I.          INTRODUCTION

La nature de l’emploi évolue et la relation d’emploi type, fondée sur un emploi continu et à temps plein, dans le cadre duquel le travailleur a accès à un bon salaire et à des avantages sociaux intéressants, n’est plus la structure d’emploi prédominante, si tant est qu’elle l’a jamais été. De nos jours, plus d’emplois sont précaires et offrent moins de sécurité d’emploi, peu d’avantages sociaux, sinon aucun, et un contrôle minimal sur les conditions de travail. Le travail précaire peut être un travail à contrat, à temps partiel, autonome ou temporaire. Ce changement touche tous les groupes de travailleurs, mais ce sont les femmes et les immigrants récents qui sont les plus susceptibles d’être des « travailleurs vulnérables » exerçant un travail précaire. En particulier, certains travailleurs visés par les programmes des travailleurs étrangers exercent un tel travail.

Le Projet de la CDO portant sur les travailleurs vulnérables et le travail précaire évalue les mesures de protection dont disposent ces travailleurs en Ontario ainsi que la protection qu’assure à ce type de travail la législation provinciale conçue pour protéger les travailleurs, comme la Loi sur les normes d’emploi et la Loi sur la santé et la sécurité au travail.

Il est possible que les ébauches de recommandation formulées dans le présent rapport préliminaire changent à la suite des commentaires qui seront faits sur ce dernier, et les recommandations finales sont toutes soumises à l’approbation du Conseil des gouverneurs de la CDO.

 

II.         LES TRAVAILLEURS VULNÉRABLES ET LE TRAVAIL PRÉCAIRE : DE QUOI S’AGIT-IL?

Il est question dans ce chapitre de la montée du travail précaire, de la toile de fond économique, ainsi que des formes de travail précaire et de l’effet de ce type de travail sur des groupes particuliers. Des facteurs tels que la dépendance accrue des employeurs à l’égard des travailleurs contractuels autonomes, le déclin de l’industrie manufacturière, la révolution de l’information, les progrès technologiques phénoménaux et la demande en travailleurs plus instruits sont tous des facteurs qui ont contribué à l’accroissement de la précarité du travail.

Le travail précaire est caractérisé par l’instabilité des emplois, l’absence d’avantages sociaux, de bas salaires et le degré de contrôle exercé sur le processus. Ce travail comporte peut-être aussi plus de risques d’accident. Dans ce chapitre sont présentés des renseignements plus détaillés sur les genres de travail précaire sur lesquels porte le Projet, y compris les formes que ce travail revêt (comme le travail à contrat) et les types de travail que l’on peut souvent qualifier de précaires (comme l’activité agricole).

Il est important de comprendre que la « vulnérabilité » ne fait pas référence aux travailleurs eux-mêmes, mais à la situation à laquelle ils sont confrontés parce qu’ils exercent un travail précaire et à cause d’autres désavantages liés au sexe, à l’immigration, à la race et à d’autres caractéristiques. Le mouvement accru des « travailleurs invités » venant d’autres pays – un phénomène d’envergure mondiale – est un facteur qui intensifie le rôle que jouent les travailleurs vulnérables au sein de l’économie. Le chapitre explique pourquoi les femmes et les parents élevant seuls des enfants, les personnes racialisées, les nouveaux arrivants et les immigrants établis de longue date, les travailleurs migrants temporaires, les personnes handicapées, les jeunes et les travailleurs sans statut s’exposent tous, peut-être plus que d’autres, à exercer un emploi précaire.

Ce chapitre souligne également l’incidence du travail précaire sur des aspects de la vie des travailleurs vulnérables qui sont sans rapport avec l’emploi lui-même. Ce travail mène à un risque accru d’accident et de maladie, de stress et de manque d’accès à des soins médicaux. Il peut avoir une incidence sur les relations familiales et le degré de participation à la vie de la collectivité. Il peut aussi être difficile de trouver le temps et l’énergie nécessaires pour rehausser son degré de scolarité ou suivre des activités de formation. Les personnes d’un certain âge qui ont accompli ce type de travail toute leur vie durant n’auront pas de régime de retraite et n’auront pas pu faire d’épargnes. De façon plus générale, ces travailleurs et leur famille subiront vraisemblablement les coûts intergénérationnels de la pauvreté. De plus, ce ne sont pas seulement les travailleurs vulnérables eux-mêmes et leur famille qui sont touchés, mais la société dans son ensemble.

Le chapitre II fait un survol de la législation relative au travail précaire ainsi que de l’incidence de la Charte canadienne des droits et libertés, du Code des droits de la personne de l’Ontario, des lois nationales de même que de diverses initiatives stratégiques et législatives internationales dans ce secteur.

 

III.        LA POLITIQUE EN MATIÈRE DE NORMES D’EMPLOI ET LA RÉFORME LÉGISLATIVE : LA LOI SUR LES NORMES D’EMPLOI ET LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES CONNEXES

Ce chapitre traite d’éventuelles réformes à la Loi sur les normes d’emploi (LNE) et aux dispositions législatives connexes, dont diverses questions de principe, l’établissement d’un plancher de droits minimaux et une meilleure connaissance des droits des employés et des obligations des employeurs. Il traite également d’une série de questions relatives aux mesures d’exécution.

Après avoir examiné les réformes que l’on pourrait apporter à la LNE, nous recommandons que le gouvernement de l’Ontario, en consultation avec les personnes touchées, mettent à jour, révisent et simplifient les exemptions que comporte la LNE et la réglementation connexe, ce qui inclut des exemptions professionnelles précises et que cet examen permette d’établir et d’appliquer des principes qui visent à s’assurer que la justification des exemptions est mise en équilibre avec la nécessité de réduire le travail précaire et de fournir des normes minimales de base à un secteur plus large de la population active. (Recommandation no 1)

Nous recommandons de plus que la LNE contienne un énoncé de principe général lié à la détermination à protéger des droits minimaux de base, à étayer l’observation des règles et à favoriser la sensibilisation et l’éducation des membres du public, des employeurs et des travailleurs. (Recommandation no 2)

D’autres recommandations comprennent un examen des questions relatives au salaire minimum, la création d’un processus permettant de rajuster dans l’avenir le salaire minimum, une rémunération égale pour les travailleurs occupant des postes équivalents, ainsi qu’une analyse des options concernant la fourniture d’avantages sociaux aux personnes exerçant un travail atypique. (Recommandations nos4 et 5) Nous recommandons aussi un examen des dispositions en matière de congé d’urgence personnelle que comporte la LNE afin de trouver des moyens d’étendre les avantages aux lieux de travail comptant moins de 50 employés (Recommandation no 6)

Nous soulignons l’importance de s’assurer que les travailleurs et les employeurs sont au courant de leurs droits et de leurs obligations et nous formulons une recommandation en ce sens. (Recommandation no 7) Cela inclut la recommandation que les employeurs remettent l’affiche d’information relative à la LNE sous la forme d’un document à tous les nouveaux employés (dans la langue de ces derniers, si possible) et fournissent à tous les employés un avis écrit énonçant leur statut en matière d’emploi et les conditions de leur contrat d’emploi. (Recommandations nos 8, 9 et 18)

Ce chapitre examine aussi les questions quoi découlent de l’exécution de la LNE, ce qui inclut les préoccupations entourant l’actuel modèle d’observation volontaire, qui est principalement fondé sur le dépôt de plaintes; il existe aussi un certain nombre de mesures d’exécution proactives. Nous recommandons que l’on continue de recourir à diverses méthodes d’exécution, en mettant davantage l’accent sur les processus d’exécution proactifs, surtout dans les secteurs à risques élevés (Recommandations nos 10 et 16) Un problème particulier est la mesure dans laquelle les employés doivent faire des démarches auprès de leur employeur pour régler leurs problèmes avant de déposer une plainte en vertu de la LNE, de même que l’application des exemptions relatives à cette exigence; nous recommandons un examen de cette politique et de ce processus afin de déterminer s’il existe des effets négatifs et, dans l’affirmative, s’il convient d’éliminer la politique, ainsi que d’améliorer les communications au sujet des exemptions disponibles. (Recommandations nos 11 et 12) Nous recommandons également des moyens d’aider les travailleurs aider à établir leurs demandes d’indemnisation. (Recommandation no 13) Nous encourageons à faire appel à des entreprises qui sont des chefs de file sur le plan de l’observation pour s’attaquer aux problèmes d’inobservation, ainsi qu’à créer un conseil consultatif sur des solutions novatrices au travail précaire, qui serait formé de tous les intervenants compétents en vue de mettre au point des initiatives permettant d’améliorer le processus d’exécution. (Recommandations nos 21 et 28)

D’autres recommandations relatives aux mesures d’exécution comprennent le fait d’étendre les délais de prescription et de relever le plafond pécuniaire fixé, de prévoir le dépôt de plaintes d’une tierce partie tout en veillant à ce que les plaintes non fondées ne déclenchent pas d’inspection, et de prévoir que les employeurs ayant contrevenu à la LNE soient tenus de supporter les frais des enquêtes et des inspections. (Recommandations nos  14, 15 et 17)

Nous discutons des conseils de travail et recommandons que le ministère du Travail crée un conseil de travail syndical-patronal sur les normes d’emploi à titre de projet-pilote dans les lieux de travail non syndiqués. (Recommandation no 20)

Le chapitre aborde aussi les préoccupations particulières qu’ont de nombreux travailleurs étrangers temporaires, notamment la peur d’être rapatriés. Nous recommandons d’activer l’audition des plaintes de représailles et de veiller à ce qu’elles soient entendues avant le rapatriement, de même que d’autres changements qui pourraient aider à amoindrir cette crainte ou aider les travailleurs à présenter leurs demandes. (Recommandations nos 22, 23, 24 et 25)

Les travailleurs agricoles sont exemptés de l’application de la Loi sur les relations de travail de l’Ontario, et leur droit de s’associer et de faire des démarches auprès de leur employeur est plutôt visé par la Loi de 2002 sur la protection des employés agricoles qui, selon la Cour suprême du Canada, est constitutionnelle. Ce faisant, la Cour suprême a considéré que la loi incluait les négociations de bonne foi, et nous recommandons que le gouvernement de l’Ontario modifie explicitement la LPTA en y incluant les éléments de négociation de bonne foi qu’a relevés la Cour suprême du Canada. (Recommandation no 26). Nous suggérons aussi qu’il serait utile que des universitaires et des intervenants compétents entreprennent un examen de solutions de rechange à la syndicalisation classique pour les travailleurs vulnérables. (Recommandation no 27)

L’Ontario a promulgué la Loi sur la protection des étrangers dans le cadre de l’emploi, mais, jusqu’ici, elle ne l’a appliquée qu’aux aides familiaux, même si elle envisage de protéger d’autres travailleurs étrangers temporaires. Nous recommandons que cette loi s’applique à tous les travailleurs étrangers temporaires. (Recommandation no 29) Nous recommandons aussi que le gouvernement de l’Ontario négocie une entente d’échange de renseignements avec Ressources humaines et Développement des compétences Canada et Citoyenneté et Immigration Canada dans le but de rehausser les mesures de protection destinées aux travailleurs étrangers temporaires. (Recommandation no 30)

 

IV.        LE TRAVAIL AUTONOME

Environ 15 % de la population active exerce un travail autonome. Ce groupe inclut ceux qui exploitent une entreprise et qui emploient peut-être d’autres personnes, et ceux que l’on appelle les « travailleurs autonomes à leur propre compte », qui ressemblent peut-être plus à des employés qu’à des entrepreneurs autonomes, par exemple. Les femmes et les membres des minorités visibles ont plus de chances de se trouver dans la catégorie des travailleurs à leur propre compte que dans d’autres formes de travail autonome, et les taux d’emploi à temps partiel chez les travailleurs autonomes à leur propre compte sont élevés, notamment dans le cas des femmes. Les travailleurs autonomes ne sont pas visés par la LNE et la difficulté consiste donc à déterminer si un travailleur est autonome ou s’il est un employé. Nous recommandons que le ministère du Travail prenne des mesures (que nous précisons) pour réduire les erreurs de classement et que le gouvernement de l’Ontario envisage d’étendre certaines mesures de protection de la LNE aux travailleurs autonomes à faible revenu et hautement vulnérables et qu’il trouve d’autres formes de protection ou exige que les employeurs ou les entrepreneurs fournissent aux travailleurs des renseignements sur leur statut en matière d’emploi. (Recommandations nos 31, 32 et 33)

 

V.         LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ

Au chapitre V, nous analysons la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST) et la Loi sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail (LSPAAT), de même que leur application aux travailleurs vulnérables. La LSST exige soit la création d’un comité mixte sur la santé et la sécurité, soit la désignation d’un délégué pour s’occuper des préoccupations relatives à la sécurité au travail. Nous croyons qu’il serait utile que les activités d’exécution de la LSST comportent des inspections proactives afin de s’assurer que les comités mixtes sur la santé et la sécurité ont été établis. (Recommandation no 34)

Nous signalons qu’un certain nombre de recommandations figurant dans le rapport Dean qu’a produit le Comité consultatif d’experts de la santé et de la sécurité au travail ont été mises en œuvre, ou que ce travail est en cours. Nous recommandons que le gouvernement de l’Ontario mette en œuvre un certain nombre de recommandations du rapport Dean, qui ne semblent pas avoir été mises en application. (Recommandation no 39). Nous souscrivons à l’intention de la recommandation du rapport Dean concernant l’intensification des inspections proactives et des campagnes d’information sur les mesures d’exécution dans les lieux de travail et les secteurs où se concentrent les travailleurs vulnérables, mais nous ajoutons qu’il serait bon de prévoir que les secteurs où se concentrent les travailleurs vulnérables soient considérés comme l’agriculture, le secteur du tourisme réceptif et le secteur des services de nettoyage ainsi que les lieux de travail où l’on trouve des travailleurs d’agences de placement temporaire, et que les travailleurs étrangers temporaires, actifs dans tous les secteurs, constituent une priorité pour les activités d’exécution proactives menées en vertu de la LSST. (Recommandation no 36) Nous souscrivons également à la recommandation du rapport Dean, à savoir la création d’un comité consultatif spécial des travailleurs vulnérables en vertu de l’article 21 de la LSST, et nous précisons les secteurs que ce comité devrait considérer, selon nous, comme prioritaires. (Recommandation no 38)

L’application des politiques et des pratiques de la CSPAAT/LSST aux travailleurs des agences de placement temporaire semble susciter quelques préoccupations, et nous recommandons que le gouvernement de l’Ontario évalue les effets de ces politiques et de ces pratiques sur les travailleurs des agents de placement temporaire, notamment la pratique qui consiste à ne pas consigner les incidents relatifs à la santé et à la sécurité dans les dossiers de l’employeur client. (Recommandation no 40)

Nous traitons de la réglementation des chaînes d’approvisionnement, en rapport avec la santé et à la sécurité et la LNE, et nous recommandons que l’on inclue dans les propositions de travail des fournisseurs des questions relatives à leur rendement sur le plan de la santé et de la sécurité, ce qui inclut la mise en œuvre des recommandations formulées dans le rapport Dean à cet égard. (Recommandation no 41)

Selon nos recherches, les travailleurs étrangers temporaires n’ont peut-être pas accès aux avantages qu’offre la CSPAAT ou ils sont rapatriés avant d’être en mesure de le faire. Nous recommandons que le gouvernement de l’Ontario mette en œuvre, à titre de projet-pilote, un service mobile de clinique médicale à l’intention des travailleurs migrants qui leur donnerait accès à des soins médicaux ainsi qu’à une aide pour remplir les demandes d’indemnisation, de préférence dans leur langue. (Recommandation no 42) Nous recommandons également que les employeurs, le F.A.R.M.S (qui joue un rôle administratif en rapport avec le programme des travailleurs agricoles saisonniers des Antilles et du Mexique), les administrations locales, les collectivités et les groupes de défense des travailleurs s’efforcent ensemble d’offrir diverses formes de soutien aux travailleurs migrants. (Recommandation no 43)

 

VI.        LA FORMATION ET L’INSTRUCTION

Le nombre des emplois de premier échelon a augmenté, mais ce ne sont pas eux qui mènent aux postes d’échelon intermédiaire mieux rémunérés et plus sûrs qui existaient dans le passé; l’intensification des emplois axés sur le savoir ne profite pas non plus à ceux qui n’ont pas suivi la formation appropriée. Les employeurs semblent avoir moins d’attachement envers les travailleurs peu spécialisés. L’Association des manufacturiers canadiens (Manufacturiers et Exportateurs du Canada) a souligné le besoin de former les travailleurs, et elle dispense elle-même des activités de formation dans certains secteurs, en association avec Ressources humaines et Développement des compétences Canada et le Congrès du travail du Canada, afin d’inciter à participer de manière accrue au perfectionnement des compétences. Nous recommandons que l’Ontario fasse en sorte que l’Ordre des métiers établisse des critères de reconnaissance des compétences et, de pair aussi avec le gouvernement fédéral, établisse des systèmes d’agrément des compétences sectorielles apprises en cours d’emploi, ainsi que d’autres façons d’améliorer les possibilités de formation en tenant compte des besoins du marché du travail et aussi des besoins particuliers des femmes, des personnes racialisées et des immigrants récents. (Recommandations nos 44-51)

 

VII.       UNE STRATÉGIE PROVINCIALE EXHAUSTIVE

Les difficultés que suscite le travail précaire et qui touchent les travailleurs vulnérables et, partant, la société ontarienne dans son ensemble revêtent une nature pluridimensionnelle et ont une incidence sur les intervenants d’un large éventail de secteurs. Nous croyons qu’une réponse efficace à ces difficultés exige une stratégie provinciale faisant appel à plusieurs ministères et intervenants en vue de lancer des initiatives coordonnées et exhaustives, conformément au principe de la Stratégie de réduction de la pauvreté. (Recommandation no 52)

 

VIII.      MANIÈRE DE PARTICIPER

La CDO souhaite obtenir des commentaires sur le rapport préliminaire et les ébauches de recommandations qu’il contient de la part de travailleurs, d’employeurs, d’organismes de défense des droits et d’organismes de services, notamment. Ces commentaires peuvent nous être faits par télécopieur, par courriel ou, en ligne, par l’entremise de notre boîte de commentaires. Nous ferons aussi des entretiens en personne. Pour plus de renseignements, voir le chapitre VIII.

 

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