Cette partie du rapport résume brièvement la responsabilité proportionnelle, ainsi que les plafonds et les limitations contractuelles de responsabilité.

 

A.   Responsabilité proportionnelle

 

Les régimes de responsabilité proportionnelle sont décrits en détail ci-dessous.

 

1.                 Responsabilité proportionnelle intégrale

 

Un régime de responsabilité proportionnelle intégrale restreint la responsabilité de chaque codéfendeur à la partie de la perte dont il/elle est jugé(e) responsable. Si l’on prend l’exemple précédent (où D1 est responsable de 70 % de la perte, D2 de 20 % et D3 de 10 %), selon ce régime, D2 ne serait responsable qu’à concurrence de 20 000 $ du jugement de 100 000 $, soit à une part de responsabilité de 20 %. De la même façon, D1 et D3 seraient respectivement responsables pour 70 000 $ et 10 000 $. Si D1 et D3 sont insolvables, non disponibles ou autrement incapables de payer, le demandeur ne recouvrera que 20 000 $ de D2.

 

2.                 Responsabilité proportionnelle lorsque le demandeur a contribué à sa perte

 

Cette variante de la responsabilité proportionnelle appliquerait la responsabilité solidaire lorsque le demandeur est sans reproche, mais abolirait ou modifierait la règle lorsque le demandeur a contribué à sa perte. Si l’on reprend l’exemple précédent et que l’on suppose que le demandeur (M) a contribué à 20 % de sa perte de 100 000 $, alors que D1, D2 et D3 sont respectivement responsables de 50 %, 20 % et 10 %. Alors, si D1 et D3 sont non disponibles, M et D2 seront chacun responsable de leurs parts de 20 000 $. Le demandeur sera responsable du manque à gagner de 60 000 $ compte tenu du non-paiement des codéfendeurs absents.

 

3.                 Responsabilité proportionnelle lorsque le demandeur a contribué à sa perte, avec réattribution proportionnelle de la part d’un défendeur insolvable, limité financièrement ou non disponible

 

Le demandeur et les codéfendeurs restants partagent le risque de non-paiement d’un défendeur dans cette variante de la responsabilité proportionnelle. Le demandeur et les codéfendeurs sont responsables de tout manque à gagner en proportion de leur degré respectif de faute. Si l’on utilise les chiffres de l’exemple précédent, avec un manque à gagner de 50 000 $ d’un D1 absent et de 10 000 $ d’un D3 absent, M et D2 doivent tenir compte des 60 000 $ manquants. La responsabilité de M et de D2 étant également répartie, ils seront donc chacun responsable de la moitié des manques à gagner, soit de 25 000 $ et de 5 000 $ pour chaque défendeur qui ne paye pas sa part, le fardeau étant partagé entre le demandeur et les défendeurs restants.

 

4.                 Responsabilité proportionnelle avec fautif externe

 

Selon cette approche, un défendeur sera proportionnellement responsable seulement si sa part de responsabilité se situe en dessous d’un pourcentage donné, au-dessus duquel la responsabilité serait solidaire. Si l’on utilise les chiffres précédents et que le seuil de responsabilité est établi à 25 %, D2 et D3 ne seraient respectivement responsables que de 20 % et 10 % de l’indemnisation, sans égard au fait qu’ils puissent être les seuls défendeurs disponibles ou nommés dans la poursuite, alors que D1 serait potentiellement responsable de 100 % des dommages s’il était le seul défendeur disponible ou nommé dans la poursuite.

 

Alors que ce régime favorise les défendeurs qui sont responsables d’une partie relativement modeste de la perte, la détermination du seuil approprié entre responsabilité solidaire et responsabilité proportionnelle est quelque peu arbitraire.

 

5.                 Responsabilité proportionnelle avec répartition partielle ou totale de la part d’un défendeur insolvable ou non disponible

 

Cette variante prévoit la répartition de la responsabilité d’un défendeur qui ne paye pas parmi les défendeurs restants en proportion de leurs degrés de faute respectifs. La faute contributive du demandeur n’aurait pas d’impact sur l’application de cette nouvelle répartition, et la responsabilité solidaire continuerait à s’appliquer dans des cas de fraude ou de violation volontaire de la loi.

 

6.                 Pouvoir discrétionnaire des tribunaux

 

Comme la variante précédente fait une exception en cas de fraude, une dernière approche modifiée à la responsabilité proportionnelle serait de donner aux tribunaux le pouvoir discrétionnaire d’appliquer différentes formes de responsabilité en fonction des faits et des circonstances de la cause. Par exemple, même dans le cadre d’un régime de responsabilité solidaire, si la part de responsabilité d’un codéfendeur donné était relativement modeste, la cour pourrait avoir le pouvoir discrétionnaire de la limiter à un niveau approprié. Comme cela sera évoqué ci-dessous, alors que la LSA prévoit la responsabilité proportionnelle, les tribunaux conservent un pouvoir discrétionnaire résiduel dans certains cas.

 

B.   Limitations législatives à la responsabilité

 

On pourrait répondre aux préoccupations des professionnels en matière de responsabilité en introduisant un plafond s’appliquant au montant des dommages disponibles pour des réclamations de perte économique relatives à certains types de travail. Un tel plafond pourrait être mis en vigueur en dehors d’une réforme générale du régime de responsabilité. Il pourrait s’appliquer de différentes façons, y compris comme suit :

 

Une somme unique;
Un pourcentage ou un multiplicateur des honoraires du professionnel;
Un pourcentage des dommages-intérêts accordés.
 

Le plafond pourrait varier, voire être entièrement limité, en fonction de certains types de travail. La responsabilité des vérificateurs professionnels qui rédigent un rapport de vérification, par exemple, pourrait être plafonnée autrement que celle des ingénieurs effectuant une étude géologique.

 

Le cadre de la LVMO pour les présentations inexactes dans le marché secondaire comprend un plafond législatif de responsabilité fondé sur un pourcentage de la valeur de la société sur le marché ou sur les gains du professionnel au cours de la période. L’Australie, par exemple, a une limite fixe de responsabilité statutaire de 75 millions de dollars. Ces plafonds sont plus amplement discutés à la partie IV de ce rapport.

 

C.    Système hybride

 

Dans un certain nombre de ressorts existe un régime hybride de responsabilité proportionnelle et de plafonds de dommages. Les codéfendeurs sont responsables pour leur part des dommages, mais le montant maximal total payable par chaque codéfendeur est plafonné à une certaine limite statutaire.

 

 

 

 

D.   Limitations contractuelles à la responsabilité

 

Les parties peuvent également convenir de restrictions à la responsabilité. Une limite contractuelle peut faire en sorte que les parties conviennent qu’en cas de perte, un plafond de dommages s’appliquerait au montant des honoraires exigibles.

 

Les parties privées sont généralement libres de convenir de limites contractuelles à la responsabilité. Cependant, les lois qui régissent certaines professions ou normes de conduite professionnelle peuvent interdire à certains professionnels de limiter leur responsabilité dans certaines circonstances. Ainsi, au Canada, la législation en droit des sociétés prévoit que les administrateurs et les dirigeants ne peuvent pas restreindre leurs obligations statutaires, y compris leur obligation de faire preuve de diligence et leurs responsabilités connexes. De la même façon, la Loi sur les procureurs[32] prévoit que les procureurs ne peuvent pas limiter leur responsabilité par contrat.[33]   Aucune telle restriction n’est prévue dans les lois canadiennes régissant les vérificateurs professionnels. La CDO comprend que ces derniers limitent régulièrement leur responsabilité dans leurs lettres de mission.

 

Il est important de noter que les limites contractuelles de responsabilité ne couvrent qu’hypothétiquement la question des réclamations en dommages supérieures au plafond en cas de recours fondé sur un manquement contractuel. Les limites de dommages convenues par contrat n’empêchent pas les poursuites fondées sur un délit civil. Les parties qui n’ont pas signé de contrat avec le codéfendeur, y compris les actionnaires, les créanciers ou les consommateurs, selon le cas, peuvent intenter une poursuite pour délit civil et dommages connexes, même s’il existe une limite contractuelle. 

 

Le Royaume-Uni a adopté une approche novatrice selon laquelle les actionnaires peuvent reconnaître une limite contractuelle de responsabilité entre un vérificateur et sa société cliente. Cette question est plus amplement discutée à la partie IV de ce rapport.

 

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