Les destinataires des fonds publics transférés par chèque disposent de plusieurs moyens pour y avoir accès : ceux qui ont un compte dans une banque ou une caisse peuvent y déposer le chèque et en retirer des fonds (sous réserve de la politique de la banque en matière de retenue); ils peuvent encaisser le chèques dans une entreprise de services financiers parallèles (SFP) moyennant des frais; dans certains cas, ils peuvent encaisser le chèque dans certains petits commerces comme des dépanneurs. Le coût de ces différents services varie beaucoup : l’encaissement de chèques dans un établissement de SFP coûte beaucoup plus cher que dans une banque. La plupart des Ontariens ont accès à leurs fonds par le biais de comptes bancaires. Toutefois, un nombre restreint mais non négligeable paie les frais plus élevés exigés par les entreprises de SFP pour encaisser des chèques ou les encaissent dans l’économie parallèle.

Au fil des ans, les organismes qui desservent ou qui défendent les personnes démunies se sont insurgés contre l’incidence relativement coûteuse des services d’encaissement des chèques sur ces Ontariens, particulièrement ceux qui reçoivent une aide publique. Plusieurs autorités législatives canadiennes ont pris des mesures législatives pour veiller à ce que les destinataires de chèques du gouvernement puissent avoir accès à leurs fonds gratuitement ou à coût modique (voir l’annexe C)[9].

Le phénomène des frais d’encaissement des chèques du gouvernement soulève les questions suivantes :

Qui utilise les services d’encaissement des chèques ?
Dans quelle mesure l’utilisation des services d’encaissement des chèques est-elle répandue parmi les prestataires de programmes d’aide publics et quel est l’impact des frais de ces services sur eux ?
Pourquoi les consommateurs utilisent-ils les services d’encaissement de chèques lorsqu’ils peuvent avoir accès à leurs fonds gratuitement ou à coût modique dans les institutions financières ordinaires ?
Les frais d’encaissement des chèques exigés par les entreprises de SFP sont-ils excessifs compte tenu des risques et des coûts associés à la prestation de ce service ? Quels sont ces coûts et ces risques ?

Les réponses apportées à ces questions sont importantes pour savoir si une réforme s’impose dans les circonstances et, le cas échéant, pour pouvoir choisir les mesures les plus pratiques et les plus efficaces.

La situation et les questions sont complexes; dans certains cas, l’information disponible est rare. Les consultations publiques menées par la Commission ont fait ressortir l’éventail des avis; les divergences ne tiennent pas tant à la question de savoir si le paiement de frais d’encaissement des chèques du gouvernement est un sujet d’inquiétude (on s’entend généralement pour reconnaître que la question est pressante), mais bien à la source du problème. La question de fond est définie de plusieurs façons : la grande pauvreté et le manque de soutiens sociaux qui règnent dans certains segments de la population ontarienne, les obstacles à l’accès aux services financiers ordinaires, les méthodes abusives des entreprises de SFP ou le manque de savoir-faire financier et les choix médiocres de certaines personnes.

La section qui suit tente de traiter de ces questions en rappelant l’information disponible sur les usagers des services d’encaissement des chèques, les obstacles à l’utilisation des services financiers ordinaires et les grandes caractéristiques du secteur de l’encaissement des chèques.

 

A. Le coût de l’encaissement des chèques du gouvernement en Ontario

Le coût de l’encaissement d’un chèque du gouvernement en Ontario varie considérablement selon la provenance du chèque encaissé, l’institution qui l’encaisse et les arrangements locaux. L’encaissement peut ainsi se faire gratuitement ou à coût modique, ou, au contraire, entraîner des frais considérables.

1. Les banques et les caisses

Les banques et les caisses encaissent des chèques pour les détenteurs de leurs comptes, sous réserve de leur politique de retenue de fonds. Les grandes banques offrent toutes maintenant des comptes de base assortis de frais mensuels de moins de 4 $. Les services offerts avec ces comptes comprennent, entre autres, les dépôts et les retraits par chèque (voir l’annexe F pour plus de précisions)[10]. Les détenteurs de compte peuvent ainsi avoir accès aux fonds qu’ils touchent par chèque à coût très modique. Certaines banques offrent des structures de frais « à la transaction » à ceux qui détiennent des comptes dans leurs succursales; ainsi, les détenteurs de comptes de la Banque Royale ou de la Banque de Montréal qui choisissent l’option de frais à la transaction paient 0,75 $ pour encaisser un chèque, quel qu’en soit le montant.

Les chèques du gouvernement fédéral d’au plus 1 500 $ peuvent être encaissés sans frais dans n’importe quelle banque (que la personne qui le présente y détienne un compte ou non) sur production d’une pièce d’identité qui comporte une photo et une signature ou de deux pièces d‘identité acceptables[11]. La législation fédérale dispense expressément les banques d’encaisser des chèques en présence de preuve qu’il y a fraude ou qu’une illégalité a été commise relativement au chèque[12].

En outre, un certain nombre de municipalités ontariennes ont conclu des ententes informelles avec des succursales bancaires et des caisses locales pour faciliter l’encaissement gratuit des chèques d’aide sociale[13]. Le fournisseur de services sociaux s’engage ainsi à indemniser l’établissement financier en cas de fraude et, de son côté, ce dernier s’engage à encaisser gratuitement les chèques du programme Ontario au travail, que les personnes qui les présentent détiennent ou non un compte chez lui, sur vérification d’identité. Le mode de vérification varie selon les ententes : certaines exigent les mêmes pièces d’identité que celles nécessaires pour l’encaissement des chèques du gouvernement fédéral, tandis que d’autres se contentent d’une lettre du fournisseur de services sociaux.

 

2. Les entreprises de SFP

Les chèques du gouvernement sont également encaissés auprès d’entreprises de SFP. Celles-ci exigent un éventail de frais pour ce service. Ces frais comprennent généralement des frais fixes dits d’opération et des frais calculés en pourcentage du montant du chèque encaissé. En général, il n’y a pas de différence de frais entre les types de chèques encaissés, qu’il s’agisse de chèques du gouvernement, de chèques de paie ou de chèques personnels. Par exemple, en juillet 2008, Money Mart et Cash Money exigeaient des frais fixes de 2,99 $ et des frais représentant 2,99 p. 100 du montant du chèque, tandis que, chez Cash House, ces frais étaient de 1,49 $ et de 2,49 p. 100 respectivement. Les frais d’encaissement d’un chèque de 500 $ étaient donc de 13,94 $ chez Cash House et de 17,94 $ chez Money Mart ou chez Cash Money. Une mère célibataire ayant deux enfants qui encaisserait ses chèques d’aide sociale et de la Prestation ontarienne pour enfants d’un total de 1 510 $ chez Money Mart ou chez Cash Money paierait des frais de 48,14 $ par mois, soit des frais annuels de 577,67 $.

 

3. L’encaissement des chèques dans l’économie parallèle

Enfin, les chèques du gouvernement peuvent être encaissés comme service auxiliaire par des commerces tels que des bars ou des dépanneurs, voire, parfois, par des propriétaires. Les informations sur ces services sont rares. Toutefois, selon les dires des intervenants, les frais exigés alors varient beaucoup, allant de minimes à exorbitants. Ceux qui encaissent les chèques ainsi exigent parfois que les fonds soient dépensés sur place. Cette situation est relativement rare dans les villes du Sud de l’Ontario, mais elle est assez fréquente dans les collectivités éloignées, surtout dans le Nord de l’Ontario.

 

B. L’impact des frais d’encaissement de chèques : les usagers des services d’encaissement de chèques et les prestataires des programmes d’aide publics

Qui utilise les services d’encaissement de chèques ? Pour évaluer l’impact des frais d’encaissement des chèques du gouvernement, on gagnera à en apprendre davantage sur trois groupes : les clients des entreprises de SFP en général, les usagers de services d’encaissement de chèques, et les personnes qui encaissent des chèques du gouvernement en particulier. On a passablement bien étudié les usagers des services de prêts sur salaire, un peu moins les personnes qui utilisent des services d’encaissement de chèques et presque pas celles qui encaissent des chèques du gouvernement.

Ces groupes se recoupent : par exemple, ceux qui contractent des prêts sur salaire utilisent également fréquemment les services d’encaissement des chèques des entreprises de SFP. Ils ne sont toutefois certainement pas identiques. De par leur revenu d’emploi, ceux qui contractent des prêts sur salaire et ceux qui encaissent des chèques de paie se distinguent sous des rapports importants de ceux qui dépendent des fonds publics. L’Association canadienne des prêteurs sur salaire (ACPS) interdit à ses membres de consentir des prêts sur salaire aux prestataires de l’aide sociale; il semble toutefois que certaines entreprises qui n’en sont pas membres offrent quand même ce service[14].

Rappelons en outre que le gouvernement provincial émet toutes sortes de chèques et que tous les destinataires de ces chèques n’ont pas nécessairement un revenu faible, alors que cela pourrait fort bien être le cas de certaines personnes qui encaissent des chèques de paie.

 

1. Les utilisateurs des services financiers parallèles

Un certain nombre d’études et de sondages se sont penchés sur les caractéristiques des clients des entreprises de SFP, le plus souvent en s’intéressant surtout aux services de prêt sur salaire.

La fréquentation des établissements de SFP est relativement rare au Canada. Selon un sondage mené en 2005 par Ipsos-Reid pour l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC), seulement 7 p. 100 des Canadiens ont eu recours à une entreprise de SFP.

Les études le confirment : les clients des entreprises de SFP ont plus tendance à être jeunes et à avoir un revenu faible. Selon une enquête d’Ipsos-Reid, les clients des SFP sont plus souvent jeunes, à faible revenu et citadins (cette dernière caractéristique découlant probablement de la répartition géographique actuelle des établissements de SFP)[15]. Une étude de Statistique Canada sur les tendances des prêts sur salaire au Canada fondée sur l’Enquête sur la sécurité financière de 2005 indique que les jeunes familles (soit celles dont le soutien économique principal est âgé de 15 à 24 ans) sont trois fois plus susceptibles d’avoir eu recours à des prêts sur salaire que celles dont le soutien économique principa