La nature de l’emploi évolue. Selon des données émanant du Canada et d’autres pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), la relation d’« emploi type », fondée sur un emploi continu et à temps plein dans le cadre duquel le travailleur a accès à un bon salaire et à de bons avantages sociaux, n’est plus la structure d’emploi prédominante, si tant est qu’elle l’a déjà été1. De plus en plus, elle est remplacée par des formes de travail plus précaires, et ce sont ces changements dans la nature du travail et les caractéristiques de la nouvelle catégorie des travailleurs exerçant un travail précaire qui ont donné naissance au projet de la Commission du droit de l’Ontario (CDO) sur les travailleurs vulnérables et le travail précaire.

L’objectif de ce projet est de formuler des recommandations visant à répondre aux difficultés auxquelles sont confrontés les travailleurs vulnérables exerçant un travail précaire. Les travailleurs vulnérables sont ceux dont le travail est caractérisé par une faible rémunération ou des heures de travail insuffisantes, peu ou pas d’avantages sociaux, une faible sécurité d’emploi et un contrôle minimal sur leurs conditions de travail. Il s’agit dans une mesure disproportionnée de femmes, d’immigrants (tant des nouveaux arrivants que des personnes établies au Canada) ou de personnes racialisées2. Le Projet est axé, en particulier, sur le rôle que jouent la Loi sur les normes d’emploi et la Loi sur la santé et la sécurité au travail pour ce qui est de protéger ces travailleurs. Cependant, il passe également en revue les programmes et les mécanismes de soutien communautaires et gouvernementaux existants qui se rapportent à la défense des travailleurs, aux employeurs, aux activités de formation et d’éducation, de même qu’au rôle des syndicats, et il formule des recommandations connexes.

L’idée du Projet portant sur les travailleurs vulnérables et le travail précaire tire son origine de plusieurs sources, dont le Colloque sur la créativité tenu en novembre 2006, qui a mené à la création de la CDO, les suggestions de la section du droit du travail et de la section d’analyse juridique féministe de l’Association du Barreau de l’Ontario, de même que la Conférence sur la racialisation de la pauvreté, qui a eu lieu en avril 20083. Le Projet a été approuvé par le Conseil des gouverneurs de la CDO en juin 2008.

La CDO a entrepris un premier examen de la documentation et une première série de consultations avant de publier son document d’information et son document de consultation au début de 2011. La CDO a commandé deux documents de recherche sur l’étendue de l’insécurité du marché du travail ainsi que sur les approches relatives aux mesures d’exécution et d’observation de la législation applicable4. Au cours du projet, la CDO a consulté plusieurs particuliers, experts, associations d’entreprises, syndicats et organismes communautaires, y compris plus de 100 travailleurs, et reçu des observations de leur part. Le 15 août 2012, la CDO a produit un rapport préliminaire qui a été affiché sur notre site Web et qui invitait le public à fournir ses commentaires. Le rapport préliminaire a été distribué à plus de 1 200 organismes, particuliers et médias ciblés. Nous remercions tous ceux qui nous ont fourni des commentaires. Ceux-ci nous aident à déterminer la valeur de nos recommandations et à comprendre les conséquences potentiellement imprévues. Nous n’avons pu intégrer au rapport final toutes les questions soulevées dans les commentaires; cependant, nous avons tenté de le faire dans la mesure du possible. Nous tenons à souligner que tous les commentaires ont été examinés avec soin. Pour respecter leur vie privée, nous n’avons pas nommé les répondants particuliers, mais une liste des organismes et experts qui ont contribué au rapport figure à l’annexe B.

Le présent rapport est le fruit de nombreuses recherches, des consultations et des observations d’un large éventail d’intervenants, ainsi que des conseils du Groupe consultatif du projet5, formé d’employeurs et de syndicats, d’universitaires, de membres du secteur public et d’autres, en vue de fournir des commentaires, des conseils et une expertise. Les membres du Groupe consultatif ont participé à des réunions et à des appels téléphoniques, et leur expertise a été soigneusement prise en considération lors de la rédaction du présent rapport. La CDO tient à remercier les membres de ce groupe pour leur contribution précieuse et le temps qu’ils ont consacré à ce projet. Les points de vue exprimés dans le présent rapport ne sont pas nécessairement ceux des membres du Groupe consultatif. La diversité des perspectives que ces derniers ont fournies et de celles des intervenants que nous avons consultés a permis à la CDO de prendre conscience de l’équilibre délicat qu’il faut atteindre pour pouvoir répondre de manière efficace et nuancée aux enjeux dont il est question dans le présent rapport.

Un commentaire sur la composition du Groupe consultatif du projet : malgré de nombreux efforts de notre part, nous avons eu beaucoup de difficultés à obtenir la participation des organismes d’employeurs, à l’opposé des organismes syndicaux et des organismes liés aux travailleurs. Pendant plusieurs mois et à toutes les étapes du projet, nous avons déployé des efforts de sensibilisation considérables et invité un vaste éventail d’organismes d’employeurs. Nous avons notamment tenté de communiquer avec les employeurs avec l’aide de l’Association du Barreau de l’Ontario et du ministère du Travail et affiché des invitations précises sur les sites Web pertinents. Cependant, nos efforts n’ont pas permis d’obtenir des commentaires du milieu des affaires à ce niveau. Nous avons connu plus de succès lors de nos consultations. Certains organismes ont bien voulu nous rencontrer et de nombreux organismes ont présenté des observations écrites utiles dans le cadre du projet. Le rapport préliminaire a été distribué notammente à d’importants organismes liés aux employeurs, dont certains ont affiché le rapport sur leur site Web pour demander aux lecteurs de fournir des commentaires à la CDO. Cependant, exception faite du secteur agricole, nous avons reçu très peu de commentaires directs du milieu des affaires au sujet du rapport préliminaire. Malgré cela, nous avons soigneusement examiné les points de vue exprimés par les organismes d’employeurs qui ont participé au projet soit par l’intermédiaire du Groupe consultatif du projet, soit lors des consultations, soit en présentant des observations. Nous avons examiné les recherches et reçu les commentaires provenant d’autres sources, dont le gouvernement, afin de cerner les préoccupations du monde des affaires au sujet de questions particulières. Nous avons fait d’importants efforts pour nous assurer d’intégrer les préoccupations et points de vue exprimés à nos discussions et recommandations. Nous comprenons très clairement qu’il faut tenir compte des facteurs économiques pour effectuer des changements dans le contexte du travail, surtout – mais pas seulement – dans un climat économique difficile. Dans les domaines qui prêtent à controverse, lorsque la réponse appropriée nécessiterait un examen et une discussion plus poussés, nous avons jeté les bases des futures discussions et mesures à prendre.

La CDO reconnaît que les petites entreprises sont très sensibles aux procédures administratives et aux exigences réglementaires supplémentaires. Les petites entreprises constituent la majorité des entreprises en Ontario. Dans sa réponse à la CDO, le gouvernement de l’Ontario a fait remarquer que 94 % des entreprises ontariennes emploient moins de 50 personnes et que 75 % de ces entreprises ont moins de 10 employés. Plusieurs d’entre elles emploient des travailleurs à temps partiel, occasionnels et saisonniers, leur paient le salaire minimum ou presque, ont des ressources financières limitées et font de minces marges de profit6. Le rapport Dean a reconnu les difficultés auxquelles ces employeurs sont confrontés sur le plan de la conformité aux exigences en matière de santé et de sécurité. Par conséquent, dans nos recommandations, nous nous sommes efforcés de tenir compte de l’incidence des mesures recommandées sur les petites entreprises.

Nous tenons aussi à souligner que nous sommes conscients de l’incidence des recommandations sur le plan des ressources pour le gouvernement. Bien que certaines des recommandations soient relativement simples et peu coûteuses, la CDO reconnaît que d’autres auront d’importantes conséquences sur le plan des ressources pour le gouvernement de l’Ontario et que la capacité de mise en oeuvre du gouvernement est assujettie à des limites, surtout à court terme. Le présent rapport décrit les problèmes auxquels l’Ontario est actuellement confrontée. Cependant, puisque le monde du travail ne cesse d’évoluer, nous cernons aussi certaines questions qui serviront à orienter les discussions concernant l’avenir. Par conséquent, certaines des solutions que nous proposons peuvent être mises en oeuvre maintenant et plusieurs d’entre elles auront des conséquences minimes ou moyennes sur le plan des ressources. D’autres recommandations peuvent être considérées comme des initiatives à plus long terme. Ainsi, à l’annexe A, nous avons organisé nos recommandations selon leurs conséquences sur le plan des ressources, en indiquant s’il s’agit d’initiatives à court terme, à moyen terme ou à long terme.

Pour aborder certaines des questions examinées dans le présent rapport, nous avons eu recours à des études effectuées antérieurement par d’autres, qui ont enrichi et éclairé les consultations, recherches et discussions de la CDO. Nous avons pu puiser dans ces travaux de base et, à plusieurs égards, nous en inspirer, pour élaborer notre analyse en vue de faire avancer notre examen des questions et de proposer de nouvelles recommandations sur la façon d’aborder la situation dans laquelle se trouvent les travailleurs vulnérables.

De par sa nature même, l’élaboration de politiques est un exercice d’équilibre. Nous reconnaissons qu’il y a des coûts et des avantages associés au changement. Aucune nouvelle loi ou politique ne peut être mise en place sans avoir d’incidence sur les travailleurs, les entreprises et le gouvernement; dans la mesure du possible, nous avons tenté d’anticiper les effets positifs et négatifs de nos recommandations. Il ne s’agit pas d’une science exacte. La tâche nécessite à la fois un examen raisonné et l’établissement d’hypothèses bien fondées. En tenant compte de ces facteurs, nous avons tenté, dans le présent rapport, de choisir les idées ayant les meilleures chances de succès qui procureront le plus d’avantages possibles et qui produiront le moins d’impacts négatifs possible. De cette manière, nous espérons avoir contribué à l’élaboration d’un plan adapté aux besoins de l’Ontario qui permettra de répondre aux besoins des travailleurs vulnérables qui exercent un emploi précaire.

Au départ, le présent rapport fait état des questions et recherches importantes concernant les travailleurs vulnérables et le travail précaire. Suivent ensuite des chapitres particuliers sur les normes d’emploi, la santé et la sécurité, ainsi que la formation et l’éducation. Des recommandations sont présentées à l’égard des modifications législatives particulières et des changements de procédure et de politique se rapportant au thème de chaque chapitre. Nous prévoyons que cette façon d’organiser le rapport permettra aux bureaux du gouvernement et aux autres organismes qui abordent le sujet d’une façon similaire de le consulter facilement. Cependant, tel qu’il est indiqué ci-dessus, nous avons aussi organisé nos recommandations pour tenir compte des considérations relatives au temps, aux ressources humaines et aux coûts.

 

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