Selon le principe de la responsabilité solidaire, un demandeur peut recouvrer la totalité des dommages qu’il réclame d’un seul défendeur négligent, même s’il y en a plusieurs. Ce principe est prévu à l’article 1 de la Loi sur le partage de la responsabilité de l’Ontario, qui se lit comme suit :

 

Partage de la responsabilité, indemnisation

 

1.  Si deux ou plusieurs personnes ont, par leur faute ou par leur négligence, causé des dommages ou contribué à en causer, le tribunal détermine leurs parts respectives de responsabilité. Les personnes dont le tribunal a constaté la faute ou la négligence sont solidairement responsables envers la personne qui a subi la perte ou le dommage; en ce qui concerne leur responsabilité mutuelle, à défaut de contrat entre elles, même implicite, chaque personne est tenue de verser une contribution aux autres et de les indemniser selon la part de responsabilité que le tribunal lui a attribuée. [27]

 

Lorsque trois défendeurs distincts sont considérés comme responsables de la perte du demandeur, ce dernier est en droit de réclamer une indemnisation totale (100 %) de l’un quelconque des défendeurs. Celui qui paye ce jugement en totalité aura le droit d’y faire contribuer les autres parties responsables selon leur part de responsabilité dans la perte du demandeur.

 

Ainsi, un tribunal peut décider que les défendeurs 1 (D1), 2 (D2) et 3 (D3) sont respectivement responsables de 70 %, 20 % et 10 % de la perte de 100 000 $ subie par le demandeur. Ce dernier pourra choisir de recouvrer cette perte entièrement de D2, qui pourra ensuite se retourner contre D1 et D3 pour recouvrer leurs parts de 70 % et 10 %. Si D1 et/ou D3 sont incapables d’indemniser D2 relativement au montant que chacun doit pour quelque motif que ce soit (comme l’insolvabilité ou la non-disponibilité), D2 supportera la perte totale de 100 000 $. Le demandeur sera entièrement indemnisé à cet égard puisqu’il appartient aux défendeurs de répartir la perte équitablement entre eux.

 

Dans son mémoire, l’OTLA souligne ce qui suit :

 

[Traduction] À titre d’énoncé de principe, nos législateurs reconnaissent depuis longtemps qu’entre la victime innocente et un ou plusieurs fautifs, ce n’est pas la victime innocente qui devrait pâtir lorsqu’un fautif est incapable de payer sa part de la condamnation à des dommages-intérêts.[28]

 

Plusieurs mémoires, dont ceux de The Advocates Society et de la British Columbia Investment Management Corporation (bcIMC), ont mentionné que la responsabilité solidaire est in solidum (« pour la totalité »). Ils ont insisté sur le besoin de reconnaître que : a) la perte unique subie par le demandeur découle de b) la faute conjointe de coauteurs, ce qui entraîne la responsabilité totale de chacun des fautifs, avec droit d’obtenir la contribution des autres parties responsables. Il est important de noter que le préjudice ne serait pas survenu, « n’eût été » la faute conjointe de toutes les parties responsables.[29]

 

La bcIMC mentionne ce qui suit :

 

[Traduction] Les personnes ayant subi des dommages découlant des agissements d’une société ne devraient pas avoir l’obligation de trouver tous les responsables afin d’être entièrement indemnisées. Ce fardeau doit reposer sur les responsables, qui doivent obtenir et répartir l’indemnisation entre coauteurs.[30]

 

David Debenham, un commentateur juridique et comptable, décrit comme suit les implications de la responsabilité solidaire applicable aux conseillers professionnels :

 

[Traduction] Le demandeur n’est pas tenu de trouver et de poursuivre toutes les parties ayant causé ses dommages ou y ayant contribué afin d’être totalement indemnisé. Ceci est particulièrement important à une époque où les prescriptions sont habituellement de deux (2) ans ou moins et même parfois aussi courtes que sept (7) jours. Il arrive souvent que le demandeur ne soit pas en mesure de savoir qui a contribué à sa perte, les défendeurs étant alors mieux placés pour obtenir les renseignements nécessaires à cet égard et pour en juger. En ce qui concerne le vérificateur, il lui appartient de savoir comment ont été créés les renseignements financiers erronés et qui en est responsable, ce qui fait qu’il est mieux placé que l’utilisateur de ces renseignements erronés pour déterminer qui en est la source et pour l’ajouter à titre de partie au litige, et il bénéficie pour se faire d’un laps de temps plus long pour intenter une poursuite contre les autres fautifs que celui dont bénéficie le demandeur. La responsabilité solidaire donne aux défendeurs, qui possèdent habituellement de meilleurs renseignements au sujet des personnes ayant contribué à la perte, une motivation à faire participer tous les responsables au litige avant que la prescription ne soit acquise. [31]

 

Les commentaires de M. Debenham font ressortir l’efficacité de la responsabilité solidaire, le fait qu’elle promeut l’accès à la justice et, de façon sous-jacente, qu’elle elle reconnaît que certaines personnes ont un meilleur accès à l’information pertinente.

 

Qui plus est, il est important de souligner que la responsabilité solidaire n’entre en jeu qu’après que le demandeur ait prouvé la faute. En effet, ce dernier doit prouver les éléments essentiels du délit civil à l’encontre d’un défendeur pour lui réclamer des dommages-intérêts. Une déclaration de responsabilité doit précéder la répartition de la faute entre les défendeurs. Ainsi, puisque la faute n’est répartie qu’entre les codéfendeurs déclarés responsables en vertu des exigences de la common law en matière de délit civil, des codéfendeurs qui n’ont rien à se reprocher sont absous de toute accusation de faute avant sa répartition.

 

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