A. Le cadre législatif applicable

Le régime règlementaire que l’Ontario a établi pour la santé et la sécurité est principalement régi par deux lois : la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail (LSPAAT) ainsi que la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST)559. La LSPAAT est appliquée par l’intermédiaire de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT). Le régime de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail procure à un employeur un régime d’assurance d’indemnisation et de retour au travail rapide  et sécuritaire financé pour les accidents ou les maladies de nature professionnelle.

Le mécanisme législatif par lequel la santé et la sécurité des travailleurs sont protégées est régi par la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST) ainsi que ses règlements. La LSST est fondée sur le principe du système de responsabilité interne dans le cadre duquel les parties au travail assument conjointement la responsabilité de la santé et de la sécurité au travail. Les employeurs sont tenus d’établir une politique de santé et de sécurité et de disposer d’un comité mixte sur la santé et la sécurité (et, pour les petits employeurs, d’avoir des délégués à la santé et à la sécurité). La LSST définit les quatre droits fondamentaux des travailleurs : a) le droit de participer à l’identification des préoccupations relatives à la santé et à la sécurité au travail et à la recherche de solutions; b) le droit d’être informés de toute condition susceptible de présenter un danger et d’avoir une formation à cet égard; c) le droit de refuser d’exécuter une tâche qui est dangereuse ou qui expose le travailleur à la violence dans le milieu de travail; et d) le droit des membres agréés des comités mixtes sur la santé et la sécurité d’arrêter de travailler dans des situations dangereuses. La LSST énonce les obligations de ceux qui exercent un contrôle sur les travailleurs, le lieu de travail, les matériaux ou le matériel. Elle impose aux employeurs l’obligation générale de prendre toutes les mesures de précaution raisonnables pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs, et elle définit expressément quelles sont les responsabilités des employeurs. Les travailleurs sont tenus de travailler en toute sécurité et de se conformer à la Loi et à ses règlements. Si le système de responsabilité interne fait défaut, le ministère du Travail est habilité à faire respecter la LSST et il le fait au moyen d’inspections, tant proactives que réactives, d’ordonnances de conformité et d’accusations. Le projet de loi 168, Loi de 2009 modifiant la Loi sur la santé et la sécurité au travail (violence et harcèlement au travail), a renforcé la protection des travailleurs contre le harcèlement et la violence au travail en obligeant les employeurs à élaborer et à mettre en oeuvre des politiques et procédures de prévention et d’intervention.560 Le rapport Dean ainsi que Vosko et ses collaborateurs décrivent de manière plus détaillée l’évolution historique du système ontarien de santé et de sécurité.561

Des modifications apportées à la LLST en 2011 définissent de manière explicite les pouvoirs et les obligations du ministre; ceux-ci comprennent la promotion de la santé et de la sécurité et la prévention des accidents, la sensibilisation du public, l’instruction et la reconnaissance par les employeurs et les travailleurs, de l’importance de la santé et de la sécurité au travail562.

1. Les représailles et les modifications de 2011

L’article 50 de la LSST interdit d’user de représailles contre les travailleurs qui agissent conformément à la Loi ou aux règlements ou qui cherchent à les faire respecter. Le travailleur qui croit avoir été pénalisé parce qu’il a exercé les droits et les responsabilités que lui confère la Loi peut déposer une plainte auprès de la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO), ou il incombe à l’employeur de faire la preuve qu’il n’y a pas eu de représailles563. En réponse au rapport Dean, en vertu des modifications de 2011 à la LSST qui sont entrées en vigueur le 1er avril 2012, les inspecteurs du ministère du Travail, avec l’assentiment du travailleur concerné, peuvent soumettre la plainte de représailles de ce dernier à la CRTO564. De plus, depuis le 1er avril 2012, un nouveau règlement pris en vertu de la LSST prescrit les fonctions que remplissent le Bureau des conseillers des travailleurs (BCT) et le Bureau des conseillers des employeurs (BCE) à l’égard des plaintes de représailles. Il est question plus en détail de ces deux entités dans l’analyse faite à la section sur les représailles qui précède la recommandation no 35.

2. Les comités mixtes sur la santé et la sécurité (CMSS)

Des comités mixtes sur la santé et la sécurité ainsi que des représentants connexes offrent un moyen de relever et de régler les problèmes de santé et de sécurité au travail. Ce mécanisme, qui permet aux travailleurs de s’exprimer et de participer au processus, agit comme un partenariat entre la direction et les travailleurs et joue un rôle consultatif sur le plan de la sécurité au travail565. Dans la plupart des lieux de travail comptant au moins vingt employés, ces comités doivent être établis. Dans les lieux de travail de plus petite taille, des représentants distincts sont désignés par les travailleurs ou, le cas échéant, le syndicat. Ces représentants ont essentiellement les mêmes pouvoirs que le comité mixte. Dans les lieux de travail de grande envergure, au moins un travailleur et un représentant de la direction qui siègent au comité doivent être « agréés ». En date du 1er avril 2012, le ministère du Travail, par l’entremise du directeur général de la prévention, a pour mandat de fixer des normes concernant l’agrément et la formation des comités mixtes sur la santé et la sécurité, ainsi que d’agréer les membres qui répondent aux normes en vigueur. Les comités relèvent les dangers en procédant à des inspections des lieux de travail et en s’informant auprès des employeurs566. Les comités peuvent formuler des recommandations écrites, auxquelles l’employeur est tenu de répondre, quant aux améliorations à apporter sur le plan de la santé et de la sécurité567. Tous les refus de travail et accidents graves peuvent faire l’objet d’une enquête de la part du comité. Quelques membres du Groupe consultatif du projet ont laissé entendre que certains employeurs n’établissaient pas de comités mixtes sur la santé et la sécurité ou de représentants opérationnels ou alors, dans d’autres cas, ils étaient en place uniquement pour la forme. Dans sa réponse au rapport préliminaire, le gouvernement a expliqué que « dans le cadre d’une inspection ou d’une enquête, il est normal que les inspecteurs examinent le fonctionnement du système de responsabilité interne d’un milieu de travail, et l’un des principaux moyens mis à leur disposition est de vérifier s’il y a un comité mixte sur la santé et la sécurité qui marche bien (ou des délégués à la santé et à la sécurité) »568. Il s’agit donc là d’un secteur qui tirerait profit d’une intensification des mesures d’exécution proactives.

La Commission du droit de l’Ontario recommande :

32. Que les activités d’exécution de la LSST comportent des inspections proactives afin de s’assurer que des comités mixtes sur la santé et la sécurité sont établis et que des représentants sont désignés, au besoin, et bel et bien opérationnels.

Dans le cadre du système de la LSST, les objectifs d’observation et d’exécution sont atteints grâce à l’effet combiné d’un système de responsabilité interne qui est fondé sur le partenariat formé par les travailleurs et l’employeur et d’un système de responsabilité externe qui est fondé sur des stratégies d’exécution officielles, au moyen d’inspections, proactives et réactives, à la suite de plaintes, d’accidents graves, de décès et de refus569. Les violations confirmées peuvent donner lieu à la délivrance d’ordonnances de conformité et/ou d’ordonnances d’arrêt de travail ou des poursuites en vertu de la partie I (procès-verbaux) ou dans les cas plus graves, de la partie III de la Loi sur les infractions provinciales570. Dans de très rares cas, lors d’instances distinctes de la LSST, à la suite d’une enquête policière et du dépôt d’accusations criminelles, les contrevenants sont poursuivis en vertu du Code criminel571.

La LSST s’applique à la plupart des lieux de travail, mais il existe un certain nombre d’exemptions et de limites. Par exemple, elle ne s’applique pas au « travail que le propriétaire ou l’occupant d’une résidence privée ou leur employé exécute à l’intérieur ou à l’extérieur de la résidence »572. Sont notamment exclus les aides familiaux résidants. Au départ, les activités agricoles étaient exemptées, mais, en 2006, elles ont été intégrées à la LSST, avec certaines limites. Les employeurs agricoles sont obligés, à l’instar des employeurs d’autres secteurs, de prendre toutes les précautions raisonnables dans les circonstances pour protéger leurs travailleurs573. Les superviseurs et les travailleurs agricoles sont eux aussi soumis à la même obligation que ceux qui travaillent dans d’autres secteurs, c’est-à-dire, prendre des mesures appropriées pour relever et régler tous les dangers qui peuvent se présenter dans leur lieu de travail. Le régime d’inspection et d’exécution s’applique lui aussi. La LSST exige qu’un comité mixte sur la santé et la sécurité soit établi dans les lieux de travail comptant 20 travailleurs employés régulièrement ou plus, mais l’application de cette exigence se limite aux entreprises de production de champignons, aux serres, aux entreprises laitières, ainsi qu’aux entreprises de production de porc, de bétail et de volaille. Pour d’autres types d’exploitation et les exploitations de petite taille (c.-à-d., de 6 à 19 travailleurs employés régulièrement), ce sont des représentants de la santé et de la sécurité qui doivent être désignés. Certains représentants sont d’avis que dans les lieux de travail comptant des travailleurs d’agences temporaires un certain nombre d’employeurs interprètent mal la notion de « travailleurs employés régulièrement » et excluent les travailleurs d’agences temporaires de façon à pouvoir contourner l’obligation d’avoir à mettre sur pied un comité mixte sur la santé et la sécurité574.

Dans le cadre de la recommandation qui précède, les activités d’exécution proactives devraient inclure le ciblage de ce type d’activité afin de s’assurer que l’on observe comme il faut les exigences.

À la place de dispositions règlementaires précisant les dangers possibles, il existe des Directives concernant la santé et la sécurité au travail à l’intention des opérations agricoles en Ontario, lesquelles ont été établies conjointement par des représentants du milieu agricole, de la Farm Safety Association, le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales ainsi que le ministère du Travail575. Ces lignes directrices « constituent un point de départ pour les parties du lieu de travail; elles les aideront à déterminer la meilleure façon de respecter leurs obligations en vertu de la LSST »576 . Lors de nos consultations, nous avons entendu des commentateurs du côté syndical faire part de leurs préoccupations à l’égard de l’importance de la participation des travailleurs aux discussions sur le sujet, comme les comités consultatifs techniques concernant les questions de santé et de sécurité dans le domaine agricole. En revanche, nous avons aussi entendu dire que les consultations du milieu des travailleurs et du milieu des employeurs ont systématiquement lieu lors de l’élaboration des règlements relatifs à la LSST, des dispositions législatives, des politiques et des plans sectoriels577. Nous ne savons pas avec certitude si les consultations concernant les préoccupations des travailleurs sont suffisantes à l’heure actuelle, mais nous sommes clairement d’avis qu’elles sont nécessaires. De telles consultations devraient inclure les travailleurs euxmêmes, les organismes qui les représentent, les représentants juridiques ou d’autres experts et représentants.

La Commission du droit de l’Ontario recommande :

33. Que le gouvernment de l’Ontario s’assure que les discussions menées entre le secteur privé et le gouvernment au sujet de la santé et de la sécurité englobent les travailleurs ou leurs représentants.

B. Le rapport Dean

Faisant de la protection des travailleurs vulnérables une priorité, le rapport Dean a défini ces derniers comme ceux qui « sont plus exposés que la plupart des travailleurs à des conditions dangereuses pour la santé et la sécurité, et ne disposent d’aucun pouvoir pour les changer »578. Il a été reconnu que la vulnérabilité des travailleurs découlait de plusieurs facteurs :

l’ignorance de leurs droits en vertu de la LSST, comme le droit de refuser de faire un travail risqué, l’absence d’expérience ou de formation liée à un emploi particulier ou au danger qu’il représente, et l’incapacité d’exercer leurs droits ou de soulever des questions portant sur la santé et la sécurité, par crainte de perdre leur emploi ou, dans certains cas, d’être déportés579.

Le rapport a mis l’accent sur des sous-groupes particuliers, dont les jeunes travailleurs, les immigrants récents, les travailleurs novices ou embauchés par de nouvelles entreprises, les travailleurs gagnant de très bas salaires et détenant plusieurs emplois à temps partiel, les travailleurs d’agences temporaires, ainsi que les travailleurs étrangers temporaires qui sont employés dans les secteurs de l’agriculture, de l’hôtellerie et du tourisme d’accueil ainsi que de la construction580. Dean a également traité de la vulnérabilité des travailleurs et réfugiés non munis des documents nécessaires, ainsi que de ceux qui travaillent dans l’économie clandestine de divers secteurs, tels que la construction, le nettoyage de bâtiments, la restauration, les transports, l’agriculture et le secteur du vêtement. Le rapport Dean a conclu qu’il existait un engagement généralisé à l’égard du système de responsabilité interne581. Le modèle de la LSST existant offre un équilibre entre les mesures d’exécution internes et externes. Nous soutenons la poursuite de cet engagement à l’égard de cet équilibre.

Le rapport Dean et le directeur général de la prévention ont tous deux fait état de l’importance qu’il y a de prioriser les travailleurs vulnérables et les petites entreprises582. Vu la fréquence du travail précaire dans les entreprises de petite et de moyenne taille, il s’agit là, selon nous, d’une évolution importante.

Le rapport Dean a reconnu les efforts faits par le gouvernement de l’Ontario depuis 2000 en priorisant la protection des jeunes travailleurs grâce à des mesures d’exécution ciblées, à des activités d’éducation ainsi qu’à des campagnes de sensibilisation publique énergiques qui ont donné lieu à « une diminution de 45 % du taux d’absences résultant de blessure chez les adolescents en 2008 »583. Il y est cependant mentionné que la prestation de services d’extension, la détermination des endroits où se trouvent les travailleurs vulnérables de même que la fourniture de renseignements pertinents, de services et de mesures d’exécution législatives présentent des défis constants pour ce qui est de protéger les travailleurs vulnérables, surtout dans le cas de ceux qui sont aux prises avec des obstacles linguistiques584.

Nous soulignons ci-après les recommandations du rapport Dean que nous estimons être les plus importantes pour les travailleurs vulnérables. Les recommandations nos 29 à 35 (dont il sera question ci-dessous) visent expressément les travailleurs vulnérables. Les recommandations nos 10 et 14 à 17, bien qu’elles visent tous les travailleurs, ont été considérées comme comportant des avantages particuliers pour les travailleurs vulnérables. Nous reconnaissons le travail accompli jusqu’à présent par le gouvernement de l’Ontario pour donner suite à ce rapport, et nous appuyons fortement la mise en oeuvre complète de toutes les recommandations qui se rapportent aux travailleurs vulnérables.

Les commentaires et recommandations que nous formulons ci-dessous sont le prolongement de cet important rapport et visent à ajouter des orientations précises qui guideront sa mise en oeuvre.

1. Une formation obligatoire sur la santé et la sécurité aux travailleurs avant de commencer à travailler ainsi qu’à tous les superviseurs responsables des intervenants en première ligne (recommandations nos 14 et 15 du rapport Dean)

Ces recommandations ont trait à la formation portant sur les droits et les responsabilités, le système de responsabilité interne, le fait de reconnaître les dangers et d’y réagir convenablement, de même que le rôle des comités mixtes sur la santé et la sécurité et des représentants connexes. Le Comité d’experts s’est rendu compte du besoin de prendre en considération les problèmes linguistiques et de littératie qui se poseraient lors de la mise au point des programmes de formation ainsi que la nécessité d’une accessibilité générale en offrant ces programmes sous de multiples formes dans des lieux non traditionnels comme Emploi Ontario, les bureaux d’établissement et les bureaux communautaires. La mise en oeuvre de ces recommandations est actuellement en cours585. Le rapport Made in Canada recommandait que de l’information sur les droits soit communiquée aux travailleurs étrangers temporaires autant avant qu’après leur arrivée. Nous estimons qu’il est important de tenir compte de la situation des travailleurs étrangers temporaires de façon que, pour la mise en oeuvre de la présente recommandation, ceux-ci obtiennent une formation adéquate en matière de santé et de sécurité586.

2. Une formation de débutants obligatoire pour les travailleurs de la construction et d’autres secteurs relevés; une formation de protection contre les chutes obligatoire et les autres activités à risque élevé (recommandations nos 16 et 17 du rapport Dean)

Une formation axée sur des dangers particuliers aiderait à contrer et à réduire le taux supérieur d’accidents qui surviennent parmi les nouveaux travailleurs, et elle profiterait aussi aux jeunes travailleurs et aux immigrants récents qui exercent habituellement, dans une mesure disproportionnée, des emplois physiquement exigeants ou dangereux587. La mise en oeuvre de ces recommandations est actuellement en cours588. À la recommandation 32 du rapport Dean, reconnaissant le besoin particulier de protection dans le secteur agricole, le Comité d’experts a recommandé que tout nouveau règlement obligeant à dispenser une formation obligatoire aux travailleurs s’applique également aux exploitations agricoles.

3. Un plus grand nombre de visites proactives et de campagnes d’application de la loi dans les milieux de travail et les secteurs où les travailleurs vulnérables sont concentrés (recommandation no 30 du rapport Dean)

Cette recommandation est destinée à mettre en lumière les mesures d’exécution et d’enquête proactives. Nos consultations et nos recherches ont également révélé le besoin de prendre davantage de mesures d’exécution. Le ministère du Travail a répondu à la recommandation du rapport Dean en, notamment, se lançant dans l’établissement de plans sectoriels axés sur un plus grand nombre de campagnes-éclair sur la sécurité et d’inspections proactives des lieux de travail589. L’augmentation du nombre des inspections a donné lieu à l’exercice accru de pouvoirs d’exécution au cours des dernières années, ce qui en fait une stratégie d’observation efficace590. Lors de nos consultations, on nous a informés que le ministère du Travail tient compte des travailleurs vulnérables au moment de décider où mener ces campagnes-éclair591.

Bien que nous soutenions la recommandation no 30 du rapport Dean, nous croyons qu’une recommandation donnant des directives plus précises serait utile. Il est ressorti de nos consultations que, chez les travailleurs agricoles, les travailleurs migrants temporaires ont d’importantes inquiétudes sur le plan de la santé et de la sécurité. Le rapport Dean reconnaît les dangers que présente le secteur agricole. Un certain nombre de répondants à nos consultations ont laissé entendre que les exploitations agricoles ne sont pas soumises assez souvent à des inspections menées en vertu de la LSST, tandis que des représentants du secteur agricole ont fait remarquer que d’autres secteurs présentaient des niveaux de dangers semblables ou supérieurs. Il ressort d’un examen des renseignements que détient le ministère du Travail sur les accidents graves et les décès survenus en Ontario que, entre les années 2008 et 2010, le secteur agricole a fait état de 11 décès et de 29 accidents graves. Le taux de décès venait au deuxième rang parmi 29 des sous-secteurs industriels de l’Ontario, après le tourisme, les loisirs et les services d’accueil, où l’on a relevé 15 décès. Vingt autres sous-secteurs ont signalé un nombre supérieur d’accidents critiques, comparativement à celui de l’agriculture. Il convient de signaler que le nombre des inspections menées dans le secteur agricole en vertu de la LSST ont été nettement moindres que dans la plupart des autres secteurs. Sur 29 sous-secteurs, il n’y en a eu que cinq autres où les taux d’inspection étaient inférieurs à ceux des exploitations agricoles, et tous ces sous-secteurs présentaient des taux de décès nettement inférieurs (0 ou 1) au cours de la même période, par rapport à l’agriculture 592. Nous n’avons pas d’informations qui expliquent clairement pourquoi, mais la situation donne à penser qu’il est nécessaire de l’examiner. Le secteur agricole est un secteur où des activités d’exécution proactives pourraient avoir un effet positif marqué sur les travailleurs et, particulièrement, sur les travailleurs migrants qui, comme nous l’avons noté plus tôt, se trouvent dans une situation qui présente des vulnérabilités singulières à cause de leur hésitation à signaler des accidents ou à faire valoir leurs droits de leur propre initiative. Dans ses plans de secteurs 2012-2013, le ministère du Travail reconnaît les liens entre les travailleurs migrants temporaires et les conditions de travail dangereuses dans l’agriculture. La communication d’informations et de directives aux nouveaux travailleurs, aux travailleurs temporaires et aux jeunes travailleurs, ainsi que leur formation, seront parmi les principaux points visés par les inspections dans ce secteur.593

Les participants aux consultations ont relevé d’autres secteurs, dont celui de l’accueil et celui des services de nettoyage, qui sont susceptibles de connaître des accidents au travail, de même que l’apparition graduelle d’accidents à répétition parmi les travailleurs des usines de vêtements, à cause du besoin de travailler rapidement594. Les membres du Groupe consultatif du projet ont indiqué que le secteur du placement temporaire suscitait d’importantes préoccupations au regard de la santé et de la sécurité. Les participants aux consultations ont souligné les préoccupations relatives aux mesures d’exécution et, réagissant au rapport préliminaire, la Toronto Workers’ Health and Safety Legal Clinic, le Workers Action Centre et les Parkdale Community Legal Services ont formulé des commentaires sur le fait que les préavis d’inspection réduisent l’impact des inspections. Un travailleur a d’ailleurs souligné ce phénomène lors de notre rencontre avec la Migrant Workers Alliance for Change. Le ministère du Travail a indiqué à la CDO que sa politique ne prévoit pas de préavis d’inspection.595

La Commission du droit de l’Ontario recommande :

34. a) Que le ministère du Travail mène plus d’inspections proactives dans les secteurs employant des travailleurs vulnérables et présentant un risque élevé d’accidents au travail, dans le secteur de l’agriculture, le secteur du tourisme réceptif et le secteur des services de nettoyage, ainsi que les lieux de travail où l’on trouve des travailleurs d’agences de placement temporaire;

b) Que les travailleurs étrangers temporaires, actifs dans tous les secteurs, constituent une priorité pour les activités d’exécution proactives que mène le ministère du Travail en vertu de la LSST.

4. Une affiche énonçant les principaux droits et responsabilités aux termes de la LSST (recommandation no 10 du rapport Dean)

Le Comité consultatif a recommandé la production d’une affiche présentant les principaux droits et responsabilités, fondée sur les témoignages qu’il avait entendus, à savoir que de nombreux travailleurs « comprenaient peu ou pas du tout la Loi sur la santé et la sécurité au travail, leurs droits en tant que travailleurs et les obligations des employeurs. Ce phénomène [était] particulièrement répandu parmi les travailleurs vulnérables »596. En juin 2012, cette affiche a été mise à la disposition du public, et la mise en oeuvre a commencé le 1er octobre 2012 597.

5. Des produits d’information dans des langues et des formats multiples à distribuer par l’entremise de divers médias et organismes afin de sensibiliser le public à la question de la santé et de la sécurité des travailleurs vulnérables (recommandation no 31 du rapport Dean)

Le Comité consultatif a recommandé que des renseignements de base sur la LSST et la LSPAAT soient produits dans des langues et des formats multiples en vue de pouvoir joindre les travailleurs vulnérables à l’échelon des collectivités. Nous avons conclu que de nouvelles voies de diffusion, comme les organismes et les services s’adressant aux nouveaux arrivants, les sites Web gouvernementaux axés sur les nouveaux immigrants, les annonces publicitaires, les bibliothèques et les moyens de transport en commun serviraient mieux les travailleurs vulnérables et rejoindraient ceux qui ne se présentent pas dans les bureaux du gouvernement et ceux qui ont des difficultés sur le plan linguistique ou sur le plan de la littératie598. Comme il a été signalé, le Comité consultatif a souligné les difficultés – auxquelles il a aussi été fait écho lors des consultations de la CDO – que suscite la protection des travailleurs dont l’anglais n’est pas la langue première ou qui ne parlent pas du tout cette langue599. Certains de nos répondants ont exprimé des critiques au sujet du rapport Dean qui, considèrentils, met exagérément l’accent sur la formation aux dépens des mesures d’exécution, mais, à notre avis, les recommandations que le Comité consultatif a formulées au sujet de l’élaboration de documents d’information, de la diffusion de ces derniers, ainsi que de la sensibilisation aux droits et aux responsabilités en matière de santé et de sécurité répondent bien aux problèmes qui ont été évoqués lors de nos consultations, relativement à la nécessité que les travailleurs aient une meilleure connaissance de leurs droits600. On nous a parlé de travailleurs étrangers temporaires qui manquaient de formation, de connaissance des droits et des personnes et organismes avec qui entrer en contact pour les faire respecter, surtout après un rapatriement601. Conformément à la recommandation du rapport Made in Canada selon laquelle les travailleurs migrants doivent être informés de leurs droits, il serait possible, dans le cadre de cette initiative, d’élaborer de la documentation à l’intention de ces travailleurs et de prendre des dispositions, par le biais du PTAS et d’autres programmes, pour la distribuer avant ou après leur arrivée.602

6. Des dispositions règlementaires pour les principaux dangers associés au travail agricole (recommandation no 32 du rapport Dean)

Le rapport Dean a fait des commentaires sur les dangers associés au secteur agricole et, comme nous l’avons signalé, en Ontario, entre les années 2008 et 2010, ce secteur venait au deuxième rang au chapitre du nombre des décès déclarés603. Les accidents les plus souvent signalés à la CSPAAT sont attribuables à l’épuisement, aux chutes, aux mouvements répétitifs et à une partie du corps coincée ou comprimée par du matériel. Lors de nos consultations, des travailleurs nous ont parlé de ces types d’accidents, qui causaient des douleurs au dos, des hernies, des amputations de mains ou d’orteils à cause de machines, d’exposition à la chaleur et d’épuisement, de tensions répétitives et d’exposition à des substances chimiques et à des pesticides. Les représentants du secteur agricole ont fait état de la meilleure formation que l’on dispense aujourd’hui aux travailleurs sur le plan de la santé et de la sécurité. Ils ont signalé, notamment, des innovations telles que les Pesticide Safety Training Requirements of Agricultural Assistants (Exigences relatives à la formation des aides agricoles en matière de sécurité des pesticides) et le Programme ontarien de formation sur les pesticides, qui sont offerts aux travailleurs agricoles. De plus, la Farm Safety Association offre gratuitement, ou moyennant des frais minimes à ses membres, un cours sur la santé et la sécurité. Les F.A.R.M.S. ont indiqué aussi que les travailleurs migrants reçoivent des informations de l’Ontario sur la santé et la sécurité dans le cadre de brochures émanant de leur pays respectif. Lors des consultations de la CDO, de nombreux travailleurs agricoles étrangers temporaires ont indiqué avoir suivi une formation quelconque sur de tels sujets, comme le SIMDUT et l’utilisation des pesticides; mais un grand nombre d’autres n’en ont pas suivi604.

Le rapport Dean a recommandé que l’on offre plus de protection aux travailleurs agricoles en appliquant certaines dispositions règlementaires existantes aux exploitations agricoles ou en créant de nouvelles dispositions règlementaires propres aux exploitations agricoles de façon à couvrir les principaux dangers sur lesquels portent actuellement les lignes directrices en matière d’agriculture. Dans la communication qu’elle a présentée à la CDO, la Migrant Workers’ Alliance for Change mentionnait les faits vécus par un travailleurs migrant, qui a décrit la pression l’obligeant à accepter de travailler avec des produits chimiques malgré les dangers courus : [TRADUCTION] « Lorsque le patron choisit six types pour vaporiser un produit et que vous dites que vous refusez, il ne vous reprendra pas […] Lorsque l’inspecteur vient, l’employeur vous donne un bon masque et de bons gants. Lorsque l’inspecteur repart, vous retrouvez votre camelote […] Lorsqu’un inspecteur vient à la ferme, le patron le sait deux semaines à l’avance. Pendant la semaine qui précède la venue de l’inspecteur, tout est nettoyé. Nous ne vaporisons aucun produit cette semaine-là. Une fois l’inspecteur parti, tout redevient comme d’habitude. »605

7. Les représailles (recommandations nos 33, 34 et 35 du rapport Dean)

L’article 50 de la LSST interdit d’user de représailles. Nos consultations ont pourtant révélé que la crainte qu’ont les travailleurs d’être victimes de représailles continue d’être un obstacle à l’exercice des droits que la LSST confère aux travailleurs, et que le problème est particulièrement aigu dans le contexte des travailleurs étrangers temporaires, où des travailleurs ont dit craindre d’être renvoyés chez eux ou d’être interdits de retour dans l’avenir606. Le Comité consultatif a reconnu que cette préoccupation posait problème et il a conclu que la crainte d’être victime de représailles était un élément de vulnérabilité important chez les travailleurs migrants temporaires.

En guise de solutions, le rapport Dean a recommandé la mise en marche d’un processus permettant aux inspecteurs du ministère du Travail de signaler à la CRTO « les menaces de représailles sérieuses impliquant le congédiement du travailleur » et une nouvelle procédure pour accélérer l’intervention de la Commission. Le rapport recommande également que l’on rehausse les politiques en matière de poursuites pour représailles en mettant l’accent sur la dissuasion, et que l’on fournisse l’appui d’une tierce partie indépendante aux personnes qui se plaignent d’être victimes de représailles, par l’entremise d’un organisme tel que le Bureau des conseillers des travailleurs. Comme l’indique aussi le rapport, la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) peut ordonner la réinstallation provisoire du travailleur. D’une façon plus générale, la CRTO peut rendre une ordonnance pour « supprimer ou modifier toute pénalité imposée par l’employeur, réintégrer/réembaucher le travailleur, ou indemniser le travailleur pour les pertes subies607 ».

En réponse au rapport Dean, le gouvernement de l’Ontario a récemment modifié la LSST de manière à prévoir un nouveau processus par lequel les inspecteurs peuvent orienter les questions de représailles vers la CRTO. Cette dernière a modifié ses règles afin de pouvoir activer le traitement de ces cas. Le gouvernement de l’Ontario a également adopté des dispositions règlementaires qui prescrivent les fonctions du Bureau des conseillers de travailleurs (BCT) et du Bureau des conseillers des employeurs (BCE), lesquelles consistent à dispenser une formation, à prodiguer des conseils et, dans le cas du BCT, à représenter les travailleurs non syndiqués devant la CRTO et, dans le cas du BCE, à représenter les employeurs comptant moins de 50 employés devant la CRTO608. Ce sont là des progrès importants qui s’appliquent autant aux travailleurs étrangers qu’aux travailleurs résidents. Mais le rapatriement demeure un problème réel. Il est important de reconnaître que, dans le cas des travailleurs étrangers temporaires, ces modifications n’auront qu’un avantage restreint à moins que ces processus soient disponibles pendant que les travailleurs se trouvent toujours en Ontario. Nous comprenons que le choix du moment du rapatriement est du ressort fédéral, mais nous exhortons la CRTO à tenir compte des limites de temps strictes auxquelles ces travailleurs sont soumis, de façon à ce que les travailleurs étrangers temporaires qui se présentent devant la CRTO dans le cadre de ce processus puissent disposer d’une audience et de discussions accélérées et efficaces. Notre recommandation concernant l’établissement d’un processus décisionnel indépendant à l’égard du rapatriement des travailleurs étrangers temporaires, et que nous avons formulée dans le chapitre portant sur les normes d’emploi, serait sensible à ces préoccupations.

La Commission du droit de l’Ontario recommande :

35. Que la Commission des relations de travail de l’Ontario, le ministère du Travail et le Bureau des conseillers des travailleurs veillent à ce que l’on dispose de systèmes assurant dans la mesure du possible que les plaintes pour représailles déposées en vertu de l’article 50 par des travailleurs étrangers temporaires seront entendues par la CRTO avant le rapatriement.

8. Un comité nommé en vertu de l’article 21 pour les travailleurs vulnérables (recommandation no 29 du rapport Dean)

Le rapport Dean a recommandé la mise en oeuvre de deux comités consultatifs en vertu de l’article 21 de la LSST : l’un serait chargé d’étudier les problèmes des travailleurs vulnérables et l’autre serait chargé d’étudier les difficultés auxquelles les petites entreprises sont confrontées en matière de santé et de sécurité. Le comité consultatif des travailleurs vulnérables serait un forum permanent pour les parties consultantes ayant de bonnes connaissances concernant les travailleurs vulnérables et donnant des conseils au Ministère sur la façon de mettre en oeuvre les recommandations formulées dans le rapport Dean, et qui permettrait d’améliorer les mesures d’exécution et de mettre au point et de diffuser des documents d’information609. Les liens entre les travailleurs vulnérables et les petites entreprises sont tels que les travaux du comité consultatif des petites entreprises auraient des retombées bénéfiques aussi pour ces travailleurs. Le directeur général de la prévention a indiqué que les travaux relatifs à l’établissement prochain de ces deux comités consultatifs sont en cours610. La CDO soutient énergiquement la création de ces comités. À notre avis, outre les questions de mise en oeuvre, il existe un certain nombre de questions pressantes que le comité consultatif des travailleurs vulnérables pourrait étudier. Par exemple, le Comité consultatif a suggéré que le comité soit une source d’informations permettant d’identifier les lieux de travail et les secteurs où se concentrent les travailleurs vulnérables, en vue de cibler les secteurs qui feraient l’objet de campagnes d’information sur les mesures d’exécution. Nous souscrivons à cette suggestion.

La Commission du droit de l’Ontario recommande :

36. Que le gouvernement de l’Ontario s’assure que le comité consultatif des travailleurs vulnérables, mis sur pied en vertu de l’article 21, s’occupe de :

a) prioriser les activités de formation sur la santé et la sécurité, tant une formation de base qu’une formation axée sur des dangers particuliers, à l’intention des travailleurs migrants et de leurs superviseurs;

b) trouver des moyens de donner accès aux travailleurs migrants à une formation de base sur leurs droits ainsi qu’à une formation axée sur des dangers particuliers, soit avant leur arrivée au Canada, par l’entremise des consulats, soit aussitôt après leur arrivée;

c) relever les secteurs où se concentrent les travailleurs vulnérables, de façon à ce que les activités d’exécution proactives soient axées sur ces secteurs.

C. Les questions relatives aux soins de santé ainsi qu’à la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail

La politique de la CSPAAT privilégie le retour de l’employé au travail auprès de son employeur. En théorie, cela peut sembler logique, mais nos consultations ont révélé que les travailleurs blessés au travail et les personnes qui les aident craignaient fort que les modifications apportées ces dernières années à la politique et aux pratiques de la CSPAAT n’aient fait croître le nombre de travailleurs dont les demandes de prestations ont été rejetées ou les prestations réduites. En réaction à notre rapport préliminaire, l’Industrial Accident Victims’ Group of Ontario (IAVGO) et les Injured Workers’ Consultants nous ont rapporté le fait que certains milieux de travail sont incapables de fournir un travail modifié adéquat et que des travailleurs se blessent de nouveau lorsqu’ils sont obligés de retourner au travail trop tôt.611 Les défenseurs des travailleurs soutiennent que la CSPAAT devrait évaluer les travailleurs dans tous leurs aspects humains, en tenant compte de leurs compétences, linguistiques et autres, de leur état psychologique, de leur niveau d’éducation, de leur condition physique et des réalités du marché du travail local.

En réaction à notre rapport préliminaire, l’IAVGO, les Injured Workers’ Consultants of Toronto et la Migrant Workers Alliance for Change ont fait savoir qu’ils trouvaient assez préoccupante une pratique de la CSPAAT qui, dans le cas de certains travailleurs vivant avec des séquelles permanentes, « estime » que ces travailleurs ont trouvé un emploi convenable dans un domaine particulier, puis révise le montant des prestations après cette perte de revenus, peu importe si le travailleur visé a bel et bien trouvé un emploi ou non. Il semble que la CSPAAT fasse des efforts pour remédier à cela par une souplesse accrue dans un apparent souci de mieux prendre en compte le travailleur dans tous ses aspects, ainsi que sa situation. Toutefois, les défenseurs des travailleurs continuent d’affirmer que ces politiques sont irréalistes et inéquitables pour les travailleurs, qu’elles aboutissent à la réduction des prestations et de leur durée et que, au bout du compte, elles obligent de nombreux travailleurs à recourir à l’aide sociale ou au Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées. Selon la Migrant Workers Alliance for Change, la situation est particulièrement grave pour les travailleurs migrants rapatriés parce que ceux-ci sont « réputés » être sur le marché du travail de l’Ontario alors qu’ils se trouvent en réalité dans leur pays d’origine, où les perspectives d’emploi sont beaucoup moins reluisantes.612 La CSPAAT évalue actuellement ses procédures, comme le montrent l’examen du financement effectué par M. Arthurs et d’autres examens des politiques de la CSPAAT en cours. Il est clair que les défenseurs des travailleurs attirent l’attention de la CSPAAT sur ces questions depuis un certain temps. On mentionne par exemple qu’elles ont été soulevées dans le récent rapport d’examen du financement de la CSPAAT rédigé par M. Arthurs.613 Certes, notre rapport ne porte pas principalement sur le système de la CSPAAT, mais le rôle de la CSPAAT dans la lutte contre la précarité a été évoqué lors de nos consultations; c’est pourquoi nous souhaitons mettre en relief les préoccupations dont nous ont fait part les travailleurs et défenseurs des travailleurs que nous avons rencontrés.614

Une autre question relative à la CSPAAT a été portée à notre attention par les membres du Groupe consultatif du projet : il s’agit des cotisations d’assurance-sécurité au travail pour les agences de placement temporaire. Ces cotisations à la CSPAAT sont payables par l’employeur. Les taux de cotisations sont calculés selon une « règle de l’intensité » qui prend en compte les antécédents de l’employeur auprès de la CSPAAT et du risque évalué que présente le type d’emploi. Selon Lippel et ses collaborateurs, les travailleurs d’agences de placement temporaire oeuvrant dans une relation triangulaire formée de l’employé, du client (le lieu de travail) et de l’agence de placement temporaire (l’employeur réputé) soulèvent des problèmes singuliers sur le plan de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail. Les auteurs signalent que la relation de travail triangulaire crée une situation dans laquelle les accidents du travail qui surviennent au lieu de travail du client ne sont pas consignés dans le cadre des antécédents du client auprès de la CSPAAT. Ils devraient figurer dans les dossiers de l’agence de placement temporaire, mais on ne sait avec certitude à quelle fréquence cela se fait615 . Cette situation crée, pour les employeurs, une incitation possible à confier en sous-traitance les travaux les plus dangereux à des agences temporaires de façon à éviter d’avoir à payer à la CSPAAT des primes plus élevées. Cette forme d’orientation des risques vers l’agence temporaire peut aussi avoir une incidence négative sur les agences de placement temporaire de petite taille, qui voient leurs primes augmenter. Il convient de noter, cependant, que si un travailleur d’agence de placement temporaire est blessé au travail, l’employeur client pourrait être assujetti à l’application de la LSST.616

Lippel et ses collaborateurs font état d’autres problèmes, comme le fait que la CSPAAT sous-évalue la capacité de gains des employés temporaires et à temps partiel, le fait que l’on dissuade les employeurs clients à faire revenir au travail les travailleurs d’agences de placement temporaire qui ont subi un accident de travail et le fait que les travailleurs hésitent à signaler les accidents dont ils sont victimes.

[traduction] Certains travailleurs ont manifestement le sentiment d’être sacrifiables et hésitent à exercer leurs droits. Quand ils sont victimes d’un accident, la perte de la capacité de gains qu’ils subissent est sous-évaluée, ce qui mène non seulement à des indemnités minimes, mais aussi à une sous-estimation des besoins de réadaptation professionnelle des travailleurs, la seule exigence étant des mesures de soutien pour aider le travailleur à obtenir les gains qu’il touchait avant d’avoir subi un accident617.

Bien qu’il ne s’adresse pas expressément à la situation des travailleurs d’agences de placement temporaire dont il a été question plus tôt, le rapport Arthurs, intitulé « Un financement équitable : Rapport sur le régime de sécurité professionnelle et d’assurance contre les accidents du travail de l’Ontario », s’est livré à une analyse importante et a formulé une série de recommandations au sujet du système de la tarification par incidence de la CSPAAT618. Il soulève des préoccupations concernant le système de la tarification par incidence et recommande qu’on le révise en profondeur afin de décider s’il convient de le préserver. Le rapport souligne que le système encourageait vraisemblablement la suppression des demandes et d’autres abus. Arthurs a recommandé que le système ne soit maintenu que s’il était assorti de politiques et de procédures d’exécution plus strictes. À cette fin, l’examen de financement a donné lieu à un certain nombre de recommandations liées à l’amélioration de la connaissance qu’ont les travailleurs de leurs droits, à l’équité et à l’honnêteté des participants lors des procédures de la CSPAAT, et à un plus grand nombre de mesures de protection pour les travailleurs, dont le fait de dissuader et de sanctionner la suppression des demandes et d’autres abus. Arthurs a également formulé des recommandations au sujet du remaniement du système de la tarification par incidence. La CSPAAT et le ministère du Travail étudient actuellement les recommandations du rapport Arthurs619 . Les représentants des travailleurs participant à l’examen du financement ont également évoqué le problème du risque accru d’accident auquel font face les travailleurs des agences de placement temporaire en raison de leur manque de connaissance du lieu de travail. Arthurs a conclu qu’il serait bon de valider cette question en effectuant des recherches additionnelles620.

La Commission du droit de l’Ontario recommande :

37. Que le gouvernement de l’Ontario et la CSPAAT examinent les effets des politiques et des pratiques de la CSPAAT :

a) dans le but de cerner les répercussions de la règle de l’intensité et d’autres politiques pour les travailleurs vulnérables, tout particulièrement pour les travailleurs étrangers temporaires et les travailleurs des agences de placement temporaire;

b) en étudiant l’attribution d’incidents relatifs à la santé et à la sécurité à l’employeur-client.

La question de la réglementation de la chaîne d’approvisionnement, dans le contexte de la santé et de la sécurité au travail et de la LNE, a été vivement préconisée par les membres du Groupe consultatif du projet qui représentaient les travailleurs. Les recherches menées dans ce secteur, ainsi que les modèles existants, se situent principalement dans le contexte de la santé et de la sécurité. Dans le document que la CDO leur a commandé, Vosko et ses collaborateurs recommandent l’établissement d’une réglementation de la chaîne d’approvisionnement en rapport avec la santé et la sécurité en Ontario621. En l’espèce, la réglementation de la chaîne d’approvisionnement se rapporte aux normes de protection des travailleurs ou de santé et de sécurité que les grandes entreprises imposent à leurs sous-traitants et à d’autres petites entreprises qu’elles engagent pour exercer leurs activités commerciales. Elle peut prendre la forme d’un règlement imposant aux grandes entreprises la responsabilité d’assurer le respect des normes par les petites entreprises auxquelles elles ont recours pour exercer leurs activités commerciales. Une telle réglementation peut aussi être effectuée au moyen d’une obligation contractuelle et pourrait servir à évaluer les entrepreneurs proposés. Dans l’étude mentionnée ci-dessous, la réglementation de la chaîne d’approvisionnement vise l’imposition d’obligations en amont ou l’imposition d’obligations à ceux qui se trouvent aux échelons supérieurs de la chaîne d’approvisionnement.

James et ses collaborateurs ont mis en lumière le lien qui existe entre l’accroissement des activités professionnelles moins intégrées et l’orientation correspondante vers un recours accru à des formes de travail auxiliaires ou périphériques622. Ce phénomène a amené à s’éloigner des activités intégrées ou centrales de contrôle de la production et de prestation des services. Le contrôle est maintenant fondé sur la concurrence qu’exercent les fournisseurs externes en vue d’obtenir le meilleur prix et la meilleure qualité possible. Les auteurs font remarquer que la sous-traitance des tâches dangereuses ne mène pas nécessairement à un amoindrissement du respect des exigences en matière de santé et de sécurité, car les employeurs utilisateurs cherchent peut-être à s’assurer que leur emploi ne donne pas lieu à des risques plus élevés. Cependant, en général, ils concluent qu’il existe un certain nombre de raisons pour lesquelles l’externalisation du travail à des entreprises de petite et de moyenne taille peut avoir une incidence négative sur la santé et la sécurité. Les entreprises de petite taille, statistiquement, ont une réputation généralement mauvaise sur le plan de la santé et de la sécurité à cause de la limitation de leurs ressources, de sorte que le fait que des entreprises de grande taille sous-traitent des tâches à des entreprises de petite taille exerce des tensions sur le plan de la santé et de la sécurité plus loin le long de la chaîne d’approvisionnement. La décentralisation de tâches par voie de sous-traitance restreint les investissements faits dans le domaine de la santé et de la sécurité et perturbe les mesures de coordination, surtout dans les milieux de travail où des travailleurs internes et des travailleurs d’agences de placement temporaire oeuvrent ensemble623. Les auteurs font état d’autres préoccupations, dont le manque généralisé de connaissances à propos de la santé et de la sécurité parmi les agences de placement temporaire et les employeurs hôtes, et ils arrivent à la conclusion générale que la soustraitance mine les normes en matière de santé et de sécurité624. Après avoir passé en revue plusieurs modèles de réglementation de la chaîne d’approvisionnement par voie législative, James et ses collaborateurs demeurent optimistes quant à l’utilité de ce type de modèle, même s’ils reconnaissent que l’application restreinte de ce genre de mesures à l’échelon international offre une preuve [traduction] « loin d’être complète » de leur efficacité625.

Les auteurs n’ont pas soutenu l’idée d’une réglementation générale de la chaîne d’approvisionnement, mais se sont plutôt prononcés en faveur d’une telle réglementation dans les secteurs où l’externalisation crée des problèmes particuliers et où de telles mesures pourraient produire le plus d’avantages. Ils ont laissé entendre que ceux qui en tireraient le plus grand avantage, ce sont les travailleurs d’agences temporaires qui accomplissent des types particuliers de travail dangereux et les secteurs où l’on confie des tâches manufacturières en sous-traitance à [traduction] « des organisations de petite taille dont l’effectif est inférieur à une taille minimum particulière »626.

C’était en 2007. En 2010, deux des mêmes auteurs ont publié une étude d’évaluation portant sur un modèle australien de réglementation de la chaîne d’approvisionnement. Leurs constatations ont fait état d’une piètre observation de ce que les auteurs ont appelé les fonctions en amont, c’est-à-dire les fonctions imposées par les éléments situés en amont de la chaîne d’approvisionnement à ceux qui se situent en aval. La mise en oeuvre de la réglementation paraissait très difficile, et obligeait à établir des mécanismes d’exécution très stricts pour s’assurer qu’elle se déroulait de manière appropriée et constante. Néanmoins, les auteurs continuent d’appuyer de telles mesures et espèrent que l’on effectuera des améliorations en vue d’en affermir l’efficacité627.

Au lieu de recourir à des changements législatifs, le rapport Dean a suggéré que l’on établisse dans les politiques d’approvisionnement du gouvernement de l’Ontario des relations de chaîne d’approvisionnement qui tiendraient compte du « rendement des fournisseurs en matière de santé et sécurité au travail afin de les inciter à offrir un haut rendement ». Le rapport Dean a reconnu que le gouvernement de l’Ontario est capable d’influencer le rendement, sur le plan de la santé et de la sécurité, des entreprises avec lesquelles il fait affaires grâce à ses politiques d’approvisionnement. En exigeant que l’on évalue les propositions de travail des fournisseurs en fonction de qualités établies qui feraient état d’un niveau élevé de rendement sur le plan de la santé et la sécurité, le gouvernement de l’Ontario serait en mesure de règlementer dans une large mesure l’observation des exigences en matière de santé et de sécurité tout au long de ses chaînes d’approvisionnement, notamment en ce qui concerne les services fournis à l’échelon local. Il a été reconnu qu’un tel système ne serait peutêtre pas aussi faisable dans le cas des biens qu’il serait possible d’obtenir de sources étrangères628. Le rapport Dean a de plus recommandé que l’on établisse des mesures incitatives financières de la CSPAAT à l’intention des employeurs qui sélectionnent les fournisseurs en fonction de leur rendement sur le plan de la santé et de la sécurité. En formulant cette recommandation, le rapport Dean a fait état des difficultés que les petites entreprises pourraient rencontrer en évaluant le rendement des fournisseurs sur le plan de la santé et de la sécurité. À cette fin, il suggère que l’on élabore des normes et des documents d’orientation en vue d’inciter les petites entreprises à inclure des exigences en matière de santé et de sécurité dans les relations de chaîne d’approvisionnement. Le nouvel organisme de prévention, en consultation avec les intervenants, élaborerait des normes d’intégration de critères de sélection dans les relations de chaîne d’approvisionnement629.

La Commission du droit de l’Ontario recommande :

38. Que le gouvernement de l’Ontario :

a. étudie les mécanismes liés au respect des normes en matière de santé et de sécurité dans les chaînes d’approvisionnement en vue de traiter de la question de la sous-traitance aux petites entreprises et, plus particulièrement, à des travailleurs d’agences de placement temporaire;

b. mette en oeuvre les recommandations du rapport Dean concernant la réglementation de la chaîne d’approvisionnement dans le cadre des politiques d’approvisionnement du gouvernement et d’incitation financière de la CSPAAT pour les employeurs qui évaluent les fournisseurs en fonction de leur rendement sur le plan de la santé et de la sécurité.

Nos consultations ont révélé qu’en ce qui concerne les travailleurs étrangers temporaires, les mesures de protection de la CSPAAT posent des difficultés630. Selon certaines études, ces travailleurs n’ont pas accès aux prestations de la CSPAAT ou se heurtent à des difficultés quand ils y ont accès. Des chercheurs ont signalé que 93 % des travailleurs ontariens visés par le PTAS ont déclaré qu’ils ignoraient comment présenter une demande d’indemnisation et qu’un grand nombre des travailleurs malades ou blessés sont rapatriés avant que l’on puisse faire une enquête complète ou soigner leurs lésions631. Même si la documentation spécialisée est axée sur le PTAS, cela est vraisemblablement dû au fait que le programme est plus visible et accessible. Les membres du Groupe consultatif du projet ont fait remarquer que, à l’instar de la plupart des problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs migrants, il est probable que les travailleurs des niveaux C et D de la CNP ont même besoin d’encore plus de protection à cause du manque de supervision centrale au sein du programme. Comme il a déjà été signalé, les travailleurs craignent de déposer une plainte à cause de la possibilité (réelle ou perçue) qu’ils soient rapatriés ou qu’on leur interdise de revenir632. Les obstacles linguistiques et l’insuffisance du soutien nécessaire pour communiquer avec un médecin ou la CSPAAT présentent d’autres problèmes, et il y a des difficultés à communiquer avec les travailleurs une fois que ceux-ci sont rentrés chez eux. Les mêmes recherches donnent également à penser que les médecins canadiens ne sont pas au courant que les travailleurs migrants ont droit à des prestations de la CSPAAT et, de ce fait, ne présentent pas de demande.633

Certains rapports nous indiquent que les travailleurs migrants avaient de la difficulté à trouver un médecin, que des services d’interprétation n’étaient pas toujours disponibles pour les rendez-vous chez le médecin, et que des cliniques médicales sans rendez-vous n’étaient pas toujours disponibles; les travailleurs devaient se présenter à l’hôpital pour tous leurs problèmes de santé634. Dans un secteur, malgré le grand nombre de travailleurs migrants hispanophones, aucun médecin ne parlait l’espagnol. Il est difficile d’obtenir des soins de santé appropriés si les travailleurs ne sont pas capables de communiquer efficacement avec leur médecin, ou vice-versa. Souvent, les travailleurs ignorent où obtenir des soins de santé appropriés (p. ex., des soins chiropratiques)635. L’admissibilité à l’Assurance-santé de l’Ontario n’est habituellement pas le problème. Comme le souligne le gouvernement de l’Ontario dans sa réponse à notre rapport préliminaire, les travailleurs migrants, notamment ceux embauchés dans le cadre du PTAS, les aides familiaux résidants et les personnes détenant un permis de travail valide pour au moins 6 mois sont admissibles à l’Assurance-santé de l’Ontario.636 En outre, le PTAS prévoit des mécanismes permettant aux consulats de présenter la première demande d’admission à l’Assurance-santé de l’Ontario des travailleurs, et les cartes Santé sont habituellement envoyées par la poste aux exploitations agricoles qui ont recruté ces travailleurs. Lorsque des photos et des renouvellements de carte sont exigés, ServiceOntario assure des services externes mobiles aux localités rurales, ainsi que des heures de services prolongées qui tiennent compte des horaires de travail. On peut s’informer des options de soins de santé en ligne ou grâce à un numéro d’appel sans frais; entre autres options, citons la disponibilité de médecins de famille, des cliniques, des cliniques d’infirmières-praticiennes et des centres de soins d’urgence.

Dans le souci d’aplanir les obstacles linguistiques, le ministère de la Santé et des Soins de longue durée collabore avec des services d’interprétation pour répondre aux demandes téléphoniques et pour aider les patients qui ont recours aux services ambulanciers.637 Toutefois, malgré l’existence de ces ressources, les travailleurs migrants ont de la difficulté à obtenir des services médicaux.

Un travailleur migrant qui reconnaît se sentir malade pourrait craindre d’être rapatrié par son employeur ou de ne plus être réinvité au Canada. Dans certains cas, les employeurs ne s’occupent pas d’obtenir de cartes d’assurance maladie pour les travailleurs migrants, comme ils devraient le faire, ou les travailleurs migrants ont de la difficulté à visiter une clinique ou à voir un médecin parce qu’ils éprouvent des difficultés de transport638.

En réponse à ces préoccupations, dans une collectivité rurale un groupe communautaire bénévole travaillait avec les responsables municipaux de la santé publique en vue d’établir dans un centre une clinique de santé639. Les travailleurs font de longues heures de travail et il est difficile pour eux de prendre congé pour consulter un médecin; de plus, l’emplacement du lieu de travail présente des difficultés si l’accès à un moyen de transport est restreint. Les travailleurs dépendent souvent de leur employeur pour les amener à la ville la plus proche et avoir accès aux soins médicaux qui peuvent être disponibles640.

Pour ce qui est des travailleurs qui bénéficient de régimes d’assurance complémentaire fournis par leur pays d’origine, certains des répondants, lors des consultations que la CDO a menées, ont indiqué qu’il est plus facile de présenter une demande dans le cadre du régime d’assurance privé et de renvoyer le travailleur chez lui que de présenter une demande à la CSPAAT et de garder le travailleur au Canada, dans un logement fourni par l’employeur641. Le processus de règlement des demandes de la CSPAAT a été décrit comme long et difficile à suivre. La CDO a entendu dire que les emplacements où se situent les bureaux de la CSPAAT imposent une contrainte de temps aux demandeurs des régions rurales et des petites villes, ce qui fait que, pour eux, le processus est plus difficile642. Nous avons également entendu les récits de travailleurs migrants qui n’avaient pas reçu de carte Santé de l’Ontario ou qui avaient eu des difficultés à présenter une demande d’admission à Santé, ce qui leur avait compliqué l’accès à des soins médicaux. Remarque : le gouvernement de l’Ontario nous a fait savoir que les centres de santé communautaire acceptent les patients qui n’ont pas de carte d’Assurance-santé de l’Ontario et que les hôpitaux ne refuseront pas de soigner un patient si un tel refus met sa vie en danger.643

De l’avis de la CDO, l’accès à des services médicaux, les obstacles linguistiques et les demandes d’indemnisation relatives à la sécurité au travail peuvent être assez étroitement liés pour que les secteurs où l’on trouve une concentration élevée de travailleurs migrants puissent bénéficier d’une clinique médicale mobile se rendant dans les régions rurales où se trouvent des travailleurs migrants et offrant des services médicaux combinés à une aide pour remplir une demande d’indemnisation de la CSPAAT, le cas échéant. Des services d’interprétation ou du personnel médical s’exprimant couramment dans la langue du travailleur permettraient de répondre aux besoins linguistiques. La mobilité de la clinique surmonterait les obstacles que présentent les emplacements ruraux sur le plan de l’accès aux services médicaux. La présence d’employés bien au fait des questions relatives à la LSST/CSPAAT répondrait au besoin d’un soutien additionnel. Lors des discussions que nous avons eues sur la possibilité d’exécuter ce projet, tant les défendeurs des droits des travailleurs que les représentants des employeurs ont souligné l’importance de la neutralité du personnel médical par rapport à la CSPAAT, aux syndicats et à d’autres intérêts. Il serait important que toute clinique de ce genre envisage la prestation de services aux travailleurs migrants dont l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour veiller à ce que ses employés soient admis à l’Assurance-santé et à des indemnisations, malgré son obligation de le faire. En réaction à notre rapport préliminaire, le Bureau des conseillers des travailleurs nous a fait savoir qu’il était favorable à cette recommandation.644

La Commission du droit de l’Ontario recommande :

39. Que le gouvernement de l’Ontario mette en oeuvre :

a) à titre de projet pilote, un service mobile de clinique médicale à l’intention des travailleurs migrants dans les régions rurales où ils résident, qui leur donnerait accès à des soins médicaux ainsi qu’un soutien correspondant pour faciliter les demandes d’indemnisation de la CSPAAT, le cas échéant;

b) un service direct ou des services d’interprétation dans la langue des travailleurs migrants.

Certains travailleurs étrangers temporaires, notamment ceux qui travaillent dans le domaine agricole, sont victimes de dépression, d’anxiété et d’alcoolisme à cause du stress, de l’éloignement et de la séparation de leur famille645. Vivant en milieu rural et partageant un logement avec des étrangers, un grand nombre de ces travailleurs n’ont qu’un accès restreint à des services médicaux, communautaires ou religieux ou à d’autres mécanismes de soutien, car ils dépendent de leur employeur pour leur transport et leur accès à ces mécanismes de soutien (encore qu’un certain nombre d’agriculteurs fournissent à leurs travailleurs des bicyclettes)646. Là où il existe de tels mécanismes, les obstacles culturels ou linguistiques empêchent peut-être les travailleurs d’y avoir accès647. Un modèle prometteur de réponse communautaire aux besoins de soutien des travailleurs migrants est le Niagara Migrant Workers Interest Group (NMWIG), qui a été organisé :

[traduction] pour coordonner les efforts de particuliers et d’organismes intéressés, dans la région de Niagara, qui fournissent des services dans les domaines de la justice, de la santé, du transport, de l’alimentation, des finances, de l’emploi, de la santé et de la sécurité des travailleurs, de la langue, de l’éducation, etc. aux travailleurs migrants saisonniers648.

Dans le cadre d’activités communautaires, telles que des concerts, des foires de santé, des cliniques de santé et des activités religieuses, le NMWIG est parvenu à créer des ponts entre les travailleurs saisonniers et les résidents de l’endroit, ainsi qu’à promouvoir la santé et le bien-être parmi les travailleurs et au sein de la collectivité. À Leamington (Ontario), la clinique médicale sans rendez-vous compte du personnel parlant l’espagnol, il y a des entreprises où des employés s’expriment en espagnol et la communauté religieuse offre des services et des réunions en espagnol, comme les Alcooliques anonymes. En Colombie-Britannique, le milieu religieux joue un rôle de chef de file, tenant des réunions de prière et fournissant des services et des bibles en espagnol, et il s’organise aussi pour fournir des services de consultation psychologique et organiser des activités sociales et sportives. Par ailleurs, des bénévoles de la collectivité ont établi une ligne d’urgence pour des services d’aide, des achats bénévoles, des services d’interprétation lors des rendez-vous chez le médecin, ainsi que des services d’achat pour les travailleurs migrants.

Jenna Hennebry décrit certaines des nombreuses initiatives que des organismes sans but lucratif et des communautés religieuses ont entreprises; ces initiatives [traduction] « servent à habiliter les travailleurs agricoles migrants ou à encourager leur participation active au sein d’une collectivité, ou leurs communications avec cette dernière ». Elle décrit ces efforts comme un [traduction] « pas immense en faveur de l’intégration des travailleurs agricoles migrants dans leurs collectivités ». Cependant, comme elle le fait remarquer, sans source garantie de financement ou engagement central à l’égard des programmes, ces mesures demeureront un ensemble disparate d’initiatives locales, risquant de prendre fin à tout moment649. À notre avis, les employeurs, le gouvernement à tous les échelons, les F.A.R.M.S. et les collectivités ont un rôle à jouer pour ce qui est de soutenir ces efforts d’intégration650.

La Commission du droit de l’Ontario recommande :

40. Que le gouvernement de l’Ontario travaille de concert avec les administrations locales, les employeurs, les F.A.R.M.S. et les collectivités ainsi qu’avec les organismes de défense des droits des travailleurs, afin de continuer de trouver des moyens de mettre en oeuvre, à l’intention des travailleurs migrants, des mesures d’aide sur le plan médical, juridique, spirituel et social.

 

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