Presque tous s’entendent pour dire que la confusion entourant le partage des régimes de retraite après le mariage devrait être abordée sur le plan législatif, mais, malheureusement, aucune unanimité ne se dégage quant au choix des solutions.
Après avoir examiné le droit en profondeur et avoir soigneusement tenu compte des questions de politique et des observations qui lui ont été faites, la CDO a publié des recommandations en octobre 2008. Le présent rapport complète ces recommandations par des renseignements contextuels, un examen détaillé des problèmes entourant le partage des régimes de retraite et un exposé des questions et des motifs de nos recommandations.
II. APERÇU DES RÉGIMES DE RETRAITE EN ONTARIO
Cette section du rapport couvre les types de régimes de retraite, les données démographiques, les exigences législatives, l’âge de la retraite, les prestations de décès, l’inflation, le financement et la liquidation des régimes de retraite.
III. LA LOI SUR LES BIENS FAMILIAUX DE L’ONTARIO
Lors de l’échec du mariage, les conjoints ont le droit, en vertu de la Loi sur le droit de la famille (LDF) de l’Ontario, de partager également la valeur de tous les biens acquis par l’un ou l’autre pendant le mariage. Après l’établissement de la valeur totale des biens de chaque conjoint (y compris les droits en vertu de régimes de retraite) à la date d’évaluation, le conjoint dont la valeur des biens est la plus élevée doit verser à l’autre conjoint un paiement d’égalisation correspondant à la moitié de la différence de valeur.
IV. ÉVALUATION DES DROITS AUX TERMES D’UN RÉGIME DE RETRAITE
Dans le cas d’un régime à cotisations déterminées, la valeur des droits correspond au total des cotisations et du rendement des cotisations investies à la date d’évaluation. Dans le cas d’un régime à prestations déterminées, cependant, il faut déterminer la « valeur actualisée » – c’est-à-dire le montant qui aurait être investi à la date d’évaluation pour que le capital originellement investi et le rendement accumulé suffisent exactement à financer les prestations mensuelles lorsque le régime de retraite devient payable.
Il existe un certain degré d’incertitude quant à la façon de calculer la valeur actualisée. Selon la méthode de la retraite, on présume que l’employé conservera son emploi, tandis que selon la méthode de la cessation d’emploi, la valeur du régime de retraite est établie comme si le participant avait mis fin à son emploi à la date d’évaluation. Dans la plupart de leurs décisions, les tribunaux expriment une préférence pour la méthode de la cessation par rapport à la méthode de la retraite, même s’il semble que la plupart des tribunaux aient en fait recours à une méthode mixte.
L’hypothèse qui est faite concernant l’âge probable de la retraite peut avoir une incidence très importante sur l’évaluation. (Parmi les autres hypothèses pertinentes pour la détermination de la valeur actualisée, il y a la date de décès du participant, les obligations fiscales futures et les taux d’intérêt futurs.) La Cour d’appel de l’Ontario a statué que l’âge de la retraite était une question de fait qui devait être résolue selon la prépondérance des probabilités en fonction des éléments de preuve, une approche ayant reçu l’aval implicite de la Cour suprême du Canada. Bien qu’une présomption de retraite établie par la loi et fondée sur le point médian entre la première date à laquelle le participant pourrait prendre sa retraite en touchant des prestations non réduites et la date normale de la retraite puisse présenter certains avantages, elle ne semble pas pratique compte tenu de la complexité et de la diversité des options offertes en matière de régimes de retraite ainsi que de la multitude des scénarios qui peuvent se présenter.
Pour que les régimes de retraite demeurent sous le régime d’égalisation, ils doivent être évalués, ce qui comporte le risque (à vrai dire, l’inévitabilité presque assurée) de l’évolution de la valeur après l’égalisation, comme c’est le cas pour tout bien.
V. RÈGLEMENT
Si un des conjoints doit un paiement d’égalisation à l’autre et qu’il se retrouve dans une telle position en raison de la valeur de ses droits en vertu d’un régime de retraite, il existe, essentiellement, trois options.
· Échange d’espèces ou d’autres éléments d’actif
Le conjoint participant conserve des droits exclusifs à des prestations et il s’acquitte de son obligation d’égalisation en argent comptant ou avec d’autres biens, si cela est possible.
Le conjoint participant qui procède à un échange d’éléments d’actif peut par la suite faire face à une « double ponction » : après avoir acquitté la créance pour maintenir son régime de retraite intact, le conjoint participant apprend que l’autre conjoint se tourne vers le revenu de retraite pour faire valoir une réclamation alimentaire. Cependant, ce problème n’est pas propre aux régimes de retraite; il peut survenir dans le cas de tout actif générateur de revenus. C’est pourquoi aucune recommandation n’est formulée à cet égard dans le présent rapport, la portée de ce dernier se limitant aux régimes de retraite.
· Arrangements « conditionnels »
Si un échange d’éléments d’actif n’est pas une solution pratique, les parties devront vraisemblablement conclure un arrangement « conditionnel » : l’égalisation est alors reportée jusqu’à ce que les prestations de retraite soient payées, au moyen d’une fiducie imposée par ordonnance ou contrat familial. De tels arrangements présentent plusieurs problèmes. Le conjoint non participant perd l’avantage du règlement immédiat de son droit et n’a aucune emprise sur le moment où ce droit sera satisfait. Bon nombre d’ordonnances « conditionnelles » ne semblent pas compatibles avec les motifs ayant inspiré la LDF, et tant les ordonnances que les arrangements peuvent entrer en conflit avec la « règle des 50 p. 100 » de la Loi sur les régimes de retraite (LRR), qui prévoit qu’au plus la moitié des prestations de retraite accumulées au cours du mariage peut être cédée en satisfaction de réclamations à l’égard de biens familiaux. Les administrateurs de régimes de retraite sont également aux prises avec des problèmes découlant de la rédaction d’arrangements et d’ordonnances « conditionnels » qui peuvent ne pas être clairs ou adéquats. Parmi les autres difficultés éventuelles, il y a l’extinction du droit du conjoint non participant au partage des prestations de retraite lorsque le conjoint participant décède, la réduction des prestations de retraite par suite de la liquidation du régime et les questions fiscales.
· Transfert d’un montant forfaitaire au moment de la cessation d’emploi
En cas de cessation d’emploi du participant, ce dernier peut demander à l’administrateur du régime de transférer un montant égal à la valeur de rachat du régime dans un autre régime de retraite, dans un arrangement d’épargne-retraite immobilisé ou aux fins de l’acquisition d’une rente viagère différée; dans un tel cas, la LRR accorde au conjoint non participant des droits parallèles à une partie de la valeur de rachat.
· Règlement : Propositions de réforme
La majorité des provinces et territoires canadiens ayant légiféré dans le domaine ont adopté le « mécanisme de règlement immédiat » (MRI) selon lequel il y a transfert immédiat d’une partie de la valeur du régime de retraite du participant vers un REER immobilisé ou un autre instrument qui procurera plus tard un revenu de retraite au conjoint non participant. Trois provinces ont adopté le mécanisme de règlement différé (MRD); selon cette méthode, le partage du régime de retraite a lieu à un moment donné dans l’avenir et le conjoint non participant reçoit alors des prestations distinctes provenant du régime du participant. Les arguments en faveur de ces approches différentes sont exposés à la sous-section C de la section 7.
VI. AUTRES QUESTIONS
Le Régime de pensions du Canada (RPC) prévoit un partage des crédits en cas d’échec du mariage, sauf si les conjoints en ont convenu autrement et que les lois provinciales autorisent de telles ententes. L’Ontario n’a pas adopté de loi l’autorisant.
Les dispositions sur les biens familiaux de la LDF ne s’appliquent pas aux conjoints de fait, mais ceux-ci peuvent être confrontés aux mêmes difficultés qu’un couple marié quant au manque de bonnes options de règlement.
VII. ÉVALUATION DES QUESTIONS PAR LA CDO
A. Les régimes de retraite et le régime d’égalisation de la LDF
Le retrait des régimes de retraite du régime d’égalisation pourrait être source d’injustice entre les conjoints qui détiendraient un patrimoine net équivalent si les régimes de retraite n’étaient pas exclus et diminuer la flexibilité par rapport à d’autres biens familiaux qui demeurent dans le régime. D’autres actifs d’instruments de retraite, comme les REER, ne sont pas exclus.
Malgré le libellé de la LDF, les tribunaux ont décidé que les droits non acquis étaient des biens aux fins du régime d’égalisation et qu’il n’y avait pas de motif valable pour renverser une telle décision.
B. Évaluation des droits selon un régime à prestations déterminées
La méthode mixte est le mode d’évaluation qui établit le meilleur équilibre entre les parties; toute incertitude qui continue de planer dans ce domaine devrait être éliminée.
C. Règlement d’un régime de retraite à prestations déterminées non encore versées
Bon nombre des arguments formulés au soutien du MRI ou du MRD ou contre eux surestiment les enjeux.
Le MRI permet une « rupture nette », mais, selon le MRD, les anciens conjoints traiteraient avec l’administrateur du régime et non pas l’un avec l’autre.
La prétention en faveur du MRD selon laquelle le régime de retraite est payé surtout à partir des cotisations faites en début de carrière n’est pas pertinente dans le cas des régimes à prestations déterminées. Mais les tenants du MRI font fausse route quand ils affirment qu’aucune partie de l’augmentation de la valeur après la séparation ne peut être attribuée aux années du mariage.
Bien que l’uniformité du droit soit souhaitable, la prétention selon laquelle l’adoption du MRI contribuerait à l’uniformité n’est pas convaincante; en effet, trois provinces ont recours au MRD.
L’argument selon lequel le choix du MRD permet d’éviter les problèmes d’écarts entre la valeur réelle finale et la valeur à la date d’évaluation ne tient pas compte du fait que la valeur de presque tous les biens, déterminée à la date d’évaluation, peut être plus ou moins élevée qu’à un moment ultérieur.
L’argument anti-MRI selon lequel le fait de donner un montant forfaitaire au conjoint non participant en vue de réaliser un placement pourrait être problématique pour les personnes non versées en matières financières est valable, mais la même préoccupation peut surgir dans le cas où le régime de retraite n’est pas par