Si la valeur des biens familiaux nets de l’un des conjoints excède la valeur des biens familiaux nets de l’autre conjoint, ce dernier ou cette dernière aura droit à un paiement d’égalisation équivalant à la moitié de la différence. Lorsque le conjoint détenant les biens familiaux nets dont la valeur est la plus élevée se retrouve dans une telle position compte tenu de la valeur de ses droits dans un régime de retraite, il existe, selon la loi ontarienne actuelle, essentiellement trois options pour satisfaire au droit à l’égalisation.

 

A. Échange d’espèces ou d’autres éléments d’actif

Selon la première option, parfois étiquetée « évaluation et reddition de comptes »,[179] le conjoint participant conserve des droits exclusifs à des prestations. Il s’acquittera alors de son obligation d’égalisation en argent comptant ou avec d’autres biens qui lui appartiennent. Cette option, s’il est possible de s’en prévaloir, comporte des avantages importants par rapport aux autres. Habituellement, elle ne comporte aucun ou peu de risque pour l’un ou l’autre des conjoints et elle leur fournit une « rupture nette », ce qui est généralement souhaitable, surtout dans les cas où l’échec du mariage s’accompagne d’animosité.[180] Elle évite également le fardeau administratif imposé aux administrateurs du régime de retraite selon certaines des autres options (pour savoir lesquelles, voir ci-après). Cependant, il ne s’agira pas d’une option viable si le conjoint participant détient insuffisamment d’argent ou d’autres liquidités pour régler la créance au titre de l’égalisation, ce qui signifie qu’il ne s’agira probablement pas d’une option si la valeur principale de ses biens familiaux nets correspond aux droits en vertu du régime de retraite. Une personne qui est « riche du point de vue du régime de retraite, mais pauvre en liquidités » ne disposera pas de suffisamment d’éléments d’actif non liés au régime de retraite afin d’effectuer un échange à des fins d’égalisation.

Tel que mentionné ci-dessus, la LDF confère au tribunal le pouvoir d’ordonner que le droit à l’égalisation soit payé en versements échelonnés pendant une période qui ne dépasse pas dix ans ou que ce paiement soit différé, en tout ou en partie, pour une période équivalente,[181] mais cette façon de faire peut donner lieu à des problèmes. Il ne s’agira pas d’une solution viable si le conjoint participant ne bénéficie pas d’un revenu suffisant qui n’est pas visé par d’autres obligations (comme, par exemple, une pension alimentaire) pour faire les versements. De toute façon, l’autre conjoint peut éprouver des craintes au sujet de la protection de son propre droit aux versements échelonnés ou au paiement différé si longtemps. De plus, on peut difficilement prétendre que remettre à plus tard la finalisation de l’égalisation de cette façon peut constituer une rupture nette, ce qui élimine l’un des avantages principaux liés à l’option de l’échange d’éléments d’actif.

Un autre problème lié à l’évaluation et à la reddition de comptes découle de la possibilité de la « double ponction ». Il s’agit de la situation où le conjoint participant était le débiteur aux fins d’égalisation et a échangé des espèces ou d’autres éléments d’actif afin d’acquitter la créance, pour apprendre par la suite que le conjoint non participant se tourne vers les prestations payées pour faire valoir une réclamation alimentaire. (La double ponction existerait également lorsqu’il n’y a pas eu d’échange de cette sorte au moment de l’égalisation étant donné que la valeur nette du régime de retraite du participant et des autres biens familiaux ne dépasse pas la valeur des biens familiaux nets du conjoint non participant et lorsque ce dernier dépose ultérieurement une requête au titre de l’obligation alimentaire à l’endroit du revenu de retraite). L’on comprend que le participant puisse trouver ceci injuste, et juger que le régime de retraite a déjà été pris en compte dans le règlement des biens et ne devrait pas l’être à titre de revenu pour des fins alimentaires.

Une majorité de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Boston c. Boston,[182] a statué, qu’en règle générale, une double ponction est inacceptable et que seule la portion de la pension gagnée après la séparation doit être prise en compte pour déterminer quelle est l’obligation alimentaire du conjoint participant. Cependant, la Cour a également reconnu des exceptions à ce principe, comme lorsqu’une ordonnance de pension alimentaire se fonde sur le besoin alimentaire plutôt que sur la rémunération ou lorsque, malgré le fait que l’ordonnance soit de nature compensatoire, le conjoint non participant a fait des efforts raisonnables pour utiliser ses propres actifs pour générer des revenus, mais qu’il éprouve encore des difficultés économiques à cause de l’échec du mariage. Bien entendu, lors de l’échec d’un long mariage, de tels motifs pour accorder une pension alimentaire à un conjoint sont assez courants, et, même si la Cour pensait qu’elle avait énoncé une exception assez restrictive à la règle générale que la double ponction était inappropriée, un commentateur a remarqué que l’exception était « [TRADUCTION] pratiquement assez large pour avaler la règle elle-même ».[183] Il se peut que l’exception soit trop large et doive être restreinte. Toutefois, l’on devrait peut-être examiner la question de savoir si le fait de procéder à une double ponction à l’endroit d’un régime de retraite est véritablement malséant en principe.

Quoi qu’il en soit, l’assertion de la Cour à l’effet qu’il faille généralement éviter la double ponction relativement à un régime de retraite, par opposition aux autres biens générateurs de revenus, était basée sur le point de vue qu’un régime de retraite diffère des autres actifs comme les placements parce que le régime est « liquidé »[184] dès que les prestations commencent à être versées, alors qu’un placement peut générer un revenu sans épuiser l’actif lui-même. La CDO suggère respectueusement que ce raisonnement est vicié. Il est vrai que, dans une perspective actuarielle, le fait que des prestations soient versées fait perdre de la valeur au régime puisque le participant se rapproche de son décès à mesure que les prestations sont versées, ce qui fait diminuer la valeur actualisée du régime. Cependant, du point de vue du participant, le régime de retraite n’est pas en voie d’être épuisé, puisqu’il continuera à recevoir ses prestations jusqu’à ce qu’il meure – la dépréciation actuarielle n’a pas d’impact sur la valeur réelle selon lui.[185] Dire que le régime de retraite est liquidé implique qu’il existe un capital limité qui diminue à chaque versement et ce n’est tout simplement pas le cas.

Quant à la question de la double ponction, la CDO considère qu’il n’existe en principe pas de différence entre un conjoint participant qui donne de l’argent comptant pour respecter une dette d’égalisation dans l’espoir de conserver l’intégralité de ses prestations de retraites et un conjoint actionnaire qui donne de l’argent comptant pour respecter une dette d’égalisation dans l’espoir de conserver l’intégralité de son revenu de dividende. Il s’ensuit que la question de la double ponction n’est pas propre aux régimes de retraite : elle est pertinente dans le cas de tout actif générateur de revenus qui a été pris en compte lors du processus d’égalisation. En conséquence, la CDO ne formule pas de recommandation à savoir si la double ponction doit être interdite ou si les exceptions à la « règle » interdisant la double ponction doivent être restreintes, il s’agit de questions à être traitées dans le cadre d’un projet générique sur le droit des biens familiaux et non dans un projet restreint aux régimes de retraite.

 

B. Arrangements « conditionnels »

Dans la plupart des cas où un échange d’éléments d’actif ne constitue pas une solution pratique, les parties devront vraisemblablement conclure ce qu’on appelle communément un arrangement conditionnel. Un tel arrangement repousse la satisfaction de l’exigence d’égalisation jusqu’à ce que des prestations de retraite soient payées, par le biais d’une fiducie imposée par contrat familial ou ordonnance.[186] La fiducie peut être imposée au participant du régime, ce qui l’obligera à remettre une partie de chaque versement de prestations à son conjoint non participant. Alternativement, elle peut être imposée directement à l’administrateur du régime, qui sera obligé de partager les prestations de retraite à la source. Cette dernière mesure permet d’éviter certains des désavantages de la première, puisqu’aucun contact entre les ex-conjoints n’est requis et que les difficultés d’exécution éventuelles inhérentes à une fiducie de nature personnelle pour le conjoint participant sont évitées.[187] Malheureusement, cependant, il existe de nombreux autres problèmes liés à ces deux types d’arrangements conditionnels.

L’inconvénient évident qui se pose avec la méthode conditionnelle est que le conjoint non participant perd l’avantage du règlement immédiat de son droit à l’égalisation. L’idée que cela désavantage nécessairement le conjoint non participant n’est peut-être pas convaincante, puisque le « bien » même qui ouvre le droit à l’égalisation n’est pas immédiatement accessible, et étant donné également que la LDF prévoit de toute façon la possibilité que les paiements d’égalisation puissent être remis ou étalés sur une période pouvant aller jusqu’à dix ans. Cependant, le conjoint non participant est sans aucun doute désavantagé par le fait qu’il ne commande pas le moment auquel le droit est en définitive satisfait, puisque des prestations de retraite ne sont payables que lorsque le conjoint participant décide d’en recevoir. Le participant peut décider de prendre sa retraite à la « date normale de la retraite », mais peut aussi choisir de prendre sa retraite plus tôt ou plus tard. Cela peut avoir une incidence défavorable sur le revenu reçu par la suite, et, quelle que soit la situation, cela peut évidemment compliquer la planification financière du conjoint non participant, puisqu’il ne sait pas à quel moment débutera le versement des prestations de retraite (et, par conséquent, sa participation à celles-ci).[188]

Une autre préoccupation provient du fait que les ordonnances conditionnelles dans leur forme courante ne semblent pas entièrement compatibles avec les motifs ayant inspiré les dispositions d’égalisation de la LDF.[189] (La même préoccupation ne survient pas à l’égard des contrats familiaux exigeant un partage conditionnel, étant donné que les parties disposent généralement de la faculté de se soustraire par voie contractuelle à l’application de la LDF).[190] Le fait d’exiger que les biens familiaux nets, y compris les droits en vertu du régime de retraite, soient évalués laisse entendre que, lorsque l’on veut atteindre l’égalisation en recourant au régime de retraite du conjoint participant, les versements au conjoint non participant devraient cesser lorsque l’égalisation a été satisfaite. Mais beaucoup d’arrangements conditionnels ne semblent pas le faire, car ils semblent plutôt prévoir une participation illimitée en partageant le régime de retraite selon le ratio de la valeur actualisée des droits lors de la séparation[191] plutôt que selon la valeur actualisée des droits lors de la retraite ou selon le ratio entre le temps validable pendant le mariage et le temps validable total. On pourrait inférer que ce dernier type de partage est souvent utilisé afin que les deux conjoints évitent les risques liés aux évaluations d’égalisation, qui, comme nous l’avons noté, utilisent de nombreuses hypothèses spéculatives au sujet du futur, qui assurent virtuellement que la valeur actualisée attribuée aux droits en vertu du régime de retraite sera significativement et même peut-être radicalement surévaluée ou sous-évaluée par rapport à leur valeur réelle ultime. Cependant, il vaut la peine de souligner que la différence dans les résultats dérive de l’application de ratios temporels ou de ratios fondés sur la valeur actualisée, qui peuvent différer grandement, car la méthode du ratio de la valeur actualisée a tendance à donner des droits beaucoup moins élevés.[192] Alors que le plus petit droit qui en résulte est (on peut du moins le prétendre) inéquitable pour le conjoint non participant, il est à certains égards plus compatible avec l’intention présumée de la LDF, puisque, sinon, l’exigence d’inclure les droits du régime de retraite parmi les biens familiaux nets semblerait n’avoir aucun objet du tout.[193] Dans l’arrêt Best c. Best, la Cour suprême du Canada, dans son jugement majoritaire, a noté les nombreuses difficultés liées aux ententes conditionnelles, et a semblé faire allusion à la possibilité que ces dernières ne s’accordent pas vraiment avec la LDF, mais elle s’est finalement abstenue de se prononcer à ce sujet.[194]

Une difficulté supplémentaire découle de l’article 51 de la LRR, qui prévoit qu’un pourcentage maximal de 50 pour cent des prestations de retraite accumulées au cours du mariage peut être cédé en vertu d’un contrat familial ou d’une ordonnance. Aux fins de cette restriction, le règlement d’application général de la LRR prévoit essentiellement une méthode d’évaluation stricte de la cessation d’emploi;[195] cela soulève la possibilité que le droit du conjoint non participant selon une entente ou une ordonnance conditionnelle excède ce qui peut lui être remis selon la LRR, du moins dans les cas basés sur un ratio temporel. En conséquence, les administrateurs du régime de retraite auxquels une fiducie est ainsi imposée par contrat ou ordonnance peuvent être incapables de respecter entièrement leurs obligations fiduciaires et laisser aux parties le soin de décider comment satisfaire à la partie du droit du conjoint non participant qui excède le pourcentage maximal de 50 pour cent.[196]

Cela nous oriente vers un autre problème relatif aux arrangements conditionnels, qui n’occasionnent pas seulement des inconvénients aux parties, mais qui imposent également un fardeau aux personnes responsables de l’administration des régimes de retraite qui font l’objet de ces arrangements. Les administrateurs sont en effet tenus de calculer la valeur de la part du conjoint non participant conformément au Règlement d’application de la LRR pour décider si le contrat ou l’ordonnance créent un conflit avec la LRR et, dans l’affirmative, ils doivent aviser les parties qu’ils sont tenus de refuser de partager les prestations de retraite selon les modalités exactes du contrat ou de l’ordonnance.[197] Les administrateurs sont également aux prises avec d’autres problèmes, dont les ordonnances ou contrats qui ne sont pas clairs, qui omettent de traiter en profondeur certaines questions éventuelles, ou encore qui proposent de partager les prestations d’une façon qui s’avère incompatible avec les dispositions du régime de retraite. Pour éviter ou corriger ces problèmes, il faut probablement discuter avec les conjoints ou leurs avocats, ce qui force les administrateurs à y consacrer du temps et, souvent, à assumer des frais juridiques. De plus, certains des contrats et ordonnances conditionnels prévoient le droit du conjoint non participant de recevoir des versements continus jusqu’à concurrence d’un certain seuil global,[198] nécessitant la mise en place d’un mécanisme de suivi qui n’aurait pas autrement été nécessaire.[199]

Plusieurs autres difficultés éventuelles ont été cernées au sujet des contrats et des ordonnances conditionnels. Le droit au partage des prestations de retraite du conjoint non participant prend évidemment fin lorsque le conjoint participant décède.[200] Certains suggèrent que, si cela survient avant la retraite, le conjoint non participant pourrait se retrouver complètement démuni.[201] Le risque d’autres incidents éventuels demeure également, comme la liquidation du régime en cas de défaut du promoteur de respecter les exigences de financement, ce qui pourrait considérablement diminuer le montant des prestations de retraite sur lesquelles les deux parties comptent (bien que les paiements versés par le Fonds de garantie des prestations de retraite pourraient dans une certaine mesure mitiger les dommages). Enfin, des questions fiscales pourraient se poser : si les versements remis au conjoint non participant proviennent directement du conjoint participant, ils sont effectués avec des dollars après impôt. Même si des rajustements peuvent être effectués pour en tenir compte, si le taux marginal d’imposition du conjoint participant est supérieur à celui du conjoint non participant, l’impôt payé sera plus important que si les paiements faits au conjoint non participant proviennent directement du régime de retraite.

 

C. Transfert d’un montant forfaitaire au moment de la cessation d’emploi

En règle générale, il n’existe pas présentement en droit ontarien de possibilité d’effectuer un transfert immédiat d’une quote-part du droit d’un participant aux termes d’un régime de retraite à son conjoint afin d’effectuer un règlement des biens familiaux en cas d’échec du mariage; actuellement, lorsque l’échange d’éléments d’actif ne constitue pas une option possible, les parties seront habituellement tenues d’avoir recours à un arrangement conditionnel, avec tous les désavantages que cela comporte. Toutefois, il existe une situation dans laquelle un tel transfert d’une quote-part du droit du participant peut s’effectuer en faveur du conjoint non participant, soit en cas de cessation d’emploi du participant, puisque, dans un tel cas, le paragraphe 51(5) de la LRR accorde au conjoint non participant des droits à l’instar de ceux d’un participant qui a le droit à une rente différée.

Selon l’article 42 de la LRR, lorsqu’il y a cessation d’emploi du participant à un régime de retraite, celui-ci peut demander à l’administrateur du régime de transférer un montant égal à la valeur de rachat du régime dans la caisse de retraite d’un autre régime (si l’autre régime consent au transfert) ou dans un arrangement d’épargne-retraite immobilisé ou aux fins de l’acquisition d’une rente viagère différée.[202] En cas d’échec du mariage, si un contrat familial ou une ordonnance du tribunal exigeant le paiement à même le régime de retraite du participant est signifié à l’administrateur du régime, le paragraphe 51(5) accorde au conjoint d’un participant dont l’emploi cesse les mêmes possibilités que celles dont dispose le participant. Toutefois, même si ceci permet un règlement immédiat au moyen du transfert d’une quote-part du droit du participant, la possibilité d’avoir recours à cette option est, bien entendu, plutôt restreinte étant donné qu’elle n’est offerte que lorsqu’il y a eu cessation d’emploi du conjoint participant. En outre, ceci peut être cause de préoccupations pour les administrateurs de régime,[203] et, en ce qui a trait à la possibilité d’acquisition d’une rente, certains estiment qu’il existe un potentiel de conflit avec l’article 147.4 de la LIR.[204]

 

D. Règlement : Propositions de réforme

Bien entendu, la situation actuelle est peu satisfaisante; d’aucuns s’accorderaient pour dire qu’une réforme s’impose. Toutefois, quelle forme devrait-elle prendre? Idéalement, un régime de partage des régimes de retraite devrait traiter les parties à un mariage échoué de façon équitable, leur permettre d’effectuer une « rupture nette », reconnaître que les régimes de retraite constituent des biens familiaux, reconnaître également qu’il s’agit d’un type de bien très inhabituel, respecter l’objectif social de garantir que les personnes disposent d’un revenu raisonnable au moment de leur retraite, tenir compte de la notion que les régimes de retraite correspondent à une rémunération différée pour les salariés, offrir une souplesse selon les besoins et les circonstances divergentes, assurer une certitude aux parties et comprimer les coûts, éviter dans la mesure du possible la nécessité d’un litige et réduire au minimum le fardeau, notamment financier, qui peut être imposé aux administrateurs de régimes de retraite. Il s’agit d’un ensemble diversifié d’objectifs, ce qui laisse entrevoir la possibilité qu’une proposition de réforme qui en atteint certains pourrait ne pas en réaliser d’autres.

De toutes les provinces et tous les territoires canadiens ayant édicté des lois sur le partage des régimes de retraite en cas d’échec du mariage, la majorité a préféré une méthode habituellement appelée le « mécanisme de règlement immédiat » (MRI),[205] selon lequel il y a (au sens large) une détermination immédiate de la part du conjoint non participant en fonction de la valeur du régime de retraite du participant et un transfert immédiat d’un montant à même la caisse de retraite du participant au profit d’un REÉR immobilisé ou d’un autre mécanisme qui procurera en bout de ligne un revenu de retraite (en d’autres mots, le genre de règlement qui est présentement possible en Ontario uniquement lorsqu’il y a cessation d’emploi du participant).

Trois provinces[206] ont adopté une méthode de rechange, soit le mécanisme de règlement différé (MRD).[207] Aux termes de cette méthode, le conjoint non participant devient un « participant assimilé »[208] du régime de retraite du participant; toutefois, le partage réel du régime de retraite est retardé à un moment donné à l’avenir (en règle générale, lorsque les prestations deviennent payables), et le conjoint non participant reçoit alors sa quote-part sous forme de prestations distinctes provenant du régime.[209]

Il importe d’observer que l’ancienne CRDO avait recommandé dans son rapport de 1995 intitulé Rapport sur les rentes de retraite en tant que biens familiaux : évaluation et partage, l’adoption d’un mécanisme de « partage à la source » qui aurait accordé aux parties le choix parmi des possibilités de règlement qui correspondaient, pour l’essentiel, aux méthodes MRI et MRD,[210] toutefois, il n’a pas été donné suite à la recommandation.

 

E. Les arguments : MRI contre MRD

Voici certains des motifs au soutien de l’adoption du MRI :

Le MRI permet une « rupture nette » entre les parties, leur permettant de mettre rapidement et en définitive fin aux liens qui les nouent, tandis que le MRD exige que les parties maintiennent leurs rapports;

Le MRI est une méthode de nature simple et d’application facile comparativement au MRD;

Le MRI est beaucoup moins lourd et coûteux pour les régimes de retraite que le MRD;

étant donné que les territoires canadiens, en majorité, ont adopté la méthode MRI, son adoption par l’Ontario favoriserait l’uniformité du droit;

Le MRD fait en sorte que le conjoint non participant partage les augmentations de valeur du régime de retraite du participant survenus après la séparation.

D’autre part, ceux qui préfèrent le MRD font valoir que :

Il est approprié que le conjoint non participant partage les augmentations de valeur du régime de retraite du participant survenant après la séparation, puisque la valeur ultime d’un régime de retraite est surtout payée grâce aux cotisations effectuées en début de carrière;

Avec le MRD, il n’est pas nécessaire de calculer la valeur actualisée du régime de retraite du participant, ce qui fait que le « jeu de devinettes » inhérent au choix de la valeur actualisée – et donc au risque de surévaluer ou de sous-évaluer le régime de façon importante à cause d’hypothèses postulées pour déterminer une valeur actualisée – est écarté;

Le MRI, tel qu’appliqué dans presque toutes les autres provinces et les territoires canadiens, utilise la méthode de la valeur de rachat lors de l’évaluation du droit du participant à des prestations, ce qui donne donc une valeur relativement basse aux fins du transfert hors de la caisse de retraite au profit du conjoint non participant;

en ce qui a trait au point précédent, l’adoption du MRI exacerberait les inégalités économiques entres les sexes;

le MRI fait habituellement en sorte que le conjoint non participant reçoive un montant forfaitaire qu’il peut investir dans un compte de retraite immobilisé; toutefois, très souvent, le conjoint non participant est un néophyte et inexpérimenté pour ce qui est des questions de placement, ce qui peut engendrer des tensions et mener à la prise de décisions malavisées qui pourraient ne pas procurer suffisamment de revenu afin de pourvoir à ses besoins lors de sa vieillesse.[211]

 

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