A. Le recours aux sanctions administratives pécuniaires

1. Contexte et analyse

Les sanctions administratives pécuniaires (SAP) consistent le plus souvent en des sanctions pour lesquelles le responsable de la réglementation impose une pénalité pécuniaire dont la révision ne peut être qu’administrative[33]. L’Ontario a un certain nombre de régimes de SAP, qui sont considérés comme étant moins coûteux qu’un régime d’infractions réglementaires[34]. Un exemple important de régime de SAP se trouve dans la Loi de 2001 sur les municipalités.

Lors de son entrée en vigueur le 1er janvier 2007, la Loi de 2006 modifiant des lois concernant les municipalités[35] a apporté certaines modifications importantes à la Loi de 2001 sur les municipalités. Citons, entre autres, l’ajout de l’article 102.1, qui donne aux municipalités le pouvoir d’exiger qu’une personne paie une pénalité administrative si elles sont convaincues que celle-ci n’a pas observé un règlement municipal sur le stationnement, l’immobilisation ou l’arrêt de véhicules[36].

Dans le cadre de la Loi de 2001 sur les municipalités, c’est à la municipalité qu’il incombe de décider si elle veut créer un système de SAP. Si la municipalité choisit de mettre sur pied un tel système pour une infraction de stationnement, la Loi ne s’applique plus à cette infraction[37].

Le pouvoir des municipalités d’exiger qu’une personne paie une pénalité administrative est assujetti à la prise d’un règlement par le lieutenant- gouverneur en conseil en vertu du paragraphe 102.1(3) de la Loi de 2001 sur les municipalités. Le Règl. de l’Ont. 333/07 a été pris conformément à ce pouvoir et permet la création d’un système de sanctions administratives sous réserve du respect de certaines exigences qu’il précise.

L’article 3 du Règl. de l’Ont. 333/07 dispose qu’une municipalité ne doit pas exercer le pouvoir visé à l’art. 102.1 de la Loi de 2001 sur les municipalités d’avoir recours à des pénalités administratives, à moins d’adopter un règlement municipal établissant un système de pénalités administratives qui satisfait aux exigences du Règlement, de désigner les règlements municipaux ou leurs parties auxquels s’applique ce système et de satisfaire aux autres exigences du Règlement.

Le Règl. de l’Ont. 333/07 instaure des règles précisant les limites pécuniaires des sanctions administratives. La limite pécuniaire des sanctions administratives prévues par le système est décrite à l’article 6 :

Le montant d’une pénalité administrative fixé par une municipalité ne doit être :

a) ni de nature punitive;

b) ni supérieur au montant qui est raisonnablement nécessaire pour encourager l’observation d’un règlement municipal désigné;

c) ni supérieur à 100 $.

Il crée également des règles qui régissent l’administration du système de sanctions administratives, les exigences en matière de procédure que doit comprendre tout règlement municipal sur les sanctions administratives, l’exécution (y compris le refus de plaques d’immatriculation) et les frais administratifs, en plus d’exiger que les règlements sur les sanctions administratives soient mis à la disposition du public.

En résumé, le régime tente de créer un système qui soit plus efficace tout en respectant les principes de justice naturelle en imposant des normes à la réglementation. À la connaissance de la Commission, aucune municipalité ne s’est encore dotée d’un système de SAP pour les infractions de stationnement, bien que certaines, comme Oshawa, aient adopté de tels systèmes pour les cas d’inobservation d’autres genres de règlements municipaux en se prévalant des pouvoirs conférés par la Loi de 2001 sur les municipalités[38].

L’option d’avoir recours aux SAP en cas d’infractions de stationnement, leur utilisation dans d’autres contextes et l’argument voulant que les systèmes qui les mettent en œuvre permettent une meilleure utilisation des ressources ouvrent la possibilité d’en étendre l’application à d’autres infractions provinciales. Par exemple, il existe un grand nombre d’infractions de vitesse, dont beaucoup finissent par être contestées devant les tribunaux. De nombreuses sommités canadiennes en droit règlementaire défendent l’idée d’assujettir les infractions mineures (soit les excès de vitesse de plus de 16 kilomètres à l’heure[39]) à une SAP :

La question des ressources laisse penser que nous ne devrions pas du tout avoir recours aux tribunaux pour des infractions provinciales mineures. Les infractions de vitesse mineures se prêtent parfaitement aux sanctions administratives pécuniaires. À notre avis, le règlement des infractions de vitesse mineures dans des tribunaux présidés par des juges de paix ne fait guère de sens. En outre, cette façon de faire ne cadre pas très bien avec la tendance constatée dans d’autres domaines tels que l’environnement[40]. [Traduction]

De même, les SAP pourraient être étendues à d’autres infractions mineures. Dans ce cas, convient-il de cibler les infractions mineures les plus répandues ou doit-on tenir compte d’autres caractéristiques plus importantes pour choisir les infractions qui seront assujetties à des SAP ?

La généralisation des SAP soulève la question de savoir si le système de SAP devrait être le seul disponible ou si la Loi pourrait continuer de s’appliquer même avec l’option offerte par les SAP. À l’heure actuelle, on répond différemment à ce dilemme. Par exemple, le paragraphe 182.1(11) de la Loi sur la protection de l’environnement dispose qu’une personne peut être accusée, poursuivie et déclarée coupable d’une infraction à la Loi même si elle-même ou une autre personne a payé une pénalité environnementale (une sorte de pénalité administrative) pour la même infraction[41]. D’autre part, la Loi ne s’applique plus si une municipalité se dote d’un système de SAP pour les infractions de stationnement.

2. Questions

A(1) a) Les municipalités doivent-elles être tenues d’instaurer un système de sanctions administratives pécuniaires pour faire respecter les règlements municipaux visant le stationnement, l’immobilisation ou l’arrêt des véhicules ?

b) Dans l’affirmative, qu’en est-il de l’option d’intenter des poursuites en se fondant sur la partie II de la Loi ?

c) En l’absence de l’option susmentionnée, que peut-on faire pour faciliter le passage du régime de la partie II à un système de SAP ?

A(2) a) D’autres infractions provinciales devraient-elles faire l’objet de SAP ?

b) Dans l’affirmative, quelles infractions devraient-elles être traitées en priorité ?

c) Dans l’affirmative, qu’en est-il de l’option d’intenter des poursuites en se fondant sur la partie I de la Loi ?

 

B. Le classement des infractions

1. Contexte et analyse

Dans l’arrêt R. v. Sault Ste Marie, la Cour suprême du Canada a constaté qu’il existe trois catégories d’infractions réglementaires : celles où la mens rea doit être établie, les infractions de responsabilité stricte et celles de responsabilité absolue[42].

La première catégorie d’infractions exige que la poursuite prouve la mens rea, qui consiste en l’existence réelle d’un état d’esprit, comme l’intention, la connaissance ou l’insouciance. En outre, la poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable que l’accusé a bien commis l’acte prohibé.

La deuxième catégorie est celle des infractions de responsabilité stricte. La poursuite doit ici prouver hors de tout doute raisonnable que l’accusé a commis l’acte prohibé, mais elle n’a pas à établir la mens rea. L’accusé a la possibilité d’écarter sa responsabilité en démontrant, selon la prépondérance des probabilités, qu’il a pris toutes les précautions raisonnables. La défense de diligence raisonnable comporte l’examen de ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans les circonstances et sera recevable si l’accusé croyait pour des motifs raisonnables à un état de fait inexistant qui, s’il avait existé, aurait rendu l’acte ou l’omission innocent, ou s’il a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l’événement.

La troisième catégorie d’infractions créée par la Cour est celle des infractions de responsabilité absolue. À l’instar des infractions de responsabilité stricte, la poursuite doit ici établir seulement, hors de tout doute raisonnable, que l’accusé a commis l’acte prohibé. Contrairement à la responsabilité stricte, toutefois, il n’est pas loisible à l’accusé d’invoquer la défense de diligence raisonnable[43].

La Cour poursuit en déclarant que les infractions contre le bien-être public appartiennent généralement à la deuxième catégorie. Une telle infraction mettra en jeu la mens rea dans le seul cas où l’on trouve des termes tels que « volontairement », « avec l’intention de », « sciemment » ou « intentionnellement » dans la disposition créant l’infraction. En outre, les infractions ne sont de responsabilité absolue que lorsque « le législateur indique clairement que la culpabilité suit la simple preuve de l’accomplissement de l’acte prohibé »[44]. L’économie générale de la réglementation adoptée par le législateur, l’objet de la législation, la gravité de la peine et la précision des termes utilisés sont essentiels pour déterminer si l’infraction en est une de responsabilité absolue.

Malgré l’énoncé de ces critères, le classement des infractions réglementaires continue d’occuper les tribunaux. Des affaires récentes telles que R. v. Felderhof[45] illustrent à quel point les tribunaux doivent encore consacrer du temps et des ressources au classement des infractions dont ils sont saisis. N’oublions pas les nombreux cas où des infractions semblables ou presque identiques ont été classées différemment par des tribunaux différents. Dans l’affaire Brampton (City) v. Kanda[46], le conducteur inculpé était accusé de ne pas avoir fait en sorte que son passager porte le dispositif complet de sa ceinture de sécurité en contravention au par. 106(6) du Code de la route[47]. Le juge qui présidait au procès a conclu que l’infraction en était une de responsabilité absolue et a donc déclaré l’accusé coupable. En appel, le juge d’appel en matière de poursuites sommaires a qualifié la même infraction de responsabilité stricte. La Cour d’appel de l’Ontario a, quant à elle, confirmé la décision du juge d’appel et conclu que l’infraction en était une de responsabilité stricte.

Les tribunaux pourraient faire un meilleur usage de leurs ressources et produire des décisions plus prévisibles si la Loi comportait une disposition traitant expressément du classement des infractions. Ainsi, elle pourrait disposer que toute infraction en est une de responsabilité stricte sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants : a) la disposition qui la crée énonce expressément qu’il s’agit d’une infraction de responsabilité absolue; b) cette même disposition utilise expressément des termes qui emportent la mens rea tels que, notamment, « sciemment », « intentionnellement », « avec l’intention de nuire », « volontairement », « avec insouciance », « sans justification légitime »[48].

2. Questions

B(1) a) La Loi devrait-elle comporter une disposition énonçant la façon de classer les infractions en infractions de responsabilité absolue, infractions de responsabilité stricte et infractions mettant en jeu la mens rea ?

b) Dans l’affirmative, que devrait dire cette disposition ?

 

C. La détermination de la peine

1. Contexte et analyse

La Loi ne comporte pas d’énoncé d’objectif et de principes en matière de détermination de la peine à imposer pour les infractions qu’elle vise. En revanche, le Code criminel énonce, aux articles 718 à 718.2, l’objectif et les principes de la détermination de la peine infligée aux personnes déclarées coupables d’une infraction criminelle. L’article 718.21 énonce les autres facteurs à prendre en compte lors de la détermination de la peine infligée à une organisation. La loi intitulée Public Health Act[49] de la Colombie-Britannique comporte également un énoncé des principes de détermination de la peine infligée dans le cas des infractions qu’elle vise.

Pour être légitime, la détermination de la peine doit se fonder « sur une démarche cohérente et fondée sur des principes, qui aligne cet aspect du processus de réglementation sur ses objectifs sous-jacents »[50]. Alors que les tribunaux ont défini plus de 20 principes applicables aux infractions réglementaires[51], leur démarche n’est pas toujours cohérente; en outre, les rapports qu’entretiennent ces principes entre eux de même que leur ordre de priorité, s’il existe, ne sont pas évidents[52].

De nombreux chercheurs ont défendu l’inclusion de principes de détermination de la peine et d’options supplémentaires dans les textes portant réglementation[53]. La rédaction des dispositions idoines doit, selon plusieurs, prendre en compte un certain nombre de facteurs.

Premièrement, on doit se rappeler que la peine infligée pour des infractions réglementaires fait partie d’un cycle qui ne se termine habituellement pas avec son imposition. Normalement, le coupable continuera de se livrer à l’activité réglementée; en fait, il y va souvent de l’intérêt de la société qu’il continue de produire de biens, de fournir des services et d’offrir des emplois[54].

Deuxièmement, les normes de réglementation tendent à ne plus être basées sur des modèles. Les règlements basés sur des modèles précisent la façon dont un acte doit être accompli (p. ex., l’exploitant doit poser un absorbeur no 2) et sont clairs. On leur a toutefois reproché de ne pas s’adapter facilement à l’évolution de la technologie et des compétences, au détriment de l’efficacité et de l’innovation[55]. Les stratégies plus récentes de réglementation produisent des règlements basés sur les résultats, le rendement ou les principes. Ces types de règlements se distinguent en gros comme suit :

1. Les règlements basés sur les résultats quantifient le résultat à atteindre (p. ex., l’exploitant doit faire en sorte que les émissions d’une cheminée contiennent moins de x parties par million d’oxyde d’azote).

2. Les règlements basés sur le rendement ne quantifient pas le résultat à atteindre (p. ex., l’exploitant doit faire en sorte que la teneur en oxyde d’azote des émissions ne soit pas nuisible pour l’environnement).

3. Les règlements basés sur les principes fixent des normes de comportement (p. ex., l’exploitant doit disposer des cadavres d’animaux d’une manière écologique)[56].

Ces stratégies sont plus souples sur le plan opérationnel pour les personnes assujetties à la réglementation, mais les deux dernières laissent également plus de place à l’incertitude quant aux obligations. L’obligation de disposer d’un épurateur donné est moins souple, mais elle est également plus claire que celle de faire en sorte que l’exploitation fonctionne de manière écologique. Si tel est le cas, la peine devrait, selon certains, servir à aider le délinquant à connaître et à observer les normes à l’avenir [57].

Troisièmement, l’abandon des règlements basés sur les modèles s’est accompagné d’une démarche d’exécution moins contradictoire. La tendance susmentionnée offrant moins de certitude quant à la commission d’une infraction, les enquêtes et les poursuites sont souvent précédées de nombreux avertissements et de démarches axées sur la collaboration telles que les négociations. La détermination de la peine doit alors tenir compte autant des tentatives d’observation antérieures que des rapports futurs entre l’organisme de réglementation et la personne concernée[58].

Le modèle mis de l’avant par Sherie Verhulst tente de prendre en compte tous ces facteurs. Selon elle, le tribunal chargé de déterminer la peine applicable dans le cas d’une infraction provinciale doit passer par les cinq étapes suivantes :

(1) encourager la présentation de positions communes sur les facteurs aggravants ou atténuants et la peine à infliger (la liste dite de l’arrêt Friskies);

(2) dans la mesure du possible et du raisonnable, infliger une peine qui remédie à la violation (réparation);

(3) s’il est probable que le délinquant continuera de se livrer à l’activité réglementée après l’imposition de la peine, mais que son comportement doit changer pour éviter des violations futures, infliger une peine qui favorise les changements nécessaires (réadaptation);

(4) si cela convient dans les circonstances et était probablement dans l’intérêt public, infliger une peine qui favorisera le changement du comportement de tiers (dissuasion);

(5) si les circonstances aggravantes le justifient, infliger une peine qui sanctionne et punit le comportement du délinquant (punition)[59]. [Traduction]

C’est l’approche que l’on retrouve en grande partie aux articles 105 à 110 de la loi intitulée Public Health Act de la Colombie-Britannique, qui confèrent au juge le pouvoir de demander une proposition commune sur les circonstances qui aggravent ou atténuent l’infraction et la peine à infliger. Ces articles exposent également l’objet de la peine et offrent au juge un grand éventail de sanctions au-delà de l’imposition d’une amende. Comme nous l’avons déjà souligné, le Code criminel comporte également des dispositions générales sur la détermination de la peine et des dispositions particulières visant les organisations. Ces deux textes pourraient être utiles pour lancer la réflexion sur la sorte de principes de détermination de la peine que nous devrions retrouver dans la Loi.

De façon connexe, on peut se demander si la Loi devrait offrir plus d’options sur le plan des sanctions et, le cas échéant, de quelles options ou de quels dispositifs parle-t-on. Voici un bref échantillon des possibilités.

Archibald, Jull et Roach ont proposé un dispositif innovateur, qu’ils appellent le « vérificateur intégré », dans le cas des sociétés coupables d’infractions réglementaires : le tribunal pourrait ordonner qu’un inspecteur provincial passe un certain temps dans les locaux de la société coupable pour s’assurer de son observation de la loi. Le traitement de l’inspecteur est à la charge de la société pendant l’affectation[60].

En outre, Archibald, Jull et Roach proposent que, dans les secteurs où les contraintes réglementaires sont importantes, les sociétés soient tenues de fournir une garantie (sous forme de caution ou de privilège sur des biens) à la Couronne de façon à fournir d’avance l’argent nécessaire pour payer les amendes ou les mesures de réparation qu’elles ne pourraient honorer. La garantie obligatoire devient ainsi une autre conséquence de la décision de faire affaire dans un secteur réglementé et son coût peut être compensé par les intérêts courus sur les cautions. De plus, les frais d’intérêt liés à la souscription de la garantie pourraient être déductibles dans le calcul de l’impôt pour en compenser le coût pour la société[61].

Certains suggèrent aussi que, dans les cas où l’accusé est un particulier, le juge chargé d’une instance fondée sur la Loi puisse octroyer le sursis comme il pourrait le faire dans une affaire criminelle en vertu de l’article 742.1 du Code criminel[62]. Le sursis permet à l’accusé de purger sa peine dans la collectivité et vise à alléger le problème du surpeuplement carcéral; on y voit souvent une bonne solution de rechange à l’incarcération lors de la détermination de la peine dans bien des affaires fondées sur la Loi[63].

Selon les dispositions visant le sursis du Code criminel, son octroi n’est possible que dans certaines circonstances. Par exemple, l’infraction ne doit donner lieu à aucune peine minimale, le tribunal doit imposer un emprisonnement de moins de deux ans et, enfin, le tribunal doit être convaincu que la mesure ne met pas en danger la sécurité de la collectivité et est conforme à l’objectif et aux principes fondamentaux énoncés aux articles 718 à 718.1 du Code criminel. Selon l’article 742.3 du Code, le sursis doit être assorti d’un certain nombre de conditions, notamment l’obligation de se présenter à un agent de surveillance et de répondre aux convocations du tribunal. Le même article donne également au tribunal un pouvoir étendu d’imposer d’autres conditions.

La modification des conditions de probation dans le cadre de la Loi pourrait offrir de nouvelles modalités de peine fort utiles. Le paragraphe 732.1(3.1) du Code criminel donne aux tribunaux le pouvoir d’assortir de conditions supplémentaires les ordonnances de probation visant les organisations. Le paragraphe 732.1(3.2) enjoint au tribunal de prendre en considération la question de savoir si un organisme administratif ne serait pas mieux à même de superviser l’élaboration et l’application des normes, règles et procédures qu’il impose. L’article 72 de la Loi traite de la probation, mais sans faire la distinction entre particuliers et organisations. En outre, la restitution ne peut être autorisée que si elle est requise ou autorisée par une autre loi et certaines conditions ne sont permises que si l’infraction est passible d’emprisonnement.

D’autres textes portant réglementation seront utiles à l’élaboration d’une liste de modalités de sanctions. Par exemple, l’article 107 de la loi intitulée Public Health Act donne aux tribunaux le pouvoir d’ordonner à la personne déclarée coupable de faire ou de s’abstenir de faire un grand éventail de choses. Entre autres exemples de dispositions innovatrices en matière de peine, citons l’article 79.2 de la Loi sur les pêches[64] et l’article 103 de la Loi sur les espèces en péril[65].

2. Questions

C(1) a) La Loi doit-elle comporter une disposition énonçant l’objectif ou les principes de la détermination des peines ?

b) Dans l’affirmative, quels devraient être cet objectif et ces principes ?

C(2) Ces objectifs ou principes de la détermination des peines doivent-ils ne s’appliquer qu’aux infractions visées à la partie III de la Loi ou bien à toutes les infractions visées par la Loi ?

C(3) a) La Loi devrait-elle offrir davantage de modalités de peines ?

b) Dans l’affirmative, quelles pourraient être ces modalités ?

 

D. Juge de paix ou juge provincial : qui détermine la peine ?

1. Contexte et analyse

Les poursuites intentées en vertu de la Loi peuvent être présidées par un juge provincial ou par un juge de paix[66]. La décision en la matière se prend en grande partie conformément à la Loi sur les tribunaux judiciaires[67] (LTJ) et à la Loi sur les juges de paix[68] (LJP). Le paragraphe 36(1) de la LTJ dispose que le juge en chef de la Cour de justice de l’Ontario est chargé de l’administration et de la surveillance des sessions de la Cour de justice de l’Ontario et de l’assignation des fonctions judiciaires de la Cour. Le paragraphe 36(2) dispose que les juges principaux régionaux peuvent, sous réserve de l’autorité du juge en chef, assumer les pouvoirs et les fonctions de juge en chef dans leur région respective. Aux termes du paragraphe 36(3), un juge principal régional peut déléguer à un juge de la Cour de justice de l’Ontario de sa région le pouvoir d’assumer certaines fonctions précises.

Le paragraphe 15(1) de la LJP dispose que le juge principal régional, agissant selon les directives du juge en chef de la Cour de justice de l’Ontario, est chargé d’administrer et de surveiller les sessions des juges de paix dans sa région et l’assignation de leurs fonctions judiciaires. Aux termes du paragraphe 15(3), ce pouvoir peut être délégué au juge de paix principal régional et à un ou plusieurs autres juges de paix. En outre, le paragraphe 15(4) de la LJP permet à toute partie à un procès de demander que le procès qui serait par ailleurs tenu devant un juge de paix le soit devant un juge.

La Cour d’appel de l’Ontario s’est penchée sur la charge de juge de paix et a conclu qu’elle n’enfreint pas le droit à se faire entendre par un tribunal indépendant et impartial garanti par l’alinéa 11d) de la Charte[69]. Dans un jugement ultérieur, la Cour a conclu que les preuves présentées ne fondaient pas une crainte raisonnable de partialité ou un manque de compétence de la part des juges de paix en tant que catégorie au point d’enfreindre les droits garantis par l’article 7 et l’alinéa 11d)[70].

Malgré cette souplesse des textes législatifs et les décisions judiciaires en matière constitutionnelle, plusieurs lois donnent au procureur général ou à ses mandataires ou à des mandataires de la Couronne le pouvoir d’exiger qu’une instance soit présidée par un juge provincial[71]. Par exemple, l’art. 185 de la Loi sur la protection de l’environnement se lit comme suit :

La Couronne peut, par avis au greffier de la Cour de justice de l’Ontario, exiger qu’un juge provincial préside à une instance relative à une infraction à la présente loi.

De telles dispositions ont fait l’objet de nombreuses contestations constitutionnelles, qui ont toutes échoué[72]. Toutefois, une décision judiciaire trouve inéquitable que la Couronne ait unilatéralement le droit d’exiger un juge provincial[73]. Une autre conclut que les dispositions en cause reconnaissent le fait qu’il est préférable que les juges provinciaux soient saisis de questions plus complexes[74].

Lors de nos consultations initiales, on s’est posé la question de savoir s’il ne devrait pas exister une règle voulant que certaines sortes d’infractions soient entendues par un juge provincial. Cette règle ne permettrait pas à une partie d’exiger un tel juge, mais elle préciserait que certaines catégories d’infractions doivent être confiées à un juge provincial. Par exemple, le paragraphe 108(1) de la Loi exige qu’un juge provincial préside à l’instance dans laquelle un adolescent est accusé d’une infraction aux termes de l’art. 75 de la Loi.

Par ailleurs, certains pensent que, compte tenu des points forts et de la souplesse du système créé par la LTJ, la LJP et d’autres lois, il est inutile d’ajouter une telle disposition à la Loi. Y a-t-il d’autres types d’infractions (p. ex. celles visées par la partie III) pour lesquelles la Loi devrait exiger la présidence d’un juge provincial ?

2. Questions

D(1) Le procureur général ou son mandataire devraient-ils pouvoir exiger qu’un juge provincial préside certaines instances ? Par exemple, devraient-ils pouvoir exiger qu’un juge provincial préside les instances tenues en vertu de la partie III ?

D(2) a) D’autres parties devraient-elles pouvoir exiger qu’un juge provincial préside à certaines instances ?

b) Quelles seraient ces parties et de quelles instances parle-t-on ?

D(3) Un juge provincial devrait-il être tenu de présider à certaines instances (p. ex. celles tenues en vertu de la partie III) par effet de la loi ?

 

E. Les règles de pratique et de procédure

1. Contexte et analyse

Les règles de pratique et de procédure de la Cour d’appel, de la Cour supérieure de justice et de la Cour de justice de l’Ontario en ce qui concerne les instances fondées sur la Loi sont élaborées par un comité plutôt que pas les Cours elles-mêmes. Certains estiment que c’est à elles qu’il revient d’élaborer ces règles, comme pour les affaires criminelles.

Selon le paragraphe 482(1) du Code criminel, la Cour d’appel de l’Ontario et la Cour supérieure de justice peuvent établir des règles de cour qui « s’appliquent à toute poursuite, procédure, action ou tout appel, selon le cas, de la compétence de ce tribunal, intenté à l’égard de toute matière de nature pénale ou découlant de quelque semblable poursuite, procédure, action ou appel, ou s’y rattachant ». Selon le paragraphe 482(2), la Cour de justice de l’Ontario a également des pouvoirs étendus quant à l’établissement de règles, sous réserve de l’approbation du lieutenant-gouverneur en conseil de l’Ontario.

La Loi sur les tribunaux judiciaires crée le Comité des règles en matière criminelle qui, en vertu du paragraphe 70(1), peut élaborer des règles pour l’application de l’article 482 du Code criminel aux fins d’examen par les tribunaux compétents.

Toutefois, en vertu du paragraphe 70(2) de la Loi sur les tribunaux judiciaires, le Comité peut, sous réserve de l’approbation du procureur général, « établir, à l’égard de la Cour d’appel, de la Cour supérieure de justice et de la Cour de justice de l’Ontario, des règles régissant la pratique et la procédure de ces tribunaux dans les instances introduites en vertu de la Loi sur les infractions provinciales ». En clair, les tribunaux établissent leurs propres règles à l’égard des matières de nature pénale (sous réserve de l’approbation du lieutenant-gouverneur en conseil, dans le cas de la Cour de justice de l’Ontario), mais, dans les instances introduites en vertu de la Loi, c’est le Comité des règles en matière criminelle qui (sous réserve de l’approbation du procureur général) établit les règles pertinentes.

2. Question

E(1) La Cour d’appel, la Cour supérieure de justice et la Cour de justice de l’Ontario devraient-elles avoir le pouvoir d’établir leurs propres règles de pratique aux fins des instances introduites en vertu de la Loi ?

 

F. La diligence raisonnable

1. Contexte et analyse

La responsabilité de l’accusé ne sera pas engagée dans le cas d’une infraction de responsabilité stricte s’il peut prouver qu’il a pris des précautions raisonnables. La défense de diligence raisonnable sera recevable si l’accusé croyait pour des motifs raisonnables à un état de fait inexistant qui, s’il avait existé, aurait rendu l’acte ou l’omission innocent. Elle l’est également si l’accusé a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l’événement en question[75]. C’est cette seconde partie du moyen que l’on qualifie le plus souvent de diligence raisonnable[76].

La diligence raisonnable est un domaine compliqué du droit. Les tribunaux ont isolé au moins 14 facteurs[77] qui sont essentiels à la diligence raisonnable. Tous ces facteurs ne sont pas pertinents dans chaque cas, mais un assez grand nombre le seront, notamment l’observation de la réglementation et le niveau de compétence attendu de l’accusé [78]. Ces 14 facteurs sont les suivants :

· la nature et la gravité du préjudice;

· la prévisibilité du préjudice, notamment les susceptibilités anormales;

· la nature du quartier;

· les autres solutions possibles;

· l’observation des textes législatifs et réglementaires;

· les normes du secteur;

· les efforts faits pour régler le problème;

· le délai et la rapidité de la réponse;

· les questions auxquelles l’accusé ne pouvait rien, notamment les limites techniques;

· le niveau de compétence attendu de l’accusé;

· les difficultés en cause;

· les systèmes de prévention;

· les facteurs économiques;

· les mesures prises par les fonctionnaires de l’État[79]

La jurisprudence n’a pas tenté d’établir des priorités parmi ces 14 facteurs, qui, dans certains cas, peuvent aussi être en conflit. Par exemple, les normes sectorielles peuvent être incompatibles avec les facteurs techniques lorsqu’elles accusent un retard sur eux[80].

Selon Archibald, Jull et Roach, il est maladroit de forcer les tribunaux à pondérer ces 14 facteurs sans cadre d’analyse; il vaudrait beaucoup mieux, poursuivent-ils, classer les facteurs en deux catégories qui permettraient de créer une matrice de gestion des risques[81]. Tant les personnes assujetties aux règlements que les tribunaux pourraient se servir de cette matrice pour savoir à quelles mesures de prévention il faudrait (ou il aurait fallu) donner la priorité. En outre, la matrice peut servir dans tous les secteurs, qu’il s’agisse de salubrité des aliments, d’environnement ou de santé et de sécurité au travail[82].

Les deux catégories en question sont, d’une part, les systèmes qui permettent d’évaluer la gravité et la probabilité possibles du préjudice et, d’autre part, les précautions à prendre pour éviter l’incident, y compris le fardeau des précautions adéquates[83]. Les trois premiers facteurs entrent dans la première catégorie et les 10 suivants, dans la deuxième (les mesures prises par les fonctionnaires n’étant placés dans aucune catégorie). Les auteurs donnent plusieurs exemples de la matrice dans leur ouvrage, mais le principe de base est de choisir les priorités d’intervention en plaçant les risques dans une matrice où la probabilité est en ordonnée et la gravité, en abscisse[84].

Archibald, Jull et Roach ne prétendent pas que cette matrice ou une démarche semblable doive ou puisse même être imposée par voie législative. Une façon de préciser la défense de diligence raisonnable est, toutefois, de spécifier dans la loi les facteurs qui la forment ou une certaine combinaison de ceux-ci. Même si ces 14 facteurs ne sont pas imposés par voie législative, il se peut que certaines modifications législatives permettent mieux aux tribunaux et aux personnes assujetties à la réglementation de s’en servir et d’établir clairement les conditions d’existence de la diligence raisonnable,

2. Question

F(1) a) La Loi doit-elle être modifiée pour préciser la défense de diligence raisonnable ?

b) Dans l’affirmative, comment ?

 

G. L’article 160 de la Loi : examen ou saisie de documents à l’égard desquels le secret professionnel est invoqué

1. Contexte et analyse

L’article 488.1 du Code criminel énonce la procédure pour décider les cas où le privilège du secret professionnel de l’avocat est invoqué à l’égard de documents saisis dans son cabinet en vertu d’un mandat. Dans l’arrêt Lavallee, Rackel & Heintz c. Canada[85], la Cour suprême du Canada a conclu que l’article 488.1 du Code criminel porte atteinte à l’article 8 de la Charte et l’a annulé en vertu de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982[86]. L’article 160 de la Loi présente plusieurs des mêmes caractéristiques qui ont amené la Cour suprême à annuler l’article 488.1, notamment le risque de violer le privilège du secret professionnel de l’avocat sans le consentement du client, voire sans qu’il en ait connaissance, ainsi que l’absence de pouvoir discrétionnaire des tribunaux pour décider la validité de l’invocation du privilège du secret professionnel lorsque la demande n’est pas présentée dans les délais impartis. L’article 160 de la Loi se lit comme suit :

(1) Si une personne s’apprête, en vertu d’un mandat de perquisition, à examiner ou à saisir un document qui est en la possession d’un avocat et que celui-ci invoque le privilège du secret professionnel de l’avocat à l’égard du document au nom d’un client nommé, la personne, sans examiner ni copier le document :

a) saisit le document et le met dans un paquet qu’elle scelle et identifie, avec les autres documents saisis à l’égard desquels le privilège du secret professionnel est également invoqué au nom du même client;

b) met le paquet sous la garde du greffier du tribunal ou, si la personne et le client y consentent, sous la garde d’une autre personne.

(2) Nul ne doit examiner ni saisir un document qui est en la possession d’un avocat sans lui donner l’occasion raisonnable d’invoquer le privilège prévu au paragraphe (1).

(3) Un juge provincial peut, sur présentation d’une motion sans préavis de l’avocat, rendre une ordonnance qui autorise l’avocat à examiner ou à copier le document en présence de la personne qui en a la garde ou du juge provincial. L’ordonnance contient les dispositions nécessaires pour garantir que le document est remballé et scellé de nouveau sans être modifié ni endommagé.

(4) Si un document a été saisi et mis sous garde en vertu du paragraphe (1), le client par lequel ou au nom duquel est invoqué le privilège du secret professionnel de l’avocat peut, par voie de motion, demander à un juge provincial de rendre une ordonnance qui fait droit au privilège et ordonne la restitution du document.

(5) La motion prévue au paragraphe (4) est présentée par voie d’avis de motion indiquant une date d’audition dans les trente jours de la date à laquelle le document a été mis sous garde.

(6) La personne qui a saisi le document et le procureur général sont parties à la motion présentée en vertu du paragraphe (4) et ont droit à un préavis d’au moins trois jours.

(7) La motion présentée en vertu du paragraphe (4) est entendue à huis clos et, aux fins de l’audience, le juge provincial peut examiner le document, auquel cas il fait sceller le document de nouveau.

(8) Le juge provincial peut, par ordonnance :

a) déclarer que le privilège du secret professionnel de l’avocat existe ou n’existe pas à l’égard du document;

b) ordonner que le document soit remis à la personne appropriée.

(9) Si un juge provincial constate, sur motion du procureur général ou de la personne qui a saisi le document, qu’aucune motion n’a été présentée en vertu du paragraphe (4) dans le délai prescrit par le paragraphe (5), il ordonne que le document soit remis au requérant.

Dans son ouvrage, le juge Libman souligne qu’il reste à voir si les régimes réglementaires tels que celui de la Loi seront traités différemment lorsqu’ils seront contestés pour atteinte à l’article 8 de la Charte.

Même si le la réglementation peut s’accommoder d’attentes moins élevées en matière de protection de la vie privée pour que le critère du caractère raisonnable puisse être évalué de cette manière, les inquiétudes liées au privilège du secret professionnel de l’avocat et l’importance de le protéger lors de l’exécution d’un mandat pourraient tout autant justifier une plus grande protection[87]. [Traduction]

En fait, la Cour suprême du Canada a elle-même déclaré clairement que le secret professionnel de l’avocat est un « principe de justice fondamentale et [un] droit civil de la plus haute importance en droit canadien »[88]. Donc, même si l’article 160 de la Loi devait être déclaré constitutionnel, on doit se poser la question de savoir s’il serait souhaitable de le modifier pour protéger encore mieux ce droit.

En outre, l’article 160 parle d’un document « qui est en la possession d’un avocat ». La question se pose : un critère différend s’appliquerait-il si c’était le client qui l’avait en sa possession ?

D’autre part, devrait-on prévoir des mesures de protection procédurales pour les cas où c’est un parajuriste titulaire d’un permis qui est en possession du document ? Une affaire récente s’est penchée sur la question de savoir si les communications entre un parajuriste et son client sont protégées par un privilège au même titre que celles entre un avocat et le sien. Le tribunal a déclaré ce qui suit :

Je ne vois aucun motif justifié de ne pas faire profiter les communications entre un parajuriste et son client du même privilège que celles entre un avocat et le sien. Tous deux sont assujettis à des règles de conduite semblables, entre autres quant aux obligations en matière de confidentialité. Tous deux sont réglementés par un organisme qui établit les normes de compétence et qui impose et fait respecter les obligations déontologiques. Les motifs historiques de reconnaître un privilège aux communications avocat-client concernent tout autant les communications parajuriste-client. Toutes deux exigent une communication franche et entière entre le client et son conseiller juridique pour qu’il puisse être représenté de façon compétente et équitable devant les tribunaux judiciaires et administratifs. Les rapports et les communications entre le parajuriste et son client sont aussi essentiels au bon fonctionnement de la justice que ceux entre l’avocat et le sien. Elles sont inextricablement liées au système judiciaire même qui souhaite leur divulgation. Le rapport parajuriste-client, tout autant que le rapport avocat-client, fait partie de ce système et ne lui est pas simplement accessoire[89]. [Traduction]

2. Questions:

G(1) Faut-il modifier l’article 160 de la Loi pour régler les questions constitutionnelles soulevées par l’arrêt Lavallee de la Cour suprême du Canada ?

G(2) Même si l’article 160 de la Loi est constitutionnel, devrait-il être modifié pour mieux protéger le privilège du secret professionnel de l’avocat ?

G(3) Quelle procédure faut-il suivre lorsque le privilège du secret professionnel de l’avocat est invoqué dans le cas de documents qui sont en possession du client ?

G(4) La procédure qui s’applique aux documents en possession d’un avocat devrait-elle aussi d’appliquer à ceux qui sont en possession d’un parajuriste titulaire d’un permis l’autorisant à fournir des services juridiques en Ontario ?

 

H. Les adolescents

1. Contexte et analyse

La partie VI de la Loi régit la procédure à suivre dans le cas des adolescents accusés d’une infraction visée par la Loi. L’article 93 de la Loi définit un adolescent comme quiconque est ou, à défaut de preuve contraire, paraît être âgé de douze ans ou plus, mais de moins de seize ans. Les procédures prévues par la Loi dans le cas des adolescents sont semblables à celles qui concernent les adultes. À quelques exceptions importantes près, toutefois : l’interdiction de délivrer un avis d’infraction en vertu du paragraphe 3(2) (donc, lorsqu’une instance est engagée par le dépôt d’un procès-verbal d’infraction en vertu de la partie I de la Loi, l’adolescent doit recevoir une assignation à comparaître), les règles concernant l’avis à donner à l’adolescent et à ses parents, les conséquences en cas de défaut de comparaître et les règles régissant les peines maximales.

Au palier fédéral, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents crée un système de justice pénale distinct pour les adolescents, ce système étant fondé sur le principe que les adolescents doivent être traités différemment des enfants et des adultes[90]. Entre autres éléments clés de cette loi, citons une déclaration de principes, la définition du terme « adolescent », le recours à des mesures extrajudiciaires, y compris des sanctions extrajudiciaires et une disposition énonçant l’objectif et les principes de la détermination de la peine[91].

D’autres provinces et territoires canadiens prévoient aussi, dans des lois distinctes ou des dispositions législatives données, un traitement différent pour les adolescents qui commettent des infractions provinciales[92]. Citons, en particulier, la Nouvelle-Écosse et les Territoires du Nord-Ouest, qui ont adopté des lois distinctes pour traiter des infractions commises par les adolescents. La Loi sur le système de justice pour les adolescents des Territoires du Nord-Ouest, qui est fondée sur la Loi fédérale, comporte également des dispositions qui établissent les principes qui la gouvernent, qui permettent des mesures extrajudiciaires et qui énoncent les principes et l’objectif de la détermination de la peine. Ces dispositions sont très semblables à celles de la Loi fédérale qui leur correspond.

La loi de la Nouvelle-Écosse intitulée Youth Justice Act comporte un énoncé de principes et prévoit des mesures extrajudiciaires, en plus de traiter de la détermination de la peine dans le cas des adolescents. Les trois lois précitées définissent un adolescent comme quiconque est ou, à défaut de preuve contraire, paraît être âgé de douze ans ou plus, mais de moins de dix-huit ans. La loi de la Nouvelle-Écosse ne vise pas toutefois les adolescents de seize et de dix-sept ans qui sont accusés d’une infraction à la loi intitulée Motor Vehicle Act (le Code de la route) ou de toute autre infraction de circulation précisée par règlement[93].

Les discussions avec les parties intéressées ont révélé plusieurs inquiétudes soulevées par les dispositions actuelles de la partie VI de la Loi. Voici les plus importantes :

a) Si un adolescent commet une infraction provinciale, la seule méthode d’exécution de la loi est de délivrer une assignation et d’exiger qu’il comparaisse au tribunal. L’assignation à comparaître est un processus lourd dans le cas des adolescents et risque d’être inutilement difficile pour toutes les parties intéressées.

b) Les peines prévues actuellement pour les adolescents dans le cadre de la partie VI de la Loi ne donnent pas une idée des conséquences importantes que revêtent les actions de ces délinquants.

c) La partie VI de la Loi n’est pas aussi globale que son pendant au pénal (la Loi fédérale) ou que les textes semblables de certaines autres provinces.

d) La définition du terme « adolescent » à la partie VI est déphasée par rapport à celle d’autres ressorts canadiens, qui le définissent généralement comme quiconque est âgé de 12 ans ou plus, mais de moins de 18 ans.

Certains souhaitent un système plus global pour traiter le cas des adolescents qui commettent des infractions provinciales. Entre autres réformes proposées, citons les suivantes : (i) changer la définition de « adolescent » pour y faire entrer les jeunes de 12 ans ou plus, mais de moins de 18 ans (avec peut-être des exceptions à l’application des dispositions visant les adolescents telles que celles que prévoit l’article 13A de la loi de la Nouvelle-Écosse intitulée Youth Justice Act); (ii) donner plus de pouvoir discrétionnaire aux agents et à la Couronne au moyen de mesures « extrajudiciaires » telles que des avertissements, des mises en garde, des renvois et des sanctions; (iii) modifier les priorités et donner plus de choix en matière de peine. Ces modifications pourraient prendre la forme d’un texte législatif entièrement nouveau ou de modifications apportées aux dispositions actuelles de la partie VI.

2. Questions

H(1) a) Devrait-il y exister un système plus global pour traiter le cas des adolescents accusés d’avoir commis une infraction provinciale ?

b) Dans l’affirmative, quelles devraient être les caractéristiques de ce régime ?

H(2) Ce système plus global devrait-il être conservé au sein de la Loi ou devrait-il faire l’objet d’une loi distincte ?

 

I. L’article 39 : la signification de l’assignation

1. Contexte et analyse

L’article 39 de la Loi dispose que, s’il est convaincu qu’une personne peut fournir une preuve substantielle dans une instance introduite en vertu de la Loi, un juge peut lui délivrer une assignation lui enjoignant de comparaître au tribunal. Le paragraphe 39(2) précise que l’assignation doit être signifiée au témoin conformément à l’article 26. Le paragraphe 26(2) de la Loi se lit comme suit :

Une assignation est signifiée par un agent des infractions provinciales, qui la remet en mains propres à son destinataire ou, si celui-ci ne peut commodément être trouvé, la laisse à son intention, à sa dernière résidence connue ou habituelle, entre les mains d’une personne qui l’habite et qui paraît être âgée d’au moins seize ans.

Certains estiment que, parce que la signification doit être faite par un agent des infractions provinciales, il est plus difficile pour un accusé, ou pour une personne qui a déposé une dénonciation conformément à l’article 23, de signifier une assignation en application de l’article 39 pour forcer la comparution d’un témoin dans le cadre d’une instance fondée sur la Loi. On pense que des huissiers devraient pouvoir signifier des assignations dans le cadre de l’article 39.

2. Question

I(1) Le pouvoir de signifier des assignations en vertu de l’article 39 de la Loi devrait-il être réservé aux agents des infractions provinciales ?

I(2) Dans la négative, qui d’autre pourrait être investi de ce pouvoir ?

 

J. La signification des assignations à des sociétés établies hors de l’Ontario

1. Contexte et analyse

Les consultations initiales ont révélé une certaine confusion quant à la signification des assignations à des sociétés établies hors de l’Ontario dans le cadre des poursuites régies par la partie III de la Loi. Alors que le paragraphe 26(3) de la Loi prévoit explicitement la signification à des particuliers qui ne résident pas en Ontario, la Loi ne fait pas de distinction entre la signification dans la province et hors de la province dans le cas des sociétés.

Les sections civile et pénale de la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada se penchent sur la question. La section pénale a d’ailleurs adopté la résolution suivante lors de sa réunion d’août 2008 :

Pour faire en sorte que les avis d’infractions provinciales soient correctement signifiés aux accusés résidant dans une autre province, les sections civile et pénale de la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada devraient examiner ensemble cette question afin d’élaborer une approche législative uniforme qui pourrait être soumise à l’attention de l’ensemble des provinces[94].

Lors des consultations, la Commission a appris que cette question devrait inclure un examen des problèmes qui pourraient se poser sur le plan constitutionnel et sur celui du conflit des lois.

2. Question

J(1) L’article 26 de la Loi devrait-il être modifié pour prévoir expressément la signification à des sociétés établies hors de l’Ontario?

J(2) Dans l’affirmative, quels modes de signification devraient être permis ?

 

. La signification des avis d’infraction ou des assignations à des sociétés

1. Contexte et analyse

L’article 3 de la Loi énonce les conditions de la signification de l’avis d’infraction et de l’assignation dans les cas où l’instance est introduite au moyen d’un procès-verbal d’infraction. Le paragraphe 3(3) se lit comme suit :

L’avis d’infraction ou l’assignation est signifié à personne à la personne accusée dans les trente jours qui suivent la date à laquelle l’infraction reprochée a été commise.

L’article 3 ne précise pas expressément le mode de signification de l’assignation ou de l’avis d’infraction dans le cas des sociétés. Certains estiment qu’il serait utile d’avoir des indications précises quant au mode de signification à suivre dans le cas des sociétés.

2. Question

K(1) a) La Loi devrait-elle préciser la façon de signifier un avis d’infraction ou une assignation à une société dans le cadre d’une instance introduite au moyen d’un procès-verbal d’infraction ?

b) Dans l’affirmative, quelles devraient être les règles en la matière ?

 

L. Le recours à la technologie

1. Contexte et analyse

Le document du Barreau sur l’examen de la simplification de la Loi se penche sur le recours à la technologie dans certains cas. La Commission s’intéresse vivement au rôle de la technologie dans l’amélioration de l’accès à la justice; elle est donc très curieuse de savoir s’il y a d’autres aspects de cette question que n’aborde pas le document du Barreau ou le présent document et dont elle devrait traiter dans son rapport final.

Une des questions de nature technologique soulevée pendant les consultations que n’aborde pas le document du Barreau est celle de l’autorisation d’autres modes de signification à l’article 87, notamment la signification par voie électronique. L’article 87 de la Loi énonce les règles générales concernant la signification des avis et des documents qui doivent ou peuvent être donnés dans le cadre de la Loi. Le paragraphe 87(1) se lit comme suit :

Sauf disposition contraire de la présente loi ou des règles de pratique, tout avis ou document qui doit ou peut être donné ou remis en vertu de la présente loi ou des règles de pratique l’est valablement s’il est remis à personne ou envoyé par courrier.

Certains estiment que la règle par défaut concernant la signification que l’on trouve à l’article 87 est trop restrictive et devrait être modifiée pour permettre la signification d’avis et de documents par messagerie ou par des moyens électroniques tels que la télécopie. La Loi ou les règles du tribunal pourraient toujours avoir préséance sur le mode de signification permis par l’article 87 si celui-ci ne convenait pas dans des cas d’espèce.

Un autre moyen de régler ce problème parmi d’autres serait d’adopter la démarche suivie par des lois telles que le Code de la route et la Loi de 2008 sur les cartes-photo[95]. L’article 4.1 du Code se lit comme suit :

(1) Toute chose que le présent code oblige ou autorise le ministre, le ministère ou le registrateur à faire ou à fournir peut être faite ou fournie par des moyens électroniques ou sur support électronique.

(2) Toute chose que le présent code oblige ou autorise quiconque à faire ou à fournir au ministre, au ministère ou au registrateur peut être faite ou fournie par des moyens électroniques ou sur support électronique dans les circonstances et de la manière que précise le ministère.

Cette façon de faire va au-delà de la seule signification de documents et chevauche sans aucun doute les questions de technologie abordées dans le document sur la simplification de la Loi. Une disposition de ce genre pourrait toutefois, selon sa teneur, dissiper l’inquiétude évoquée ci-dessus à propos des modes de signification (une modification distincte étant toujours nécessaire pour permettre la signification par messagerie) et, par ailleurs, elle aborde de façon très différente les questions de technologie soulevées dans le document du Barreau sur la simplification de la Loi.

2. Questions

L(1) La règle par défaut concernant la signification que l’on trouve à l’article 87 de la Loi devrait-elle englober la signification par messagerie et par des moyens électroniques déterminés comme modes autorisés de signification des avis et des documents ?

L(2) La Loi devrait-elle adopter la démarche suivie à l’article 4.1 du Code de la route et à l’article 19 de la Loi de 2008 sur les cartes-photo ?

 

M. L’article 80 : les moyens de défense en common law

1. Contexte et analyse

L’article 80 de la Loi se lit comme suit :

Chaque règle et chaque principe de la common law qui font d’une circonstance une justification ou une excuse pour un acte, ou un moyen de défense contre une accusation, demeurent en vigueur et s’appliquent à l’égard d’infractions, sauf dans la mesure où ils sont modifiés par la présente loi ou une autre loi, ou sont incompatibles avec l’une d’elles.

Les tribunaux ont conclu que des moyens tels que la règle de minimis non curat lex (la loi n’a cure des détails)[96], la nécessité[97] et l’erreur de droit provoquée par un fonctionnaire[98] peuvent être invoqués dans les affaires fondées sur la Loi. Toutefois, cette dernière ne donne pas de liste exhaustive des moyens de défense dont peut se prévaloir l’accusé et elle ne tente pas non plus de codifier ces moyens. Dans le nouveau Code des règles de fond du droit pénal qu’elle proposait, la Commission de réforme du droit du Canada recommandait d’y inclure tous les moyens de défense existant en common law[99]. Selon certains intervenants consultés, un accusé devrait savoir, à la lecture de la Loi, les moyens de défense qu’il peut invoquer et les circonstances dans lesquelles il peut le faire pour chacun de ces moyens.

2. Question

M(1) La Loi devrait-elle énumérer et codifier en totalité ou en partie les moyens de défense que peut invoquer un accusé en vertu de l’article 80 ?

 

N. L’article 32 : le droit de suspendre une instance

1. Contexte et analyse

Le paragraphe 32(1) de la Loi dispose que seul le procureur général ou son mandataire peut suspendre une instance. Il se lit comme suit :

Outre son droit de retirer une accusation, le procureur général ou son mandataire peuvent suspendre une instance à tout moment avant le jugement, en donnant des directives à cet effet au greffier du tribunal. Dès ce moment, les engagements conclus à l’égard de l’instance sont annulés.

Comme nous l’avons déjà rappelé, le procureur général a conclu, en vertu de la partie X, des ententes avec des municipalités selon lesquelles ces dernières sont chargées de la poursuite des infractions provinciales et des contraventions à la Loi lorsque l’instance est introduite en vertu de la partie I ou II de la Loi. L’article 169 de la Loi dit clairement que la municipalité qui agit aux termes d’une entente de transfert ne le fait pas à titre de mandataire du procureur général.

Le procureur général n’est pas chargé de la poursuite de certaines autres infractions. Par exemple, sous réserve du respect de certaines conditions, la Loi de 1996 sur l’application de certaines lois traitant de sécurité et de services aux consommateurs[100] permet au lieutenant-gouverneur en conseil de désigner un organisme d’application et le charger d’appliquer les textes législatifs qu’il désigne. Un certain nombre d’organismes d’application a déjà été désigné par règlement. Par exemple, la plus grande partie de la Loi de 2002 sur le secteur du voyage[101] est appliquée par le Travel Industry Council of Ontario, qui intente les poursuites nécessaires dans le cadre de la Loi.

Certains estiment que le pouvoir de suspendre une instance devrait également être conféré à l’organisme chargé d’intenter les poursuites.

2. Questions

N(1) a) Tous les organismes chargés d’intenter des poursuites, ou certains d’entre eux seulement, devraient-ils avoir le pouvoir de les suspendre ?

b) Dans l’affirmative, lesquels d’entre eux devraient avoir ce pouvoir ?

 

O. L’appel d’une ordonnance d’annulation

1. Contexte et analyse

Le paragraphe 116(1) de la Loi énonce ce qui peut faire l’objet d’un appel dans le cadre des instances introduites en vertu de la partie III de la Loi :

116. (1) Si une instance est introduite au moyen d’une dénonciation en vertu de la partie III, le défendeur ou le poursuivant, ou le procureur général par voie d’intervention, peuvent interjeter appel d’une déclaration de culpabilité, du rejet d’une accusation ou d’une conclusion quant à l’incapacité de l’accusé d’assurer sa défense en raison de troubles mentaux ou quant à la sentence.

Le paragraphe 135(1) énonce ce qui peut faire l’objet d’un appel dans le cadre des instances introduites en vertu de la partie I ou II de la Loi :

135. (1) Le défendeur ou le poursuivant, ou le procureur général par voie d’intervention, ont le droit d’interjeter appel d’un acquittement, d’une déclaration de culpabilité ou d’une sentence dans une instance introduite au moyen du dépôt d’un procès-verbal en vertu de la partie I ou II. L’appel est interjeté devant la Cour de justice de l’Ontario présidée par un juge provincial.

Ni l’une ni l’autre de ces dispositions ne permet d’interjeter appel de l’annulation d’une affaire. La loi comporte un certain nombre de dispositions qui permettent à un juge d’annuler un procès-verbal ou une dénonciation aux motifs précisés dans la disposition. Par exemple, l’article 9 de la Loi permet à un juge d’annuler un procès-verbal d’infraction si l’accusé est réputé ne pas désirer contester l’accusation et que, après l’avoir examiné, le juge conclut que le procès-verbal n’est pas complet et régulier à sa face même. L’article 9 se lit comme suit :

(1) Si, au moins quinze jours après la signification de l’avis d’infraction au défendeur, il n’y a eu ni remise de l’avis d’infraction conformément à l’article 6 ou 8 ni acceptation d’un plaidoyer de culpabilité aux termes de l’article 7, le défendeur est réputé ne pas désirer contester l’accusation. Dans ce cas, un juge examine le procès-verbal d’infraction et :

a) si le procès-verbal d’infraction est complet et régulier à sa face même, il inscrit une déclaration de culpabilité, en l’absence du défendeur et sans tenir d’audience, et impose au défendeur l’amende fixée à l’égard de l’infraction;

b) si le procès-verbal d’infraction n’est pas complet et régulier à sa face même, il annule l’instance.

La Cour d’appel s’est récemment penchée sur la question de savoir si la décision d’annuler un procès-verbal en vertu de l’article 9 de la Loi peut être portée en appel en vertu de l’article 135 ou si elle doit être contestée par le biais d’une requête en vue de l’obtention d’une ordonnance de la nature d’un bref de mandamus en vertu de l’article 140 de la Loi[102]. La Cour a déclaré que la décision d’annuler une instance rendue en vertu de l’article 9 ne constitue pas un verdict sur le fond équivalent à un acquittement. Puisque le paragraphe 135(1) donne le droit d’interjeter appel d’un acquittement, d’une déclaration de culpabilité ou d’une sentence, on ne peut interjeter appel de la décision d’annuler un procès-verbal en vertu de l’article 9. La Cour a donc conclu qu’il fallait procéder par le biais d’une requête présentée en vertu de l’article 140.

C’est à la Cour supérieure de justice qu’il faut présenter une requête en vertu de l’article 140, qui se lit comme suit :

Sur requête, la Cour supérieure de justice peut, par ordonnance, accorder, à l’égard de questions soulevées dans le cadre de la présente loi, les mesures de redressement auxquelles le requérant aurait droit suite à une requête en vue de l’obtention d’une ordonnance de la nature d’un bref de mandamus, de prohibition ou de certiorari.

Certains estiment que la procédure d’appel par voie de requête prévue à l’article 140 est plus lourde que les appels visés à l’article 116 ou 135 de la Loi. On souligne de plus qu’il est incongru que la contestation d’une déclaration de culpabilité rendue en application de l’alinéa 9(1)a) qui est motivée par le fait que le procès-verbal d’infraction aurait dû être annulé doive se faire par le biais d’un appel alors que la décision d’annuler une instance rendue en application de l’alinéa 9(1)b) ne peut être contestée que sur présentation d’une requête à la Cour supérieure de justice.

Soulignons pour terminer que d’autres affaires ont abouti à la conclusion que la décision d’annuler une instance en vertu de l’article 36 de la Loi peut être portée en appel en application de l’article 35[103].

2. Question

O(1) a) La Loi devrait-elle préciser que la décision d’annuler une instance doit faire l’objet d’un appel ou qu’on ne peut la contester que par le biais d’une requête présentée à la Cour supérieure en application de l’article 140 ?

b) Si tel est le cas, la Loi devrait-elle permettre d’interjeter appel de la décision d’annuler une instance ou devrait-elle exiger la présentation d’une requête en application de l’article 140 ?

 

P. L’application des articles 124 et 125 de la Loi

1. Contexte et analyse

L’article 124 de la Loi énonce les circonstances dans lesquelles les appels sont irrecevables. Il se lit comme suit :

(1) Il n’est pas rendu, en faveur de l’appelant, un jugement fondé sur l’allégation d’un vice de fond ou de forme dans la dénonciation, le procès-verbal ou l’acte judiciaire, ou sur une divergence entre la dénonciation, le procès-verbal ou l’acte judiciaire et la preuve présentée au procès, à moins qu’il ne soit démontré qu’une objection a été soulevée au procès et que, dans le cas d’une divergence, l’ajournement du procès a été refusé à l’appelant même si la divergence l’avait induit en erreur.

(2) Si l’appel est fondé sur un vice dans une déclaration de culpabilité ou une ordonnance, le tribunal ne prononce pas un jugement en faveur de l’appelant, mais rend une ordonnance qui corrige ce vice.

Il semble y avoir une certaine incertitude quant à l’application de l’article 124 lorsque l’allégation d’un vice ou d’une divergence concerne un procès-verbal. La définition de « procès-verbal » au paragraphe 1(1) de la Loi est la suivante : « procès-verbal d’infraction délivré en vertu de la partie I ou procès-verbal d’infraction de stationnement délivré en vertu de la partie II ». Bien que l’article vise expressément les procès-verbaux, il figure au nombre des articles placés sous l’intertitre « Appels interjetés en vertu de la partie III » et la jurisprudence récente a conclu qu’il ne s’applique pas aux appels des questions fondées sur les parties I et II de la Loi[104]. Tout en concluant que l’article 124 ne s’applique pas aux procès-verbaux, le juge Epstein a quand même souligné ce qui suit :

Tout surpris que je sois de la mention de procès-verbal à l’art.124, terme que le par. 1(1) de la Loi définit comme « procès-verbal d’infraction délivré en vertu de la partie I ou procès-verbal d’infraction de stationnement délivré en vertu de la partie II », je suis toutefois convaincu que l’article s’applique seulement aux appels fondés sur la partie III de la Loi.

Certains estiment qu’il convient de modifier la Loi pour dissiper la confusion qui découle de la mention de procès-verbal à l’article 124, dont on a conclu qu’il ne s’applique qu’à la partie III de la Loi.

En outre, l’article 125 de la Loi est lié à l’article 124 et, si l’article 124 de la Loi est précisé, la question se pose de savoir si l’article 125 devrait continuer de s’appliquer à l’article 124. L’article 125 se lit comme suit :

Si un tribunal exerce des pouvoirs conférés par les articles 117 à 124, il peut en outre rendre toute ordonnance que la justice exige.

2. Question

P(1) a) Faut-il préciser l’application de l’article 124 aux procès-verbaux d’infraction et aux procès-verbaux d’infraction de stationnement ?

b) Dans l’affirmative, de quelle nature serait cette précision ?

c) Dans l’affirmative, et compte tenu de la nature de la précision, l’article 125 devrait-il continuer de s’appliquer à l’article 124 ?

 

Q. L’avis d’une question constitutionnelle

1. Contexte et analyse

L’article 109 de la Loi sur les tribunaux judiciaires (LTJ) établit l’obligation de donner avis d’une question constitutionnelle dans des circonstances déterminées. Il s’applique si ces circonstances se présentent dans une instance fondée sur la Loi. Le paragraphe 109(1) se lit comme suit :

(1) Un avis d’une question constitutionnelle est signifié au procureur général du Canada et au procureur général de l’Ontario dans les circonstances suivantes :

1. La constitutionnalité ou l’applicabilité constitutionnelle d’une loi du Parlement du Canada ou de la Législature, d’un règlement ou règlement municipal pris sous son régime ou d’une règle de common law est en cause.

2. Réparation est demandée en vertu du paragraphe 24 (1) de la Charte canadienne des droits et libertés à l’égard d’un acte ou d’une omission du gouvernement du Canada ou du gouvernement de l’Ontario.

Certains intervenants ont estimé qu’il faudrait modifier l’article 109 pour exiger qu’un avis de question constitutionnelle soit également signifié au poursuivant dans les affaires fondées sur la Loi. Le terme « poursuivant » est défini aux paragraphes 1(1) et 167(2) de la Loi. Le paragraphe 1(1) se lit comme suit :

« poursuivant » Le procureur général ou, lorsque celui-ci n’intervient pas, la personne qui délivre un procès-verbal ou dépose une dénonciation, y compris le mandataire qui agit au nom de l’un ou de l’autre.

Le paragraphe 167(2) modifie cette définition pour l’application de la partie X de la Loi. Il se lit comme suit :

« poursuivant » S’entend du procureur général ou, lorsque celui-ci n’intervient pas, s’entend d’une personne qui agit au nom de la municipalité conformément à l’entente ou, lorsqu’une telle personne n’intervient pas, s’entend de la personne qui délivre un procès-verbal ou dépose une dénonciation. S’entend en outre du mandataire qui agit au nom de l’un ou de l’autre.

Donc, selon les intervenants, si l’article 109 de la LTJ entre en jeu dans le cadre d’une instance dans laquelle une municipalité est le poursuivant conformément à une entente conclue avec le procureur général, cette municipalité devrait également recevoir l’avis d’une question constitutionnelle.

Certains estiment également que la disposition 2 du paragraphe 109(1) de la LTJ devrait être modifiée pour y ajouter les actes ou les omissions des municipalités ou des conseils locaux au sens de la Loi de 2001 sur les municipalités. Selon une décision judiciaire récente, l’accusé dans le cas d’espèce n’était pas tenu de donner l’avis prévu à l’article 109 avant de présenter une motion pour faire suspendre une poursuite fondée sur la Loi au motif de la violation de son droit d’être jugé dans un délai raisonnable que lui garantit l’alinéa 11b) de la Charte[105]. L’instance qui a donné lieu à la contestation fondée sur la Charte portait sur une accusation d’excès de vitesse portée par une municipalité conformément à une entente prévue à la partie X de la Loi. Le tribunal a conclu que la violation de l’alinéa 11b) de la Charte résultait des actes de la municipalité et que donc l’article 109 ne s’appliquait pas. La demande d’autorisation du pourvoi devant la Cour d’appel sur cette question a été accueillie[106].

2. Questions

Q(1) a) La liste de ceux qui reçoivent un avis de question constitutionnelle devrait-elle être étendue lorsque l’une des circonstances évoquées au paragraphe 109(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires survient au cours d’une instance fondée sur la Loi ?

b) Dans l’affirmative, qui devrait être ajouté à la liste de ceux qui doivent recevoir un tel avis ?

Q(2) a) La disposition 2 du paragraphe 109(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires devrait-elle viser les actes ou les omissions d’autres parties ?

b) Dans l’affirmative, quelles sont ces parties ?

 

R. L’article 112 : la motion en sursis d’exécution

1. Contexte et analyse

L’article 112 de la Loi se lit comme suit :

Le dépôt d’un avis d’appel ne suspend pas la déclaration de culpabilité à moins qu’un juge d’appel ne l’ordonne.

Selon l’alinéa 10(6)b) du Règl. de l’Ont. 723/94 et l’alinéa 11(6)b) du Règl. de l’Ont. 722/94, une motion en sursis d’exécution présentée en vertu de l’article 112 peut l’être sans qu’un avis ait été signifié à l’intimé. Dans un jugement récent, le juge Jennis a critiqué l’absence d’avis dans le cas des infractions environnementales et en matière de santé et de sécurité au travail :

Bien que cela ne soit en aucun cas nécessaire au jugement, je remarque que la disposition qui permet les demandes de sursis d’exécution en attendant l’issue d’un appel n’exige pas qu’un avis soit donné à l’intimé. Voir l’article 112. Dans le cours normal de la poursuite des infractions de stationnement, de circulation, d’excès de vitesse et autres affaires relativement simples qui sont traitées dans le cadre de la Loi sur les infractions provinciales, cela ne porte probablement guère à conséquence. Toutefois, dans le cas des infractions environnementales ou en matière de santé et de sécurité au travail, lorsque l’inobservation des ordonnances judiciaires peut avoir des effets graves, il me semble qu’il serait préférable de donner un avis à l’intimé. C’est toutefois une question qu’il convient de laisser aux soins du pouvoir législatif[107]. [Traduction]

2. Questions

R(1) Le poursuivant devrait-il être avisé lorsque l’accusé présente une motion de sursis d’exécution en vertu de l’article 112 de la Loi et devrait-il pouvoir présenter des observations à cet égard ?

 

S. Les aspects administratifs

Outre les grandes questions soulevées ci-dessus, la Commission aimerait recevoir des avis sur un certain nombre d’aspects administratifs moins importants, qui sont énumérés ci-dessous.

1. Le paragraphe 3(4) : les signatures

Contexte

Le paragraphe 3(4) de la Loi se lit comme suit :

Signature – Quiconque signifie un avis d’infraction ou une assignation à une personne accusée peut lui demander en même temps de signer le procès-verbal d’infraction. Toutefois, l’omission ou le refus de la personne accusée d’acquiescer à cette demande n’invalide ni le procès-verbal d’infraction ni la signification de l’avis ou de l’assignation.

Ce paragraphe de la Loi semble ne plus être pertinent puisque la formule nécessaire de procès-verbal d’infraction a été modifiée de sorte que la case de signature facultative n’y apparaît plus. Le paragraphe 1(1) du Règl. de l’Ont. 950 dispose que le procès-verbal d’infraction est rédigé selon la formule 1. Cette formule figure également dans le règlement, mais ne comporte plus de case pour la signature de l’accusé.

Question

S(1) Le paragraphe 3(4) de la Loi devrait-il être abrogé ?

2. L’article 6 : la contestation sans comparution

Contexte

Cet article permet à l’accusé de contester une infraction par écrit sans se présenter à l’audience. On ne peut toutefois avoir recours à cette option que dans les régions de l’Ontario qui sont prescrites par règlement, ce qui ne s’est encore jamais produit. Les consultations initiales donnent à penser que cet article devrait être soit utilisé aux fins pour lesquelles il a été rédigé, soit abrogé.

Question

S(2) La province devrait-elle inciter à invoquer l’article 6 de la Loi ou devrait-elle l’abroger ?

3. L’article 9 : Ajout d’un renvoi aux articles 5 et 5.1

Contexte

L’article 9 énonce les conditions dans lesquelles l’accusé est réputé ne pas contester une accusation. Il se lit, en partie, comme suit :

(1) Si, au moins quinze jours après la signification de l’avis d’infraction au défendeur, il n’y a eu ni remise de l’avis d’infraction conformément à l’article 6 ou 8 ni acceptation d’un plaidoyer de culpabilité aux termes de l’article 7, le défendeur est réputé ne pas désirer contester l’accusation . . .

Outre le cas où il y a eu remise de l’avis d’infraction conformément à l’article 6 ou 8 ou acceptation d’un plaidoyer de culpabilité aux termes de l’article 7, l’accusé ne sera pas réputé ne pas désirer contester l’accusation s’il donne avis de son intention de comparaître au tribunal pour inscrire un plaidoyer et faire instruire la question conformément à l’article 5 ou 5.1. Le paragraphe 5(1) se lit comme suit :

Le défendeur auquel est signifié un avis d’infraction peut donner avis de son intention de comparaître au tribunal pour inscrire un plaidoyer et faire instruire la question en l’indiquant sur l’avis d’infraction et en remettant l’avis au greffe du tribunal qui y est précisé.

L’article 5.1 s’applique aux régions de l’Ontario désignées par règlement et est semblable à l’article 5, à l’exception près qu’il exige que l’accusé ou son représentant se présente au greffe du tribunal pour donner avis de son intention de comparaître au tribunal pour inscrire un plaidoyer et faire instruire la question.

Certains estiment que l’article 9 devrait être modifié pour préciser explicitement que la disposition déterminative de l’article 9 ne produit pas ses effets si une personne a donné l’avis prévu à l’article 5 ou 5.1.

Question

S(3) L’article 9 devrait-il être modifié pour préciser explicitement que l’accusé qui a donné avis de son intention de comparaître au tribunal pour inscrire un plaidoyer et faire instruire la question conformément à l’article 5 ou 5.1 ne sera pas réputé, en application de l’article 9, ne pas désirer contester l’accusation ?

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