A.    Introduction : les Cadres du droit touchant les personnes âgées et les personnes handicapées

Le présent projet découle des deux projets sur le droit touchant les personnes âgées et les personnes handicapées que la CDO a réalisés en 2012[25], comme on l’a souligné au chapitre I. Ces deux projets apparentés visaient non à présenter des recommandations précises de modification de lois particulières, mais à élaborer des modes de réforme du droit concernant ces deux groupes de personnes. Ils ont été entrepris en même temps de façon à mieux apprécier combien ils se chevauchent, mais séparément, afin de ne pas confondre le fait de vieillir et celui de vivre avec un handicap. On y a également étudié l’hétérogénéité de ces deux groupes. Les projets ont donné lieu à des rapports exhaustifs ainsi qu’aux Cadres, qui énoncent étape par étape des moyens d’évaluer les lois, les orientations, les méthodes et les propositions de réforme du droit concernant ces deux groupes, à partir d’un ensemble de principes et de considérations. Dès son lancement, le présent projet a visé à appliquer les considérations et les principes qui sont au cœur des Cadres à la législation concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle, en vue de formuler des recommandations de réforme des lois, des orientations et des méthodes.

L’annexe F ci-après expose par souci de commodité les principes et les considérations de chaque Cadre. Le texte complet de chacun présente aussi étape par étape un processus d’évaluation des lois, des orientations et des méthodes, y compris un ensemble de questions qui aident à définir et à analyser l’application des principes et des considérations à la législation. On peut consulter en ligne les textes complets et les rapports qui les accompagnent sur le site de la CDO à http://www.lco-cdo.org/fr .   

Le fait d’ancrer le projet dans les Cadres a eu des incidences sur son aspect même, dont celles qui suivent.

S’attacher à l’égalité réelle pour les personnes handicapées et les personnes âgées : en particulier, le fait d’adopter l’analyse des Cadres signifie que dans son analyse des incidences et de l’efficacité de la législation, la CDO s’est attachée à ce que vivent les personnes handicapées et les personnes âgées qui sont concernées par la législation, et que l’intention ultime des recommandations est de promouvoir l’égalité réelle de ces personnes. Cela veut aussi dire que l’analyse est ancrée dans les principes des Cadres, qui découlent eux-mêmes des textes fondateurs, tels que la Charte canadienne des droits et libertés, le Code des droits de la personne de l’Ontario, et à l’international, les Principes des Nations Unies pour les personnes âgées et la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CRDPH).

Insister sur le caractère englobant du processus de réforme du droit : outre le fond de l’analyse et des projets de recommandation, les Cadres ont façonné le processus du projet. L’étape 2 de chacun d’eux établit ce dont il faut tenir compte à l’élaboration de nouvelles lois ou à la révision des lois. Ces considérations s’attachent à véritablement associer les personnes âgées et les personnes handicapées au processus de révision, y compris aux processus de recherche, de consultation publique, de communication et d’analyse.

Examiner l’écart de la mise en œuvre : le problème de l’« écart de la mise en œuvre » tient une place majeure dans les deux Cadres. Même si les lois se fondent sur une compréhension exhaustive et nuancée de la situation des personnes âgées ou des personnes handicapées, et visent à promouvoir des principes positifs, leur mise en application peut être fort loin d’atteindre leurs objets. De nombreuses raisons peuvent être à l’origine de cet écart : mauvaise compréhension des lois, attitudes négatives ou paternalistes des responsables de leur mise en application, insuffisances des moyens d’accès à la loi, notamment pour exercer ses droits et régler des différends. Les Cadres s’attachent donc à la fois au caractère véritable des lois et à leur mise en application pratique, et encouragent les usagers à étudier les écarts à la fois dans les lois elles-mêmes et dans les orientations et dans les méthodes qui les accompagnent. L’écart de la mise en œuvre tient une place importante dans les critiques exprimées contre la législation ontarienne sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle.

Le présent chapitre fournit un aperçu des Cadres et de la façon dont les principes et les considérations ont été appliqués au projet. Puis les chapitres suivants examinent précisément l’application des Cadres aux questions qui y sont présentées.

B.    Application des Cadres : étudier le contexte du fonctionnement de la législation

À l’étape I des Cadres, on demande aux usagers de réfléchir au contexte de la loi évaluée, notamment à la façon dont celui-ci peut porter ou influer sur la concrétisation des principes et aux difficultés ou aux contraintes implicites dans ce contexte.

Lors des recherches et des consultations, on a signalé à la CDO que plusieurs contextes devaient absolument être pris en compte à l’élaboration des recommandations d’amélioration des lois, des orientations et des méthodes en matière de capacité juridique, de prise de décision et de tutelle. 

Mettre en rapport les questions avec celles, plus vastes, portant sur l’incapacité et les droits des personnes âgées : les questions portant sur la capacité juridique et la prise de décision ne peuvent être séparées de celles, plus vastes, de l’incapacité et des droits des personnes âgées. L’application des Cadres dans ce domaine précise ce rapport de nature plus générale. Celui-ci est également souligné par le rôle majeur de l’article 12 de la CRDPH des Nations Unies[26]. Selon des personnes handicapées, des personnes âgées et leurs défenseurs, les questions relatives à la capacité juridique et à la prise de décision sont au cœur de la réalisation de l’égalité, de la dignité et de l’autonomie pour ces groupes. L’ARCH Disability Law Centre a ainsi affirmé :

[traduction] La tutelle, de par la façon dont elle a été créée et de par la grande envergure du pouvoir et des obligations du tuteur, peut avoir des conséquences graves et d’envergure sur les droits des personnes handicapées ayant des problèmes de capacité. Il s’agit là des droits fondamentaux de la personne – droit de capacité juridique, liberté de choisir pour soi-même, droit à l’égalité réelle[27].

Les tendances et les pressions démographiques et sociales : le Document de travail a brièvement souligné quelques-unes des grandes tendances démographiques et sociales qui touchent ce domaine du droit, notamment le vieillissement de la population ontarienne (et canadienne) et les changements de la structure familiale. Parce que les déficiences cognitives consécutives à l’accident vasculaire cérébral ou à la démence sont plus fréquentes à mesure que l’on vieillit, le vieillissement de la population ontarienne met davantage en évidence des questions relatives à la capacité juridique et à la prise de décision et intensifie la pression sur les soutiens et les services existants. Du fait de la tendance à la famille plus petite et plus dispersée géographiquement, moins d’Ontariens incapables de décider par eux-mêmes auront un membre de leur famille qui soit proche et qui accepte d’apporter ce soutien important.                         

Il faut par ailleurs tenir compte de la diversité culturelle et linguistique croissante de l’Ontario. Rien qu’à Toronto, on parle plus de 140 langues et dialectes, et plus de 30 pour cent de la population parlent à la maison une langue autre que le français ou l’anglais. La moitié de la population de Toronto n’est pas née au Canada[28]. Les Franco-Ontariens sont nombreux, surtout dans l’Est et dans le Nord-Est de l’Ontario; en dépit de leurs droits linguistiques, ils peuvent éprouver de la difficulté à avoir accès à des renseignements et à des services dans leur propre langue, comme la CDO en a été informée pendant ses consultations. Il faut aussi prêter attention aux besoins des Ontariens autochtones, besoins culturels et linguistiques notamment. À cause de cette diversité, il faut des connaissances et de la sensibilité pour dispenser de la formation et de la vulgarisation juridiques dans ce domaine, pour aider à s’y retrouver dans la législation, ainsi que pour évaluer la capacité juridique, alors que les obstacles linguistiques ou culturels peuvent influer sur le résultat de l’évaluation.

Pour traduire d’une langue à une autre, la simple transcription ou le rendu des mots peuvent ne pas suffire. Les mots et les concepts sont incrustés dans un contexte culturel qui comporte des éléments historiques, sociaux, religieux notamment. Le sens littéral d’un mot ou d’un concept dans une autre langue peut ne pas refléter comment il est vraiment compris dans cette langue. Il nous faut donc fournir non seulement la traduction, mais aussi la traduction culturelle; il faudra peut-être commencer par préparer des supports écrits ou verbaux, non pas en français ou en anglais, mais dans d’autres langues pertinentes.

L’incidence de l’isolement social et de la marginalisation : on a beaucoup insisté dans les consultations sur ces deux situations, qui touchent les personnes les plus profondément atteintes par ce domaine du droit, ainsi que sur leurs conséquences majeures pour toute façon d’envisager la réforme du droit. Les personnes âgées survivront souvent à leur famille et à leurs réseaux sociaux, ou bien les membres de la famille ou les amis qui demeurent peuvent être eux-mêmes fragiles ou avoir besoin d’être aidés. Les parents d’adultes ayant des déficiences intellectuelles ont souligné leurs efforts considérables pour mettre en place des réseaux pour leur enfant adulte, combien cela avait été difficile et à quel point les résultats avaient été limités. Les personnes ayant des troubles mentaux graves sont souvent très isolées socialement. L’absence de réseaux sociaux solides autour des personnes dont la prise de décision doit être accompagnée restreint les options des aidants – les seules personnes qui peuvent et veulent bien le faire ne conviennent peut-être pas vraiment, elle accroît les possibilités d’abus et limite la possibilité d’avoir accès à des recours. Autrement dit, les grands défis sociaux relatifs au principe de promotion de l’inclusion sociale et de la participation des personnes handicapées et des personnes âgées forment un contexte majeur du projet et sont un défi que doit relever la réforme du droit. 

Le lien avec les services sociaux, sanitaires et financiers : la plupart des problèmes touchant la capacité juridique et la prise de décision ne surgissent pas dans le vide, mais dans le contexte de la prestation de services et de mesures de soutien donnés à des collectivités précises. La mise en application de la législation concernant la capacité juridique et la prise de décision est inextricablement liée à la façon dont ces services et ces mesures sont structurés et dispensés – et ils sont dispensés par l’intermédiaire de ministères et de régimes de réglementation différents, à des populations différentes, dans des contextes différents, sur le fondement d’hypothèses différentes. Les conséquences précises de ces lois sont très différentes pour les personnes qui reçoivent des soins de longue durée par exemple ou pour celles qui vivent en foyer de groupe.

Le contexte familial : la législation dans ce domaine repose implicitement sur l’hypothèse que les membres de la famille peuvent et veulent bien assurer le soutien et aider en cas de nécessité. La plupart des personnes qui, officiellement ou non, agissent avec des personnes qui ont du mal à prendre des décisions, ou en leur nom, sont des membres de leur famille (ou encore qui ont une relation personnelle et intime avec la personne). Elles aident, parce que c’est ainsi qu’elles comprennent leur rôle et leurs responsabilités de famille, et la plupart aident avec peu de soutien officiel. Souvent, leur rôle est extraordinairement exigeant, et afin de s’en acquitter au mieux, les familles peuvent faire d’énormes sacrifices financiers, affectifs et personnels. Il est difficile d’imaginer comment ses fonctions pourraient être réellement remplies si les membres de la famille ne s’en acquittaient pas aussi souvent de plein gré.

Il importe toutefois de reconnaître que les membres de la famille peuvent ne pas toujours être bien armés pour adopter ce rôle, qui peut exiger de leur part qu’elles s’y retrouvent dans des systèmes très complexes, auxquels participent de grandes institutions puissantes, qu’elles y règlent des problèmes et qu’elles y interviennent. Des personnes avec des troubles mentaux ont signalé à la CDO que les membres de leur famille peuvent ne pas avoir les connaissances pour intervenir dans le circuit des soins des maladies mentales et les y soutenir ou peuvent être intimidés par les connaissances des spécialistes, notamment des psychiatres, et instinctivement s’en remettre à eux. Un traumatisé crânio-cérébral a expliqué à la CDO comment après son accident, sa conjointe est devenue tutrice légale aux biens : elle voulait faire de son mieux, mais il lui manquait les capacités ou les connaissances pour bien exercer cette fonction.

On s’attend souvent à ce que les membres de la famille agissent de façon altruiste pour optimiser le bien-être de la personne qui a besoin d’aide, mais une telle attente néglige le fait qu’ils ont eux aussi des besoins, des droits et des intérêts propres, qui peuvent être incompatibles avec ceux de l’intéressé. La nature permanente des relations familiales crée des enchevêtrements de dépendances et d’attentes qui peuvent parfois mal s’assortir aux besoins de l’intéressé. Il arrive qu’une personne vulnérable soit clairement exploitée par des membres de sa famille à leur profit, mais il arrive aussi que le fait de satisfaire aux besoins de la personne impose des difficultés considérables aux membres de sa famille. Il arrive que ce qui constitue une attente ou un arrangement raisonnable vu la situation familiale ne soit pas clair du tout. Plusieurs participants aux consultations ont ainsi évoqué la situation dans laquelle le membre de la famille qui s’occupe beaucoup de la personne handicapée peut dépendre de ses allocations du POSPH et s’en servir au profit de la famille, pas à celui de la personne. Les complexités de la dynamique familiale font inévitablement partie du fonctionnement de la législation concernant la capacité et la prise de décision.

Les relations familiales sont profondément ancrées dans le genre et la culture. Des idées préconçues inhérentes sur la façon dont les décisions sont prises et sur qui les prend peuvent influer sur le mode d’application de la législation concernant la capacité et la prise de décision. Des préjugés sur qui gère les questions de finance ou sur qui prend la décision finale dans les cas d’urgence ou de conflit peuvent exister par exemple, qui correspondent mal aux exigences de la législation ontarienne.

La tendance à la formalisation : les consultations ont mis à jour un débat sous-jacent sur le degré de formalisation approprié à ce domaine du droit. Pour les familles, les systèmes moins formels sont plus simples et moins intimidants d’accès, et reflètent le caractère ordinaire et personnel des problèmes. Ils évitent de coller une étiquette à la personne qui a besoin d’être aidée et de la stigmatiser. Mais puisque de par leur nature, ils se prêtent moins à la formation et au contrôle, ils comportent plus de risques d’abus. 

Le degré de formalisation qui convienne à ce domaine du droit n’existe pas : inévitablement, les avis des intervenants et des intéressés à cet égard divergeront fortement. Pour rédiger ses projets de recommandation à étudier, la CDO s’est efforcée de tenir compte des avantages divergents de ce qui est formel et de ce qui ne l’est pas. De façon générale, la tendance dans la prestation des services sociaux, médicaux ou financiers est à la formalisation. Ceci est dû à diverses raisons, notamment la mise en application de la législation sur la protection de la vie privée, les exigences relatives au blanchiment d’argent pour les prestataires de services financiers, et le sentiment que nous vivons dans une société de plus en plus procédurière (avec concurremment, la tendance à rechercher des protocoles et des documents clairs). Par voie de conséquence, les arrangements sans caractère officiel auxquels de nombreuses familles font confiance dans ce domaine sont en déclin, ce qui a de graves répercussions pour les recommandations de la CDO dans plusieurs domaines.

Ces contextes dont il faut certes tenir compte pour formuler des recommandations soulignent les limites intrinsèques des lois et de leur réforme dans ce domaine. Aucune loi ne peut d’elle-même créer des groupes de personnes dévouées qui soutiennent les personnes ayant besoin d’être accompagnées pour décider, alors même que ces groupes peuvent s’avérer être la meilleure protection contre les abus ou les mauvais traitements et les meilleurs prestataires de soutien et d’assistance envers les intéressés. La loi est un moyen très brutal et souvent inefficace pour façonner la dynamique familiale. Elle est incapable de résoudre complètement les problèmes éthiques, inhérents à ce domaine. Et dans le projet, la CDO n’a pas pour fonction de formuler des recommandations de réforme majeure de la façon dont l’Ontario dispense les services médicaux, sociaux ou les soins à long terme, et elle n’a d’ailleurs pas les connaissances pour cela. Même la réforme la plus efficace possible du droit dans ce domaine ne supprimerait pas la totalité des nombreux problèmes qui existent pour traiter ces questions. La loi peut fournir cependant un cadre précis et utile permettant de régler nombre de ces questions, et réformer efficacement les lois dans ce domaine contribuerait beaucoup à réduire les difficultés.

 

C.    Application des Cadres : comprendre les groupes visés

Pour comprendre ce que vivent les personnes directement concernées par la loi, il faut prêter attention à des facteurs identitaires – faiblesse du revenu, genre, différences culturelles, racialisation ou statut d’Autochtone, situation géographique, état civil, orientation sexuelle, identité et expression sexuelles. L’application des deux Cadres attire par ailleurs l’attention sur la façon dont les personnes visées ressentent différemment les lois dans ce domaine, en fonction de la nature de la déficience et de quand elle est arrivée, ce qui témoigne de l’importance de l’analyse du parcours de vie.

Ni la LPDNA ni la LCSS ne font précisément état de catégories particulières de personnes. La LPDNA prévoit des mécanismes de nomination du mandataire spécial pour les personnes dont l’incapacité a été constatée ou est susceptible de l’être en vertu de cette même loi, et à propos desquelles des types particuliers de décisions sont nécessaires. La LCSS s’applique de façon très large aux personnes dont il faut le consentement pour le traitement, l’admission en établissement de soins ou pour des questions d’aide personnelle. Surtout à propos du traitement, l’éventualité peut se présenter, en cas de maladie, que l’on ne satisfasse pas à la norme de la capacité de consentement au traitement : en pareille situation, la LCSS prévoit des mécanismes de nomination du mandataire spécial et de directives pour les décisions que prend celui-ci.

À l’évidence toutefois certaines personnes sont plus susceptibles d’être déclarées légalement incapables en vertu de l’une ou l’autre de ces deux lois. Les personnes atteintes de déficiences intellectuelles, neurologiques, mentales ou cognitives sont plus susceptibles d’être à la fois déclarées légalement incapables de prendre des décisions précises, au sens de ces lois, et de façon non officielle, d’être présumées incapables et donc, pouvant être évaluées et visées par d’autres dispositions de ces lois. Les personnes âgées étant en nombre disproportionné atteintes par une forme de déficience cognitive, elles peuvent être, également en nombre disproportionné, visées par ce domaine du droit; qui plus est, les personnes âgées peuvent être traitées comme des incapables, même si ce n’est pas le cas, uniquement du fait de leur âge.

On ne saurait trop insister sur la diversité des personnes que touche directement la législation concernant la capacité et la prise de décision. Des renseignements démographiques généraux et d’autres caractéristiques des groupes le plus souvent touchés par ce domaine du droit figurent en partie I du chapitre I du Document de travail. 

Les incidences de la législation diffèrent beaucoup selon que les personnes ont des difficultés décisionnelles épisodiques ou croissantes, ou bien qu’elles ont des besoins stables. La capacité de prévoir combien d’aide à la prise de décision est nécessaire influe fortement sur celle d’aider de façon pratique pour la famille ou pour les amis, sur celle des tiers de prendre en compte les besoins de soutien, et sur la capacité de la législation de garantir que des mesures de soutien et d’accommodement soient fournies au besoin. On a fréquemment fait part à la CDO lors des consultations combien la clarté et la certitude en droit sont importantes; on nous a tout aussi souvent exprimé l’importance de la souplesse et de la nuance. Il n’est pas rare qu’une personne puisse prendre seule une décision le matin et ne puisse plus le faire dans l’après-midi, ou qu’elle ne puisse plus décider par elle-même ce qu’elle pouvait décider la semaine précédente. Le consensus est bien établi sur le fait que l’on doit pouvoir décider par soi-même aussi longtemps que l’on est en mesure de le faire, et aussi sur celui que les aspects pratiques de ceci peuvent être particulièrement redoutables en cas de variation de la capacité décisionnelle.

Le moment de la vie au cours duquel on commence à avoir besoin d’aide pour décider a des incidences considérables pour la nature et le degré des mesures de soutien sociales et économiques dont peuvent disposer les personnes concernées. La personne âgée qui commence à souffrir de démence ou qui vient d’avoir une congestion cérébrale peut par exemple avoir des actifs financiers bien plus considérables que la personne plus jeune qui souffre depuis toute sa vie de marginalisation économique en raison de sa déficience. Ces biens plus conséquents aident peut-être à acheter des soutiens, mais sont aussi une grande source de tentation pouvant mener à des abus et à de l’exploitation. Le moment de la vie peut aussi influer sur l’ampleur et la nature des soutiens personnels et des types de services accessibles, sur leur mode de prestation ainsi que sur les besoins et les aspirations de la personne accompagnée.

La personne qui a depuis toujours une déficience touchant la prise de décision a peut-être une idée assez différente de ce qu’est l’autonomie ou le risque que la personne qui est atteinte de déficience plus tard dans sa vie. Selon les consultations, les personnes âgées qui deviennent handicapées à un âge avancé aspirent surtout à préserver l’identité et les valeurs qui ont prévalu dans leur vie avant l’arrivée de leur déficience – à contraindre leur moi futur en quelque sorte, de façon à créer un narratif continu et cohérent avec leur vie précédente. Les jeunes dont la déficience touche la prise de leurs décisions souhaitent davantage avoir la possibilité de changer et de grandir, de découvrir leur nouveau moi à venir et de faire respecter les décisions qu’ils prennent actuellement. Ceci a des conséquences sur la nature de l’aide qu’ils souhaitent recevoir et sur le type de processus qui conviendra.

Il faut par ailleurs tenir compte de la diversité culturelle, des inégalités économiques ainsi que des fonctions et des stéréotypes attribués à chaque sexe. Le genre et la culture peuvent influer sur les services de soutien personnel accessibles – qui va les fournir, et comment. On a exprimé par exemple à la CDO que la priorité de rangs que prévoit la LCSS pour les mandataires spéciaux peut aller à l’encontre de l’attente culturelle selon laquelle c’est le fils aîné qui décide, causant par là des difficultés pratiques pour le personnel sanitaire. Entre conjoints, les fonctions attribuées traditionnellement à chaque sexe peuvent influer sur les aptitudes et les attentes pour les décisions relatives aux finances ou au soin personnel, surtout si l’un d’eux doit commencer à décider dans un domaine ne relevant pas de ses fonctions traditionnelles.

Les comportements négatifs spécifiques et la façon dont ils sont exprimés diffèrent parmi les nombreux groupes que touche souvent ce domaine du droit et qui connaissent la stigmatisation et la marginalisation. Par exemple, tant les personnes atteintes de troubles mentaux que les personnes âgées font face à des suppositions négatives quant à leur capacité et à la tendance au paternalisme, et pourtant le mode d’expression de ces suppositions et tendances varie considérablement : le paternalisme envers les premières peut être axé sur la volonté de les « réparer », alors que le comportement vis-à-vis des secondes peut être plus infantilisant.

Il ne faut donc pas se surprendre que lors des consultations la CDO ait observé des différences majeures dans ce que les divers groupes attendent du droit et dans ce qui constitue pour eux des objectifs de réforme du droit. Il importe toutefois de souligner ce que les groupes directement touchés par la législation ont essentiellement en commun : inquiétudes quant à l’isolement social, la stigmatisation et la marginalisation, forte volonté de faire partie, protection contre la maltraitance, être respecté en tant que personne, respect de leurs valeurs et de leurs aspirations.

 

D.   Les principes des Cadres de la CDO et la législation du domaine

On trouvera ci-après un bref exposé des six principes des Cadres et de leur application générale à la législation concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle.

1.     Respect de la dignité et de la valeur

Droit touchant les personnes âgées

Ce principe reconnaît la valeur inhérente, égale et inaliénable de tous, y compris des personnes âgées. Tous les membres de la famille humaine sont des personnes complètes, uniques et irremplaçables. Par conséquent, ce principe englobe le droit d’être estimé, respecté et apprécié, de faire reconnaître tant son apport que ses besoins, et d’être traité comme une personne à part entière. Cela comprend également le droit d’être traité en toute équité et sans discrimination.
 

Droit touchant les personnes handicapées

Ce principe reconnaît la valeur inhérente, égale et inaliénable de tous, y compris celle de toutes les personnes handicapées. Tous les membres de la famille humaine sont des personnes à part entière, qui ont le droit d’être estimées, respectées et appréciées, et de faire reconnaître leurs contributions et leurs besoins.

Les stéréotypes et les comportements négatifs répandus sur les personnes handicapées et les personnes âgées qu’exposent les rapports sur les Cadres[29] influencent inévitablement la façon dont la législation dans le domaine est interprétée et appliquée. Les réactions à celle-ci et sa mise en application pratique doivent se comprendre dans le contexte d’une société qui perçoit souvent la valeur comme synonyme d’intelligence, d’ambition et de capacité de réussir d’après des normes préconçues. Trop souvent, on suppose de façon implicite que les personnes handicapées et les personnes très âgées sont moins dignes d’attention et d’intérêt que les autres, qu’elles sont des fardeaux et contribuent peu à la société. On peut commettre l’erreur de leur prêter des capacités moindres ou bien des sentiments et une volonté inutiles qu’il n’est pas utile de prendre en compte dans les prises de décision.

Comme il en a été question au chapitre II, la législation en vigueur prévoit la présomption de contracter, pour ce qui relève de la LCSS. La conception de la capacité juridique y est fondée, non sur l’âge ou un diagnostic précis, mais sur la capacité d’effectuer la tâche en question – soit prendre une décision ou un type de décision précis – dans un contexte précis. Cette conception vise à protéger contre la suppression indue des droits, sur le fondement d’a priori et de préjugés. Dans la pratique, parce que dans notre société, les personnes âgées et les personnes handicapées font souvent l’objet de préjugés négatifs, ceux-ci peuvent influer sur la mise en application de la législation concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle.

Même si bien sûr il n’avait pas été prévu que la désignation d’« incapacité juridique » soit stigmatisante, dans la pratique c’est ce qui peut arriver. En particulier, des parents d’adultes handicapés ont déclaré à la CDO avoir beaucoup fait pour faire valoir les capacités et le potentiel de leurs enfants plutôt que leurs déficiences, de sorte que le fait de les désigner d’« incapables » semble contraire à tous les principes de leur démarche à leur égard, principes par lesquels ils espéraient que la société pourrait apprendre à traiter leurs enfants.

 

2.     Amélioration de l’inclusion et de la participation

Droit touchant les personnes âgées

Ce principe reconnaît le droit de participer activement et de s’intégrer à sa collectivité ainsi que de jouer un rôle important au sein de celle-ci. L’inclusion et la participation sont possibles lorsque les lois, les politiques et les pratiques sont conçues de façon à favoriser la participation active des personnes âgées à la collectivité et à éliminer les obstacles physiques, sociaux, comportementaux et systémiques qui les empêchent de participer, tout particulièrement dans le cas des personnes âgées victimes de marginalisation et d’exclusion. Le droit des personnes âgées d’être convenablement consultées sur les enjeux qui les concernent, que ce soit de façon individuelle ou collective, est un aspect important de ce principe.
 

Droit touchant les personnes handicapées

Ce principe invite à bâtir une société qui favorise la participation active de toutes les personnes handicapées à la collectivité en facilitant leur inclusion et en éliminant les obstacles physiques, sociaux, comportementaux et systémiques qui les empêchent d’exercer leur citoyenneté. 

Des intervenants ont souligné pendant les consultations que de nombreuses personnes parmi les plus fortement touchées par ce domaine du droit, notamment celles ayant des déficiences cognitives, neurologiques, mentales ou intellectuelles, les personnes très âgées et celles en foyer de soins de longue durée, risquent, en nombre disproportionné, l’isolement social. À ceci, plusieurs raisons possibles : leurs réseaux sociaux ne subsistent plus, la stigmatisation et la marginalisation liées à leur déficience a freiné leur capacité de former des réseaux, ou bien les obstacles naturels associés à la vie en communauté par exemple. L’isolement social touche aussi de nombreuses personnes qui ne sont pas handicapées – les familles sont plus petites qu’auparavant et de plus en plus dispersées géographiquement, elles ne sont pas toutes solidaires, et tout le monde n’est pas attiré par les réseaux sociaux.

Cette tendance à l’isolement social des personnes les plus touchées a de nombreuses incidences sur la réforme du droit dans ce domaine. La législation en vigueur postule que la source première, celle qui est privilégiée et qui prédomine, pour l’aide à la prise de décision sera la famille et les amis proches. Ce postulat est sensé, à de nombreux égards : ce sont les personnes avec qui nous avons des relations personnelles étroites qui peuvent le mieux comprendre et faire valoir nos volontés et nos valeurs; elles sont aussi les plus susceptibles d’être disposées à se charger de ce qui est une responsabilité très difficile et très absorbante, et ce, en nous soutenant et en nous respectant. Or, nombreuses sont les personnes qui n’ont pas de telles relations ou dont leurs relations sont peut-être négatives ou d’exploitation. L’Ontario prévoit actuellement la fonction du tuteur et curateur public pour décider au nom des personnes qui n’ont pas de famille ou d’amis proches, disposés à le faire ou libres pour le faire.

L’absence de relations personnelles intimes de soutien chez un nombre important de personnes ayant besoin d’être aidées pour décider pose des difficultés particulières pour la démarche de « prise de décision accompagnée » analysée au chapitre VI, puisque dans cette démarche, ces relations intimes sont considérées comme essentielles pour aider d’une façon qui préserve la capacité juridique de l’intéressé. C’est pourquoi quelques tenants de la prise de décision accompagnée ont proposé que les pouvoirs publics jouent un rôle pour favoriser ces relations ou (selon quelques tenants), pour fournir des services payants qui puissent s’approcher de ce type de relation intime de confiance[30].
 

3.     Promotion de l’indépendance et de l’autonomie

Droit touchant les personnes âgées

Ce principe reconnaît le droit des personnes âgées de faire des choix pour elles-mêmes, en s’appuyant sur la présomption de capacité et sur la reconnaissance de la légitimité du choix. Il reconnaît également le droit des personnes âgées de s’occuper d’elles-mêmes dans la plus grande mesure possible. La réalisation de ce principe peut nécessiter des mesures visant à renforcer la capacité de faire des choix et de s’occuper de soi-même, y compris la prestation de mesures de soutien appropriées.
 

Droit touchant les personnes handicapées

Ce principe préconise l’établissement de conditions qui permettent aux personnes handicapées de faire des choix qui ont une incidence sur leur vie et de s’occuper d’elles-mêmes autant qu’elles le peuvent ou le souhaitent en bénéficiant des mesures de soutien adéquates requises. 

Ce principe est lié très clairement aux questions de capacité juridique et de prise de décision, dans la mesure où on a parfois considéré que [traduction] « la capacité juridique constitue le seuil réel de l’autonomie, distinguant d’une part la personne autonome, et la personne qui ne l’est pas, de l’autre, selon la capacité à penser selon un processus rationnel (et donc, autonome) »[31]. En pratique, la détermination de l’incapacité peut légitimer une ingérence non voulue dans la vie de la personne qui a été identifiée de la sorte.

La législation actuelle concernant la capacité juridique et la prise de décision restreint de façon implicite la capacité de faire des choix peu judicieux ou de prendre des risques, sur le fondement de la norme de capacité : si l’on est capable de comprendre la décision que l’on prend et d’en apprécier les risques et les avantages, les choix ne seront pas contestés, sans égard à leur caractère raisonnable, sauf s’ils portent atteinte à des règles de droit ou à des lois plus générales. Autrement dit, pour prendre le risque d’un résultat négatif, il faut pouvoir comprendre que ce résultat peut survenir et en tenir compte dans la décision. Si la personne ne peut comprendre l’information pertinente et apprécier les risques et les avantages, son mandataire spécial peut prendre en son nom la décision risquée, sur le fondement des valeurs et des préférences de l’intéressé et dans les limites de la loi.

Toutefois, le rapport de ce domaine du droit à l’autonomie et à l’indépendance n’est pas simple. Comme on l’a souligné au chapitre II, le cadre législatif actuel a été conçu avec les objectifs de minimiser les ingérences injustifiées et de favoriser la liberté de choisir pour soi-même. La présomption de capacité pour certains types de décision, les diverses garanties procédurales (le droit de refuser l’évaluation de la capacité en vertu de la LPDNA[32] ou celui de recevoir des avis sur ses droits en vertu de la LSM[33] ne sont que deux de nombreux exemples), les dispositions prévoyant la recherche par le tribunal d’autres solutions moins contraignantes avant d’ordonner la tutelle[34] – toutes visent à garantir que les restrictions de l’autonomie sont appliquées uniquement lorsqu’elles s’avèrent nécessaires.

En outre, la conception de l’autonomie individuelle est nuancée dans la législation ou s’efforce de l’être. En cas de nomination par la personne comme en cas de nomination externe, le mandataire spécial est prié d’encourager la participation de l’intéressé et de tenir compte de ses valeurs et de ses volontés[35]. La procuration permet au mandant d’indiquer quand il souhaite être aidé pour décider, par qui, et peut limiter cette aide ou y mettre des conditions. Ces exemples illustrent la façon dont la législation reconnaît que le recours à des documents de planification susceptibles d’engager l’avenir (procuration, planification préalable des soins, « pacte d’Ulysse »[36]) tout autant que l’expression des valeurs, des préférences et des choix présents sont des expressions valides d’autonomie. Comme on l’a brièvement indiqué dans la section précédente, ces différentes expressions de l’autonomie auront plus ou moins d’importance selon les populations ou les stades de la vie, ce qui s’est clairement ressorti au cours des consultations de la CDO pour les personnes directement touchées par la législation concernant la capacité juridique et la prise de décision.   

De plus, la législation vise dans une large mesure à garantir l’autonomie et l’indépendance, en protégeant des pressions ou des manipulations les personnes qui sont vulnérables du fait de la maladie ou de la déficience, ou en empêchant que leurs objectifs et souhaits propres soient carrément écartés ou ignorés, au profit de gens sans scrupule.

Toutefois, selon les nombreux points de vue exprimés à la CDO, de certaine façon, la législation actuelle ne protège ni ne favorise suffisamment l’autonomie et l’indépendance. Les insuffisances peuvent se situer dans le libellé ou dans la mise en application de la législation. Les mécanismes visant à « détourner » de la prise de décision au nom d’autrui et à fournir autrement une aide appropriée sont peut-être insuffisants. Les personnes qui sont sous tutelle mais n’en ont plus besoin éprouvent peut-être de la difficulté à la contester, leur tuteur contrôlant généralement de façon très serrée leur accès aux fonds et aux soutiens. Le manque de contrôle du mandataire spécial, associé à la méconnaissance des obligations de la législation, peut signifier que des membres de la famille de la personne ayant besoin d’aide, par exemple, peuvent gravement outrepasser les limites de leurs responsabilités et contrôler de façon inappropriée la vie de celle-ci. Le manque de ressources, la mauvaise compréhension des lois, les a priori sur les capacités des personnes âgées ou des personnes handicapées peuvent amener des prestataires de services à ne tenir compte ni de la présomption de capacité, ni du fait que celle-ci est propre à la décision, ni des droits en matière de procédure. Le présent rapport traite notamment de ces problèmes qui affectent l’autonomie et l’indépendance. En bref, l’efficacité de la démarche actuelle ne suffit pas à garantir que l’on conserve le plus possible la maîtrise de ses choix et de sa vie.

Dans toute discussion de l’autonomie, il faut tenir compte des questions relatives au risque. Si la norme pour les décisions possibles est unique, le choix n’existe pas. Autrement dit, pour respecter l’autonomie et l’indépendance, nous devons accepter que des personnes fassent des choix que d’autres considèrent peu judicieux ou qui comportent un certain degré de risque. On ne peut favoriser l’autonomie sans accepter que la situation puisse tourner mal pour la personne qui prend la décision. Il a été évident pendant les consultations, pour quelques intervenants au moins, que le débat sur la capacité juridique et la prise de décision est réellement un débat sur les types de résultat négatif que nous, en tant que société, sommes disposés à tolérer. La question est d’autant plus aiguë quand il s’agit de personnes qui peut-être vivent déjà dans une situation très difficile, qui sont marginalisées, dont les ressources sont amoindries et qui sont particulièrement vulnérables à l’exploitation. Les difficultés ne peuvent simplement être écartées. Les prestataires de services peuvent se trouver confrontés à des dilemmes moraux et éthiques très douloureux. 

Dans le cadre de la reconnaissance que les personnes handicapées et les personnes âgées jouissent de la pleine égalité, leur capacité de prendre des risques doit être respectée. Comme on l’a beaucoup détaillé dans les rapports sur les Cadres, le paternalisme envers les personnes handicapées et les personnes âgées ne date pas d’hier, et ce courant a indûment limité la vie de nombreuses personnes et entraîné des résultats négatifs. Lors des consultations préalables à la réalisation des Cadres, nombre de personnes âgées et de personnes handicapées ont signalé combien il est important que soit respecté leur droit de faire des choix sur leur propre vie, selon leurs propres valeurs, que les autres soient d’accord ou pas. Elles doivent pouvoir, tout comme les autres, prendre des risques et faire des erreurs. C’est ainsi en effet que l’on apprend, que l’on grandit, que l’on exprime son individualité et que l’on façonne sa vie.

Il faut reconnaître toutefois que même si notre société attache beaucoup de valeur à l’autonomie et à la liberté de choisir pour soi-même, elle accepte en même temps de nombreuses restrictions de l’autonomie, afin de réduire le risque ou le préjudice (vis-à-vis de la personne qui prend la décision ou bien des autres) – les mesures législatives sur la ceinture de sécurité et le casque, les restrictions de l’usage du tabac ou la réglementation de la vente des alcools en sont des exemples. Reconnaître l’importance de l’autonomie ne revient pas à mettre fin au débat sur le postulat du risque.

La notion de « dignité du risque » met en relief le rapport étroit souvent établi entre l’autonomie – le droit de choisir pour soi-même, à sa façon, même si les autres ne sont pas d’accord, même s’il peut en résulter des conséquences négatives graves – et la notion d’être une personne et d’être respecté en tant que tel. Des conceptions de la notion de dignité de la personne dépendent beaucoup de la notion d’autonomie en tant qu’attribut essentiel de la personne. Ces conceptions sont discutées dans les rapports sur les Cadres. Quand la CDO a établi ses principes, elle a clairement séparé ceux de dignité et d’autonomie. Il n’est pas rare que les personnes se trouvent dans des situations dans lesquelles leur autonomie est retreinte, et la CDO estime que ces limites ne devraient pas influer sur la reconnaissance de l’humanité fondatrice de la personne et du droit de celle-ci à être traitée avec respect[37].

L’autonomie est limitée par la situation personnelle et par le contexte social. Nous devons tous prendre des décisions dans les limites sociales et personnelles qui existent. Ceci est particulièrement vrai pour les personnes qui dépendent davantage sur les ressources de la société et de leur famille : les options dont elles disposent peuvent être très restreintes. C’est ce qu’a souligné le Northumberland Community Legal Centre dans ses observations écrites.

[traduction] Les affirmations précédentes sur les personnes qui vivent dans la pauvreté ou qui sont handicapées visent à expliquer que le fait d’être capable, la capacité de mandater, celle de décider par soi-même et celle de vraiment participer dépendent des types de choix réellement possibles en société. Dans une société où le choix se limite souvent à ce que l’on peut payer – nourriture, hébergement, accessibilité ou autre, une partie importante de la population sera toujours laissée pour compte, et malheureusement, ce sera la plus vulnérable. Le fait d’être sans abri, la précarité du revenu et les problèmes mentaux entraînent tous des problèmes possibles d’incapacité.

Comme on en discutera plus loin à propos du principe de sécurité, il est en général entendu qu’il y a des situations dans lesquelles la décision « ne nous appartient pas » vraiment. Quand par exemple elle a été obtenue par la fraude, la manipulation ou la menace, nous pouvons ne pas être tenus responsables de ses conséquences : le droit le reconnaît notamment dans la doctrine de l’abus d’influence. Les personnes ayant des capacités décisionnelles diminuées pouvant être plus susceptibles d’être manipulées ou de subir des pressions, les préoccupations à propos de l’exploitation et de la façon dont elle peut porter atteinte à la liberté de choisir pour soi-même sont précisément importantes dans la législation concernant la capacité juridique et la prise de décision. 

La norme en vigueur de la capacité juridique – l’obligation que la personne puisse comprendre et apprécier les renseignements en cause – insiste sur le fait que l’on ne saurait demander que soient assumés les risques ou les conséquences négatives d’une décision, sauf si celle ou celui qui la prend est capable de les connaître et de les accepter librement.

En résumé, alors que le principe d’autonomie est au cœur de ce domaine du droit, il ne peut être entendu que son sens est unique pour toutes celles et tous ceux qui ont des problèmes de capacité juridique et de prise de décision : on peut comprendre l’autonomie et chercher à l’obtenir de diverses façons, en fonction de sa situation et de son identité. Il faut considérer que nos rapports avec les autres façonnent l’autonomie de multiples façons. Il faut également considérer qu’elle est limitée, pour tout le monde, à la fois parce qu’elle doit coexister avec les autres principes, celui de l’appartenance au groupe et celui de la sécurité par exemple, et parce que nous avons tous des limites personnelles et que nos choix sont limités. Il faut enfin comprendre les difficultés et les limites inhérentes au travail de réforme de ce domaine du droit, en vue de mieux protéger et de favoriser l’autonomie.
 

4.     Respect de l’importance de la sécurité / Avancement du droit à la sécurité

Droit touchant les personnes âgées

(Reconnaissance de l’importance de la sécurité) Ce principe reconnaît le droit d’être protégé contre la violence ou l’exploitation physique, psychologique, sexuelle ou financière et le droit au soutien de base en matière de services de santé, juridiques et sociaux.
 

Droit touchant les personnes handicapées

(Avancement du droit à la sécurité)

Ce principe évoque le droit des personnes handicapées de vivre dans un milieu où elles n’ont pas à craindre d’être victimes de mauvais traitements ou d’exploitation et où elles peuvent recevoir le soutien dont elles ont besoin pour prendre des décisions qui peuvent influer sur leur sécurité. 

Alors que le principe de promotion de l’indépendance et de l’autonomie est souvent associé à celui visant à respecter l’importance de la sécurité ou à faire avancer le droit de vivre en sécurité, on considère qu’ils sont souvent en opposition, surtout dans ce domaine du droit.

Des inquiétudes à propos de l’exploitation des personnes dont la capacité décisionnelle est diminuée ont souvent été exprimées pendant le déroulement du projet, et ont été un thème important et constant des consultations de 2014. Il est difficile de connaître la fréquence de l’exploitation des personnes en situation d’incapacité juridique, car il n’existe pour l’instant aucun moyen de recueillir des chiffres valables. De façon empirique, le sujet suscite de vives inquiétudes : des prestataires de services ont indiqué lors des consultations qu’ils sont régulièrement témoins de ce type de problème. Les recherches menées sur la nature et la prévalence de l’exploitation des personnes touchées par la législation concernant la capacité juridique et la prise de décision ont été analysées dans le Document de travail, au chapitre 1B de la partie IV. L’accès aux finances semble être ce qui motive couramment l’exploitation : même de petites sommes d’argent peuvent tenter des personnes désespérées ou peu scrupuleuses. La dynamique dans les familles dysfonctionnelles peut aussi jouer un rôle majeur. La vulnérabilité des intéressés et le risque relativement faible de conséquences sont certainement des facteurs.

La tension souvent soulignée dans ce domaine entre l’autonomie et la sécurité est donc bien réelle : la législation concernant la capacité juridique et la prise de décision est souvent invoquée pour prévenir l’exploitation ou y remédier ou pour empêcher une personne d’agir ou de continuer d’agir de façon qui présente des risques extrêmes ou des conséquences négatives pour la sécurité ou le bien-être. En vertu des articles 27 et 62 de la LPDNA par exemple, le tuteur et curateur public peut enquêter et demander la tutelle temporaire dans les cas où l’intéressé n’a plus la capacité juridique et où des « conséquences préjudiciables graves » en découlent ou peuvent en découler. L’imposition du mandataire spécial pour remédier à des mauvais traitements ou à des conditions de vie dégradées restreint indéniablement la capacité de prendre des décisions pour soi-même.

Mais l’autonomie et l’indépendance de la personne qui est objet de sévices ou d’exploitation sont déjà restreintes. Intervenir peut donc parfois créer des possibilités d’accroître le choix et la liberté de choisir pour soi-même, et contribuer à la réalisation d’autres principes.

Dans le cadre du contexte qui façonne la dynamique entre autonomie et sécurité, il est utile de se rappeler que du fait des pressions sur les ressources et les soutiens dont peuvent disposer les personnes marginalisées ou à faible revenu, les choix que celles-ci peuvent faire en pratique sont déjà très limités. Du fait de l’absence de soutien, elles peuvent se trouver dépendantes de leur agresseur. L’intervention, notamment l’imposition de la tutelle, peut ne pas régler les problèmes qui sont à la base de la vulnérabilité aux sévices ou à l’exploitation et qui la créent.

Plusieurs intervenants ont proposé à la CDO de réfléchir à des moyens plus généraux de traiter l’exploitation des adultes vulnérables, notamment les personnes âgées et les personnes handicapées, qui ne se limiteraient pas aux personnes n’ayant plus la capacité juridique. On a évoqué la législation visant à protéger les adultes qui existe dans d’autres ressorts canadiens et aux États-Unis[38]. Ce type de législation, qui soulève de nombreuses questions, dépasse la portée du projet, et la CDO n’a pas l’intention de formuler des recommandations à cet égard.

Nombre des personnes consultées estiment que les lois et les politiques actuelles remédient de façon relativement faible à l’exploitation des personnes n’ayant plus la capacité juridique et aux abus des pouvoirs de prise de décision. On estime que les régimes actuels surveillent et contrôlent insuffisamment les mandataires des personnes dont les capacités décisionnelles sont atténuées. Des prestataires de services ont exprimé leur désarroi et leur frustration à propos de la façon de répondre à des inquiétudes d’exploitation, surtout dans les situations où il y a vraiment raison de s’inquiéter sans toutefois de preuve précise. On considère souvent que les options juridiques actuelles, demander par voie de requête la tutelle ou la remise des comptes par exemple, prêtent à confusion, qu’elles sont intimidantes, coûteuses et irréalistes pour la famille ou les amis concernés, sans parler des tiers. Et bien sûr, les intéressés peuvent ne pas être du tout en mesure de faire part d’inquiétudes ni de demander de l’aide.
 

5.     Reconnaissance de la diversité

Droit touchant les personnes âgées

(Reconnaissance de la diversité et de l’individualité) Ce principe reconnaît que les personnes âgées sont des individus, dont les besoins et les réalités peuvent varier en fonction d’un large éventail de facteurs, notamment du sexe, de la racialisation, du statut d’Autochtone, d’immigrant ou de citoyen, d’un problème de santé ou d’une incapacité, de l’orientation sexuelle, des croyances, de l’emplacement géographique, du lieu de résidence, ou de tout autre aspect lié à l’identité, dont les effets peuvent s’accumuler au cours de la vie. Les personnes âgées ne forment pas un groupe homogène, et le droit doit tenir compte des effets de cette diversité[39].
 

Droit touchant les personnes handicapées

(Reconnaissance de la diversité des aptitudes et des autres caractéristiques humaines) Ce principe exige de reconnaître deux dimensions de la diversité et d’y être sensible, à savoir que l’étendue des aptitudes varie selon les domaines, les personnes et les périodes de la vie, que chaque personne handicapée a une identité, des besoins et une situation uniques, et que les identités multiples et croisées des personnes handicapées peuvent contribuer à accroître ou à réduire la discrimination et les désavantages auxquels elles font face. 

Comme on l’a déjà vu dans le présent chapitre, la situation et les besoins des groupes directement touchés par ce domaine du droit varient énormément. Des aspects de l’identité, dont le genre, la culture, la langue, l’orientation sexuelle, compliquent davantage encore la situation. Et dans les groupes eux-mêmes, les besoins et les situations sont également fort divers. La nature et le degré des ressources sociales et économiques dont elle peut disposer influeront radicalement par exemple sur la façon dont la personne fait connaissance avec la législation dans ce domaine. Les évaluateurs de la capacité juridique qui ne sont pas formés ou n’ont pas accès à des ressources culturellement adaptées peuvent mal comprendre des comportements suscités par la culture. Les personnes dont le français ou l’anglais est une énième langue peuvent éprouver des difficultés à accéder à des renseignements sur leurs droits ou à s’y retrouver dans les multiples facettes de ce domaine du droit. À mesure que la diversité est mieux appréhendée, on continuera peut-être d’établir de nouveaux éléments à respecter et auxquels il faudra être sensible. 

Les personnes consultées ont souligné combien il faut de la souplesse et de la nuance dans ce domaine du droit en vue de tenir compte de l’individualité et de la diversité des besoins de soutien et d’assistance. L’application de la loi a besoin de clarté, de simplicité et de certitude, ce qui est souvent en opposition avec la nécessité d’avoir des démarches adaptées à la situation des personnes, y compris avec différentes manifestations de l’hétérogénéité. Une critique fréquente est que la notion de « capacité » est quelque chose que l’on a ou pas pour une décision ou un type de décision précis : les prestataires de services et les spécialistes ont été nombreux à débattre des difficultés de s’occuper des nombreuses personnes qui relèvent de la « zone grise » dans laquelle la capacité de décider par soi-même est imprécise ou instable.
 

6.     Appartenance à la collectivité dans son ensemble / Reconnaissance de l’appartenance à la société

Droit touchant les personnes âgées

(Appartenance à la collectivité dans son ensemble) Ce principe reconnaît les droits et les obligations réciproques de l’ensemble des membres de la société et des générations passées, présentes et futures, de même que le fait que les lois devraient refléter une compréhension et une obligation mutuelles tout en s’efforçant de créer une société accueillante pour les personnes de tous âges.

 

Droit touchant les personnes handicapées

(Reconnaissance de l’appartenance à la société) Ce principe reconnaît que les personnes handicapées sont des membres de la société qui ont des droits et des responsabilités, au même titre que les autres membres de la société. 

Le principe d’appartenance à la collectivité dans son ensemble et celui de reconnaissance de l’appartenance à la société reconnaissent ce qui suit : les personnes âgées et les personnes handicapées ont des responsabilités ainsi que des droits, personne ne vit isolé, il faut tenir compte des besoins des grands groupes de la collectivité autant que de ceux de groupes précis, la législation qui touche les premières comme les secondes influe, parfois de façon majeure, sur d’autres personnes, et de telles incidences sont à prendre en compte.

Au moment de concevoir la législation concernant la capacité juridique et la prise de décision, il convient de prendre particulièrement en compte deux groupes, outre ceux qui sont directement visés. Les membres de la famille et les personnes qui se chargent d’aider pour les besoins décisionnels forment le premier groupe. Le second se compose des institutions et des personnes qui concluent des ententes contractuelles, juridiques notamment, avec des personnes dont les capacités décisionnelles sont diminuées; il s’agit surtout des prestataires de services tiers qui sont censés appliquer réellement la loi. La législation relative à la capacité juridique doit certes respecter les droits des personnes âgées et ceux des personnes handicapées et faire progresser leur égalité réelle, mais elle doit aussi tenir compte des besoins légitimes réels de ces autres groupes.

Il est important de reconnaître que les membres de la famille, surtout, prennent leurs responsabilités à l’égard des intéressés volontairement, par amour, qu’ils trouvent un sens à leur rôle et que leurs relations avec les êtres chers qu’ils aident sont réciproques et interdépendantes. Les personnes qui ne peuvent pas décider par elles-mêmes ne sont pas seulement celles qui reçoivent des soins, et les personnes qui les aident à décider ne sont pas seulement celles qui donnent ces soins : celles qui sont soutenues peuvent aussi procurer du soutien, et vice versa. Il est également important de reconnaître que les personnes qui prennent des décisions au nom d’autrui ou apportent autrement une aide sans caractère officiel pour répondre aux besoins exercent un rôle difficile, exigeant en ressources, dont le coût économique, affectif et personnel peut être conséquent. Ces personnes estiment souvent qu’elles reçoivent peu de soutien financier ou pratique pour exercer ce rôle. Peut-être jugent-elles ne pas avoir les ressources ou les aptitudes pour l’exercer, mais elles le font parce qu’elles ne voient pas d’autre solution.

Les membres de la famille qui ont participé aux consultations reconnaissent pour la plupart combien il est important que des mécanismes puissent utilement prévenir l’exploitation et y remédier. Ils ont été nombreux à ajouter, surtout à propos d’enfants adultes dont la déficience nuit à leur capacité de décider, « je ne vais pas vivre éternellement » : reconnaissant qu’ils ne seront pas toujours là pour exercer les responsabilités comme il convient et pour empêcher l’exploitation, ils comprennent que des mécanismes efficaces sont nécessaires pour prévenir les abus des pouvoirs de ceux qui reprendront finalement leur fonction. Ils soulignent aussi qu’étant donné le fardeau et les responsabilités considérables qui incombent déjà aux familles, on ne peut s’attendre à ce qu’elles assument davantage encore de dépenses, de formalités et de tâches administratives.

Les prestataires de services tiers soulignent souvent qu’eux aussi ont des besoins, dont il faut tenir compte dans la conception de ces lois, d’autant qu’ils sont dans une large mesure responsables de leur mise en application. Des prestataires tels que les institutions financières, les foyers de soins de longue durée et les prestataires de services aux personnes ayant un handicap de développement sont soumis à des règlements et à des contrôles exhaustifs et souvent complexes : ces lois ne sont pas les seules qu’ils doivent respecter, et il importe que la législation concernant la capacité juridique et la prise de décision tienne compte de ces autres obligations. Il se peut que des questions liées à la capacité juridique et à la prise de décision dépassent la principale spécialité des prestataires de services de première ligne, surtout dans les institutions financières : et pourtant ils traitent par nécessité des questions éthiques, sociales et interpersonnelles très difficiles, mettant ainsi en jeu leur responsabilité. Le temps et les ressources des prestataires de services sanitaires et sociaux en particulier sont souvent l’objet de pressions considérables. Les nombreux prestataires de services signalent en grand nombre qu’ils interviennent pour dispenser des services ou des soutiens vitaux qui semblent dépasser leurs fonctions et leurs connaissances telles qu’ils les comprennent, simplement parce qu’il ne semble y avoir aucun autre moyen pour répondre au besoin. Ils soulignent en grand nombre également que les lois et les politiques ont besoin de plus de clarté et de certitude, afin de leur faciliter le respect et l’exercice efficaces de leurs fonctions; plusieurs demandent des limites plus claires de leurs attributions et de leur responsabilité dans ce domaine.

 

E.     Mise en œuvre des principes dans le contexte de la législation du domaine

1.     Interprétation et application de la législation dans le contexte des principes

Il y aurait lieu de prendre en compte les principes à la conception des lois, et au moment de l’élaboration des politiques et des méthodes par lesquelles celles-ci sont mises en application. Les lois telles qu’elles sont conçues devraient à tout le moins ne pas contredire directement les principes, et protéger de toute ingérence la mise en œuvre des principes par les personnes. Idéalement, la législation promeut l’application des principes pour les personnes directement touchées. La question de la concordance entre les principes et la législation en vigueur ou des options précises de réforme sera étudiée dans l’ensemble du présent rapport.

L’interprétation ou l’application de la législation peuvent présenter des difficultés, même si sa rédaction concorde avec les principes. Il se peut que les conceptions et les comportements des personnes ou des organisations qui appliquent la législation au quotidien ne concordent pas avec ce qui la sous-tend. Ceci est surtout dû au fait que la législation concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle se cristallise fortement dans les comportements, les contextes et les institutions touchant les personnes handicapées et les personnes âgées. Par exemple, la forte tendance au paternalisme envers les personnes âgées et les personnes handicapées peut, consciemment ou non, influer sur les évaluations de la capacité ou sur la façon dont les mandataires spéciaux exercent leurs pouvoirs.

C’est pourquoi il est essentiel de préciser très clairement les objets de la législation et les fonctions particulières qui s’exercent aux termes de celle-ci – évaluation de la capacité et prise de décision au nom d’autrui par exemple. La CDO a ainsi appris que des évaluations peuvent être déclenchées pour des raisons fort diverses qui ne sont pas conformes à l’objet plus restreint de la législation concernant la capacité juridique et la prise de décision. On s’inquiète beaucoup de ce que la LPDNA est utilisée à mauvais escient, comme outil de planification des successions, de sorte que des mandataires spéciaux utilisent leurs pouvoirs, non pour respecter les objectifs de vie de la personne visée, ni pour améliorer la qualité de vie de celle-ci, mais pour réduire les frais d’homologation, préserver les actifs en vue de leur répartition au décès et gérer les incidences fiscales. La CDO a remarqué lors des consultations que quelques prestataires de services ont tendance à confondre la législation ontarienne concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle avec celle visant la protection des adultes, qui n’est pas ontarienne, et qu’ils tentent peut-être d’appliquer la première en vue de mettre en œuvre des objectifs qui ne figurent pas dans l’intention de celle-ci. De tels types de malentendus ou d’applications abusives dénaturent la législation, et au bout du compte influent négativement sur les personnes que celle-ci est censée viser. La CDO est d’avis qu’il n’est ni acceptable, ni sans doute efficace, de tenter d’appliquer la législation de ce domaine pour régler des problèmes sociaux ou juridiques plus vastes : la législation concernant la capacité juridique et la prise de décision est un « enjeu important » de par son incidence sur les droits et sur le bien-être des intéressés, et on ne devrait l’appliquer qu’à ce qui est véritablement nécessaire.

Inclure dans la législation un énoncé d’objets permettrait peut-être d’apporter plus de clarté. C’est ce que prévoit l’article premier de la LCSS :

1. Les objets de la présente loi sont les suivants :

a) prévoir des règles en matière de consentement au traitement qui s’appliquent de façon uniforme dans tous les milieux;

b) faciliter le traitement et l’admission à des établissements de soins des personnes qui n’ont pas la capacité de prendre des décisions concernant ces questions, et faciliter les services d’aide personnelle qui leur sont fournis;

c) accroître l’autonomie des personnes pour lesquelles un traitement est proposé, de celles dont l’admission à un établissement de soins est proposée et de celles qui doivent recevoir des services d’aide personnelle :

(i) en permettant à celles dont l’incapacité a été constatée de demander, par voie de requête, à un tribunal administratif de réviser cette constatation,                                                                                      (ii) en permettant aux incapables de demander au tribunal administratif de nommer un représentant de leur choix pour prendre en leur nom des décisions concernant le traitement, leur admission à un établissement de soins ou des services d’aide personnelle,                                              (iii) en exigeant le respect des désirs que des personnes ont exprimés à l’égard d’un traitement, de leur admission à un établissement de soins ou des services d’aide personnelle devant leur être fournis, lorsqu’elles étaient capables et avaient au moins 16 ans révolus;

d) favoriser la communication et la compréhension entre les praticiens de la santé et leurs malades ou clients;

e) veiller à ce que les membres de la famille qui soutiennent des personnes jouent un rôle important lorsque celles-ci n’ont plus la capacité de prendre une décision concernant un traitement, leur admission à un établissement de soins ou un service d’aide personnelle;

f) permettre l’intervention, mais seulement en dernier ressort, du tuteur et curateur public dans les décisions concernant le traitement, l’admission à un établissement de soins ou des services d’aide personnelle, qui sont prises au nom des incapables[40].

Un autre moyen, que suit la Loi sur la protection des adultes et la prise de décisions les concernant du Yukon, est de préciser l’objet d’aspects particuliers de la loi – protection des adultes, tutelle, conventions de prise de décision accompagnée ou de représentation. Par exemple, cette loi précise en ces termes l’objet des conventions de prise de décisions soutenues :
 
a) habiliter les amis et les membres de la famille dignes de confiance à aider les adultes qui n’ont pas besoin d’être sous tutelle et qui sont en grande partie capables de gérer leurs affaires, mais dont la capacité à prendre ou à communiquer des décisions à l’égard d’une partie ou de la totalité de leurs affaires est diminuée;

b) donner aux personnes qui fournissent du soutien à un adulte en vertu de l’alinéa a) le statut juridique leur permettant d’accompagner cet adulte et de participer à des discussions avec d’autres personnes lorsque ce dernier prend des décisions ou tente d’obtenir de l’information[41].

Dans plusieurs domaines précis, la CDO a recommandé des modifications législatives visant à préciser l’objet de la législation, en vue de réduire les problèmes découlant de ces malentendus courants. La CDO estime qu’il pourrait aussi être utile d’inclure dans la LPDNA un énoncé de son objet général, afin de préciser ce qu’elle prévoit :

·       permettre, pour les personnes juridiquement incapables qui ont besoin que des décisions soient prises, la prise de décision d’une façon qui :

o   soit la moins contraignante, eu égard à la situation des personnes visées,

o   respecte leurs valeurs, leur culture, leurs croyances religieuses et leurs objectifs de vie,

o   respecte leur dignité,

o   les encourage le plus possible à participer à la prise de décision,

o   comporte des protections contre tout abus ou détournement de ces pouvoirs décisionnels;

·       établir des garanties procédurales pour les personnes juridiquement incapables ou celles dont la capacité juridique est mise en doute;

·       préciser clairement les attributions des mandataires spéciaux.

De nombreux ressorts ont inclus des énoncés de principe visant à guider l’interprétation et l’application de leur législation concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle, dans le cadre de la modernisation de celle-ci. C’est notamment le cas en Alberta, en Saskatchewan, au Yukon (autrement dit, dans la plupart des ressorts canadiens ayant récemment réformé leur législation dans ce domaine), en Angleterre et au Pays de Galles avec l’influente Mental Capacity Act, 2005, et en Irlande, avec les mesures qu’elle propose[42]. Quand la Commission de réforme du droit du Victoria a recommandé d’inclure qu’un article sur les principes dans la législation réformée, elle a souligné ce qui suit :

[traduction] Les lois modernes débutent souvent par un énoncé de principes. Ceux-ci ont deux grands objets : permettre au législateur de mettre en valeur les orientations que le texte cherche à appliquer, et guider celles et ceux qu’il habilite.

Parce qu’il est difficile d’équilibrer les valeurs fondamentales d’autonomie et de bienfaisance, et parfois de leur donner des priorités, la législation concernant la tutelle devrait comporter des principes qui exposent clairement les orientations qu’elle met en œuvre. Ces principes guideraient en outre les personnes – membres de tribunal, Public Advocate [défenseur des personnes handicapées], State Trustees [fiduciaires publics], tuteurs, administrateurs – quand elles appliquent cette législation et exercent des pouvoirs sur la vie des autres[43].

L’effet de l’énoncé de principes dans la loi est parfois puissant : on a souligné lors des consultations que le principe fondamental de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée (Ontario), sur lequel repose cette loi et « selon lequel un foyer de soins de longue durée est avant tout le foyer de ses résidents et doit être exploité de sorte qu’ils puissent y vivre avec dignité et dans la sécurité et le confort et que leurs besoins physiques, psychologiques, sociaux, spirituels et culturels soient comblés de façon satisfaisante[44] », a contribué à changer radicalement la conception du droit dans ce domaine.

Ailleurs qu’en Ontario, l’énoncé des principes d’interprétation diffère selon la structure et le champ d’application de la législation et selon la façon dont on y traite ce domaine du droit. Quelques-unes des notions figurant en tant que principes dans d’autres lois ou projets de loi font, en Ontario, déjà partie de la substance des lois, d’autres non. Les principes fréquemment inclus par d’autres ressorts sont notamment les suivants :

·       la capacité doit être présumée jusqu’à preuve du contraire;

·       les moyens par lesquels les personnes communiquent ne doivent pas influer sur la détermination de capacité;

·       en cas d’incapacité de décider par soi-même, l’autonomie doit être préservée, et il faut à cette fin choisir les mesures les moins contraignantes et les moins restrictives;

·       les personnes ont le droit de vivre comme elles l’entendent, d’accepter ou de refuser les soutiens ou la protection, aussi longtemps qu’elles sont capables de décider à ces égards et qu’elles ne nuisent pas à autrui;

·       les personnes ont le droit d’être informées des décisions les concernant et d’y prendre part de leur mieux;

·       il faut traiter les personnes comme incapables de décider, uniquement dans les cas où toutes les mesures possibles prises pour les aider ont échoué;

·       c’est dans leur intérêt véritable des personnes incapables qu’il faut agir ou décider pour elles ou en leur nom, c’est-à-dire en tenant compte de leur qualité de vie et en favorisant leurs valeurs, leurs croyances et leurs souhaits.

La CDO est d’avis qu’une disposition sur les principes pourrait aider à faire appliquer la législation réformée. Un article sur les principes devrait s’inspirer des principes des Cadres et être proportionnel au champ d’application de la législation plutôt que d’exprimer de grandes aspirations; il devrait préciser l’interprétation plutôt que de définir des attributions qui gagneraient à figurer dans le corps même des lois.
 

PROJET DE RECOMMANDATION 1.
Que le gouvernement ontarien insère, dans les lois concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle faisant l’objet de réformes, des dispositions qui se fondent sur les principes des Cadres de la CDO et énoncent :

a)     les objets de la loi en question,

b)     les règles visant à guider son interprétation.

 

2.     Mise en œuvre progressive 

Les Cadres de la CDO comportent la notion de mise en œuvre progressive et la reconnaissance que la réalisation du principe d’égalité réelle constitue un processus permanent, à mesure que se développent les ressources, les conditions et les perceptions. Comme on l’affirme dans le rapport final qui accompagne le Cadre du droit touchant les personnes âgées, 

[e]n outre, dans le cadre d’une démarche fondée sur des principes, il faut reconnaître que, même lorsqu’on souhaite mettre en œuvre l’ensemble des principes dans toute leur mesure possible, il peut y avoir d’autres contraintes susceptibles de limiter la capacité du législateur et des décideurs à le faire. Ces contraintes pourraient être, par exemple, des priorités stratégiques divergentes ou un financement limité. Dans ces circonstances, il faudra peut-être adopter une approche progressive visant à mettre en œuvre l’intégralité des principes en plusieurs étapes concrètes, planifiées et ciblées, qui se succéderont à l’intérieur d’une période relativement courte[45].

Les recommandations doivent respecter et favoriser les principes, lesquels doivent être mis en œuvre le plus possible, maintenant, et il faut s’attacher à progresser en permanence.

Comme on l’approfondira au chapitre VI, il existe dans quelques collectivités une volonté forte de trouver des solutions autres que la prise de décision au nom d’autrui afin de favoriser davantage l’autonomie des personnes concernées. Quelques-unes de ces solutions, parfois appelées « prise de décision accompagnée », supposent des conceptions novatrices du droit, qui nécessitent peut-être de remanier fortement les conceptions actuelles et de soulever des questions pratiques et éthiques difficiles et de grande ampleur. La mise en œuvre progressive de solutions pouvant se substituer à la prise de décision au nom d’autrui peut permettre d’explorer des perspectives nouvelles, tout en évitant des problèmes répandus de mise en œuvre ou des risques indus pour les personnes vulnérables ou à risque.

Les personnes consultées ont été nombreuses à indiquer que les pressions exercées sur les ressources inquiètent, et influent sur la bonne mise en œuvre des lois et des orientations dans le domaine. Les pressions qui s’exercent sur les secteurs de la santé, des soins de longue durée et sur les services sociaux peuvent fausser le mode de mise en œuvre des lois et des orientations. Selon un intervenant du secteur des soins de longue durée, il faut du temps pour évaluer correctement la capacité juridique de prendre des décisions, bien renseigner sur la législation et les droits ou trouver des soutiens pour aider une personne à décider, et le temps est précisément ce dont manquent souvent les spécialistes du domaine.

Il sera peut-être plus difficile en raison des restrictions budgétaires provinciales d’attribuer des ressources importantes à des programmes, des orientations ou des institutions qui sont nouveaux, afin de répondre aux priorités de réforme. La CDO saisit tout à fait combien il faut être prudent en matière financière et combien il est important de garantir que les ressources attribuées sont employées au mieux, et a en conséquence pesé avec soin les recommandations de réforme possibles.

Cependant, la CDO saisit tout autant que ce domaine du droit a une incidence fondamentale sur les droits et le bien-être de nombreux Ontariens, et qu’il est essentiel que la loi respecte les droits et favorise le bien-être. Dans les cas où des structures ou des mesures de soutien nouvelles sont nécessaires pour que soient réellement respectés les droits fondamentaux des Ontariens, la CDO a recommandé qu’au moment d’affecter les ressources permanentes, le gouvernement réfléchisse à la création de ces structures ou mesures.

La CDO s’est donc attachée à définir des réformes qui puissent servir de fondement à la réflexion dans ce domaine, à mesure que des ressources sont mises à disposition et que les perceptions évoluent, de la même façon que les réformes de ce domaine du droit dans les années 1990 avaient permis de grandes avancées et procuré des assises solides pour d’autres améliorations.

Reconnaissant les limites de la situation actuelle, la CDO indique également des priorités de réforme au chapitre XII, en équilibrant l’incidence possible des réformes proposées pour faire avancer les droits et favoriser le bien-être des groupes touchés, et les coûts et les difficultés pratiques de la mise en œuvre des réformes. L’annexe B présente les délais de mise en œuvre des projets de recommandation, quelques-uns étant susceptibles d’être mis en œuvre à court terme, alors que d’autres, plus complexes, nécessitent des investissements de ressources.

La CDO indique à plusieurs reprises dans le présent rapport les cas où le gouvernement n’est pas en mesure d’entreprendre les réformes à court terme qui lui semblent les plus souhaitables, les mesures possibles à court terme ou celles pour les remplacer, de façon à obtenir des améliorations progressives avant de procéder à des réformes plus complètes.
 

3.     Contrôle  

Le fait de reconnaître les difficultés que présentent les lacunes de la mise en œuvre ainsi que la nécessité d’une mise en œuvre progressive souligne combien il est essentiel de contrôler activement le résultat des réformes du droit, des orientations et des méthodes. On recommande dans les Cadres que le législateur et les décideurs examinent régulièrement la législation afin de décider si ses objets sont toujours utiles et pertinents, si ses objectifs sont atteints, et si les principes sont davantage réalisés, dans les cas où, du fait des restrictions, la législation a été rédigée pour répondre partiellement à un problème. Les Cadres prévoient plusieurs questions à poser à propos du contrôle de la mise en application des lois, notamment les suivantes :

1.     quels mécanismes la loi prévoit-elle pour permettre aux personnes touchées, y compris aux personnes handicapées (et aux personnes âgées), de faire part de leurs commentaires au sujet de son efficacité et de toute conséquence négative inattendue qu’elle peut avoir sur elles?

2.     de quelle façon la loi impose-t-elle la collecte et la consignation systématiques de données pertinentes sur son incidence et son efficacité?

3.     de quelle façon la loi prévoit-elle que des renseignements sur son exécution et son efficacité soient rendus publics?

4.     comment la loi garantit-elle que les responsables de sa mise en application et de son contrôle rendent compte régulièrement de leurs activités et de l’efficacité de l’application de la loi, et de l’administration du programme ou de la politique?

5.     dans les cas où la loi accorde des pouvoirs discrétionnaires importants aux responsables de sa mise en application, quels mécanismes de rapport et de contrôle supplémentaires prévoit-elle pour garantir que ces pouvoirs sont exercés d’une manière cohérente, juste, transparente, qui soit fondée sur des principes?

L’absence de données pertinentes et fiables sur de nombreux aspects majeurs de la législation, dont l’évaluation de la capacité, le fonctionnement de la procuration ou même la vulgarisation et l’information, constitue l’une des difficultés de la réforme du droit dans ce domaine, qu’analyse le présent rapport. Il est difficile sans de telles données d’apprécier valablement si les réformes des années 1990 ont atteint leurs objectifs, ou si les insuffisances à cet égard découlent d’hypothèses et de stratégies erronées sur lesquelles reposent la législation ou sa mise en application.

Une démarche qui permette le contrôle actif et la collecte de données sur l’incidence des lois et des politiques publiques est conforme à l’accent mis actuellement par les pouvoirs publics sur des politiques qui soient fondées sur des données probantes et emploient les « meilleures données probantes objectives tirées de la recherche pour déterminer et comprendre les enjeux afin que les politiques puissent être formulées par les décideurs et atteignent les résultats escomptés de façon efficace, avec une marge d’erreur minimale et un risque de conséquences inattendues réduit »[46]. Le fait de s’engager à contrôler entraîne celui de définir, de rechercher et d’évaluer les meilleures données pour mettre sur pied des actions de réforme du droit et les évaluer. C’est-à-dire que [traduction] « le renforcement des données sur lesquelles se fondent les décisions stratégiques améliorera les résultats qui découlent de la mise en œuvre, tandis que le contrôle et l’évaluation réguliers des résultats dans le domaine permettront de repérer les erreurs et de les corriger »[47].

Étant donné l’influence majeure de ces lois sur les droits fondamentaux, les difficultés inhérentes à leur mise en application et la démarche de mise en œuvre progressive que recommande la CDO, celle-ci estime que dans le cas où le gouvernement mettrait en œuvre des réformes majeures, il y aurait lieu de les accompagner d’une stratégie visant à en contrôle l’effet. La stratégie pourrait revêtir plusieurs formes. À titre d’exemple, la Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario (LAPHO) et la Loi de 2006 modifiant le Code des droits de la personne comportent toutes deux des dispositions prévoyant après un certain temps l’examen des réformes qu’elles ont édictées. L’article 57 de cette dernière loi prévoit l’examen, trois ans après la date d’effet, de la mise en œuvre et de l’efficacité des changements découlant de son édiction; il prévoit aussi des consultations publiques pendant l’examen ainsi qu’un rapport au ministre responsable[48]. L’examen en question a été fait en 2012[49]. La LAPHO prévoit des examens plus complets, le premier devant avoir lieu dans les quatre ans suivant son entrée en vigueur, et des examens subséquents tous les trois ans. Le lieutenant-gouverneur en conseil doit nommer une personne qui effectue « un examen complet de l’efficacité de la […] loi et des règlements », et tenir des consultations publiques. La personne nommée doit remettre au ministre un rapport sur les constatations de cet examen, avec peut-être des recommandations pour améliorer l’efficacité de la loi et celle de ses règlements[50]. L’examen et le renforcement des mécanismes en vigueur de collecte de données sur le système, dont le nombre de plaintes ou d’appels aux divers organismes provinciaux responsables de l’application de la loi, ou les mécanismes de surveillances prévus par des lois connexes comme la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée peuvent constituer des formes plus simples de contrôle. La détermination de la forme et du moment de la stratégie de contrôle est certes fonction de la nature et du degré des réformes que le gouvernement veut entreprendre, mais l’institution d’un mécanisme de contrôle adapté est un élément important de réforme efficace dans ce domaine.

 

PROJET DE RECOMMANDATION 2.
Que le gouvernement ontarien accompagne les réformes de la législation concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle d’une stratégie d’examen, dans un délai établi, de l’effet de ces réformes.

 

F.     Sommaire

Les principes, les considérations et les démarches élaborés par la CDO dans le Cadre du droit touchant les personnes âgées et dans celui touchant les personnes handicapées fondent la façon dont celle-ci conçoit la réforme de la législation concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle. Dans son analyse des problèmes et dans son examen des propositions de réforme, elle s’est attachée à l’égalité réelle pour les personnes handicapées et les personnes âgées, et au point de savoir si la législation et les propositions de réforme actuelles respectent les principes qui favorisent cette égalité ou qui y contribuent. La CDO estime que les principes établis dans les Cadres doivent constituer, avec une compréhension nuancée des personnes directement touchées par ce domaine du droit, le fondement des objets et des principes de la législation ontarienne concernant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle.

La CDO reconnaît parallèlement que, de par leur nature, les principes traduisent des aspirations, alors que la législation et sa réforme sont aux prises avec la réalité pratique, y compris avec des besoins divergents, des conceptions qui évoluent et des ressources restreintes. Les principes aident à circonscrire les objets ultimes des lois, objets dont parfois la réalisation se fera peut-être par étape. La CDO s’est efforcée de recenser les réformes qui à la fois sont pratiques et contribuent à la réalisation des principes. La mise en place de quelques réformes peut prendre plus de temps par rapport à d’autres. Il importe cependant de ne jamais perdre de vue les objets ultimes de la réforme : le contrôle actif de son effet est à cette fin un élément essentiel des propositions de la CDO.

Le chapitre III a présenté les éléments essentiels de la façon dont la CDO conçoit l’application des Cadres à ce domaine du droit, dont une analyse générale des principes, de quelques-unes des situations dans lesquelles se trouvent les différents groupes de personnes handicapées et de personnes âgées que vise cette législation, et de l’incidence de la réalisation progressive sur l’élaboration et la mise en place des recommandations de réforme. Ces éléments essentiels sont appliqués plus précisément, dans les chapitres qui suivent, aux questions qui y sont examinées.

 

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