La présente section du rapport traite des diverses options permettant de résoudre les questions soulevées par les frais d’encaissement des chèques du gouvernement et les évalue en fonction de leur pertinence pour l’Ontario.

Les problèmes que pose le coût élevé de l’accès aux fonds publics transférés par chèque ne sont pas le domaine exclusif de l’Ontario. D’autres territoires ont pris toutes sortes de mesures en la matière. Citons, entre autres, les suivantes :

L’éducation des consommateurs : Ces mesures visent généralement à faire en sorte que les consommateurs possèdent les aptitudes et l’information dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées à propos des choix financiers qui s’offrent à eux, mais elles tentent également, plus largement, d’accroître la capacité financière.

L’incitation à avoir recours aux institutions financières ordinaires : Les titulaires de comptes de banque ou de caisse peuvent déposer et retirer des fonds à coût modique, en plus de recevoir toutes sortes d’autres avantages. Les mesures prises pour inciter les gens à utiliser les services financiers ordinaires, comme, par exemple, leur donner accès à des pièces d’identité peu coûteuses, leur permettront donc d’avoir accès à coût modique aux fonds que le gouvernement leur octroie.

Le recours à d’autres modes de paiement des prestations publiques : Le paiement par chèque présente en soi un risque de fraude. Les frais, les retenues de fonds et les exigences en matière d’identification sont tout autant de moyens dont les fournisseurs de services financiers se servent pour gérer ce risque, mais ils créent tous des obstacles pour les consommateurs à faible revenu. Le recours à d’autres modes de paiement, tels que le virement automatique et les cartes de prestataire, peuvent réduire les risques et faciliter l’accès aux fonds.

Les ententes d’indemnisation : Les ententes d’indemnisation reviennent à transférer le risque de fraude posé par les chèques au gouvernement (c’est-à-dire aux contribuables) et donc à permettre aux fournisseurs de services financiers d’encaisser les chèques sans exiger de frais.

La réglementation : Plusieurs territoires ont réglementé soit les frais d’encaissement de chèques, soit les fournisseurs de services d’encaissement de chèques. La réglementation prend généralement l’une des trois formes suivantes : un régime de délivrance de permis aux entreprises d’encaissement des chèques, assorti de mesures de surveillance, l’interdiction des frais d’encaissement des chèques du gouvernement ou la réglementation de ces frais.

Les choses ont beaucoup bougé dans ce domaine au Canada ces dernières années. L’annexe C énumère les mesures prises partout au pays.

De nombreuses mesures de réforme ont également été prises aux États-Unis, où le secteur de l’encaissement des chèques a une longue histoire. Ces mesures sont exposées à la section IV.F.2

 

A. Examen des pistes de réforme

Compte tenu du grand éventail des mesures de réforme adoptées dans d’autres territoires, il n’y en a probablement pas une qui soit meilleure que les autres en ce qui concerne l’objectif de donner accès à coût modique aux prestations publiques. Les réformes doivent être adaptées à l’histoire et à la culture financières du territoire où elles sont mises en œuvre et tenir compte des cadres de réglementation en place et des aspects locaux particuliers de la question. La présente section du rapport examine les diverses pistes de réforme en soupesant les avantages et les inconvénients de chacune et en faisant ressortir les aspects particuliers à l’Ontario.

On n’oubliera pas que, comme l’explique la section précédente, la question est complexe et présente de multiples aspects. Il est donc probable que n’importe quelle mesure sera insuffisante en soi. La plupart des territoires ont choisi de mettre en œuvre un train de réformes plutôt qu’une seule mesure; il sera donc utile de se pencher également sur les interactions possibles entre les mesures envisagées.

Il est indéniable que toute mesure visant à donner accès aux fonds publics présente des coûts et des risques – le risque de fraude surtout, mais également des coûts en termes de temps, d’efforts et d’administration. Le régime actuel fait reposer une grande partie du fardeau de ces coûts sur les épaules des personnes à faible revenu. L’un des critères principaux de l’évaluation des mesures envisagées est de se demander comment elles répartissent ces coûts et ces risques et si cette répartition est juste et efficace.

En examinant ces coûts et ces risques, on n’oubliera pas non plus que les entreprises de SFP, tout comme les fournisseurs de services financiers ordinaires, sont des entreprises qui offrent des services dans l’attente raisonnable de profits.

Toute réforme ne peut réussir que si elle est adaptée à la situation de ceux dont elle vise à améliorer le sort, soit, dans le cas qui nous occupe, les prestataires de l’aide sociale. Ces personnes ont généralement un revenu très faible, bien inférieur au seuil de faible revenu, et leur priorité est tout simplement de survivre au jour le jour. Beaucoup sont chefs de famille monoparentale; dans le cas des prestataires du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, elles sont, bien sûr, aux prises avec les défis présentés par leur handicap. Elles doivent déjà faire face à de nombreux défis et obstacles. Les réformes doivent leur offrir des solutions pratiques et réalistes.

Un principe fondamental de toute réforme est le respect de la dignité, de la vie privée et de l’autonomie des prestataires de l’aide sociale, qui représentent une proportion importante de ceux qui encaissent des chèques du gouvernement. Ce groupe est déjà fortement stigmatisé, marginalisé et exclu. On le sait, il n’est pas homogène et il présente tout en éventail de besoins et de ressources. La situation d’un célibataire qui présente des problèmes mentaux et qui vit dans les rues d’une grande ville est différente de celle d’une mère autochtone qui vit dans une collectivité éloignée du Nord de l’Ontario ou de celle d’une famille de nouveaux immigrants qui cherche à s’établir dans un nouveau pays. Les réformes doivent, dans la mesure du possible, tenir compte de cette diversité.

Comme nous l’avons fait remarquer dans la section précédente, la question de l’accès à coût modique aux prestations publiques est étroitement liée à la question plus vaste de l’exclusion financière et de l’accès aux services financiers. Le propos de notre rapport n’est toutefois pas de régler les questions très vastes et très complexes liées à l’exclusion financière, mais bien d’élaborer des recommandations concrètes permettant de résoudre la question plus restreinte qui nous occupe. Dans les faits, nous devons prendre pour acquis que, dans l’avenir immédiat et pour toutes sortes de raisons, il restera des personnes sans services bancaires. La diminution du nombre des Ontariens sans services bancaires réduira celui de personnes qui paient des frais élevés pour encaisser des chèques du gouvernement, en plus de s’attaquer à des problèmes plus vastes de justice sociale. Les réformes doivent toutefois tenir également compte des besoins des personnes qui restent sans services bancaires.

 

B. L’éducation des consommateurs et les connaissances financières
1. L’éducation des consommateurs comme stratégie

Les personnes consultées s’entendent pour dire que les personnes à faible revenu ignorent souvent le coût véritable des frais d’encaissement des chèques et ne connaissent pas les autres solutions qui s’offrent à eux.

Une partie importante des consommateurs ignorent ses droits face aux institutions financières ordinaires, le coût comparatif des services d’encaissement de chèques et ses recours en cas d’incertitude ou de plainte à l’égard des services bancaires. [Traduction]

Conseil d’administration de district des services sociaux de Thunder Bay

Puisque les caisses offrent déjà des services à coût modique comparativement aux services financiers parallèles (SFP), la question ne semble pas être la nécessité d’imposer des frais modiques. Il s’agit surtout d’éduquer les gens aux solutions qui s’offrent à eux et de les inciter à s’en prévaloir. [Traduction]
– Central 1 Credit Union

Il semble que la réussite de toute mesure visant à faciliter l’accès à des services à coût modique d’encaissement des chèques du gouvernement nécessitera une forme quelconque de sensibilisation ou d’éducation des consommateurs. Ceux-ci doivent avoir l’information et les aptitudes nécessaires pour comprendre les options qui s’offrent à eux et la façon d’y avoir accès, pour évaluer les avantages et les inconvénients des divers services en fonction de leur propre situation et pour pouvoir défendre leurs droits au besoin.

Par exemple, l’ignorance relativement répandue du droit d’encaisser gratuitement tout chèque du gouvernement dans n’importe quelle banque ou de porter plainte auprès de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC)[111] et le nombre de personnes qui encaissent des chèques du gouvernement fédéral dans des entreprises de SFP malgré la gratuité de ce service dans les banques[112] font ressortir le fait que même les meilleures mesures connaîtront un succès limité sans une bonne éducation des consommateurs.

Toutefois, l’éducation des consommateurs ne suffira pas en elle-même à résoudre tous les problèmes. Elle ne fera pas disparaître les obstacles à l’utilisation des services financiers ordinaires, tels que le manque de pièces d’identité ou les politiques de retenue de fonds.

L’éducation des consommateurs ne pourra seule résoudre les problèmes systémiques tels que la pénurie de services financiers dans certaines régions et les exigences très strictes en matière d’identification lors de l’ouverture d’un compte bancaire. [Traduction]
– Ministère des Services sociaux et communautaires

L’éducation des consommateurs n’est donc, au plus, qu’un élément de tout train de mesures visant à permettre un accès à coût modique aux prestations publiques.

 

2. La prestation de programmes efficaces d’éducation des consommateurs et de formation financière

La prestation de programmes de formation financière et d’éducation des consommateurs aux personnes à faible revenu pose certains problèmes complexes. Ces personnes sont très diverses et présentent tout un éventail de besoins éducatifs. Certaines ont de bonnes aptitudes et connaissances financières générales et n’ont besoin que de la bonne information; d’autres, en revanche, font face à des obstacles relevant des aptitudes de base à la lecture et à l’écriture (par exemple, celles pour lesquelles l’anglais est la langue seconde), des aptitudes technologiques ou de la méconnaissance des notions financières de base telles que le magasinage. D’autres encore ont des besoins multiples.

Le public cible (ici, les Ontariens à faible revenu et sans services bancaires ou mal desservis par les banques) peut être difficile à rejoindre et résister à la plupart des outils d’éducation des consommateurs. Il faut donc penser à d’autres moyens que les modèles habituels d’éducation des consommateurs. Nos caisses membres pensent que le meilleur outil d’éducation des consommateurs est le bouche-à-oreille au sein des groupes à faible revenu…. Cette éducation de personne à personne peut se faire par le biais des travailleurs sociaux, des fonctionnaires et d’autres personnes qui travaillent étroitement avec les Ontariens à faible revenu. [Traduction]
– Central 1 Credit Union

La Commission a entendu maintes fois que les programmes d’éducation des consommateurs et de formation financière doivent réunir les caractéristiques suivantes :

  • Ils doivent être fondés sur la compréhension et le respect des situations diverses dans lesquelles vivent les personnes à faible revenu. Ce sentiment doit imprégner la matière enseignée ainsi que la méthode et la démarche utilisées. Par exemple, les assistés sociaux fonctionnent sur un mode de survie et tentent de combler leurs besoins immédiats dans des circonstances très difficiles; les programmes d’éducation qui ne tiennent pas compte de cette réalité seront vite jugés non pertinents.
  • Ils doivent être accessibles, que ce soit sur le plan de l’emplacement, de la langue ou des besoins fondés sur des handicaps.
  • Ils doivent être fiables. Les communications de l’Administration font autorité et représentent un engagement public. Les organismes qui œuvrent auprès des personnes à faible revenu tels que les bureaux d’aide juridique et les organismes de défense sont souvent une source d’information très écoutée.

    Il sera peut-être utile d’avoir des programmes de formation des formateurs. Le personnel de première ligne des organismes qui œuvrent auprès des personnes à faible revenu ne pourra pas les informer et les conseiller, et il risque en plus de mal les renseigner ou de mal les conseiller, s’il n’est pas lui-même bien informé sur leurs droits et les ressources à leur disposition.

    La Commission a également appris que le personnel de première ligne des institutions financières a peut-être également besoin d’information et de formation sur les droits des personnes à faible revenu pour pouvoir leur fournir les conseils et l’aide dont elles ont besoin.

    La Commission a reçu de nombreuses suggestions quant aux meilleurs moyens de fournir de l’information financière aux personnes à faible revenu :

    · L’éducation doit survenir le plus tôt possible; ainsi, le programme d’études secondaires pourrait traiter des fondements des connaissances financières.

    · Les entreprises d’encaissement de chèques pourraient être obligées d’afficher de façon bien visible des renseignements sur les frais, comme le coût total exigé pour l’encaissement de chèques d’un montant courant (500 $ ou 1 000 $, par exemple).

    · Des pamphlets pourraient être glissés dans les enveloppes des chèques du gouvernement pour informer les destinataires de leurs droits et des choix qui s’offrent à eux lorsqu’ils vont encaisser le chèque.

    · On pourrait constituer un fonds d’éducation pour soutenir les programmes et les organismes qui œuvrent à accroître la capacité financière des personnes à faible revenu.

    En ce qui concerne la dernière suggestion, rappelons que le projet de loi 48 de l’Ontario, intitulé la Loi de 2008 concernant les prêts sur salaire, oblige les prêteurs sur salaire détenteurs d’un permis à cotiser à un fonds d’éducation public dont le but est d’éduquer le public quant à ses droits et responsabilités dans le cadre de la Loi et quant à la planification financière en général. La constitution de ce fonds pourra donner lieu à des programmes d’éducation susceptibles de toucher aux questions soulevées par les frais d’encaissement des chèques.

    Social and Enterprise Development Innovations (SEDI) est un organisme sans but lucratif qui offre plusieurs programmes intéressants visant à promouvoir l’enrichissement et la capacité financière des personnes à faible revenu. Par exemple, le programme $avoir en banque, offert en collaboration avec la Société de recherche sociale appliquée[113] et financé par Développement des ressources humaines Canada, double les économies que chaque participant place dans un compte individuel de développement. SEDI a également dirigé l’utilisation de comptes de vie autonome qui permettent aux personnes et aux familles qui vivent dans des foyers de transition d’économiser pour financer le premier et le dernier mois de loyer et d’autres besoins, tout en acquérant des aptitudes à la vie quotidienne. Enfin, le projet My Child’s Future de SEDI vise à accroître le nombre de Canadiens à revenu faible ou moyen qui se dotent de REEE pour économiser en prévision des études de leurs enfants.

    Le Budget de 2008 du gouvernement de l’Ontario annonçait un investissement de 10 millions de dollars sur quatre ans dans un programme pilote destiné à aider les Ontariens à faible revenu à augmenter leur patrimoine. Les détails de ce programme devraient être annoncés dans le courant de l’année par la ministre des Services sociaux et communautaires.

     

    C. La promotion du recours aux institutions financières ordinaires

    Comme nous l’avons déjà souligné, les grandes banques offrent toutes des comptes bancaires de base à frais modiques qui permettent le dépôt et le retrait. On peut avoir un compte bancaire pour une fraction de ce qu’il en coûte pour encaisser des chèques dans un bureau d’encaissement de chèques. La promotion du recours aux institutions financières ordinaires est un moyen de réduire le coût de l’accès aux prestations publiques.

    La question de l’exclusion financière est vaste, et il n’est pas du propos de notre rapport de tenter de la résoudre. Les questions liées au coût de l’accès aux prestations publiques ne peuvent être bien comprises ou résolues qu’en se penchant sur celle de l’accès aux services financiers ordinaires. Il faut s’attaquer aux obstacles à l’inclusion financière dans la mesure où cela permettra de résoudre les questions soulevées par notre projet.

    Nous avons traité en détail à la section III.D.2 des principales raisons qui peuvent expliquer pourquoi les personnes à faible revenu n’utilisent pas les services financiers ordinaires. Résumons :

    1. L’emplacement : Cet obstacle est particulièrement important pour les résidents des collectivités éloignées et a donc un grand impact sur les autochtones. Certains groupes à faible revenu vivant dans des villes peuvent également ne pas avoir facilement accès à des établissements financiers ordinaires.

    2. Les exigences en matière d’identification : Les personnes à faible revenu ont parfois de la difficulté à obtenir des pièces d’identité adéquates pour des raisons de coût ou en raison de la complexité du processus de demande. En outre, les itinérants n’ont souvent pas d’adresse où recevoir les documents et sont beaucoup plus susceptibles de perdre ou de se faire voler leurs pièces d’identité. Les cartes Santé ne servent pas à des fins d’identification en Ontario et la province ne dispose actuellement pas d’autre moyen d’identification avec photo que le permis de conduire.

    3. Les politiques de retenue de fonds : Les politiques de retenue de fonds permettent aux institutions financières de gérer le risque de fraude inhérent au transfert de fonds par chèque. En résumé, l’institution financière ne libère pas les fonds avant d’être sûre que le chèque sera accepté. Ceux qui ont un solde suffisant dans leur compte pour couvrir tous les chèques encaissés ne seront généralement pas touchés par ces politiques. Toutefois, les personnes à faible revenu ont souvent une très petite marge de manœuvre sur le plan des liquidités. Elles n’ont la plupart du temps pas assez de fonds dans leur compte pour couvrir les chèques du gouvernement et, en même temps, elles ne peuvent pas se permettre d’attendre que leurs fonds soient libérés par la banque. Les politiques de retenue des fonds reviennent à faire passer le risque de fraude de l’institution financière à la personne qui encaisse le chèque. Comparativement à leur revenu total, il est coûte très cher aux personnes à faible revenu d’utiliser des services d’encaissement de chèques pour avoir accès aux prestations publiques.

    4. Les obstacles liés aux attitudes : La Commission a appris que les personnes à faible revenu s’inquiétaient de la façon défavorable et discriminatoire dont les traitait le personnel des institutions financières ordinaires; certaines avaient l’impression qu’elles n’avaient pas leur place dans une telle institution.

    5. La saisie et la compensation : Pour certains, le risque que les prestations d’aide sociale placées dans une compte bancaire soient saisies ou servent à compenser des dettes est un grand facteur de dissuasion à l’utilisation d’un compte de chèques.

    6. Les heures d’ouverture : Ceux qui dépendent du service personnalisé offert par les caissiers diront que les heures d’ouverture sont un facteur important de leur choix d’un fournisseur de services financiers.

    Les organismes qui œuvrent auprès des personnes à faible revenu ont maintes fois soulevé toutes ces questions. Dans les villes, c’est la question de l’identification et les politiques de retenue de fonds qui semblent généralement les questions les plus pressantes; la pénurie d’établissements financiers a été citée comme un problème particulièrement important dans les collectivités éloignées.

    Certaines des questions susmentionnées, comme le manque de pièces d’identité, semblent se prêter pour la plupart à des solutions relativement simples. D’autres présentent des difficultés considérables. Les tentatives de remédier à la pénurie d’établissements financiers ordinaires dans les régions éloignées et rurales, bien que nombreuses, n’ont guère connu de succès. Les politiques de retenue de fonds sont également une question difficile parce qu’elles sont une réaction au risque de fraude; en résumé, les institutions financières ordinaires composent avec ce risque par ces politiques tandis que les entreprises de SFP le font en demandant des frais relativement élevés pour leurs services d’encaissement de chèques. Il sera impossible d’éliminer les politiques de retenue de fonds sans offrir d’autre garantie pour parer au risque de fraude.

    On a proposé à la Commission bien des façons d’accroître le recours aux institutions financières ordinaires au sein de la population à faible revenu :

  • un meilleur accès à des pièces d’identité à coût modique pour les personnes à faible revenu;
  • la prestation de services financiers ordinaires dans les collectivités éloignées par les ministères qui y sont déjà présents (comme le ministère des Richesses naturelles);
  • la création d’un comité permanent sur l’accès aux services bancaires, composé de représentants des institutions financières ordinaires présentes en Ontario et d’organismes représentant les consommateurs à revenu faible ou moyen;
  • la constitution de fournisseurs communautaires de services financiers sous forme d’entreprise sociale, ou encore l’incitation à la constitution de caisses dans les collectivités mal desservies;
  • la formation du personnel de première ligne des institutions financières ordinaires quant aux besoins des consommateurs à faible revenu et sa sensibilisation aux questions telles que la santé mentale et le profilage racial;
  • la modification des politiques de retenue de fonds;
  • l’offre par les institutions financières ordinaires de comptes sans frais aux prestataires de l’aide sociale, comme ceux offerts aux étudiants;
  • l’intensification de la collaboration entre les institutions et les organismes financiers et les organismes qui desservent les groupes à faible revenu.

    On a également beaucoup évoqué la possibilité que les institutions financières prennent des mesures d’approche à l’endroit des groupes à faible revenu ou marginalisés. Les comptoirs Cash & Save que la Banque royale a ouverts à Toronto ont souvent été cités comme un modèle en la matière. L’autre exemple évoqué est la collaboration entre la Provincial Alliance Credit Union (PACU) et le CTSM. L’Ontario Federation of Indian Friendship Centres a également fait l’éloge de la façon dont la Banque royale fait appel au personnel d’action directe et d’éducation des collectivités comptant une grande proportion d’autochtones. Les principaux éléments de la réussite des comptoirs Cash & Save et du projet du PACU sont, entre autres, leur emplacement (une présence commode), l’écoute de la clientèle desservie et l’adaptation des services aux besoins de la collectivité.

    Dans un rapport récent, l’Ontario Association of Food Banks proposait la mise sur pied d’un réseau de caisses de développement communautaire pour lutter contre l’exclusion financière. Il s’agit de caisses dont la mission est de desservir les personnes et les groupes à revenu faible et moyen en leur offrant des services et des avantages axés sur leurs besoins. Ces établissements offrent en fin de compte un crédit d’entraide, sont sans but lucratif et exemptées d’impôt mais ne sont pas des organismes de bienfaisance. Les caisses de développement communautaire sont assez répandues aux États-Unis, mais moins fréquentes au Canada, où le meilleur exemple en est VanCity Credit Union, à Vancouver[114].

     

    D. Le virement automatique et les cartes de prestataire

    L’un des meilleurs moyens de faciliter l’accès à coût modique aux fonds publics est d’éviter totalement les chèques. La façon la plus répandue de ce faire est le virement automatique. Récemment, certains territoires ont fait l’essai des cartes de prestataire rechargeables pour remplacer ou compléter les programmes de virement automatique.

     

    1. Le virement automatique

    Plusieurs territoires encouragent fortement l’adoption du virement automatique pour leurs prestations d’aide sociale, parfois sur une base volontaire, quelques fois de façon obligatoire. Le virement automatique est considéré comme étant bénéfique pour les prestataires puisqu’il accroît le recours aux institutions financières ordinaires tout en permettant d’éviter les frais d’encaissement de chèques. Il est également considéré comme l’étant pour l’État et les contribuables puisqu’il réduit les frais administratifs et le risque de fraude[115]. Du point de vue des institutions financières, le virement automatique réduit le nombre de chèques perdus ou volés et, contrairement aux ententes d’indemnisation, il ne requiert pas de long processus pour traiter ces chèques[116]. Le ministère des Services sociaux et communautaires fait remarquer ce qui suit :

    Le virement automatique est économique pour le ministère, se prête mieux au rapprochement des comptes et permet la poursuite de l’aide financière en période d’urgence comme une panne d’électricité généralisée ou une grève des postiers. Il constitue une opération confirmée qui élimine :

    · la fraude qui peut se produire lorsque les prestataires reçoivent plus d’un chèque d’aide sociale pour la même période;

    · la péremption des chèques d’aide sociale, qui expirent au bout de six mois s’ils ne sont pas encaissés. [Traduction]

    Depuis 1997, le virement automatique est obligatoire en Alberta pour les prestations de soutien du revenu, à moins que les prestataires en soient expressément dispensés[117]. En pratique, cela veut dire qu’il constitue le principal mode de paiement des prestations, mais que le personnel de première ligne peut, à sa discrétion, en dispenser les prestataires lorsque cela est justifié (comme lorsque ceux-ci n’ont pas les pièces d’identité nécessaires pour ouvrir un compte bancaire). À l’heure actuelle, 63 p. 100 de ceux qui touchent des prestations du ministère albertain de l’Emploi et de l’Immigration le font par virement automatique tandis que la proportion est de 78 p. 100 chez les prestataires du revenu assuré pour les personnes gravement handicapées[118].

    La demande de virement automatique fait partie de la trousse d’admission et les bénéficiaires sont incités à la faire remplir par leur établissement bancaire avant de rencontrer le conseiller en emploi et soutien du revenu. Les formulaires de virement automatique et l’information sur la politique de virement automatique sont systématiquement joints aux envois destinés aux usagers des divers services publics.

    Le programme albertain de virement automatique s’inscrit dans le cadre de plusieurs autres mesures[119]. Le gouvernement avait déjà conclu une entente d’indemnisation avec les établissements de dépôt et mis en œuvre des mesures pour que la population dispose de pièces d’identité à coût modique. Par exemple, les cartes d’assurance maladie pouvaient déjà servir de pièces d’identité et les bureaux d’enregistrement albertains offraient déjà des pièces d’identité avec photo équivalant au permis de conduire. En outre, l’Alberta disposait déjà d’un réseau étendu de succursales bancaires dans toute la province.

    Une enquête de 1998 sur l’efficacité des mesures albertaines révèle qu’elles semblent avoir eu le bon effet d’accroître le nombre d’Albertains jouissant de services bancaires. Les grandes institutions bancaires ont adopté des produits bancaires de base qui ont réduit le coût des services bancaires pour les usagers du virement automatique, bien que la question reste de savoir si certaines personnes qui ont des besoins bancaires très minimes ne sont pas désavantagés d’avoir quand même à payer des frais pour les obtenir. Les problèmes n’ont pas pour autant disparu : en raison de la décision de quelques institutions financières de plafonner les retraits effectués aux guichets automatiques, les prestataires n’ont pas toujours un accès immédiat à la totalité de leur argent à ces guichets; certains prestataires ont eu de la difficulté à évaluer les diverses options de prix offertes par les banques, de sorte qu’ils ont fondé leur choix de services financiers principalement sur l’emplacement; enfin l’espoir initial que les travailleurs sociaux de l’aide sociale puissent aider les prestataires à ouvrir des comptes ne s’est pas réalisé en raison de la lourde charge de travail de ces travailleurs[120].

    En Ontario, les fournisseurs de l’aide sociale à l’échelon provincial et municipal ont fait des efforts pour encourager l’adoption du virement automatique par les prestataires, principalement par l’éducation et l’aide fournies par le personnel de première ligne. Au début des années 1990, le ministère des Services sociaux et communautaires a pris certaines mesures pour encourager les bénéficiaires à adopter le virement automatique[121]. En 1997, près de 83 p. 100 des bénéficiaires des prestations familiales, distribuées par la province, et 44 p. 100 des bénéficiaires de l’aide sociale générale, distribuée par les municipalités, touchaient leurs prestations par virement automatique[122].

    Le ministère des Services sociaux et communautaires a déclaré à la Commission que le programme Ontario au travail et le POSPH encouragent actuellement leurs bénéficiaires à ouvrir des comptes bancaires et à toucher leurs prestations par virement automatique. Le ministère verse, chaque année, plus de quatre millions de prestations d’aide sociale par virement automatique et trois millions par chèque. L’utilisation du virement automatique varie selon les circonstances locales. Le conseil d’administration de district des services sociaux (CADSS) de Thunder Bay rappelle que, malgré ses efforts, seulement 20 p. 100 des prestataires du programme Ontario au travail touchent actuellement leurs prestations par virement automatique, le reste continuant de les toucher par chèque. Celui de Waterloo estime qu’environ 50 p. 100 de ses bénéficiaires touchent leurs prestations par virement automatique, soit une baisse marquée par rapport à il y a dix ans, malgré les efforts faits pour encourager l’adoption de ce mode de paiement. Les raisons de cette baisse ne sont pas claires, mais le personnel a signalé que les prestataires semblaient préférer profiter de l’entente d’indemnisation conclue localement pour encaisser leurs chèques plutôt que de conserver un compte bancaire aux fins du virement automatique.

    Les services sociaux de la cité de Toronto offrent un programme de virement automatique, qui date de longtemps et qui a fait l’objet d’une promotion intense, dans le cadre de leur objectif général d’intégrer ses prestataires dans la vie courante. La cité a élaboré et maintenu une stratégie intégrée de communication, d’éducation et d’aide pour encourager les prestataires à adopter le virement automatique et, au besoin, les aider à ouvrir des comptes dans les institutions financières ordinaires. À l’heure actuelle, environ les deux tiers des bénéficiaires du programme Ontario au travail touchent leurs prestations par virement automatique, soit une légère baisse par rapport au record passé d’environ 70 p. 100. Le personnel de la cité estime que l’utilité du virement automatique se heurte à un plafond naturel : il y aura toujours une proportion importante de la population cible, probablement aux alentours de 25 à 30 p. 100, pour laquelle le virement automatique n’est pas une bonne solution.

    Central 1 Credit Union, qui représente près de 200 caisses de l’Ontario et de la Colombie-Britannique, a suggéré que, puisque le virement automatique entraîne des économies sur le plan administratif, il serait peut-être possible d’offrir une incitatif financier modeste aux prestataires qui le choisissent, sachant que cette mesure serait à la fois neutre sur le plan des recettes et bénéfique pour ceux qui en ont le plus besoin. Cet incitatif pourrait également permettre aux prestataires d’absorber le coût minime d’ouverture et de maintien d’un compte auprès d’une banque ou d’une caisse.

    Le Groupe de travail sur l’avenir du secteur des services financiers canadien a recommandé que les ordres de gouvernement généralisent le virement automatique pour tous les programmes publics de prestations[123]. L’Association des banquiers canadiens a également déclaré publiquement son soutien aux programmes de virement automatique[124].

    Tout en s’inquiétant du risque que les programmes de virement automatique obligatoire constituent un obstacle pour les personnes à faible revenu qui n’ont pas de pièce d’identité ou qui sont sans services bancaires, les personnes consultées par la Commission se sont généralement déclarés en leur faveur. ACORN a abondé dans ce sens en ces termes :

    Nous soutenons une plus grande utilisation du virement automatique comme mécanisme apte à assurer que les consommateurs à faible revenu conservent le maximum de leurs prestations. Nous aimerions que l’on encourage fortement la généralisation d’un système de paiement par virement automatique. [Traduction]

    Les programmes de virement automatique ne réussiront pleinement que s’ils tiennent compte des obstacles qui empêchent certains d’ouvrir et de maintenir des comptes bancaires, notamment le manque de pièces d’identité. Le CADSS de Thunder Bay recommande que ces programmes soient jumelés à des efforts visant à éliminer les obstacles à l’utilisation des services bancaires par les prestataires.

    Le ministère a souligné le fait que, pratiquement, il est en tout cas impossible de faire adopter le virement automatique par tous les prestataires, que ce soit à cause de la peur de certains de voir leurs fonds saisis ou en raison de l’absence d’établissement financier (dans les régions éloignées, par exemple). Par ailleurs, il est difficile de verser des fonds d’urgence par virement automatique. Ce mode de paiement ne peut donc que représenter une solution partielle au problème.

    La Nishnawbe-Aski Legal Services Corporation rappelle que la pénurie d’institutions financières ordinaires dans de nombreuses collectivités autochtones y limite l’utilité concrète des programmes de virement automatique.

     

    2. Les cartes de prestataire

    Une autre façon de remplacer les chèques est de verser les prestations au moyen de cartes de débit. Le gouvernement fédéral, l’Alberta et la Colombie-Britannique ont déjà fait l’essai des cartes de débit comme mécanismes de versement des prestations publiques[125]. Les cartes de débit ont servi à verser les prestations de la sécurité sociale aux États-Unis grâce à une collaboration avec Master Card[126].

    L’Alberta a lancé tout récemment un programme de cartes de prestataire en plus du programme de virement automatique décrit à la section IV.D.1. Elle a expliqué cette mesure en donnant les motifs suivants :

  • l’élimination des frais élevés exigés par les services d’encaissement des chèques lorsque les personnes sans services bancaires cherchent à obtenir leurs fonds,
  • un meilleur mode de versement des fonds d’urgence,
  • une plus grande sécurité pour les prestataires, qui ne sont plus tenus d’avoir des espèces sur eux,
  • une réduction potentielle de la fraude,
  • une plus grande efficacité administrative[127].

    On a expliqué à la Commission que les cartes de prestataire fonctionnent essentiellement comme des cartes de débit; il serait peut-être donc plus utile à long terme d’encourager les prestataires à tisser des liens avec les institutions financières ordinaires, ce qui leur donnerait accès la technologie des cartes de débit, que de leur donner simplement une carte de prestataire.

    Les cartes de prestataire peuvent représenter une solution pour les personnes sans services bancaires, puisqu’elles fonctionnent essentiellement comme une solution de rechange aux comptes bancaires. Elles sont donc très intéressantes pour les collectivités éloignées, où l’accès aux institutions financières ordinaires est restreint et les options sont limitées.

    Les programmes de cartes de prestataire devront toutefois faire très attention aux besoins de leurs utilisateurs. Par exemple, les fonds portés sur les cartes seront la plupart du temps accessibles par le biais de guichets automatiques qui remettent l’argent en tranches de 20 $ ou de 50 $; il faudra donc peut-être modifier le montant des prestations pour que les prestataires aient accès à la totalité de leurs fonds chaque mois : si la prestation est de 606 $, il se peut que le prestataire n’ait accès qu’à 600 $ par sa carte. Les frais sont encore une autre source d’inquiétude : les prestataires risquent encore une fois de perdre une partie importante de leurs prestations en frais si le provisionnement de la carte et chaque opération sont assortis de frais.

    Autre problème, les migrants risquent de perdre ou de se faire voler leur carte de prestataire. Ceux qui ont de la difficulté à gérer un compte bancaire ne seront pas nécessairement plus capables de gérer une carte de prestataire et ceux que les guichets automatiques et les services financiers intimident en raison de leur manque de connaissances financières peuvent avoir les mêmes difficultés avec les cartes de prestataire. Comme l’explique une personne qui travaille avec des personnes à faible revenu, les cartes de prestataire sont utiles à ceux qui ne « perdent pas tout » et qui sont à l’aise avec la technologie, mais il y en a pour qui la technologie ne sera jamais une bonne solution parce qu’ils ont besoin de plus de services personnalisés, pas moins.

    On a également pris soin de préciser à la Commission que, compte tenu des préjugés qui entachent l’aide sociale et du mauvais traitement que reçoivent souvent les prestataires de l’aide sociale, il sera essentiel que les cartes de prestataire soient conçues de façon à ne pas révéler le fait que le titulaire de la carte est prestataire de l’aide sociale.

    Il sera également nécessaire de prendre des mesures pour protéger la vie privée des titulaires de carte et pour informer ceux-ci de ces mesures pour parer à tout soupçon que l’Administration puisse contrôler les dépenses en sachant où les cartes ont été utilisées.

    Tout programme de cartes de prestataire doit donc tenir compte des inquiétudes qui existent sur le plan des préjugés et de la protection de la vie privée, comprendre des mesures de formation et de soutien pour la transition vers la nouvelle technologie et faire en sorte que les cartes offrent bien un moyen meilleur et moins cher d’accéder aux prestations.

     

    E. Les ententes d’indemnisation

    Dans le cadre d’une entente d’indemnisation, les institutions financières qui remplissent certains critères en matière d’identification lorsqu’elles encaissent un chèque sont assurées de son paiement par l’organisme qui l’a émis. Les ententes d’indemnisation ont des structures et des conditions de garantie différentes. Le gouvernement fédéral en a conclu une officiellement avec les grandes banques, tout comme la Colombie-Britannique, l’Alberta et le Québec. Le Nouveau-Brunswick a une entente d’indemnisation informelle. Les administrations locales ontariennes ont également conclu des ententes d’indemnisation informelles.

     

    1. Les ententes d’indemnisation officielles : le gouvernement fédéralK

    L’entente d’indemnisation fédérale est l’exemple le plus général d’entente d’indemnisation officielle qui existe au Canada.

    Dans le cadre de sa stratégie plus globale visant à accroître l’accès aux services financiers, le gouvernement fédéral a conclu une entente d’indemnisation officielle avec les grandes banques à l’égard des chèques d’au plus 1 500 $. Ainsi, les personnes qui ne font affaire avec aucune banque peuvent encaisser des chèques du gouvernement fédéral de 1 500 $ ou moins dans n’importe quelle banque tant qu’elles présentent les pièces d’identité exigées. Cette entente ne vise que les chèques destinés aux particuliers et exclut les chèques commerciaux[128].

    Les exigences en matière d’identification sont énoncées dans le Règlement sur l’accès aux services bancaires de base[129]. Les Ontariens qui veulent encaisser un chèque du gouvernement fédéral doivent présenter deux des documents suivants, délivrés par un ordre de gouvernement canadien :

    un permis de conduire canadien,
    un passeport canadien,
    un certificat de citoyenneté canadienne ou de naturalisation,
    une carte de résident permanent,
    un certificat de naissance délivré au Canada,
    un numéro d’assurance sociale,
    une carte de sécurité de la vieillesse,
    un certificat de statut d’Indien,
    une carte d’identité d’employé avec photo,
    une carte bancaire émise par un membre de l’Association canadienne de paiements,
    une carte de crédit émise par un membre de l’Association canadienne de paiements,
    une carte de l’Institut national canadien pour les aveugles,
    un passeport étranger.

    Quiconque ne peut fournir deux des documents susmentionnés peut n’en présenter qu’un seul comportant sa photo et sa signature, si son identité est aussi confirmée par un particulier jouissant d’une bonne réputation dans la communauté.

    Les institutions financières ne sont pas tenues d’encaisser un chèque dans l’un ou l’autre des cas suivants :

    · le chèque n’est pas un effet admissible au sens des règles de l’Association canadienne des paiements;

    · la banque a des motifs raisonnables de croire qu’il y eu fraude ou qu’une illégalité a été commise relativement au chèque;

    · le chèque semble avoir été contrefait ou altéré de quelque manière[130].

    Fait intéressant, si elle vise les chèques contrefaits ou endossés frauduleusement, l’entente d’indemnisation ne s’applique pas aux chèques qui ont été frauduleusement altérés[131]. La banque doit assumer le coût de la fraude que ses propres procédés ne repèrent pas avant l’encaissement du chèque.

    La succursale bancaire qui a encaissé le chèque frauduleux refusé doit essayer en premier lieu de recouvrer les fonds avant de pouvoir présenter une demande de règlement dans le cadre de l’entente d’indemnisation[132].

    La banque qui refuse d’encaisser un chèque du gouvernement fédéral doit remettre au client un avis écrit motivé de sa décision, où elle lui explique son droit de porter plainte à l’ACFC[133]. L’ACFC se livre régulièrement à des évaluations mystères pour s’assurer du respect de cette exigence. La plus récente de ces évaluations a révélé un taux de réussite de 91 p. 100 pour ce qui est de l’encaissement des chèques du gouvernement fédéral. Selon l’ACFC, le principal motif du refus d’encaisser un chèque du gouvernement fédéral est l’incertitude des employés de la banque quant aux exigences en matière d’identification et, dans certains cas, l’exigence par la banque de plus de pièces d’identité que ne l’exige le Règlement sur l’accès aux services bancaires de base. L’ACFC rapporte un très faible taux de conformité à l’exigence voulant que les banques remettent un avis écrit de leur décision lorsqu’elles refusent d’encaisser un chèque[134].

    L’entente d’indemnisation est jumelée à l’interdiction, prévue par la Loi, de demander des frais pour encaisser des chèques du gouvernement fédéral[135]. Nous traitons plus longuement de cette interdiction dans la section ultérieure qui porte sur la réglementation des frais.

     

    2. Les ententes d’indemnisation informelles

    Il y a longtemps que le Nouveau-Brunswick a conclu une entente d’indemnisation informelle avec les banques en ce qui concerne les chèques émis par le ministère du Développement social. Cette entente est plus ciblée que celle du gouvernement fédéral puisqu’elle ne vise que les prestations de l’aide sociale. Elle prévoit que le porteur du chèque doit présenter sa carte d’assurance-maladie au caissier; le ministère veille à ce que les prestataires aient cette pièce d’identité. Pour faciliter l’application de l’entente d’indemnisation, les chèques de prestations sont de différentes couleurs. Comme tous les chèques sont émis en même temps tous les mois, il est plus facile pour les banques de savoir lesquels sont visés par l’entente d’indemnisation.

    En Ontario, plusieurs administrations locales responsables du programme d’aide sociale Ontario au travail ont conclu des ententes d’indemnisation informelles, le plus souvent avec une seule succursale d’une banque ou d’une caisse, généralement celle qui est proche des bureaux du fournisseur de services et où ce dernier dépose ses propres fonds. Pour des raisons de protection de la vie privée, les fournisseurs de services ne vérifient pas l’identité des prestataires de l’aide sociale, mais vont habituellement leur remettre une lettre attestant qu’un chèque a bien été délivré à la personne qui y est nommée. Comme nous le mentionnons ailleurs, les fournisseurs de l’aide sociale aident aussi habituellement les prestataires à obtenir des pièces d’identité valides qui leur permettront d’ouvrir des comptes bancaires et d’encaisser des chèques.

    La cité de Toronto a quant à elle conclu une entente d’indemnisation avec la Banque royale qui vise, non seulement les chèques d’aide sociale, mais aussi tous les chèques émis par la cité. Cette entente permet aux prestataires de l’aide sociale d’encaisser leurs chèques de prestations sans frais dans toutes les succursales de la Banque royale (de même qu’aux deux comptoires Cash & Save) sur présentation de pièces d’identité adéquates.

     

    3. L’utilité des ententes d’indemnisation : une évaluation

    Les personnes consultées ont largement convenu que les ententes d’indemnisation sont un moyen d’améliorer la capacité des personnes à faible revenu d’avoir accès sans frais aux fonds que l’État leur accorde. Le consensus est que ces ententes sont une option très prometteuse. Le Groupe de travail sur l’avenir du secteur des services financiers canadien recommande aux administrations qui n’ont pas encore conclu de telles ententes de le faire[136] et l’Association des banquiers canadiens a apporté son soutien à ces ententes[137].

    La Clinique juridique communautaire Ottawa Centre a souligné que les ententes d’indemnisation conclues avec des institutions financières ordinaires encourageront les personnes à faible revenu à tisser des liens avec ces institutions et à les considérer comme utiles, ce qui jouera en faveur de la réalisation de l’objectif général qui est d’encourager ces personnes à utiliser les services bancaires de façon permanente.

    Les ententes d’indemnisation ne sont toutefois utiles que lorsque les personnes concernées peuvent avoir un accès raisonnable à une succursale d’une institution financière ordinaire. Elles ne sont donc guère pertinentes dans de nombreuses collectivités éloignées du Nord dont ces institutions sont largement absentes. Ces ententes ne constituent donc qu’un remède partiel aux obstacles qui gênent l’accès aux prestations publiques; elles devront s’accompagner de mesures qui répondent aux besoins de ces collectivités.

    Certains s‘inquiètent du fait que le mode même de prestation du programme Ontario au travail soit un obstacle à la conclusion d’une entente provinciale d’indemnisation. En Ontario, contrairement à ce qui se fait dans les autres provinces, l’aide sociale est une responsabilité partagée entre la province et les municipalités. Alors que les prestations du POSPH sont versées par la province, celles du programme Ontario au travail le sont par les municipalités et les conseils d’administration de district des services sociaux. On ne sait pas si une entente d’indemnisation conclue entre la province et les institutions financières ordinaires viserait les prestataires du programme Ontario au travail.

    Dans le cadre des accords actuels de partage des coûts, la province finance 80 p. 100 du coût des prestations du programme Ontario au travail et 50 p. 100 de ses coûts administratifs. Elle finance 100 p. 100 du coût des prestations du POSPH et 50 p. 100 de ses coûts administratifs.

    Le programme Ontario au travail est régi par une loi provinciale, la Loi de 1997 sur le programme Ontario au travail. Cette loi donne au ministre le pouvoir de désigner des agents de prestation des services (soit les municipalités, les bandes et des conseils prescrits) qui exercent les pouvoirs et les fonctions prévus par la Loi, chacun dans une zone géographique précisée. Ces agents sont chargés de recevoir les demandes d’aide, de déterminer l’admissibilité, d’ordonner la fourniture de l’aide et d’exercer les autres fonctions prescrites. Ils sont également chargés d’élaborer les processus permettant de prévenir et de réprimer la fraude et, en général, de prévenir le détournement de l’aide sociale. L’article 45 permet aux agents de prestation des services de conclure des ententes à l’égard de toute question relative à l’application de la Loi ou à la fourniture de l’aide dans leur zone géographique. À première vue, c’est donc cette disposition qui les autorise à conclure des ententes d’indemnisation locales.

    Le directeur du programme Ontario au travail, qui est nommé par le ministre, est chargé de superviser l’application de la Loi et la fourniture de l’aide par les agents de prestation des services, mais également de déterminer le mode de répartition du paiement des coûts de cette application et de cette fourniture. Il a également, tout comme les agents de prestation des services dans le cadre de l’article 45, le pouvoir de conclure des ententes à l’égard de toute question relative à l’application de la Loi et à la fourniture de l’aide. Il ne semble donc pas que le pouvoir conféré aux agents de prestation des services l’emporte sur celui de conclure des ententes semblables qui est conféré au gouvernement provincial.

    La réussite des ententes d’indemnisation dépend de quatre facteurs :

    1. Les exigences en matière d’identification : Les ententes d’indemnisation dépendent beaucoup des exigences en matière d’identification comme moyen de prévenir la fraude et donc de limiter leur coût. Elles ne réussiront donc que si elles s’accompagnent de mesures visant à améliorer l’accès à des pièces d’identité. À défaut de quoi, ceux qui ne peuvent ouvrir de compte bancaire par manque de pièce d’identité ne pourront, pour la même raison, profiter de ces ententes. Dans son mémoire, le Centre de défense de l’intérêt public déclare que ces ententes s’appuient sur le fait que le consommateur aura les pièces d’identité nécessaires et acceptables pour se faire servir par les établissements bancaires.

    2. Les mesures de sensibilisation des consommateurs : Les consommateurs ne pourront de prévaloir des ententes d’indemnisation que s’ils en connaissent l’existence : comme nous l’avons déjà fait remarquer, une enquête menée en 2006 pour l’ACFC révèle que les trois quarts des répondants ignoraient s’il en coûtait quelque chose pour encaisser un chèque du gouvernement fédéral et que seulement 22 p. 100 d’entre eux savaient que cela était gratuit[138]. Une autre enquête menée pour l’ACFC, en 2005 celle-là, indique que 26 p. 100 des répondants qui avaient eu recours à un bureau d’encaissement de chèques l’avaient fait pour encaisser un chèque du gouvernement fédéral; cette enquête ne leur avait toutefois pas demandé s’ils savaient qu’ils auraient pu le faire sans frais dans une banque[139]. Les fournisseurs de l’aide sociale pourraient, par exemple, joindre aux chèques de prestations des dépliants d’information sur les ententes d’indemnisation. Il pourrait également être utile de former et d’informer ceux qui offrent des services de première ligne aux personnes qui touchent des prestations publiques.

    3. La portée des ententes d’indemnisation : Les ententes d’indemnisation devraient avoir, de par leurs termes même, une portée réaliste. Selon le ministère des Services sociaux et communautaires, elles devraient se fonder sur une analyse des chèques émis le plus souvent – par exemple, le plafond fédéral de 1 500 $ exclurait un certain nombre de prestataires du POSPH.

    4. La formation du personnel des institutions financières : La plus récente évaluation mystère de l’ACFC a révélé que presque un dixième des clients mystères qui ont tenté d’encaisser un chèque dans le cadre de l’entent d’indemnité fédérale ont essuyé à tort un refus[140]. Il serait donc utile que le personnel de première ligne reçoive la formation et les rappels nécessaires pour bien respecter les ententes d’indemnisation.

     

    F. La réglementation des frais
    1. Les textes visant l’encaissement des chèques au Canada

    Bien que pouvant être des stratégies distinctes pour s’attaquer à la question des frais d’encaissement des chèques, la réglementation et les ententes d’indemnisation sont souvent liées. Pout tenir compte du risque associé à l’encaissement des chèques, l’interdiction des frais d’encaissement est généralement jumelée à des ententes d’indemnisation; la réglementation a un effet différent selon qu’il existe une entente d’indemnisation ou non.

    La réglementation des frais d’encaissement des chèques relève de la compétence provinciale parce que c’est un aspect de la protection du consommateur. Le premier texte provincial visant les frais d’encaissement des chèques, celui du Québec, a fait l’objet d’une attaque fondée sur la Constitution qui a échoué. Money Mart (présente au Québec sous le nom d’INSTA-chèques), a plaidé que la loi québécoise qui interdit les frais d’encaissement des chèques du gouvernement ne relevait pas de la compétence provinciale puisqu’elle traitait de lettres de change, question de compétence fédérale dans le cadre de la Constitution canadienne. La Cour d’appel du Québec, confirmant des décisions de première instance, a rejeté la plaidoirie de Money Mart. Elle a jugé que la loi tombait dans le champ de compétence de la province puisque son objet était la protection du consommateur et qu’elle ne touchait qu’incidemment aux lettres de change[141].

    Les mécanismes réglementaires vont avoir un impact différent selon les entités qui sont réglementées, les sortes de chèques visés, les mécanismes d’exécution prévus et les autres mesures qui les accompagnent. Cinq autorités législatives canadiennes ont réglementé les frais d’encaissement des chèques du gouvernement ou sont sur le point de le faire. Chacune de ces autorités a choisi une démarche différente.

    Le gouvernement fédéral interdit aux banques de demander des frais d’encaissement pour les chèques d’au plus 1 500 $ et a accompagné cette interdiction d’une entente d’indemnisation conclue avec ces institutions.
    Le Québec interdit à quiconque de demander des frais pour encaisser des chèques du gouvernement et indemnise les institutions financières ordinaires.
    Le Manitoba a réglementé les frais d’encaissement des chèques du gouvernement en les plafonnant.
    La Colombie-Britannique est en train de réglementer les frais d’encaissement des chèques du gouvernement et de conclure, en même temps, une entente d’indemnisation avec les institutions financières ordinaires.
    La Saskatchewan considère que Money Mart et les entreprises semblables sont des sociétés de financement (financing corporations) au sens de sa loi sur les sociétés de prêt et de fiducie (Trust and Loan Corporations Act, 1997) et qu’elles sont donc tenues d’être titulaires d’un permis dans le cadre de cette loi. À l’article 30, celle-ci soumet les titulaires de permis à l’interdiction fédérale des frais d’encaissement de chèques. Les services d’encaissement de chèques présents en Saskatchewan ne peuvent donc pas demander des frais pour encaisser des chèques du gouvernement fédéral.

    Le cadre de réglementation fédéral

    Le gouvernement fédéral interdit depuis longtemps de demander des frais pour l’encaissement de ses chèques[142]. L’interdiction actuelle se trouve dans la Loi sur les banques[143], qui interdit aux banques de réclamer des frais pour l’encaissement d’un chèque ou autre effet tiré sur le receveur général ou pour l’encaissement de tout autre effet émis à titre d’autorisation de paiement de fonds sur le Trésor public. Depuis 2001, la Loi sur les banques oblige en outre les banques à encaisser sans frais les chèques du gouvernement fédéral d’au plus 1 500 $ à la demande de quiconque remplit les conditions prescrites, qu’il soit ou non client de la banque en question[144].

    Ces dispositions s’accompagnent d’une entente d’indemnisation qui, comme nous l’avons expliqué dans la section précédente, protège les banques contre le risque de fraude posé par ces chèques.

    Il est essentiel de noter que l’interdiction des frais et l’entente d’indemnisation s’appliquent seulement aux institutions visées par la Loi sur les banques. Il n’est pas interdit aux entreprises de SFP d’exiger des frais pour l’encaissement de chèques et elles ne sont pas indemnisées si elles encaissent des chèques frauduleux. En fait, elles continuent d’encaisser les chèques du gouvernement fédéral et d’exiger leurs frais habituels pour ce faire : une enquête menée par l’ACFC en 2005 révèle que plus d’un quart des répondants qui ont fait affaire avec un bureau d’encaissement de chèques l’avaient fait pour encaisser un chèque du gouvernement fédéral[145].

    Le Québec

    C’est depuis 1978 que le Québec interdit d’exiger des frais pour encaisser des chèques du gouvernement[146]. Cette interdiction s’applique aux institutions financières ordinaires, aux entreprises de SFP et à tous les commerçants, ce qui inclut également des entreprises telles que les prêteurs sur gages[147]. Elle se voulait une mesure de justice sociale visant à soutenir les plus défavorisés.

    Ces dispositions visent les chèques émis non seulement par le gouvernement du Québec, mais aussi par le gouvernement fédéral et les municipalités, mais non, toutefois, ceux émis par d’autres provinces. Contrairement au gouvernement fédéral, le Québec ne plafonne pas le montant des chèques visés.

    Les amendes en cas d’infraction à la Loi peuvent aller de 600 $ à 15 000 $ et peuvent être doublées en cas de récidive[148].

    Le gouvernement du Québec a également conclu avec les institutions financières ordinaires (mais non avec les entreprises de SFP) une entente d’indemnisation qui reprend le plafond fédéral de 1 500 $.

    Les textes québécois ont été traînés devant les tribunaux par Money Mart après qu’un de ses bureaux INSTA-Chèques a été accusé d’avoir exigé des frais pour encaisser deux chèques d’aide sociale. Comme nous l’avons déjà expliqué, INSTA-Chèques a plaidé sans succès que la Loi ne la visait pas et était inconstitutionnelle parce qu’elle empiétait sur la compétence fédérale. La Cour d’appel du Québec a jugé que la Loi entrait dans le champ d’un cadre de protection du consommateur puisqu’elle réprimait une pratique de commerce jugée abusive. La Cour a également confirmé la légitimité d’une mesure législative qui visait à interdire une pratique de commerce jugée socialement inacceptable, particulièrement en raison de l’absence de risque lors de l’encaissement des chèques du gouvernement[149].

    Suite à la décision de la Cour d’appel, INSTA-Chèques a annoncé sa décision de ne plus encaisser les chèques du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial et des municipalités et de ne plus accepter que les chèques de paie. Elle a également fermé de nombreuses succursales au Québec[150].

    La démarche québécoise dans cette question doit être comprise dans le cadre de sa culture financière, dans laquelle un fort mouvement de caisses communautaires joue un grand rôle. Les caisses populaires ont comme mission de desservir les consommateurs francophones, ruraux et à faible revenu ainsi que les petites entreprises, et de répondre à leurs besoins. Aujourd’hui, le Mouvement Desjardins est le plus grand groupe financier coopératif intégré au Canada, avec un actif de 144 milliards de dollars[151]. Les Québécois à faible revenu sont plus susceptibles de jouir de services bancaires que leurs pendants dans le reste du Canada; selon une enquête menée en 2002 par le Centre de défense de l’intérêt public, seulement 2,5 p. 100 des adultes québécois ayant un revenu de moins de 25 000 $ n’avaient pas de compte bancaire, contre 10,4 p. 100 dans le reste du pays[152]. Une enquête mené en 1996 par l’Association coopérative d’économie familiale, groupe montréalais de protection des consommateurs, a établi un lien direct entre la souplesse des règles du Mouvement Desjardins en matière d’ouverture des comptes et d’encaissement des chèques et la faiblesse du nombre des Québécois qui sont sans services bancaires[153].

    Le Manitoba

    Le Manitoba a récemment adopté des dispositions législatives qui lui permettent de plafonner les frais exigés par n’importe quel établissement qui encaisse des chèques du gouvernement[154]. Ces dispositions visent les chèques émis par le gouvernement fédéral, par le Manitoba, par les administrations municipales et par tout organisme gouvernemental désigné dans les règlements. Toute infraction entraîne une amende pouvant aller de 1 000 $ à 5 000 $[155]. L’effet conjugué des textes fédéral et manitobain est que les chèques du gouvernement fédéral peuvent être encaissés sans frais dans une banque, mais sont assujettis au plafond manitobain s’ils sont encaissés dans un bureau d’encaissement de chèques. En théorie, les banques, comme les autres fournisseurs de ce service, pourraient exiger les frais maximaux pour encaisser les chèques de la province et des municipalités.

    Les textes manitobains visent à faire en sorte que les consommateurs puissent profiter au maximum de leurs chèques du gouvernement, compte tenu des plaintes suscitées par les frais élevés exigés par les entreprises de SFP pour encaisser des chèques[156]. Le gouvernement a déposé vers la même époque un texte visant à réglementer les prêts sur salaire, preuve des inquiétudes soulevées généralement par les entreprises de SFP[157].

    La loi manitobaine autorise la Régie des services publics du Manitoba à fixer le montant maximal des frais en fonction des besoins qu’ont à l’égard de leur entreprise ceux qui encaissent des chèques moyennant le versement de frais, des risques posés par l’encaissement de chèques du gouvernement et d’autres données ou facteurs pertinents ou liés à l’intérêt public. La Régie rend ses ordonnances à la suite d’audiences publiques et doit les réexaminer tous les trois ans ou en cas de changement des circonstances ou de présentation de nouveaux éléments de preuve.

    Le Manitoba n’a pas conclu d’entente d’indemnisation. Pendant les débats qui ont précédé l’adoption du projet de loi à l’Assemblée législative, certains députés se sont inquiétés du fait que les banques et les autres institutions financières ordinaires qui n’avaient pas jusque là exigé de frais pour encaisser des chèques risquent de se mettre à le faire dans le cadre des nouveaux textes[158]. La Régie des services publics a fortement incité les institutions qui n’exigeaient pas de frais ou qui demandaient des frais moins élevés de continuer à le faire[159].

    La Régie des services publics du Manitoba a rendu sa première ordonnance le 28 mai 2007[160]. Le montant maximal des frais a alors été fixé à 3 $, plus 2 p. 100 du montant du chèque, sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

    · le chèque fait l’objet d’une retenue de fonds, auquel cas le montant maximal est le moindre de 5 $ et de la somme de 3 $ et de 2 p. 100 du montant du chèque;

    · le chèque est encaissé à la condition que la personne achète des produits ou des services dont la valeur représente 10 p. 100 ou plus du montant du chèque, auquel cas aucuns frais ne peuvent être exigés.

    Ces frais sont considérablement moins élevés que ceux exigés actuellement par Money Mart ou CashMoney en Ontario, qui sont de 2,99 $ plus 2,99 p. 100 du montant du chèque. Par exemple, un chèque de 500 $ coûterait 17,94 $ à encaisser chez Money Mart ou Cash Money en Ontario, contre 13 $ sous le régime de l’ordonnance de la Régie manitobaine. Il en coûterait 577,57 $ par an à une mère célibataire touchant des chèques du programme Ontario au travail et de la Prestation ontarienne pour enfants totalisant 1 510 $ par mois pour encaisser ses chèques au tarif actuel, alors qu’elle ne paierait que 398,40 $ par an pour le faire au Manitoba, soit une différence de 179,17 $.

    En situant son mandat de fixer les frais d’encaissement des chèques du gouvernement dans le contexte plus large de l’accès aux services financiers, la Régie a, dans son ordonnance, fait plusieurs recommandations visant à faire en sorte que les Manitobains aient les outils nécessaires pour accéder aux services financiers ordinaires, ce qui réduirait leur dépendance à l’égard des bureaux de SFP. Elle recommande ainsi :

    que le gouvernement provincial donne aux prestataires de l’aide sociale :
    une pièce d’identité avec photo, et ce gratuitement;
    des conseils en matière financière, y compris sur le coût de l’encaissement des chèques;
    de l’aide pour ouvrir des comptes dans des banques ou des caisses;
    des encouragements à toucher leurs prestations publiques par virement automatique;
    que les banques et les caisses offrent des comptes à coût modique aux prestataires de l’aide sociale;
    que le gouvernement et les institutions financières ordinaires concluent une entente d’indemnisation visant les chèques d’au plus 1 000 $;
    que les entreprises de SFP soient tenues d’obtenir un permis;
    que l’Office de la protection du consommateur rédige un code de déontologie à l’intention des entreprises d’encaissement de chèques et informe le grand public sur l’encaissement des chèques[161].

    Ces textes étant très récents, leurs effets à long terme sont difficiles à évaluer.

    La Colombie-Britannique

    Le projet de loi 27 sur les prêts sur salaire, intitulé Business Practices and Consumer Protection (Payday Loans) Amendment Act, 2007, a été adopté à l’automne 2007, mais n’est pas encore en vigueur. Sa partie 6.2 interdit d’exiger des frais pour encaisser les chèques émis par le gouvernement fédéral, la province ou les municipalités, sauf si les règlements le permettent.

    Comme au Manitoba, la réglementation des frais d’encaissement des chèques est survenue dans le cadre de la tendance à réglementer les prêts sur salaire. Le texte qui réglemente les frais d’encaissement des chèques a, comme objet principal, de réglementer les prêteurs sur salaire et les réactions qu’il a suscitées se sont surtout concentrées sur les questions relatives aux prêts sur salaire.

    Les résultats des consultations publiques menées sur les frais d’encaissement des chèques pendant l’hiver 2007-2008 devraient être annoncés sous peu.

    Contrairement au Manitoba, la Colombie-Britannique a conclu une entente d’indemnisation avec les grandes banques. Les consommateurs peuvent donc soit encaisser leurs chèques dans une banque sans frais, soit les encaisser dans un bureau de SFP moyennant le paiement de frais réglementés.

     

    2. L’expérience américaine

    Comme nous l’avons déjà fait remarquer, le secteur américain de l’encaissement des chèques est plus important, plus ancien et plus intégré aux services ordinaires que le secteur canadien. Aux États-Unis, les bureaux d’encaissement des chèques ne font pas qu’encaisser des chèques et émettre des virements électroniques et des mandats; ils sont également souvent un centre de services municipaux pour, entre autres, les billets de transport en commun, les enregistrements de véhicules automobiles, les prestations de l’aide sociale et les coupons alimentaires.

    Les services et les bureaux d’encaissement de chèques sont plus lourdement réglementés aux États-Unis qu’au Canada. Seulement 15 des 51 autorités législatives américaines ne réglementent pas l’encaissement des chèques[162].

    Certains États exigent que les entreprises d’encaissement de chèques soient inscrites et titulaires d’un permis. Certains imposent des exigences en matière de divulgation et d’affichage de l’information, de publicité, de tenue de livres et d’autres pratiques de commerce[163]. La loi sur l’encaissement des chèques de l’Ohio, intitulée Check Cashing Act, constitue un bon exemple de telles mesures législatives. Les sièges sociaux et chaque emplacement où les chèques sont encaissés doivent être titulaires d’un permis. Des dossiers doivent être conservés pendant deux ans après la date de la dernière opération pour chaque emplacement et être facilement mis à la disposition des services de protection des consommateurs de l’État aux fins d’inspection. Cette réglementation vise à accroître la transparence, à réprimer la fraude et à lutter contre le blanchiment d’argent. En outre, les bureaux d’encaissement de chèques doivent fournir des reçus pour chaque opération d’encaissement, s’identifier clairement comme entreprise d’encaissement de chèques dans leurs communications publicitaires et ne pas utiliser de superlatifs injustifiés dans ces communications. Tout manquement peut entraîner la suspension du permis ou le refus de le renouveler.

    Certains États réglementent les frais demandés pour tous les chèques en prévoyant des frais différents pour les chèques du gouvernement, les chèques de paie et les chèques personnels[164]. D’autres plafonnent les frais par une combinaison de pourcentage et de frais fixes[165]. L’Illinois réglemente les frais en fonction du montant des chèques : les chèques de moins de 500 $ font l’objet de frais de 1,4 p. 100 plus des frais de service de neuf cents, tandis que les autres entraînent des frais de 1,84 p. 100. Certains États permettent des frais plus élevés pour les chèques encaissés sans pièce d’identité, probablement pour que les travailleurs illégaux puissent encaisser leurs chèques de paie[166]. Au Rhode Island, les banques et les caisses doivent encaisser les chèques du gouvernement d’au plus 750 $ sans frais dans le cas des personnes sans services bancaires à la condition qu’elles puissent présenter une pièce d’identité suffisante de l’État.

    Quelques États prévoient des frais uniques d’ouverture de compte, d’adhésion ou de nouveau client qui vont de 5 $ à 10 $[167].

     

    3. L’option de la réglementation : une évaluation

    Dans son mémoire, National Money Mart s’oppose à la réglementation des frais d’encaissement des chèques du gouvernement :

    Le gouvernement devrait mettre l’accent sur l’élargissement de l’accès à l’encaissement de ses chèques. En contrepartie des droits que le gouvernement confère aux banques, caisses et sociétés de fiducie, ces institutions sont tenues d’offrir ce service gratuitement pour les chèques d’au plus 1 500 $. Néanmoins, malgré toutes leurs déclarations de bonne volonté, elles n’ont pas adopté les mesures ou les programmes d’approche nécessaires pour permettre aux Ontariens à faible revenu d’encaisser leurs chèques rapidement et facilement. Si elles le faisaient réellement, les Ontariens à faible revenu ne se sentiraient pas obligés de payer des frais pour obtenir ce service. C’est là que réside tout le problème et c’est là également que se trouve la solution. La solution n’est pas de restreindre les frais des entreprises indépendantes d’encaissement de chèques parce que les banques ont créé des obstacles à l’accès à des services gratuits. [Traduction]

    Central 1 Credit Union estime également que la solution est d’accroître l’accès aux services financiers ordinaires par le biais de programmes tels que le virement automatique plutôt que de plafonner les frais. Toutefois, les autres intervenants s’entendent en général pour dire que, si l’élargissement de l’accès aux services à coût modique d’encaissement des chèques du gouvernement est essentiel, que ce soit par le biais des ententes d’indemnisation, du virement automatique ou de l’élimination des obstacles à l’utilisation des services financiers ordinaires, la réglementation reste quand même le moyen le plus efficace de donner un accès à coût modique aux prestations publiques, voire qu’il en est un moyen essentiel.

    Il y a cependant de grandes divergences d’opinion quant à la question de savoir s’il est préférable d’interdire les frais ou de les plafonner :

    Les mesures législatives permettant de gérer les frais d’encaissement des chèques sont la meilleure option qui existe aujourd’hui. Grâce à un tel régime, l’Ontario pourrait plafonner les frais exigibles et mettre sur pied des organismes administratifs qui fixeraient ces plafonds lors d’audiences publiques. Cette solution ne devrait toutefois pas être préférée à celle qu’a adoptée le Québec, où il est totalement interdit d’exiger des frais pour encaisser un chèque émis par le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial ou une municipalité. Cette dernière solution est en soi la plus efficace et la plus simple pour répondre aux besoins des consommateurs ontariens vulnérables. [Traduction]

    Centre de défense de l’intérêt public

    Nous pensons que les entreprises d’encaissement de chèques sont là pour de bon. Nous sommes donc en faveur de l’adoption de mesures législatives semblables à celle du Manitoba. Ces dispositions fixeraient le montant maximal des frais que ces entreprises peuvent exiger pour encaisser des chèques. [Traduction]

    Clinique juridique communautaire Ottawa Centre

    Plusieurs personnes consultées représentant tout un éventail de points de vue se sont inquiétées du fait que l’interdiction des frais pousserait les entreprises de SFP à cesser d’offrir ce service.

    Si le gouvernement choisit de s’immiscer dans le marché, le résultat inévitable sera le retrait ou la restriction des services financiers offerts à certaines personnes. Le document de consultation donne l’exemple d’une mère célibataire qui économiserait 11,53 $ sur un chèque de 1 166 $ sous le régime manitobain. Ce que le document ne mentionne pas, c’est qu’un certain nombre de personnes ne pourront plus encaisser leurs chèques en raison d’exigences plus strictes en matière d’identification, de la moins grande tolérance au risque des sociétés et de la réduction du nombre des emplacements offrant le service par suite de la concentration du secteur ou de l’élimination du service de l’éventail des produits financiers offerts par certaines sociétés. [Traduction]

    National Money Mart

    Selon ces entreprises, il y aura toujours des personnes sans services bancaires et l’abandon, par les entreprises de SFP, de l’encaissement des chèques pourrait causer de réelles difficultés, tout particulièrement pour les résidents des collectivités éloignées, qui n’ont guère accès à des institutions financières ordinaires.

    D’autres estiment que le revenu des prestataires de l’aide sociale est si faible que, quel qu’en soit le montant, tous les frais exigés pour avoir accès aux prestations sont excessifs. Selon eux, les risques associés à l’encaissement des chèques du gouvernement ne devraient pas être assumés par les personnes à faible revenu, cette situation étant éminemment critiquable sur le plan de la politique sociale.

    En outre, l’interdiction des frais s’harmoniserait très bien avec le régime fédéral. Certains pensent qu’un régime qui permet des frais pour l’encaissement de certains chèques seulement porterait probablement à confusion.

    Le jumelage de mesures législatives fixant les frais d’encaissement de chèques à la conclusion d’ententes d’indemnisation avec les institutions financières ordinaires, comme en Colombie-Britannique, offrirait un éventail d’options aux consommateurs. Par ailleurs, on a fait remarquer à la Commission que l’on réglemente habituellement le service, et non l’institution; il serait incohérent et, de nouveau, probablement mêlant pour les consommateurs d’avoir des régimes différents pour les entreprises de SFP et pour les institutions financières ordinaires. Il faut souligner toutefois que, si les fournisseurs de services financiers ordinaires et de services financiers parallèles offrent tous des services qui permettent aux consommateurs d’avoir accès à des fonds versés par chèque, ils le font de façon fondamentalement différente. Les institutions financières ordinaires donnent accès à ces fonds dans des conditions présentant relativement peu de risque, dans le cadre d’un ensemble de services liés à leurs fonctions d’institution de dépôt; les entreprises de SFP, elles, offrent un service plus simple, mais dans des conditions relativement plus risquées.

    Comme le fait remarquer le ministère des Services sociaux et communautaires, la fixation des frais demanderait un régime réglementaire complexe :

    L’option législative peut exiger un régime de délivrance de permis aux entreprises d’encaissement de chèques, un mécanisme pour fixer le plafond des frais et des procédés d’inspection et d’exécution. [Traduction]

    Un tel régime est toutefois mis actuellement en place pour réglementer les services de prêts sur salaire, qui sont généralement offerts par les mêmes entreprises qui fournissent des services d’encaissement de chèques. On pourrait donc tirer parti de ce nouveau cadre de réglementation, destiné à surveiller les prêts sur salaire, pour réglementer les services d’encaissement de chèques. Par ailleurs, il faudra tenir compte de l’incidence de la réglementation des prêts sur salaire sur les aspects économiques de ces entreprises lors de l’examen de l’opportunité de plafonner les frais d’encaissement de chèques.

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