Les inquiétudes soulevées par le frais d’encaissement des chèques ont donné lieu à quatre types d’interventions. Toutes ces interventions ont été mises en œuvre dans un ou plusieurs ressorts canadiens. Elles ne sont pas absolument exclusives et certains ressorts en ont adopté plus d’une à la fois.

 

A. Sensibilisation du consommateur

Les recherches de l’ACFC indiquent qu’une partie importante des consommateurs ne connaît pas ses droits à l’égard des institutions financières ordinaires, ignore le coût comparatif des services d’encaissement de chèques et n’est pas sensibilisé aux recours qui existent en cas d’insatisfaction ou de plainte à l’égard des services bancaires. On voit là la preuve de l’importance de bien communiquer avec les consommateurs, surtout les plus vulnérables, sur leurs droits et leurs options. L’Ontario a récemment adopté des règles concernant les renseignements qui doivent être fournis aux clients des services de crédit sur salaire pour faire en sorte que les consommateurs aient l’information nécessaire pour faire des choix éclairés. Certains organismes sans but lucratif ont lancé des projets pour accroître la capacité financière des personnes à faible revenu.[31] De telles initiatives pourraient être utiles pour dissiper les inquiétudes soulevées par les frais d’encaissement de chèques. Par exemple, les sociétés d’encaissement de chèques pourraient être tenues d’informer les personnes qui encaissent des chèques du gouvernement fédéral du fait que les banques offrent ce service sans frais. Toutefois, la sensibilisation du consommateur ne réussira pas seule à éliminer les obstacles à l’accès aux institutions financières ordinaires, qu’il s’agisse des préjugés défavorables à l’égard des personnes à faible revenu, des retenues de fonds sur les chèques, des règles concernant les pièces d’identité ou du manque d’emplacements commodes.

 

B. Programmes de virement automatique

Le virement automatique des effets du gouvernement est l’un des moyens d’éviter d’avoir à encaisser un chèque. Plusieurs ressorts ont de plus en plus recours à cette méthode dans le cas des allocations d’assistance sociale, que ce soit sous l’effet de politiques obligatoires ou par le biais de programmes volontaires. Certains ressorts ont également fait l’essai des cartes de débit comme mode de paiement des allocations d’assistance sociale. Quant à elle, l’Alberta a adopté un régime obligatoire de virement automatique.[32]

Le virement automatique offre de nombreux avantages. Il réduit les frais d’administration et le risque de fraude pour les programmes d’assistance sociale, il réduit les fardeaux et les risques pour les institutions financières et il est plus pratique pour les bénéficiaires. Le Groupe de travail sur l’avenir du secteur des services financiers canadien a recommandé aux pouvoirs publics de généraliser le recours au virement automatique pour tous les programmes gouvernementaux qui offrent des allocations périodiques.

Le virement automatique ne se prête toutefois pas aux versements d’urgence ou de courte durée. En outre, il doit être combiné à des efforts visant à éliminer les obstacles à l’accès aux services bancaires que rencontrent les bénéficiaires des allocations. Par exemple, quand elle a adopté le virement automatique obligatoire, l’Alberta s’est souciée activement de donner aux bénéficiaires accès à des pièces d’identité à coût modique.

 

C. Ententes d’indemnisation

Dans le cadre d’une entente d’indemnisation, l’institution financière qui répond à certains critères à l’égard des règles concernant les pièces d’identité requises lors de l’encaissement des chèques est assurée que le chèque sera honoré par l’organisme émetteur. Le gouvernement fédéral, la Colombie-Britannique, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick ont conclu avec les grandes banques des ententes d’indemnisation formelles et informelles, qui permettent à des personnes qui ne sont pas clientes de la banque d’encaisser des chèques en présentant les pièces d’identité requises. Les ententes d’indemnisation conclues par le gouvernement fédéral ne concernent que les chèques d’au plus 1 500 $.

Le Groupe de travail sur l’avenir du secteur des services financiers canadien a recommandé que les gouvernements qui n’ont pas encore conclu d’ententes d’indemnisation le fassent au plus tôt et l’Association des banquiers canadiens a manifesté son soutien à l’égard d’une telle initiative.[33]

 

D. La réglementation des frais d’encaissement de chèques par voie législative

Quatre ressorts canadiens ont adopté des mesures législatives qui réglementent les frais exigés pour encaisser des chèques du gouvernement. Deux d’entre eux réglementent ces frais et deux autres les interdisent.

Le Manitoba et la Colombie-Britannique ont récemment adopté des projets de loi qui plafonnent les frais d’encaissement des chèques du gouvernement. La loi manitobaine permet à la Régie des services publics de tenir des audiences publiques pour fixer les frais d’encaissement des chèques émis par les gouvernements fédéral et provincial, par les administrations locales et par les organismes gouvernementaux.[34] La Régie des services publics a rendu, en mai 2007, une ordonnance qui fixe le plafond des frais d’encaissement de chèques à des frais de transaction de 3 $ et à 2 pour 100 du montant du chèque.

En Colombie-Britannique, le projet de loi 27, intitulé Business Practices and Consumer Protection (Payday Loans) Amendment Act, 2007, a reçu la troisième lecture le 23 octobre 2007, mais n’est pas encore en vigueur. La partie 6.2 de la Loi interdit d’exiger des frais pour l’encaissement des chèques émis par les gouvernements fédéral et provincial, par les administrations locales et par les organismes gouvernementaux, sauf selon ce que permettent les règlements. La province a lancé des consultations publiques sur la teneur de ces règlements et devrait bientôt rendre publics les résultats de ces consultations.

Parallèlement à l’entente d’indemnisation qu’il a conclu avec les banques, le gouvernement fédéral leur interdit de demander des frais d’encaissement aux personnes qui ne sont pas des clientes de la banque dans le cas des chèques fédéraux de moins de 1 500 $. La personne qui présente le chèque doit fournir les pièces d’identité requises. La banque n’est pas tenue d’encaisser les chèques s’il existe des preuves que le chèque a été altéré ou est contrefait ou si elle a des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu fraude ou qu’une illégalité a été commise relativement au chèque. Lorsqu’elle refuse d’encaisser un chèque, la banque doit remettre au particulier concerné un avis écrit motivant son refus et expliquant qu’il peut porter plainte auprès de l’ACFC.[35] L’ACFC se livre périodiquement à des évaluations mystères pour savoir dans quelle mesure les banques observent ces exigences. Les derniers résultats indiquent un taux d’observation de 91 pour 100 pour ce qui est de l’encaissement des chèques du gouvernement fédéral.[36]

Le Québec dispose depuis longtemps de mesures législatives sur la question : sa Loi sur la protection du consommateur interdit en effet d’exiger des frais pour l’échange ou l’encaissement de chèques émis par le gouvernement du Québec, par celui du Canada ou par une municipalité.[37] Chose intéressante, le Québec peut également se targuer d’un pourcentage de personnes sans services bancaires moins élevé que la moyenne nationale et d’un taux d’utilisation plus faible des établissements d’encaissement de chèques. On attribue cette situation particulière à la présence des caisses populaires dans la société québécoise.[38]

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