A.              La formation en cours d’emploi

[traduction] Le ralentissement a fait ressortir la vulnérabilité des travailleurs qui ne sont plus essentiels aux processus de production parce que leurs compétences sont faibles ou « anciennes ». Dorénavant, les collectivités devront bâtir un effectif plus spécialisé qui soit moins sacrifiable, plus adaptable aux changements et davantage en mesure d’être transféré au sein d’un même secteur ou entre divers secteurs de l’économie. Cela obligera à investir dans des compétences génériques et dans un apprentissage permanent au moyen de vastes stratégies qui étayent l’attraction, l’intégration et la mise à niveau des talents.

Cependant, il ne suffit pas d‘investir simplement dans l’offre de compétences. Les employeurs doivent aussi se pencher sur l’organisation de leur lieu de travail de façon à mieux exploiter les compétences de leurs travailleurs et créer des possibilités d’emploi plus durables dans l’avenir. Le ralentissement économique a fait prendre conscience de deux aspects : la vulnérabilité des économies modernes et une inégalité croissante au sein de nos marchés du travail[562].

« L’effondrement des échelons de carrière classique», causée par la disparition des emplois de niveau intermédiaire est reconnu comme l’un des facteurs qui a contribué à la situation actuelle du marché du travail au Canada et en Ontario. L’inégalité croissante à laquelle il est fait référence ci-dessus s’est manifestée par une polarisation croissante du travail dans les deux catégories suivantes : des emplois de premier échelon offrant peu de possibilités de promotion, ou des emplois très spécialisés, axés sur le savoir. Même si le nombre des emplois de premier échelon a augmenté, ces derniers ne sont plus, comme ils l’étaient naguère, une voie menant à des postes d’échelon intermédiaire, plus sûrs et mieux rémunérés. Au lieu de cela, les travailleurs se trouvent souvent pris dans des postes moins sûrs et moins rémunérés[563]. Il y a eu également une augmentation des emplois axés sur le savoir; cependant, ces derniers ne sont accessibles qu’à ceux qui possèdent des niveaux spécialisés de compétences, d’expérience ou d’instruction. L’échelle de progression, qui mène des postes de premier échelon aux postes d’échelon intermédiaire et, ensuite, aux emplois axés sur le savoir, n’est plus la norme. Face au ralentissement de l’économie et à un marché de plus en plus mondial et concurrentiel, les employeurs sont moins susceptibles d’investir dans les travailleurs qui occupent des postes peu spécialisés en recourant à des activités de formation ainsi qu’à des promotions. Autrement dit, les entreprises sont moins attachées que dans le passé aux employés peu spécialisés, qui, de plus en plus, se retrouvent sans l’instruction, les compétences et l’expérience professionnelle requises pour avoir accès à des postes d’un échelon supérieur.

Pour stimuler [traduction] « le potentiel de productivité et les gains futurs », l’OCDE a souligné l’importance d’une formation et d’une instruction améliorées pour les travailleurs peu spécialisés[564].

[traduction] Au cours des vingt dernières années, la tendance à un accroissement de la scolarité a été l’un des éléments les plus importants pour contrebalancer l’augmentation sous-jacente de l’inégalité des revenus à long terme. Les politiques qui favorisent le rehaussement des compétences de la population active sont donc d’importants moyens d’inverser la tendance à une poursuite de la croissance de cette inégalité[565].

Les organismes représentant les employeurs et les travailleurs ont reconnu ce phénomène et lui ont donné la priorité dans leurs programmes d’action. Dans Business Results Through Workforce Capabilities, les Manufacturiers et exportateurs du Canada (MEC) ont signalé que [traduction] « nos effectifs ont commencé, il a un certain temps, à délaisser la main-d’œuvre non spécialisée en faveur de postes spécialisés et semi-spécialisés. Cette tendance a continué de prendre de l’ampleur et même aujourd’hui la main-d’œuvre semi-spécialisée devient rapidement superflue »[566]. Lors de nos consultations, les MEC ont souligné qu’il est important de former les travailleurs en cours d’emploi, notant qu’une productivité améliorée requiert des travailleurs bien formés[567]. En association avec Ressources humaines et Développement des compétences Canada, les MEC dispensent des cours d’alphabétisation et des cours sur les compétences essentielles dans le contexte de la santé et de la sécurité, dans le cadre d’un programme appelé Innovations Insights[568]. Dans le cadre d’une autre initiative, au Centre pour les compétences en milieu de travail, les MEC travaillent en partenariat avec le Congrès du travail du Canada « pour assurer la meilleure participation et le plus grand investissement possible dans le développement des compétences en milieu de travail »[569]. Le Centre favorise et facilite l’échange de savoir de façon à s’attaquer aux principaux problèmes que pose le développement des compétences en milieu de travail. Il s’occupe de :

  • Repérer des pratiques efficaces et novatrices d’apprentissage en milieu de travail et les faire connaître à ceux qui peuvent utiliser cette information dans leurs décisions concernant l’apprentissage en milieu de travail;
  • Mobiliser les employeurs, les syndicats, les travailleurs et les autres parties intéressées pour trouver de nouvelles approches et solutions aux grands problèmes liés aux compétences de la main-d’œuvre;
  • Appuyer la Table ronde sur les compétences en milieu de travail, un organe réunissant des dirigeants des syndicats, des employeurs et du gouvernement afin d’explorer les tendances émergentes de la main-d’œuvre et de définir des mesures pour relever les défis sur le marché du travail[570].

Le Centre a établi une base de données sur les meilleures pratiques et a produit une série de rapports sur l’apprentissage au travail. À titre d’exemple, le rapport qu’il a produit pour le Conference Board du Canada, intitulé « Investing in Skill: Effective Work-Related Learning in SMEs » examine [traduction] « les programmes d’apprentissage professionnel efficaces mis en œuvre dans 45 petites et moyennes entreprises canadiennes et internationales », et présente les meilleures pratiques pour répondre efficacement aux besoins liés à la formation des employés[571]. Les meilleures pratiques reconnues comprennent l’évaluation des besoins d’apprentissage alignés sur les buts de l’organisation, l’assouplissement de l’apprentissage, l’établissement de partenariats, le soutien de l’apprentissage informel, la reconnaissance des réalisations et les échanges avec d’autres organismes. D’autres rapports que le Centre a produits relèvent le besoin d’établir des programmes d’apprentissage qui sont accessibles aux travailleurs, qui sont volontaires, qui prennent appui sur les connaissances que ceux-ci possèdent déjà, qui reflètent des besoins et des styles d’apprentissage diversifiés, qui sont sensibles au sexe, à la race, à l’origine ethnique et à la culture, et qui font participer les travailleurs aux activités de planification et de conception[572].

Appuyant l’idée de former les travailleurs en cours d’emploi, la Fédération du travail de l’Ontario (FTO) a noté que de nombreux travailleurs mis à pied croyaient que la formation qu’ils avaient acquise durant leur période d’emploi améliorerait leurs chances d’obtenir un travail décent après leur mise à pied[573]. L’une des difficultés auxquelles se heurtent toutefois les travailleurs précaires est les données récentes qui donnent à penser [traduction] « que les travailleurs peu spécialisés, qui ont habituellement des emplois de piètre qualité, sont également peu susceptibles de prendre part à des activités de formation ».[574]. En particulier :

[traduction] les travailleurs qui sont de sexe féminin, qui ont immigré au Canada, qui conservent peu longtemps leur emploi ou qui ont un statut d’emploi  atypique, qui sont faiblement scolarisés, qui ne sont pas visés par une convention collective et qui n’occupent pas un poste professionnel ou de gestion, semblent parfois avoir moins de chances d’avoir accès aux activités de formation de leur employeur[575].

Lors de nos consultations, les syndicats ont souligné un manque de perspectives de formation, ce qui inclut une formation en cours d’emploi pour les travailleurs occupant des postes peu spécialisés[576]. Les travailleurs, ont-ils signalé, ont souvent de la difficulté à avoir accès aux occasions de formation offertes à l’extérieur du lieu de travail. Même dans les cas où le coût de ces occasions n’était pas excessif, les travailleurs vulnérables n’avaient souvent pas le temps de se consacrer à des activités de formation à cause d’horaires irréguliers et de longues heures de travail[577]. Lewchuk et ses collaborateurs ont souligné qu’il était important que les gouvernements reconnaissent que la formation est une politique économique essentielle et qu’ils doivent y donner la priorité[578]. Il est fait écho à ce sentiment dans le rapport de la Commission de réforme des services publics de l’Ontario intitulé « Des services publics pour la population ontarienne : Cap sur la viabilité et l’excellence » (rapport Drummond).

Une main-d’oeuvre instruite et qualifiée est indispensable à une croissance économique vigoureuse et durable. Avec l’avènement de l’économie de la connaissance et l’évolution technologique, la demande de personnel hautement qualifié et adaptable ne cesse de croître. Le gouvernement joue un rôle important pour répondre à cette demande. Des études ont démontré la nécessité et les bienfaits des investissements gouvernementaux dans l’éducation et la formation. […] Les arguments fondés sur l’équité comprennent l’égalité des chances, la mobilité sociale et une répartition plus égale des avantages économiques. […] Le vieillissement de la population, le ralentissement de la croissance de la population active et l’intensification de la concurrence sur la scène mondiale augmentent l’importance du perfectionnement professionnel, de la formation en milieu de travail et de l’apprentissage continu. Par exemple, les besoins en matière de littératie ont évolué et augmenté au fil du temps à la suite de changements fondamentaux dans l’économie. De nos jours, savoir lire et écrire ne suffit plus, les gens doivent souvent posséder des aptitudes analytiques, mathématiques, technologiques et informatiques pour occuper des fonctions de plus en plus complexes.

Les programmes d’emploi et de formation sont des outils importants qui permettent aux travailleurs d’acquérir les compétences nécessaires pour occuper les postes disponibles en assurant une meilleure concordance entre la formation et le marché de l’emploi. Des programmes de formation efficaces offerts par les gouvernements permettent à beaucoup de travailleurs déplacés de se perfectionner et de trouver un travail mieux rémunéré[579].

Selon Drummond, les jeunes, les immigrants récents, les femmes élevant seules de jeunes enfants, les travailleurs âgés et les personnes handicapées se heurtent à des difficultés particulières sur le marché du travail : « La pénurie persistante de débouchés sur le marché du travail pour ces groupes et les articles dans les médias faisant état du déséquilibre des compétences et de postes non comblés indiquent que la structure actuelle de prestation des programmes a besoin d’importantes améliorations »[580].

Des investissements accrus dans la formation au travail ont été l’objet de plusieurs recommandations du rapport Drummond, où il a été suggéré que l’on décentralise à l’échelon régional la gestion de 25 Commissions de planification de la main-d’œuvre de l’Ontario et que l’on donne instruction à ces dernières d’encourager « les employeurs à augmenter leurs investissements dans la formation en milieu de travail »[581]. Les Commissions de planification de la main-d’œuvre sont financées par le ministère de la Formation et des Collèges et Universités et leur mandat consiste à aider à améliorer les conditions du marché du travail à l’échelon communautaire grâce à l’élaboration de partenariats, à des travaux de recherche et à des activités de planification

Un autre modèle d’encouragement de la formation au travail est ce qu’on appelle la « loi du 1 % » mise en œuvre par le Québec et exigeant que les employeurs consacrent au moins 1 % de leur masse salariale dans la formation ou qu’ils investissent 1 % de la valeur de leur masse salariale dans un fonds public qui appuie la formation au travail[582]. La loi québécoise était au départ axée sur un vaste éventail d’entreprises, mais, en date de 2004 elle ne s’appliquait qu’aux entreprises dont la masse salariale était d’au moins 1 000 000 $[583]. Une étude a conclu que cette initiative, telle qu’elle se présentait avant 2003, améliorait la participation à la formation au travail et plus d’entreprises planifiaient activement et mettaient en œuvre des activités de formation et de promotion de l’apprentissage des adultes grâce à des efforts menés en concertation par les employeurs, les gouvernements, les syndicats et les groupes communautaires. Cependant, les Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques laissent entendre que les preuves relatives à l’efficacité de ce type de programme sont partagées, ce qui soulève des questions quant à son utilité future en tant qu’initiative stratégique[584].

Le document intitulé « Working Without Commitments » souligne l’importance de reconnaître officiellement les compétences des travailleurs qui exercent leurs activités dans le cadre d’une série de contrats de courte durée auprès d’employeurs différents[585]. Lewchuk et ses collaborateurs sont en faveur de réseaux d’aide à l’emploi plus efficaces, par l’entremise, par exemple, de conseils sectoriels offrant leurs services aux travailleurs au moyen de tableaux d’affichage électroniques et de salons de l’emploi régionaux. Selon les auteurs, les conseils sectoriels pourraient jouer un rôle plus marquant en établissant des attestations de compétence qui permettraient de reconnaître de manière plus large les compétences acquises au travail[586].

Ressources humaines et Développement des compétences Canada décrit comme suit les conseils sectoriels et le Programme des conseils sectoriels :

Les conseils sectoriels sont des partenariats nationaux qui rassemblent des intervenants du milieu des affaires, des syndicats et de l’éducation. Les conseils sectoriels, qui sont indépendants du gouvernement du Canada, constituent une plateforme permettant aux intervenants de partager des idées, des préoccupations et des points de vue sur des problèmes de ressources humaines et de compétences et, de façon collective, collaborative et permanente, de trouver des solutions qui profitent à leur secteur.

Grâce au Programme des conseils sectoriels, le gouvernement du Canada travaille avec le secteur privé pour développer les compétences des adultes, notamment : en incitant les employeurs à investir davantage dans le perfectionnement des compétences; en faisant la promotion de l’apprentissage et de la formation en milieu de travail[587].

À notre avis, pour ce qui est de l’amélioration de l’attestation des compétences, une autre possibilité serait de maximiser l’expertise du nouvel Ordre des métiers de l’Ontario qui implante graduellement ses activités. L’Ordre a été mis en place à titre d’organisme de réglementation des métiers spécialisés en vue de faire « la promotion des métiers comme choix de carrière et [permettre] aux intervenants du secteur de jouer un plus grand rôle sur le plan de la gestion, de la certification et de la formation en apprentissage »[588]. Le rapport Drummond a recommandé que l’Ordre joue un rôle élargi, en s’occupant des aspects administratifs autres que théoriques des programmes d’apprentissage[589]. À notre avis, il serait possible de prendre appui sur le mandat de l’Ordre et de mettre au point des critères de reconnaissance des compétences à l’Intention d’une plus large gamme de travailleurs, y compris ceux qui ont acquis des compétences « sur le tas » en exécutant plusieurs contrats de courte durée auprès d’employeurs différents. Une forme de certification pourrait paver la voie à la reconnaissance, dans l’ensemble du secteur, de compétences apprises dans des relations de travail plus diversifiées.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande :

44.  Que le gouvernement de l’Ontario fasse en sorte que l’Ordre des métiers (peut-être en partenariat avec les conseils sectoriels, les collèges et les syndicats) établisse des critères de reconnaissance des compétences à l’intention d’un éventail plus vaste de travailleurs, y compris ceux qui travaillent dans le cadre d’une série de contrats de courte durée auprès d’employeurs différents

45.  Que l’Ontario, de pair avec le gouvernement fédéral, profite de l’expertise des conseils sectoriels agissant au sein de la province pour :

a)     mettre au point un système d’agrément des compétences sectorielles acquises en cours d’emploi;

b)     acquérir plus de capacités à titre d’organisme d’emploi au moyen de tableaux d’affichage électroniques et de salons de l’emploi.

 

 

B.              Emploi Ontario

Le rapport « Working Without Commitments » a relevé :

[traduction] […] un besoin en politiques et en programmes qui aident les travailleurs à la recherche d’un emploi en leur faisant suivre une nouvelle formation qui leur permettra d’avoir accès à de nouveaux postes et en les aidant à conserver leur emploi une fois qu’ils en trouvent un. Ces programmes incluraient un counselling d’emploi qui permettrait de lier plus efficacement les aptitudes et les aspirations des travailleurs aux emplois disponibles ou émergents[590].

La question de lier plus efficacement les aptitudes des travailleurs aux emplois disponibles ou émergents a été traitée par Drummond, qui a recommandé que cela se fasse « en favorisant des liens locaux plus solides et en élargissant la planification communautaire et régionale en faveur du développement économique », et ce, en transférant « la responsabilité des commissions de planification de la main-d’œuvre aux bureaux régionaux du ministère de la Formation et des Collèges et Université […] »[591].

Le ministère de la Formation, des Collèges et Universités administre Emploi Ontario, qui est chargé de l’orientation des politiques concernant l’emploi et la formation ainsi que de la prestation de services, de recherches et d’activités de planification sur le marché du travail, de même que de programmes qui étayent la formation au travail, dont l’apprentissage, la préparation à une carrière et à un emploi, ainsi que l’alphabétisation[592]. Grâce à ces programmes, le gouvernement ontarien s’efforce de contrer les nouveaux défis auxquels font face les personnes sans emploi au sein du marché du travail. Doté d’un budget d’environ 1 milliard de dollars par année et servant environ un million de clients chaque année, Emploi Ontario est un réseau provincial intégré de fournisseurs de services d’emploi et de formation qui offre un éventail de services liés à l’emploi aux employeurs, aux travailleurs mis à pied, aux apprentis, aux travailleurs âgés, aux nouveaux arrivants et aux jeunes[593]. Les Services d’Emploi Ontario comprennent cinq volets : la planification et la coordination des services à la clientèle, les ressources et les informations, la recherche d’emploi, le jumelage emploi-travailleur, les placements et les mesures incitatives, de même que le maintien de l’emploi ou de la formation[594].

Les Partenariats pour la création d’emplois de l’Ontario (PCEO) appuient les projets de niveau communautaire qui sont axés sur les placements professionnels de personnes admissibles à l’AE et qui procurent des occasions d’améliorer les perspectives d’emploi à long terme et profitent aux collectivités ou aux économies locales. Le Programme d’alphabétisation et de formation de base (AFB) fournit gratuitement des services aux personnes qui y sont admissibles en vue d’améliorer leurs aptitudes en lecture, en écriture et en calcul, ainsi que leurs compétences essentielles[595].

L’un des programmes de formation les plus prometteurs qu’offre le Ministère est appelé « Deuxième carrière », un programme qui vise à recycler les personnes ayant perdu leur emploi en vue de les orienter vers des professions en grande demande. Les travailleurs mis à pied qui ont depuis ce temps accepté un emploi temporaire ou à contrat ou qui sont devenus autonomes pour « joindre les deux bouts » sont eux aussi admissibles. Le Programme offre une aide financière pouvant atteindre 28 000 $ au titre des frais de scolarité, de manuels et de transport, ainsi qu’une indemnité de subsistance de base[596]. Lancé en 2008, le programme a dépassé en 16 mois seulement son objectif, qui était de 20 000 participants sur trois ans[597]. Il s’agit aujourd’hui d’un programme permanent et, en date de janvier 2012, Deuxième carrière avait formé 53 366 personnes[598].

La Fédération du travail de l’Ontario (FTO) a recommandé que le Ministère passe en revue les critères d’admissibilité du Programme et veille à ce que Deuxième carrière bénéficie d’un financement suffisant. La FTO croit que le seuil de ressources qui a été fixé pour l’admissibilité au programme Deuxième carrière est trop bas pour de nombreux participants, car ce seuil est fondé sur le revenu de la famille plutôt que sur celui de la personne[599]. La FTO a fait part de ses préoccupations au sujet de la décision du Ministère d’intégrer au programme Deuxième carrière un programme antérieur : le Programme de développement des compétences. Selon la FTO, le Programme de développement des compétences fournissait des services de recyclage, de langue et d’alphabétisation qui permettaient de répondre aux besoins à court terme des travailleurs mis à pied, et il faudrait rétablir ce programme à titre de complément au programme Deuxième carrière[600]. Tous les détails concernant l’évaluation faite en 2010 du Programme Deuxième carrière ne sont pas disponibles publiquement, mais le Ministère a fait savoir que 95 % des participants ont terminé leur programme de formation axée sur les compétences et que 63 % des participants sondés ont trouvé du travail[601]. Ce qui n’est pas clair c’est la mesure dans laquelle les participants ont trouvé un emploi stable, de grande qualité ou dans un domaine spécialisé. À notre avis, il est important de s’assurer que les programmes d’emploi se traduisent par des emplois sûrs et durables, plutôt qu’un travail quelconque.  Dans cette optique, le rapport Drummond a demandé que l’on évalue mieux les programmes, que l’on recueille mieux les données et qu’on lie les programmes d’emploi et de formation à des résultats mesurés.

[…] l’Ontario doit améliorer la façon dont elle surveille les résultats. La plupart des mécanismes d’évaluation des programmes mettent l’accent sur les indicateurs de services (p. ex., clientèle desservie, taux de satisfaction) plutôt que sur les résultats eux-mêmes. Malgré l’importance de la satisfaction de la clientèle et de la productivité, ces deux éléments ne peuvent se substituer aux mesures de réussite que sont la durée de l’emploi, le taux de rémunération, la croissance, et ainsi de suite. Les principaux indicateurs de réussite devraient être déterminés d’après les pratiques exemplaires utilisées par d’autres instances et décrites dans la littérature. […] Il faudra évaluer régulièrement le rendement des programmes à l’aide des données recueillies pour étayer les futurs changements nécessaires à l’amélioration constante de l’efficacité[602]. 

La Commission du droit de l’Ontario recommande :

46.  a)   Que le programme Deuxième carrière et d’autres programmes de formation soient évalués en vue de déterminer s’ils sont capables de réduire la précarité en procurant plus de titres de compétence qui se traduisent par une amélioration de la rémunération, des avantages sociaux, des heures de travail, de la durée d’emploi et d’autres mesures clés de la sécurité d’emploi;

b)   Que les programmes qui se révèlent fructueux en fonction de ces critères soient élargis.

Nos consultations ont révélé qu’il était nécessaire de mieux recueillir des données en vue d’améliorer les projections du marché du travail qui font un lien entre les travailleurs et les besoins de main-d’œuvre existants et futurs. Dans le même ordre d’idées, le rapport Drummond a indiqué qu’il est nécessaire de mieux comprendre les lacunes en matière d’emploi de façon à rendre les services d’emploi et de formation plus efficaces[603]. Entre autres suggestions, ce rapport a recommandé que l’on établisse un cadre de principe qui affermirait le lien entre les services d’emploi et de formation et les initiatives de développement économique[604].

La Commission du droit de l’Ontario recommande :

47.  Que le gouvernement de l’Ontario trouve des moyens de suivre de plus près les besoins actuels et émergents du marché du travail en liant ces besoins à des initiatives établies en matière d’emploi et de formation.

Comme il a été mentionné plus tôt, une part importante du financement d’Emploi Ontario est liée à des ententes de financement fédérales ainsi qu’à l’admissibilité à l’Assurance-emploi. De cette façon, le gouvernement fédéral est en mesure d’orienter les fonds vers des groupes ciblés particuliers, en fonction de ses propres prévisions et priorités. L’Ontario, toutefois, établit des prévisions du marché du travail qui cernent les besoins futurs précis de la province en matière d’emploi. À notre avis, la province doit disposer de la souplesse voulue pour déterminer l’orientation de ses besoins particuliers en matière d’emploi, de façon à ce que l’exécution des programmes soit ciblée sur ceux qui en ont le plus besoin, plutôt que de lier les programmes à l’admissibilité à l’Assurance-emploi. Ce point est indiqué très clairement dans le rapport Drummond :

Les nombreuses ententes fédérales-provinciales sur le marché du travail qui ciblent des clientèles diverses entravent non seulement l’objectif de l’Ontario de créer un modèle de prestation de services d’emploi et de formation à « guichet unique », mais génèrent aussi un processus d’élaboration de politiques fragmenté et faussé, qui repose davantage sur l’idée que se fait le gouvernement fédéral des priorités en matière d’emploi que sur les mesures adaptées aux réalités locales.

Les exigences divergentes relatives aux programmes et à l’admissibilité des bénéficiaires incluses dans ces ententes empêchent l’Ontario de maximiser les avantages associés à l’intégration des programmes et services[605].

Le rapport a recommandé l’établissement d’un système harmonisé d’ententes relatives au marché du travail avec le gouvernement fédéral :

Recommandation 9-3 : Prôner la mise en place d’une entente de formation unique et complète pour remplacer les nombreuses ententes fédérales-provinciales de financement des services d’emploi et de formation en vigueur actuellement, dont beaucoup sont sur le point d’arriver à expiration.

La nouvelle entente :

  • devrait comprendre les responsabilités résiduelles du gouvernement fédéral relatives aux jeunes et aux personnes handicapées en plus des domaines déjà couverts par les ententes actuelles;
  • devrait donner à la province la latitude dont elle a besoin pour qu’elle puisse intégrer ces services à EO, déterminer les besoins fluctuants du marché du travail et y répondre, et innover en entreprenant des projets pilotes à petite échelle;
  • ne devrait en aucun cas comprendre de critères portant sur l’admissibilité à l’AE[606].

Nous appuyons et adoptons cette recommandation.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande :

48.  Que le gouvernement de l’Ontario mette en œuvre la recommandation no 9-3 du rapport Drummond en négociant avec le gouvernement fédéral une entente de formation exhaustive non liée à l’Assurance-emploi.

Nos consultations ont révélé que, pour ce qui était des travailleurs occupant des emplois peu spécialisés, il était surtout efficace d’offrir des cours de formation en alphabétisation de base en compétences en milieu de travail et en compétences numériques. Le gouvernement de l’Ontario finance un certain nombre de programmes d’apprentissage, mais il semble y avoir une lacune dans le secteur des autres types de partenariats entre employeurs et gouvernement qui offrent une formation en cours d’emploi aux travailleurs occupant des postes peu spécialisés et qui facilitent le placement de ces derniers dans des emplois meilleurs et plus sûrs. Ce genre d’initiative concorderait dans une large mesure avec l’accent que met le gouvernement actuel sur la conclusion de partenariats avec le milieu des affaires en vue de la création d’emplois[607].

La Commission du droit de l’Ontario recommande :

49.  Que le gouvernement de l’Ontario :

a)     établisse des partenariats employeurs-gouvernement en vue d’offrir une formation en milieu de travail dans des emplois réels à l’intention de personnes occupant des postes peu spécialisés et qui facilite le placement de ces dernières dans des emplois meilleurs et plus sûrs;

b)     continue de soutenir les initiatives d’éducation autofinancées, y compris celles qui offrent des cours de recyclage menant à une certification;

c)      intensifie dans la mesure du possible les programmes d’octroi de bourses et de prêts pour les études autofinancées.

 

C.              Les programmes axés sur les femmes

La Direction générale de la condition féminine de l’Ontario finance des programmes provinciaux conçus expressément pour les femmes. En Ontario, les femmes à faible revenu, sous-employées et sans travail sont admissibles au Programme de formation des femmes aux métiers spécialisés et à la technologie de l’information. Le volet « Métiers spécialisés » de ce programme « aide les femmes à se préparer et à trouver un emploi et à travailler dans un milieu où la main-d’œuvre est principalement masculine, et les aide à comprendre les attentes des employeurs », tandis que le volet « Technologies de l’information » est axé expressément sur une préparation à trouver du travail dans ce domaine[608]. Ces deux programmes offrent aussi aux employeurs une formation tenant compte des spécificités hommes/femmes et surveille les placements professionnels. Neuf programmes ont été financés par la Direction générale de la condition féminine de l’Ontario entre 2009 et 2011, et ils préparent les femmes à occuper des postes d’électriciennes, de techniciennes en horticulture et de charpentières généralistes et dans les domaines des applications infotechnologiques et de l’administration de réseaux de soutien technique, de conception et de création de sites Web, ainsi que d’analyse d’activités et d’élaboration d’applications de TI[609]. La DGCFO finance actuellement aussi dix programmes de formation à l’intention de victimes de violence conjugale[610]. Les programmes sont offerts dans le cadre de partenariats conclus entre [traduction] « une organisation féminine qui fournit des services de prévention et de soutien axés sur la violence faite aux femmes, un organisme de formation (p. ex., collège ou organisme communautaire), ainsi qu’au moins deux employeurs » et ces programmes vont de programmes multisectoriels (c.-à-d., le Programme de formation multisectorielle à des programmes adaptés à des secteurs bien précis (p. ex., le Projet « Femmes dans le secteur des transports »)[611].

Vu la surreprésentation des femmes dans le secteur du travail précaire, ces genres d’initiatives sont importants et doivent être évalués afin de déterminer leur incidence sur la réduction de la précarité et, le cas échéant, élargis.

 

D.             Les immigrants récents

Étudiant l’efficacité des stratégies visant à réduire la précarité, Goldring et Landolt ont conclu que les immigrants dont les premiers emplois au Canada étaient de nature précaire continuaient généralement d’exercer le même genre de travail[612]. C’est donc dire que, pour améliorer leur situation à long terme, les nouveaux arrivants doivent trouver des emplois moins précaires le plus tôt possible, de préférence au cours de la première année. Si l’on se fie à ces constatations, les initiatives en matière d’instruction et d’emploi que parraine le gouvernement à l’intention des immigrants récents au cours des premiers mois de leur arrivée sont cruciales. Les recherches de Goldring et Landolt ont également relevé trois stratégies particulièrement efficaces pour réduire la précarité chez les immigrants : un investissement individuel dans la poursuite d’une instruction menant à une certification; les activités de formation en cours d’emploi soutenues par l’employeur, ainsi que l’acquisition de compétences en anglais[613]. La vision gouvernementale actuelle cadre manifestement avec ces constatations, comme en fait foi le menu des programmes offerts qui mettent l’accent sur les études postsecondaires, l’alphabétisation, le recyclage et la formation en apprentissage. Conformément aux résultats des recherches menées sur l’importance d’un succès rapide sur le plan de l’emploi, un grand nombre de ces programmes offrent simultanément une aide à l’emploi et à l’immigration.

Lors de nos consultations, nous avons appris qu’il existe de nombreux mécanismes de soutien social à l’intention des immigrants. Les fournisseurs de services ethno-racio-religieux sont nombreux[614]. Ces groupes sont spécifiquement conçus pour répondre aux besoins de certaines collectivités. Selon le Toronto Region Immigrant Employment Council (TRIEC) les cours d’anglais langue seconde (ALS) sont un [traduction] « élément clé de l’amoindrissement de la vulnérabilité » et les syndicats ont déclaré que les conditions des travailleurs s’amélioraient après que ceux-ci suivaient les cours d’ALS[615]. Un certain nombre de groupes ont fait état de l’importance du manque de mécanismes de soutien spécifiques. Par exemple, le seul programme de mentorat dont il a été question lors du processus de consultation était conçu à l’intention des travailleurs immigrants hautement spécialisés[616].

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande :

50.  Que le gouvernement de l’Ontario :

a)     donne la priorité à la prestation de programmes d’éducation et de formation à l’intention des groupes ciblés de travailleurs vulnérables, y compris les femmes, les personnes racialisées et les immigrants récents;

b)     axe ses programmes de formation et d’éducation des immigrants sur un investissement individuel dans des programmes d’éducation continue menant à une certification, sur des activités de formation en cours d’emploi soutenues par les employeurs, ainsi qu’à l’acquisition de compétences en anglais, en donnant la priorité à l’inscription à ces programmes au cours des premiers mois suivants l’arrivée;

c)      se concentre sur l’acquisition d’un degré élevé de capacités de lecture et d’écriture qui soient transférables au marché du travail ontarien.

À l’échelon gouvernemental, le ministère des Affaires civiques et de l’Immigration, le ministère du Développement économique et du Commerce, le ministère de la Formation, des Collèges et Universités, le ministère de l’Éducation, le ministère de la Santé et des Soins de longue durée, le ministère des Services sociaux et communautaires et le ministère des Services gouvernementaux se partagent la responsabilité des mesures d’intégration et d’immigration[617]. Le ministère des Affaires civiques et de l’Immigration de l’Ontario offre six initiatives importantes aux nouveaux arrivants de la province : Formation relais en Ontario, Expérience globale Ontario, Apprentissage de l’anglais et du français langue seconde, Perspectives Ontario : Programme de désignation des candidats de la province, Programme d’aide à l’établissement des nouveaux arrivants et Services d’interprétation[618]. L’accès à l’emploi est une orientation stratégique dans le cadre de la politique d’immigration de l’Ontario[619].

Selon un rapport récent de TD Economics, intitulé « Knocking Down Barriers Faced by New Immigrants », il est nécessaire de mieux coordonner le vaste choix de programmes d’intégration des immigrants qui existent à l’heure actuelle grâce à l’adoption de pratiques exemplaires et, pour les services linguistiques, d’un programme uniformisé. Ce rapport souligne le succès du Entry Program du Manitoba, qui offre un point d’accès unique où les immigrants peuvent obtenir des informations sur, par exemple, la formation linguistique et la reconnaissance des titres de compétence. Le rapport TD préconise des services préalables à l’arrivée, offerts par le Programmes canadien d’intégration des immigrants, qui fournit aux nouveaux arrivants de certains pays des informations sur les valeurs sociales du Canada, le type de documents requis, où avoir accès aux services ainsi qu’une évaluation des connaissances linguistiques et les activités de formation connexes.[620]

Soulignant la nécessité d’une meilleure coordination, Drummond a suggéré que les programmes d’intégration et d’établissement destinés aux nouveaux arrivants soient, notamment, simplifiés et intégrés aux programmes d’emploi et de formation d’Emploi Ontario[621]. À son avis, cette mesure permettrait non seulement de réaliser des économies, mais elle améliorerait aussi l’accès des clients aux services. Nous sommes d’accord. 

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande :

51.  Que le gouvernement de l’Ontario améliore la coordination des programmes d’établissement et d’intégration destinés aux nouveaux arrivants et leur intégration à d’autres programmes de l’Ontario, dont les programmes d’emploi et de formation d’Emploi Ontario.

 

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