrement dit, lorsque les mandants n’ont pas précisé dans la procuration qu’une personne devait recevoir un avis (et les comptes), on peut craindre que le droit à la vie privée du mandant soit enfreint. La Commission de réforme du droit du Queensland s’est dite préoccupée par les répercussions sur la protection des renseignements personnels des dispositions concernant des avis. Elle a également dit qu’il y avait une restriction à l’autonomie du mandant qui pouvait volontairement inclure cette exigence dans sa procuration, s’il le souhaitait[551].

La Representation Agreements Act de la Colombie-Britannique crée un système beaucoup plus exhaustif de contrôle officieux en instituant des « surveillants ». La loi exige que tout [traduction] « adulte qui conclut un accord de représentation […] doit nommer comme surveillant dans cet accord une personne qui [. . .] a au moins 19 ans et [est] prête à exercer les fonctions et les pouvoirs d’un surveillant et capable de le faire[552] ». Un surveillant peut démissionner, mais s’il le fait (ou devient incapable de s’acquitter de ses fonctions), le pouvoir de représentation est suspendu jusqu’à ce qu’un nouveau surveillant soit nommé ou que le tribunal détermine qu’un surveillant n’est pas nécessaire[553]. Les fonctions et les pouvoirs d’un surveillant sont importants et comprennent l’obligation [traduction] « de faire les efforts raisonnables pour déterminer si un représentant » agit honnêtement et de bonne foi, dans les limites de l’accord de représentation[554]. Le surveillant a le pouvoir de rendre visite au mandant de l’accord à tout moment et ne peut être empêché de le faire par quiconque a la garde ou le contrôle du mandant[555]. Le surveillant peut exiger que le représentant produise des comptes et des registres s’il soupçonne que ce dernier n’agit pas de manière responsable, mais s’il le fait, il doit en avertir le mandant et tous les représentants nommés dans l’accord[556]. Si, après l’examen des dits dossiers, le surveillant croit toujours que le représentant ne s’acquitte pas de ses responsabilités, il doit en informer le tuteur et curateur public[557].

La Commission de réforme du droit du Victoria a exprimé une mise en garde sur l’obligation relative aux surveillants. Elle a signalé que le droit actuel n’empêche pas les mandants de nommer des surveillants, mais qu’il convient peut-être mieux de laisser aux personnes le soin de déterminer le rôle, s’il y a lieu, que doit jouer un surveillant[558].

Par ailleurs, la Commission de réforme du droit du Queensland est d’avis qu’il vaut mieux encourager les personnes à prévoir des dispositions relatives aux surveillants dans leur procuration plutôt que préconiser un examen public des comptes, par exemple un examen périodique des activités du procureur par le tuteur public ou le tribunal civil et administratif, ou un système de vérification aléatoire :

[traduction] La Commission considère plutôt qu’il vaut mieux encourager les gens à donner des procurations perpétuelles et à se prémunir eux-mêmes dans cette procuration. Ils pourraient prévoir une disposition en ce sens dans les formulaires approuvés de procuration perpétuelle que le mandant nomme une ou plusieurs personnes à qui le procureur doit, régulièrement, fournir un rapport sommaire des dossiers et des comptes de toutes les opérations qu’il a faites en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés au nom de l’adulte. Idéalement, le mandant nommerait une personne en qui il a confiance et qui est indépendante du procureur. On ne pense pas que cette façon de faire ajouterait beaucoup au fardeau du procureur, étant donné qu’il doit déjà tenir ces dossiers. La personne qui reçoit les comptes ne devrait avoir ni obligation ni responsabilité de prendre des mesures à leur égard. On espère toutefois qu’une personne nommée qui soupçonne ou observe une mauvaise gestion financière prendra les mesures pertinentes pour corriger la situation, en soumettant, par exemple, au tribunal une requête de révocation du procureur ou du tuteur de l’adulte[559].

 

  • QUESTION À ABORDER : des exigences ou des options obligatoires doivent-elles être ajoutées à la création des dispositions sur les procurations, par exemple l’obligation de rendre compte, la nomination de surveillants ou des avis de procureurs en fonction pour améliorer la surveillance et la responsabilité des procureurs?

 

C.    La procédure des nominations publiques

En Ontario, il existe des procédures de nominations publiques lorsqu’un mandataire spécial est nécessaire et que la personne n’a pas la capacité juridique de la nommer personnellement dans une procuration. On présume, dans les nominations personnelles, que la personne, parce qu’elle connaît bien sa situation, la nature et la situation des membres de sa famille ou de ses amis, veut et peut sélectionner soigneusement le mandataire spécial qui convient le mieux. Une procédure de nominations publiques doit prévoir un examen externe à la fois de la nécessité de la nomination et de la personne choisie pour exercer cette fonction. Même si la LPDNA prévoit la nomination du TCP en vertu d’une procuration, en pratique, c’est extrêmement rare et dans la plupart des cas, le TCP sera nommé par un processus de nominations publiques.

La section qui suit porte sur les nominations publiques en vertu de la LPDNA. Il faut noter que la LCSS prévoit également un processus de nominations publiques. Selon cette loi, la Commission du consentement et de la capacité (CCC) a le pouvoir de nommer un représentant qui prendra des décisions pour une personne juridiquement incapable en ce qui concerne son traitement, l’admission à un établissement de soins ou à un service d’aide personnelle, si l’incapable pour qui la décision doit être prise ou une personne qui souhaite la représenter présente une requête en ce sens (ou de révoquer sa nomination)[560].

 

1.     La nomination d’un tuteur

En Ontario, les tuteurs peuvent être nommés de trois manières : tutelle légale relative aux biens, tutelle nommée par le tribunal et tutelle nommée par le tribunal temporaire à la suite d’une enquête du TCP. Chacune est exposée brièvement ci-dessous.

 

La tutelle légale

La tutelle légale est une procédure administrative rapide et assez peu coûteuse pour obtenir une tutelle. Elle a été incluse dans la LPDNA conformément aux recommandations du Rapport Fram, qui la présente comme une procédure qui vise à [traduction] « permettre aux familles d’éviter les requêtes inutiles au tribunal dans les situations où il n’y a pas de doute sur l’incapacité de la personne et que cette dernière ne s’oppose pas à un [tuteur][561] ». Il est important de souligner que la tutelle légale s’applique seulement à la gestion des biens, pas au soin de la personne. 

La tutelle légale est automatiquement déclenchée lorsqu’il y a une constatation d’incapacité, soit à la suite d’un examen de la capacité en vertu de la Partie III de la Loi sur la santé mentale (LSM), soit à la suite d’une évaluation de la capacité en vertu de l’article 16 de la LPDNA. On trouve une description détaillée de ces procédures d’évaluation de la capacité au chapitre I de la partie Deux du présent document de travail. En résumé, une évaluation de la capacité se fait dans la collectivité, selon une procédure de demande et de consentement effectuée par un appréciateur spécialisé et désigné, payé à même des fonds privés. Un examen de la capacité en vertu de la LSM est obligatoire à l’admission dans un établissement psychiatrique et il assorti de garanties procédurales sous forme de conseils sur les droits du patient fournir par un avocat nommé par l’aide juridique, en cas d’appel à la CCC.

Initialement, le tuteur légal aux biens est le TCP. Toutefois, comme il est dit au chapitre II de la partie Trois, des personnes désignées peuvent présenter une demande au TPC pour remplacer ce dernier et devenir tuteur aux biens. Lorsque le demandeur convient et qu’il a soumis un plan de gestion pertinent, le TCP peut nommer cette personne. Une demande de remplacement implique des frais : en 2013, ces frais s’élevaient à 382 $, plus les taxes applicables.

Si le TCP refuse de délivrer un certificat attestant la nomination d’un tuteur légal aux biens pour le remplacer, il doit en donner les motifs par écrit à l’auteur de la demande. Si ce dernier conteste le refus en en donnant avis écrit au TCP, ce dernier demande au tribunal, par voie de requête, de trancher la question[562].

 

La tutelle nommée par le tribunal

La procédure de requête et les garanties procédurales. Toute personne peut déposer une requête à la Cour supérieure de justice pour la nomination d’un tuteur aux biens ou au soin de la personne[563]. Il est important de signaler que les tutelles au soin de la personne peuvent seulement être obtenues par une ordonnance du tribunal et non par une procédure légale. De plus, la tutelle relative au soin de la personne peut être absolue ou partielle, et la tutelle absolue peut être ordonnée seulement si le tribunal constate que cette personne est incapable à l’égard de toutes les fonctions dans ce domaine, y compris les soins de santé, son alimentation, son hygiène, sa sécurité, son hébergement et son habillement[564].

Une requête en nomination d’un tuteur doit être accompagnée des documents suivants :

  1. le consentement du tuteur proposé;
  2. un plan de tutelle (si la requête vise une tutelle au soin de la personne) ou de gestion des biens (si la requête concerne une tutelle aux biens);
  3. une déclaration signée par le requérant qui indique que la personne prétendue incapable a été informée de la nature de la requête et de son droit de s’y opposer, et précise la manière dont elle a été informée; ou s’il n’était pas possible de donner à la personne prétendue incapable les renseignements susmentionnés, qui indique les raisons de cette impossibilité[565].

La LDPNA contient des mesures additionnelles qui garantissent les droits d’un adulte à l’application régulière de la loi dans ces requêtes. La loi exige que l’avis de la requête soit signifié avec les documents afférents à l’adulte prétendu incapable, certains membres de la famille et le TCP notamment[566]. La LPDNA exige également qu’au moins une déclaration d’opinion d’un appréciateur de la capacité selon lequel un adulte est incapable et, par voie de conséquence, que les mêmes mesures d’application régulière de la loi qui s’appliquent aux évaluations de la capacité pour les nominations de tutelle légale s’appliquent également aux requêtes de règlement sommaire. Ces mesures comprennent qu’un appréciateur de la capacité doit expliquer à l’adulte la raison d’être et l’effet de l’évaluation et l’adulte a le droit de refuser cette évaluation[567].

De plus, le TCP est un intimé de la loi[568] dans toutes les requêtes visant la nomination d’un tuteur par le tribunal. Il examine ces requêtes et envoie une lettre en réponse aux questions soulevées dans la requête à l’avocat du requérant, de même qu’au registraire de la Cour supérieure de justice. Dans la plupart des cas, les questions sont éclaircies et résolues avant la tenue d’une audience, mais dans de rares cas, le TCP peut comparaître à l’audience pour soumettre des preuves ou des arguments oraux, ou les deux, en réponse aux questions[569].

La procédure de règlement sommaire. La LPDNA prévoit une procédure de règlement sommaire pour les requêtes de tutelle et de révocation de ces dernières. Ces requêtes peuvent être étudiées en fonction des documents fournis, sans audience ni comparution, lorsque toutes les parties conviennent d’agir de la sorte.  Dans ces requêtes de règlement sommaire, le juge peut accorder le redressement demandé, demander aux parties de fournir d’autres preuves ou de faire des représentations, ou ordonner que la question fasse l’objet d’une audience[570].

On ne connaît beaucoup les résultats des règlements sommaires en pratique. La CDO a entendu dire par un avocat que dans certains cas, les requêtes de règlement sommaire ont donné des résultats efficaces et rapides dans une procédure simplifiée. Ces procédures réduisent au minimum la possibilité d’une comparution devant le tribunal, ce qui les rend encore plus économiques. Elles ont donné des résultats particulièrement probants chez les personnes atteintes d’une déficience développementale, lorsque le lien entre l’adulte et les membres de sa famille sont « simples » et que la requête n’est pas contestée[571]. Toutefois, les requêtes de règlement sommaire ne sont pas souvent utilisées. La CDO a entendu l’explication suivante sur le faible recours aux règlements sommaires en Ontario : la nomination d’un tuteur sans audience a suscité des préoccupations sur l’application régulière de la loi, compte tenu de la gravité des droits en cause[572]. Le Barreau du Haut-Canada déclare qu’il [traduction] « est à noter que ce ne sont pas toutes les provinces ou territoires ou les membres de la magistrature qui permettent ce type de règlement des questions de tutelle, indiquant que la gravité du redressement demandé nécessite une audience[573] ».

De plus, même si les dispositions sommaires sont moins coûteuses qu’une requête habituelle d’audience, les coûts demeurent un problème : les coûts des requêtes de règlement sommaire peuvent varier d’environ 7 500 $ à 10 000 $ dans les centres urbains. Les documents des appréciateurs de la capacité représentent une part importante de ces coûts, peut-être de 3 000 $ à 4 000 $ dans les situations les plus complexes[574]. De plus, si un juge n’est pas convaincu qu’une nomination proposée est appropriée, compte tenu des preuves accompagnant la requête, il ou elle peut ordonner la présentation d’autres renseignements ou une audience[575].

La ligne de conduite la moins contraignante. Selon la LPDNA, un tuteur ne peut être nommé par le tribunal que dans les cas suivants :

  • la personne est incapable de gérer ses biens ou de veiller aux soins de sa personne et pour cette raison, il faut qu’une personne autorisée à le faire prenne des décisions en son nom[576];
  • le tribunal est convaincu de l’existence d’une ligne de conduite qui permettra de satisfaire à la nécessité de prendre des décisions qui n’exige pas que le tribunal constate que la personne est incapable de gérer ses biens et est moins contraignante que la nomination d’un tuteur en ce qui a trait aux droits qu’a la personne de prendre des décisions[577].

L’expression « ligne de conduite » n’est pas définie dans la loi et ces dispositions ont été peu utilisées concrètement. Les procurations sont reconnues comme des solutions de rechange importantes à la tutelle[578], tout comme l’importance des soutiens officieux. Fait à remarquer, dans l’affaire Koch (Re), le tribunal a déterminé que M. Koch était capable de gérer ses biens et il a fait le commentaire suivant : [traduction] « il y a capacité mentale si la personne est capable de prendre des décisions avec l’aide d’autres personnes et si l’appelant [avait] accès à divers services et soutiens qui lui [permettaient] de fonctionner dans son milieu[579] ».

Le libellé de la loi montre que la tutelle doit être une solution de dernier recours : même si la personne n’a pas la capacité légale, un tuteur ne sera nommé que si des décisions doivent être prises et qu’il n’y a pas de ligne de conduite moins contraignante. Stephen Fram a commenté ces dispositions devant le Comité permanent qui a tenu des audiences sur ce qu’il est advenu de la LPDNA, car,

[traduction] Les divers gouvernements ont toujours eu l’intention à l’égard de la tutelle, parce qu’elle retire tous les droits à la personne, d’en faire une solution de dernier recours lorsqu’on ne peut pas utiliser les procurations relatives au soin de la personne, lorsqu’un « contrat d’Ulysse[580] » n’est pas possible et que d’autres formes de la Loi sur le consentement au traitement ne sont pas possibles non plus. La dernière chose que nous voulions dans le monde est trop de tutelles dans la province. Autrement dit : ʹLa tutelle est le dernier recours. Si l’on ne peut obtenir de décisions d’une autre manière, laissons le tribunal nommer un tuteur, mais autrement cherchons un moyen moins contraignantʼ[581].

Bach et Kerzner soutiennent que les dispositions sur la ligne de conduite la moins contraignante et le recours à d’autres mesures visaient à l’origine précisément à [traduction] « répondre aux besoins d’un groupe très précis – les personnes ayant des déficiences intellectuelles et cognitives importantes qui étaient peu susceptibles d’atteindre le seuil établi pour la nomination d’un procureur au soin de la personne » et qui souhaitent prendre des décisions sans une constatation d’incapacité, dans le contexte des liens de confiance qu’ils entretiennent[582].

 

La tutelle temporaire à la suite d’une enquête sur des conséquences préjudiciables graves

Le TCP a entre autres responsabilités de mener une enquête lorsqu’il y a allégation qu’une personne est incapable de gérer ses biens ou de se procurer les objets de première nécessité et selon laquelle des conséquences préjudiciables graves se produisent ou peuvent se produire en conséquence[583]. Si, par suite de son enquête, le TCP a des motifs raisonnables de croire qu’une personne est incapable et qu’il faut promptement un tuteur temporaire pour éviter des conséquences préjudiciables graves, il doit présenter au tribunal une requête de tutelle temporaire[584]. Le tribunal peut nommer le TCP tuteur pendant une période qui ne peut pas dépasser 90 jours et peut suspendre les pouvoirs d’un procureur constitué en vertu d’une procuration pendant la période de la tutelle temporaire. L’ordonnance doit préciser les pouvoirs et toutes les conditions liées à la tutelle temporaire. À la fin de la période de tutelle temporaire, le TCP peut permettre la fin de la tutelle, demander au tribunal une prolongation ou demander une ordonnance de tutelle perpétuelle. 

Il est à noter que la requête doit être signifiée à la personne prétendument incapable, à moins que le tribunal n’accorde une dispense de l’avis en raison de la nature et de l’urgence de l’affaire. Si une ordonnance est prise et un avis n’est pas signifié, l’ordonnance doit être signifiée aussi rapidement que possible.

 

2.     La fin de la tutelle

Les méthodes visant à sortir de la tutelle dépendront du type de tutelle en vigueur. Il existe diverses solutions qui permettent de modifier l’identité d’un tuteur (p. ex., si le tuteur légal décède); dans le présent document, on s’intéresse surtout à la procédure qui permet à une personne de retrouver le droit de prendre ses propres décisions, de manière indépendante.

La révision par la CCC. Lorsqu’une tutelle légale est mise en place à la suite d’une évaluation effectuée par un appréciateur de la capacité désigné ou en vertu de la Partie Trois de la LSM, la personne peut demander à la CCC la révision de l’évaluation, dans les six mois qui suivent cette dernière. Si la CCC détermine que la personne est capable de gérer ses biens et que cette décision ne fait ni l’objet d’un appel ni le maintien en appel, la tutelle prend fin[585].

La réévaluation de la capacité. Dans les cas de tutelle légale, une nouvelle évaluation de la capacité montrant que la personne est capable mettra automatiquement fin à une tutelle. Dans le cas des tutelles légales établies par une procédure communautaire, la tutelle légale aux biens prendra automatiquement fin lorsqu’un avis sera signifié au tuteur par l’appréciateur désigné de la capacité qui exprimera l’opinion que la personne a la capacité de gérer ses biens[586]. Il est important de noter ici que les tuteurs légaux ont le devoir de faciliter une réévaluation tous les six mois, au moins, à la demande de la personne sous tutelle[587].

Dans le cas des personnes qui sont sous une tutelle légale en vertu de la LSM, la tutelle prendra fin lorsque le tuteur recevra avis que le médecin traitant annule le certificat d’incapacité, que le patient obtient son congé de l’établissement où il se trouvait sans avis de prorogation de l’incapacité ou qu’après un avis de prorogation, le médecin traitant considère que la personne est capable de gérer ses biens[588].

La requête au tribunal. Les tutelles, qu’elles soient légales[589] ou nommées par le tribunal[590], peuvent également prendre fin ou être suspendues par requête au tribunal. Comme les requêtes pour nommer des tuteurs, celles visant la mainlevée de la tutelle peuvent être réglées par voie sommaire.

 

3.     Sujets de préoccupation et critiques de la procédure des nominations publiques

On reconnaît généralement que la tutelle est une mesure qui, même si elle peut parfois être nécessaire, n’en restreint pas moins considérablement les droits fondamentaux des personnes à qui elles sont imposées. Comme l’ont dit Michael Bach et Lana Kerzner :

[traduction] Déterminer qu’une personne est incapable ou inhabile à gérer ses affaires à certains ou tous les égards lui enlève le pouvoir sur sa propre vie et confie ce pouvoir à quelqu’un autre. Même si ces mesures sont prises pour la protéger, ce retrait de son identité individuelle légale est de plus en plus considéré, du point de vue des droits des personnes handicapées, comme une violation qui cause des dommages sociaux et juridiques aux intéressés. On craint que ces personnes ne soient plus considérées comme des personnes de plein droit lorsque leur capacité juridique d’agir est restreinte, et que leur situation morale et juridique soit plus susceptible d’être diminuée aux yeux de ceux et celles avec lesquels ils entretiennent des liens personnels, les fournisseurs de soins, les membres de la collectivité, les services de santé et les services sociaux, de même que les établissements publics. Cette réduction contribue au risque des stéréotypes, de l’objectivation, des attitudes négatives et d’autres formes d’exclusion que les personnes handicapées vivent de manière disproportionnée, ce qui accroît le sentiment d’impuissance et de vulnérabilité aux mauvais traitements, à la négligence et à l’exploitation[591].

Pour cette raison, les lois modernes en matière de tutelle, y compris celles de l’Ontario, visent à imposer des tutelles seulement lorsqu’elles sont indispensables, que les autres lignes de conduite, officielles ou non, ne sont pas possibles et seulement pendant la période où elle s’impose. Comme on l’a dit précédemment, la LPDNA précise que la tutelle nommée par le tribunal ne conviendra que lorsqu’il n’existera pas d’autre ligne de conduite moins contraignante.

Il reste cependant des préoccupations qu’en pratique, la tutelle demeure surutilisée. Kohn et coll., dans un texte sur la tutelle aux États-Unis, signalent que même si la réforme de la tutelle a insisté sur une utilisation de dernier recours seulement, la recherche a montré que les tutelles peuvent être imposées sans examen suffisant et qu’elles sont couramment utilisées dans une « planification à visée permanente[592] »  au lieu d’être une procédure extraordinaire. Surtees, dans son examen des données probantes empiriques sur la réforme de la tutelle en Saskatchewan, note que malgré des principes positifs inclus dans les réformes de 2001 dans cette province, y compris la présomption de capacité et une préférence législative pour la ligne de conduite la moins contraignante, la grande majorité des ordonnances de tutelle demeure des ordonnances générales virtuelles. Surtees donne à penser qu’un manque de connaissance de la loi de la part des tribunaux et du Barreau peut expliquer en partie ce problème; par ailleurs, les requêtes de tutelle peuvent être trop longtemps retardées, de sorte qu’elles ne sont soumises qu’au moment où des ordonnances générales sont en fait la ligne de conduite la moins contraignante[593].

Aucune recherche n’a portée précisément sur l’Ontario pour déterminer si les principes sous-jacents de la loi concernant la tutelle sont appliqués dans les faits. Ces préoccupations ont toutefois été portées à l’avant-scène en Ontario, notamment dans les consultations préliminaires de la CDO.

Pour situer le contexte, il semble qu’il y ait 1 838 dossiers ouverts de tutelle relative au soin de la personne en Ontario au cours de l’exercice 2013–2014, d’après des renseignements provenant du registre des tuteurs que le TCP tient à jour. Toutefois, il faut noter qu’à moins que le TCP ne soit informé de la fin de la tutelle, par exemple en raison du décès ou de l’incapacité du tuteur de gérer les soins à la personne, le dossier demeure actif, de sorte que ce chiffre peut être supérieur au nombre réel des tutelles dans la province. Il faut prendre garde également d’interpréter les chiffres en fonction des tutelles aux biens indiqués ci-dessous. Les tutelles en vertu de l’article 15 sont des tutelles légales exercées par le TCP et découlant de certificats aux termes de la LSM, tandis que les tutelles en vertu de l’article 16 sont des tutelles légales exercées par le TCP à la suite d’évaluations de la capacité. Selon l’article 19, le TCP peut reprendre une fonction de tuteur légal lorsque le tuteur de remplacement meurt, démissionne ou devient incapable de gérer des biens.

 

Tableau 1 : Dénombrement des dossiers de tutelle aux biens actifs par type de compétence, à la fin de l’exercice 2013-2014[594]

 

État TCP nommé par le tribunal TCP Art. 15 de la LPDNA TCP Art. 16 de la LPDNA TCP Art. 19 de la LPDNA

TUTEUR PRIVÉ
nommé par le tribunal

TUTEUR légal
PRIVÉ
Dossiers actifs – Total 318 4881 5567 31 3657 2379

 

Le chapitre I de la partie Trois du présent document de travail a examiné les diverses solutions en matière de prise de décision qui pourraient être également remplacer la tutelle, tandis que le chapitre II de la même partie a porté sur la multiplication des options, soit des personnes ou des groupes qui pourraient apporter leur aide à la prise de décision. La présente section est axée sur le rôle des procédures en vigueur de veiller à ce que la tutelle ne soit imposée qu’en cas de nécessité. En particulier, on a dit qu’il n’y avait pas assez de vérifications des procédures de tutelle qui garantissent que ces dernières ne servent qu’en dernier recours; que des obstacles à l’accessibilité dans les procédures font en sorte que les personnes qui veulent faire annuler une tutelle (ou en faire établir une, au besoin) éprouvent des difficultés à le faire; que les processus ne sont pas assez souples pour s’adapter aux changements de situation ou aux niveaux de capacité; et que certaines des procédures ne sont pas assez transparentes et ne sont pas soumises à la reddition des comptes.

La tutelle en tant que dernier recours. Comme il a été dit précédemment, dans une requête pour une tutelle nommée par le tribunal, ce dernier doit examiner s’il existe une ligne de conduite la moins contraignante possible. Si aucune disposition ne s’applique à la tutelle légale, la procédure mène directement à ce qu’on pourrait qualifier de forme de tutelle la plus envahissante, à savoir la tutelle exercée par l’État, par l’entremise du TCP.

Bach et Kerzner, dans un document inédit, ont de plus soutenu que les dispositions portant sur la « ligne de conduite la moins contraignante » des tuteurs nommés par le tribunal s’appliquent peu dans la pratique. Les auteurs soulignent :

[traduction] Les conseillers utilisent rarement ces arguments ou fournissent peu de preuves pertinentes pour étayer l’existence d’autres lignes de conduite. Ce ne serait pas dans l’intérêt du requérant de soulever ces arguments, car ils peuvent être en opposition avec leur résultat souhaité, ce qui est d’obtenir une tutelle d’une personne prétendument incapable. De nombreux répondants qui sont prétendument incapables et qui ne profiteraient pas d’une autre solution sont sous-représentés et souvent ne se présentent pas aux audiences, de sorte qu’ils n’ont pas la possibilité d’invoquer ces arguments et de fournir des éléments probants de circonstances de leur vie actuelle qui leur permettraient de prendre avec efficacité des décisions en l’absence de tutelle, grâce à des solutions de rechange telles que l’offre de soutiens[595].

L’accessibilité. On s’est également préoccupé de l’accessibilité des procédures de tutelle. Ces préoccupations valent d’ailleurs tout autant pour les procédures applicables au début et à la fin d’une tutelle. Elles ont trait aux coûts et au caractère réactif d’un grand nombre des dispositions sur la contestation des tutelles.

Comme on l’a dit ci-dessus, les coûts pour entrer ou sortir d’une tutelle légale sont plus modestes que les coûts pour une tutelle nommée par un tribunal. Lorsqu’une tutelle est demandée en vertu de la LSM, les coûts pour un membre de la famille qui souhaite agir à titre de tuteur légal sont limités au droit de la demande de remplacement. Dans le cas des tutelles légales communautaires, le coût principal, en plus du droit de la demande de remplacement, est celui de l’évaluation de la capacité. Le coût de cette évaluation peut varier considérablement selon l’appréciateur et la complexité du cas, et peut aller de plusieurs centaines à plusieurs milliers de dollars. Le Bureau d’évaluation de la capacité a quelques fonds pour couvrir les coûts des évaluations des personnes à faible revenu. De plus, le coût d’une évaluation de la capacité est généralement la composante principale du coût de l’annulation de la tutelle légale. Le processus judiciaire est évidemment plus coûteux, y compris et non seulement le coût de l’évaluation de la capacité, mais également les frais juridiques qui peuvent être très considérables, en particulier pour les personnes aux moyens modestes.

La CDO a entendu que certains tiers peuvent ne pas considérer la tutelle comme une option viable pour certaines personnes juridiquement incapables, en raison des obstacles de coûts et de procédures, même lorsqu’il s’agit, sur le plan juridique, de la mesure à prendre et peuvent, dans les meilleures intentions, chercher à « contourner » la législation, par exemple en permettant à des familles d’exercer les pouvoirs au-delà de ceux qui sont prévus dans la procuration existante. Les familles peuvent chercher à obtenir les pouvoirs de tutelle au-delà de ceux dont ils ont besoin pour le moment parce qu’elles ne souhaitent pas devoir s’engager, en temps et en argent, dans une nouvelle requête à la cour si la situation change[1]. Par ailleurs, les familles peuvent également chercher à éviter les coûts et les difficultés liés aux procédures officielles par d’autres moyens, en partageant les numéros d’identification personnelle (NIP) ou en créant des comptes conjoints, ce qui leur permet d’exercer des pouvoirs considérables, sans mécanisme de contrôle ou capacité d’imposer une responsabilité juridique en cas d’abus. 

L’ARCH Disability Law Centre, dans son document sur la protection des droits des personnes sous tutelle, expose les obstacles auxquels les personnes handicapées peuvent faire face si elles essaient d’affirmer leur capacité et de mettre fin à la tutelle. Les mesures à prendre pour obtenir une ordonnance du tribunal peuvent être au-delà de leurs moyens, en particulier si le tuteur gère l’accès aux fonds. L’absence du devoir d’un tuteur nommé par le tribunal de faciliter les réévaluations soulevait tout particulièrement des préoccupations :

[traduction] Rien dans la LPDNA n’exige qu’une personne sous la tutelle d’un tuteur nommé par le tribunal puisse obtenir une nouvelle évaluation pour établir qu’elle a retrouvé sa capacité. Même si « l’incapable » demande une évaluation, il n’y a pas d’obligations explicites imposées au tuteur nommé par la cour de satisfaire à cette demande[596].

Ces problèmes sont exacerbés par l’absence de mécanismes efficaces qui garantissent que les personnes sous tutelle connaissent les droits et les recours dont elles disposent. L’ARCH signale un cas où une femme ayant une déficience en raison d’une lésion cérébrale acquise et qui voulait retrouver son indépendance a dit que son tuteur lui avait dit : [traduction] « étant donné que le tribunal lui avait accordé la tutelle, le tribunal ferait toujours comme il le demandait; et que si elle faisait des difficultés, il pourrait demander au tribunal de la mettre en prison[597] ».

La souplesse. Comme on l’a dit précédemment dans le présent chapitre, la nature souvent variable ou changeante de la capacité juridique oblige à des procédures souples pour protéger l’autonomie et la sécurité des intéressés. La LPDNA contient un certain nombre de dispositions qui visent à faciliter la réévaluation des personnes reconnues incapables, notamment l’exigence d’examens préalables en fin d’hospitalisation de la capacité des personnes trouvées incapables en vertu de la Partie Trois de la LSM et l’exigence pour les tuteurs légaux de faciliter les réévaluations sur demande, tous les six mois au moins. De plus, la nature temporaire des tutelles pour des « conséquences préjudiciables graves » garantit un certain équilibre entre la nécessité d’agir dans des cas urgents et de protéger les droits fondamentaux des personnes qui sont sous ce type de tutelle. Toutefois, on a dit qu’à part ces dispositions assez limitées, il n’y avait pas d’exigences courantes visant l’examen des conclusions d’incapacité ou de la nécessité de la tutelle et, cela étant, si on y ajoute l’inaccessibilité relative des mécanismes de contestation de la tutelle, on craint que cela ne compromette les droits des personnes handicapées sous tutelle.

 

4.     Les options pour la réforme

Il faut signaler qu’un grand nombre des questions liées aux procédures de création ou d’annulation des nominations publiques sont étroitement liées à la procédure de règlement des conflits.

Par exemple, certains ont laissé entendre qu’un système géré par un tribunal pour créer ou annuler des nominations, pour résoudre des conflits et appliquer des droits pourrait être préférable à un système de cour de justice. Certains ont aussi proposé que la procédure des nominations publiques soit renforcée en facilitant l’accès aux conseils sur les droits ou aux défenses individuelles, ou encore en augmentant les exigences et les mécanismes liés à l’information et à l’éducation. Ces questions sont abordées dans la partie Quatre du présent document de travail, car elles ont trait non seulement aux procédures de nomination, mais également à l’application générale du droit sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle en Ontario. Par conséquent, les options pour la réforme exposées ci-après sont axées soit sur la limitation de l’ampleur des pouvoirs accordés aux tuteurs, soit sur le renforcement des procédures.


La réduction de l’ampleur ou de l’étendue des pouvoirs accordés aux personnes nommées

L’élargissement de l’application des tutelles partielles. En Ontario, la prise de décision est liée au domaine d’application. La Province fait une distinction claire entre les décisions relatives aux biens et les décisions relatives au soin de la personne, et comme il a été dit précédemment, dans le cas des tuteurs nommés par le tribunal, il y a une forte préférence législative pour les tutelles partielles. Lorsqu’il s’agit de la nomination de tuteurs aux biens, la LPDNA autorise les tribunaux à imposer les conditions qu’ils jugent appropriées, mais on ne retrouve pas le même libellé législatif affirmé préconisant le recours aux tutelles partielles pour les biens. Les lois ne parlent pas non plus précisément de la possibilité de tutelles partielles pour les tuteurs légaux aux biens. Dans la réforme, une option pourrait être alors de renforcer les dispositions liées aux tutelles aux biens partielles, que ces tutelles aient été décidées par le tribunal ou le résultat de nominations légales.

Certaines provinces prévoient explicitement les tutelles partielles pour les questions liées aux biens. En Alberta, lorsque le tribunal a à juger de curatelle pour des questions de biens, il peut prévoir que l’ordonnance s’applique [traduction] « seulement aux biens ou aux questions financières précisées dans l’ordonnance[598] ».

La Commission de réforme du droit du Victoria a recommandé des dispositions plus rigoureuses lors de son examen des lois sur la capacité et la tutelle dans cet État australien. Elle a recommandé l’établissement d’une liste non exhaustive des types de décisions que pour les questions d’ordre personnel et financier. Elle a en particulier proposé une liste très précise des questions financières, dont le versement de sommes pour les dépenses personnelles courantes; la réception et le recouvrement de sommes payables à la personne; la poursuite du commerce ou des affaires de la personne; l’exécution de contrats conclus par elle; des placements en son nom; des opérations immobilières en son nom; le retrait ou le dépôt de sommes dans son compte d’une institution financière et de nombreuses autres tâches[599]. Pour toute ordonnance de tutelle, le tribunal civil et administratif du Victoria (VCAT) stipulerait dans l’ordonnance les pouvoirs précis que le tuteur ou administrateur doit avoir ou, dans de rares circonstances, il préciserait que le tuteur a le pouvoir d’agir pour toutes les questions de la liste[600]. Autrement dit, la loi ordonnerait nommément au VCAT de tenir compte des besoins très particuliers en matière de prise de décision de la personne en cause et indique que la pleine administration des questions relatives aux biens par le mandataire spécial devrait être l’exception et non pas la règle.

Comme un nombre considérable de tutelles aux biens en Ontario sont créées au moyen des nominations légales, si les tutelles relatives aux biens partielles sont jugées souhaitables, il peut aussi être important d’examiner si des mécanismes pourraient inciter à envisager les tutelles partielles dans ces circonstances, par exemple, en ordonnant au TCP d’en tenir compte pendant la procédure de demande de remplacement.

Il est à noter qu’en raison de la diversité des décisions qui peuvent relever de la gestion des biens, et des besoins qui changeront souvent à mesure que la personne vieillit, il se peut que les tutelles relatives aux biens partielles comportent des lacunes inattendues et problématiques dans l’ordonnance de tutelle. La nature du système judiciaire de l’État du Victoria, qui, comme il est dit ci-dessous, met l’accent sur l’examen régulier des ordonnances, rend probablement cet aspect moins urgent dans son contexte.

Les nominations limitées à des décisions précises. Dans certaines provinces ou certains territoires, la cour ou le tribunal a le pouvoir de prendre une décision nécessaire précise au nom d’une personne, au lieu de nommer un mandataire spécial ou un accompagnateur. Par exemple, un projet de loi actuelle à l’étude au Parlement irlandais prévoit que si le tribunal a rendu une constatation d’incapacité et qu’une ordonnance de codécision ne convient pas, il a le pouvoir de prendre la ou les décisions nécessaires au nom de la personne [traduction] « lorsqu’il est convaincu que l’affaire est urgente ou qu’il serait autrement opportun d’agir de cette manière ». Le tribunal peut également nommer un représentant à la prise de décision pour une seule décision, s’il est pertinent de le faire[601].

 

  • QUESTION À ABORDER : l’Ontario devrait-il envisager des réformes pour créer ou renforcer des options de formes plus limitées de tutelle, par exemple les tutelles partielles ou les nominations limitées à des décisions précises? Si oui, quelles seraient les réformes les plus commodes et les plus efficaces?

Les tutelles de durée limitée et les examens obligatoires. Un deuxième domaine dans lequel une réforme est possible a trait à la durée des tutelles ou aux examens réguliers des ordonnances de tutelle ou les deux. En particulier, l’article 12 de la CDPH exige explicitement que les mesures liées à la capacité légale « s’appliquent pendant la période la plus brève possible et soient soumises à un contrôle périodique effectué par un organe compétent, indépendant et impartial ou une instance judiciaire ». La LPDNA autorise le tribunal à imposer des limites à la durée des tutelles relatives au soin de la personne ou aux biens, mais ne crée pas de préférence pour les tutelles de durée limitée ou n’exige pas d’examens réguliers. La loi ne fait pas explicitement mention de limites à la durée des tutelles légales. Les tutelles temporaires découlant d’enquêtes sur des « conséquences préjudiciables graves » sont précisément limitées à 90 jours (bien que le tribunal ait le pouvoir d’en prolonger la durée, de la réduire ou d’y mettre fin).

Dans l’État australien du Victoria, les ordonnances du VCAT en matière de tutelles (soin de la personne ou questions financières) sont assujetties à une réévaluation régulière. En vertu de la loi, une réévaluation doit se faire dans les 12 mois qui suivent l’ordonnance rendue par le VCAT et au moins une fois tous les trois ans après l’application d’une ordonnance, à moins que le VCAT n’en décide autrement. Après une réévaluation, le VCAT a le pouvoir de poursuivre, de révoquer, de modifier ou de remplacer l’ordonnance, selon ce qu’il juge pertinent de faire[602]. Dans la pratique, le VCAT ordonne souvent des ordonnances de la tutelle relative au soin de la personne tous les 12 mois et des ordonnances administratives (biens) tous les trois ans. Le VCAT a également le pouvoir de délivrer une ordonnance immédiatement exécutoire qui vient à échéance après une période ou un événement désigné, à moins qu’une requête en prolongation n’ait été présentée. Ces dernières sont plus courantes pour les tutelles que pour les ordonnances administratives[603]. 

L’Alberta a prévu des exigences un peu moins contraignantes concernant l’examen dans l’Adult Guardianship and Trusteeship Act : lorsque le tribunal nomme un tuteur (qui ne peut voir qu’au soin de la personne) ou un curateur (qui s’occupe des questions financières), si le rapport d’évaluation de la capacité a indiqué une possibilité d’amélioration de cette dernière, l’ordonnance doit comprendre une date pour la demande de réévaluation; si le rapport d’évaluation de la capacité n’indique pas d’amélioration possible, l’ordonnance peut comprendre une date de demande de réévaluation[604].

L’ARCH Disability Law Centre recommande que tous les arrangements de prise de décision au nom d’autrui soient limités dans le temps et que des dispositions prévoient la tenue d’un examen et un éventuel renouvellement à l’expiration de la durée de nomination[605]. De plus, l’ARCH recommande d’informer toutes les personnes visées par un arrangement de prise de décision au nom d’autrui de leur droit à la réévaluation régulière de leur capacité et de l’existence de fonds publics pour les coûts de cette évaluation, lorsque les intéressés n’en ont pas les moyens. De plus, chaque fois que le tribunal ordonne un arrangement de prise de décision au nom d’autrui, il doit exiger que le mandataire spécial propose des évaluations de la capacité à intervalles réguliers ou prenne les mesures nécessaires pour les obtenir[606].

Les ordonnances spéciales visant les personnes dont la capacité fluctue. Dans son examen exhaustif des lois sur les tutelles du Queensland, la Commission de réforme du droit du Queensland a souligné des questions soulevées par les ordonnances visant les personnes dont la capacité fluctue et s’est demandé si les ordonnances de tutelle ou les ordonnances administratives concernant ces personnes ne devraient pas d’une certaine manière être limitées, par exemple, en prévoyant que les pouvoirs peuvent être exercés seulement pendant les périodes où la personne perd sa capacité. La Commission a signalé que ces ordonnances soulèveraient des problèmes complexes : par exemple, qui aurait le fardeau de prouver la capacité dans certaines circonstances, comment et dans quelles circonstances la capacité devrait-elle être évaluée? De plus, des tiers, en particulier les fournisseurs de services financiers, pourraient trouver que ces ordonnances ne sont pas assez claires et certaines en ce qui concerne le pouvoir juridique de toute décision précise[607]. La Commission a néanmoins conclu que la protection de l’autonomie des adultes dont la capacité fluctue avait préséance sur ces difficultés. Elle a donc recommandé que dans ces cas précis où des personnes sont parfois capables, parfois incapables, le tribunal civil et administratif ait le pouvoir de rendre une ordonnance en vertu de laquelle les pouvoirs peuvent être exercés seulement pendant les périodes d’incapacité, que le tuteur ou administrateur, dans ces circonstances, doit appliquer la présomption de capacité dans l’exercice de ses pouvoirs et que ces derniers pouvaient être exercés seulement lorsque cette présomption de capacité était réfutée[608].

 

  • QUESTION À ABORDER : des réformes devraient-elles être apportées au droit, aux orientations ou aux méthodes pour s’assurer d’un examen régulier de la nécessité d’un tuteur, par exemple imposer des limites à la durée des tutelles, des examens obligatoires des tutelles ordinaires ou des ordonnances spéciales visant les personnes dont la capacité fluctue? Si oui, quelles seraient les réformes les plus commodes et les plus efficaces?

 

Les adaptations procédurales

Des procédures simplifiées d’entrée et de sortie des tutelles. Pendant les consultations initiales de la CDO, plusieurs personnes interviewées ont évoqué la possibilité de simplifier les procédures d’entrée et de sortie des tutelles. Comme on l’a dit précédemment, l’Ontario compte déjà un certain nombre de mécanismes raisonnablement simplifiés, notamment l’entrée en vigueur d’une tutelle par une nomination légale et la procédure de demande de remplacement, et les procédures de règlement sommaire pour l’entrée et la sortie des tutelles.

Il faut tenir compte de la gravité des droits en question lorsqu’on envisage de simplifier encore davantage les procédures d’entrée et de sortie des tutelles. La personne qui entre dans une tutelle ou qui en sort court des risques, compte tenu entre autres du fait que des principes fondamentaux de son autonomie et de sa sécurité sont en cause. Des garanties d’application régulière de la loi ne devraient pas être abandonnées à la légère.  

Certaines des préoccupations concernant la simplification des procédures actuelles en Ontario ont été abordées précédemment dans le présent chapitre, particulièrement celles qui ont trait aux procédures qui fourniraient des garanties insuffisantes, de même que les coûts qui s’y rattachent. 

Des préoccupations au sujet de l’application régulière de la loi dans le contexte des requêtes simplifiées au tribunal ont été soulevées ailleurs. Par exemple, le professeur Surtees a informé la CDO qu’en Saskatchewan, la plupart des ordonnances du tribunal sont faites par une requête sans audience. Même si cette procédure visait l’accessibilité, il croit qu’elle n’a pas toujours garanti les droits d’un adulte. Le professeur Surtees indique que la procédure est difficile à suivre, que les adultes visés par une requête sont peu souvent consultés pour qu’ils fassent connaître leurs désirs et qu’ils peuvent ne pas être entièrement au courant de la procédure[609].

Les demandes administratives de tutelle et de codécision en Alberta donnent un exemple d’une procédure judiciaire simplifiée, assortie d’un contrôle et du soutien d’un organisme public. En Alberta, une trousse d’instructions a été mise à la disposition du public, ainsi que des formulaires faciles à comprendre[610]. Les demandeurs envoient les documents de la demande administrative à des agents d’évaluation spécialisés au bureau du défenseur public qui s’assurent que les documents sont correctement remplis et qui s’acquittent d’autres fonctions, dont informer les tiers intéressés de la demande, préparer leur rapport et envoyer les documents au tribunal. Les agents d’évaluation rencontrent généralement l’adulte visé par la demande pour le consulter et connaître ses souhaits. La CDO a entendu qu’en Alberta, les demandes administratives sont généralement considérées comme une réussite en raison du nombre de personnes qui les utilisent et du recours moins fréquent aux services d’un avocat[611].

 

  • QUESTION À ABORDER : quelles réformes du droit, des orientations ou des méthodes assureraient un meilleur équilibre entre l’accessibilité et l’ouverture des procédures de tutelle, tout en veillant à assurer les garanties procédurales nécessaires lorsqu’une décision aussi lourde de conséquences doit être prise? Si oui, quelles seraient les réformes les plus commodes et les plus efficaces?

Une formule élargie pour les autres « lignes de conduite » et le principe de la « ligne de conduite la moins contraignante » pour faciliter les options autres que la tutelle. Comme on l’a dit précédemment, les tuteurs nommés par le tribunal ne sont autorisés que si ce dernier n’est pas convaincu de l’existence d’une « ligne de conduite » qui permettra de satisfaire à la nécessité de prendre des décisions et qui n’exige pas que le tribunal constate que la personne est incapable de prendre soin d’elle-même et qui est « moins contraignante que la nomination d’un tuteur[612] ». Surtout, il n’y a pas de disposition semblable pour les tutelles légales, étant donné que la procédure est très différente.

Le régime albertain en matière de capacité et de prise de décision comprend des autorisations pour la prise de décision accompagnée, de même que des nominations publiques de codécideurs, comme il a été expliqué au chapitre I de la partie Trois. L’Alberta n’a pas de dispositions qui correspondent aux nominations de tuteurs légaux en Ontario : toutes les nominations de tuteurs et de curateurs se font au tribunal, même si la procédure des « demandes administratives » se distingue beaucoup de la procédure ontarienne de nomination par les tribunaux. Lorsqu’ils envisagent des nominations de tuteurs ou de curateurs, les tribunaux doivent, comme la Cour supérieure de justice de l’Ontario, être d’abord convaincus non seulement que la personne est incapable de prendre les décisions nécessaires et que la nomination est dans son intérêt supérieur, mais également qu’il existe des « lignes de conduite moins contraignantes que la nomination » qui protégeraient suffisamment les intérêts financiers de l’adulte dans le cas des curatelles, ou qu’elles ont été envisagées ou mises en œuvre et qu’elles n’ont pas ou n’auraient vraisemblablement pas suffi pour répondre aux besoins dans le cas d’une requête de tutelle[613]. En examinant les « intérêts supérieurs » de la personne, le tribunal doit tenir compte de l’existence de toute directive personnelle ou de toute ordonnance de prise de décision accompagnée prise par l’adulte ou de toute ordonnance de codécision en vigueur. On trouve également un autre mécanisme pour réduire les tutelles ou les curatelles inutiles dans les exigences de l’évaluation de la capacité. Celles-ci sont explicitement réalisées en deux étapes. Avant toute évaluation, l’appréciateur doit :

  • s’assurer que l’adulte a été informé des motifs de la demande d’évaluation et qu’il a reçu une description des événements qui ont donné lieu à la demande;
  • s’assurer qu’une évaluation médicale a été faite au cours des trois derniers mois et que cette évaluation n’a pas indiqué un état médical réversible qui serait susceptible d’influencer la capacité;
  • s’efforcer raisonnablement de rencontrer l’adulte en personne pour l’informer de ses droits et du sens de la procédure, et voir si elle a besoin d’accommodements pour que l’évaluation se déroule efficacement[614].

De plus, un appréciateur de la capacité peut mener une évaluation, seulement s’il est convaincu qu’elle est justifiée dans les circonstances[615].

Bach et Kerzner, dans un document inédit commandé par la CDO, plaident en faveur d’une vaste refonte de la notion d’une autre ligne de conduite et du principe de la ligne de conduite la moins contraignante, si l’on devait s’orienter vers la prise de décision accompagnée. Plusieurs aspects de cette proposition ont été exposés au chapitre II de la partie Trois et ailleurs dans le document de travail. Surtout, soulignent-ils, [traduction] « ce qu’il faut réellement pour reconnaître pleinement les autres lignes de conduite et les soutiens, ce n’est pas simplement une disposition, mais une procédure reconnue par voie législative qui expose les preuves à fournir et l’orientation à suivre lorsque d’autres lignes de conduite doivent être envisagées et qui vise à maximiser l’accès à ces autres lignes de conduite et soutiens[616] ».

Bach et Kerzner recommandent une définition légale de la « ligne de conduite » qui comprend une reconnaissance de l’éventail des soutiens, dont les documents de planification de la prise de décision accompagnée et un formulaire juridique de cet arrangement, de même qu’une procédure légale modifiée de la tutelle nommée par le tribunal qui comprend « des évaluateurs de la ligne de conduite » et des évaluations. Ces évaluateurs de la ligne de conduite seraient distincts des appréciateurs actuellement désignés pour l’évaluation de la capacité. Leur tâche consisterait à évaluer les lignes de conduite possibles autres que la constatation de l’incapacité et la nomination de mandataires spéciaux. Ces évaluateurs seraient régis par leur propre ensemble de lignes directrices et de procédures d’attestation. Leurs évaluations devraient accompagner toute requête de tutelle soit légale soit nommée par le tribunal pour fournir des preuves se fonder pour vérifier l’exigence de la « ligne de conduite la moins contraignante[617] ».

 

  • QUESTION À ABORDER : y a-t-il des réformes du droit, des orientations ou des méthodes qui pourraient mieux garantir que les tuteurs soient nommés seulement en dernier recours, en l’absence d’autre solution moins contraignante? Si oui, quelles seraient les réformes les plus commodes et les plus efficaces?

 

D.   QUESTIONS À ABORDER

  1. Les procédures de nomination de mandataires spéciaux en vertu de la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé soulèvent-elles des préoccupations auxquelles il faut répondre dans le cadre de la réforme de ce domaine du droit?
  2. Quelles seraient les réformes les plus efficaces à apporter aux lois, aux orientations ou aux méthodes pour donner aux mandants créant des procurations relatives aux biens des moyens plus efficaces de déclencher leur entrée en vigueur au moment opportun?
  3. Y a-t-il des réformes à apporter aux exigences ou aux options concernant la constitution d’une procuration qui amélioreraient la compréhension des mandants ou des procureurs, ou des deux, des risques, des avantages et des responsabilités liés à ces documents puissants? Si oui, quelles seraient les réformes les plus commodes et les plus efficaces?
  4. Un registre des procurations améliorerait-il la capacité de vérifier et de valider ces documents, de prévenir et de reconnaître les abus? Quels seraient les avantages et les inconvénients d’un registre?
  5. Si un registre des procurations était créé :
    a)     serait-il volontaire ou obligatoire?
    b)     quels renseignements devraient y figurer?
    c)      qui devrait avoir accès à l’information du registre et dans quelles circonstances?
    d)     qui s’occuperait du registre?
    e)     qu’exigerait-on pour s’assurer du respect des lois sur la protection des renseignements personnels?
  6. Des exigences ou des options obligatoires doivent-elles être ajoutées à la création des dispositions sur les procurations, par exemple l’obligation de rendre compte, la nomination de surveillants ou des avis de procureurs en fonction pour améliorer la surveillance et la responsabilité des procureurs?
  7. L’Ontario devrait-il envisager des réformes pour créer ou renforcer des options de formes plus limitées de tutelle, par exemple les tutelles partielles ou les nominations limitées à des décisions précises? Si oui, quelles seraient les réformes les plus commodes et les plus efficaces?
  8. L’Ontario devrait-elle envisager des réformes de la procédure relative aux tutelles pour s’assurer d’un examen régulier de la nécessité du tuteur, par exemple des tutelles de durée limitée ou des examens réguliers obligatoires? Si oui, quelles seraient les réformes les plus commodes et les plus efficaces?
  9. Quelles réformes du droit, des orientations ou des méthodes assureraient un meilleur équilibre entre l’accessibilité et l’ouverture des procédures de tutelle, tout en veillant à assurer les garanties procédurales nécessaires lorsqu’une décision aussi lourde de conséquences doit être prise? Si oui, quelles seraient les réformes les plus commodes et les plus efficaces?
  10. Y a-t-il des réformes du droit, des orientations ou des méthodes qui pourraient mieux garantir que les tuteurs soient nommés seulement en dernier recours, en l’absence d’autre solution moins contraignante? Si oui, quelles seraient les réformes les plus commodes et les plus efficaces?

 

 

 

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