A.    Introduction et contexte

La détermination de la capacité juridique peut avoir d’énormes conséquences. Il est donc essentiel que les mécanismes d’évaluation mis en place soient efficaces et justes. Un système doté de mécanismes d’évaluation de la capacité qui sont tortueux ou excessivement coûteux ou qui ne tiennent pas compte des besoins des personnes handicapées et de leur famille aurait du mal à s’adapter à des capacités fluctuantes ou évolutives et pourrait entraîner une mauvaise application de la loi. Des évaluations de la capacité qui sont de mauvaise qualité ou qui ne sont pas assorties de garanties procédurales suffisantes peuvent aboutir à des mesures privant de leurs droits et de leur autonomie des personnes capables de prendre leurs propres décisions.

Dans de nombreux cas, une évaluation de la capacité constitue le point d’entrée dans le système régi par la LPDNA ou la LCSS : les mesures de soutien, les choix possibles et l’aide fournie à cette étape pour s’y retrouver dans les différents processus influent sensiblement sur l’interaction des personnes concernées et leurs familles avec ce domaine du droit.

Comme on le verra ci-dessous, la législation ontarienne relative à la capacité juridique, à la prise de décision et à la tutelle prévoit différents moyens d’évaluation de la capacité : l’examen de la capacité en vertu de la LSM, l’évaluation de la capacité de consentir à l’admission à des soins de longue durée en vertu de la LCSS, l’évaluation de la capacité de consentir à des traitements en vertu de la LCSS, l’évaluation officielle des capacités par un évaluateur désigné en vertu de la LPDNA et l’évaluation informelle de la capacité par les prestataires de services. Dans le présent chapitre, à moins d’indication contraire, « évaluation de la capacité » sans autre indication s’entend comprend de l’ensemble des examens effectués dans le cadre des mécanismes ontariens d’évaluation de la capacité. Toutefois, « évaluation officielle de la capacité » désigne plus particulièrement l’évaluation faite conformément à la LPDNA relativement aux biens et au soin de la personne.


B.    État actuel du droit en Ontario

1.     Vue d’ensemble

Les systèmes ontariens d’évaluation de la capacité juridique dans les différents domaines de la prise de décision sont analysés en détail dans la partie II du Document de travail. Nous en donnons une brève description dans les paragraphes qui suivent.

L’Ontario s’est doté non d’un seul système, mais plutôt d’une série de systèmes d’évaluation de la capacité. Conformément à l’esprit des réformes ayant abouti à la présente législation ontarienne, les systèmes d’évaluation de la capacité sont liés à la nature des décisions à prendre. Collectivement, la LPDNA, la LCSS et la LSM établissent quatre systèmes officiels d’évaluation de la capacité :

1)     examen de la capacité de gérer ses biens au moment de l’admission en établissement psychiatrique ou de la mise en congé d’un établissement psychiatrique (LSM);

2)     évaluation de la capacité de prendre des décisions à l’égard d’un traitement (LCSS);

3)     évaluation de la capacité de prendre des décisions à l’égard de l’admission à des soins de longue durée ou à des services d’aide personnelle (LCSS);

4)     évaluation de la capacité de prendre des décisions pour gérer ses biens ou prendre soin de sa personne (LPDNA).

Ces mécanismes d’évaluation ont des éléments communs, mais ils diffèrent considérablement l’un de l’autre en fonction de facteurs tels que les suivants :

1)     les personnes chargées des évaluations;

2)     la formation et les normes imposées aux évaluateurs;

3)     l’information et les mesures de soutien destinées aux personnes évaluées;

4)     la documentation requise pour la procédure d’évaluation;

5)     les mécanismes et les mesures de soutien permettant de contester les résultats d’une évaluation de la capacité.

Chaque système comporte son propre ensemble de freins et de contrepoids destinés à équilibrer les tensions fondamentales qui s’exercent dans le cadre de ce processus entre l’accessibilité, d’une part, et la responsabilité, la préservation de l’autonomie et la protection des personnes vulnérables, de l’autre.

Bien que ces systèmes varient en fonction de la complexité de leurs procédures et de la difficulté des communications entre eux, inévitablement, l’existence de plusieurs systèmes distincts alourdit considérablement l’ensemble.

Les différents systèmes touchent en général des populations différentes, bien qu’il y ait des chevauchements importants, surtout dans le cas des personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des problèmes de capacité à différents moments de leur vie. Le plus souvent, les professionnels chargés des évaluations travaillent principalement dans un seul des systèmes. Autrement dit, les personnes qui s’occupent, en vertu de la LCSS, des évaluations de la capacité de prendre des décisions à l’égard de l’admission à des soins de longue durée n’effectuent pas ordinairement des évaluations de la capacité en vertu de la LPDNA. Toutefois, comme les professionnels peuvent aussi aider à titre informel des personnes à se retrouver dans les systèmes régissant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle, ceux qui travaillent dans un système d’évaluation donné peuvent être appelés à fournir des renseignements sur les autres systèmes aux personnes en cause ou à leur famille. De plus, il peut y avoir des doutes quant au système d’évaluation qui s’applique dans une situation particulière. En pratique, une grande confusion existe à cause des chevauchements et de l’interaction des systèmes.

 

2.     Évaluations informelles de la capacité

Les prestataires de services recourent régulièrement à des évaluations de la capacité sans caractère officiel pour déterminer si une personne donnée peut passer une entente ou un contrat ou consentir à un service. Certains prestataires, comme les praticiens de la santé, ont depuis longtemps l’obligation légale d’obtenir de leurs clients un consentement valide à la prestation de leurs services[73]. Avocats et parajuristes doivent s’assurer que leurs clients ont la capacité de donner des instructions, d’établir une procuration ou d’intenter un procès[74]. Les prestataires de services qui signent un contrat ou une entente ont tout intérêt à s’assurer que la personne en cause a la capacité de passer un accord et que celui-ci n’est pas annulable pour cause d’iniquité ou d’abus d’influence, par exemple. Dans chaque cas, il s’agit d’une étape préliminaire essentielle qui doit précéder la prestation du service. Si le consentement ou l’entente n’est pas valide, de sérieuses conséquences peuvent en découler pour le prestataire de services.

Si un prestataire décide qu’une personne n’est pas légalement apte à consentir à un service donné ou à passer un contrat, il peut déclencher la mise en place d’un arrangement officiel de prise de décision au nom d’autrui pour permettre à la personne d’accéder au service, grâce à la mise en vigueur d’une procuration ou à une mise en tutelle par un membre de la famille.

Le projet de la CDO sur La capacité et la représentation aux fins du REEI fédéral illustre cette dynamique. Au niveau fédéral, pour établir un régime enregistré d’épargne-invalidité auprès d’une institution financière, le titulaire doit avoir la « capacité de contracter ». Si l’institution financière croit qu’un demandeur n’a pas la capacité juridique pour devenir titulaire d’un REEI, elle peut refuser de passer un contrat. À l’heure actuelle, dans une situation de ce genre, le bénéficiaire peut avoir besoin d’un représentant légal, comme un tuteur des biens ou un mandataire agissant en vertu d’une procuration relative aux biens, pour établir un REEI[75].

Les évaluations informelles de ce genre jouent donc un rôle très important dans le fonctionnement pratique du système ontarien d’évaluation de la capacité juridique, de prise de décision et de tutelle. La façon dont ces évaluations sont faites peut avoir des incidences sensibles sur la portée de l’application de la prise de décision au nom d’autrui en Ontario.

Au cours des consultations préliminaires de la CDO, quelques prestataires de services ont dit que leur rôle dans l’évaluation de la capacité juridique les mettait mal à l’aise : ils estimaient ne pas avoir les compétences ou les capacités voulues pour faire de bonnes évaluations et que cette fonction ne s’adaptait pas naturellement à d’autres aspects de leur rôle. Cela est particulièrement vrai lorsque la pratique du droit relatif à la capacité juridique et à la prise de décision ne représente qu’une petite partie du travail des prestataires de services et qu’ils n’ont qu’assez rarement à s’occuper de questions de ce genre. Dans beaucoup d’organismes de services, ce sont les travailleurs de première ligne qui doivent s’occuper directement des questions liées à la capacité juridique et à la prise de décision et qui sont chargés de déceler les problèmes possibles et d’appliquer les procédures voulues. C’est aussi en première ligne que se feront le plus sentir les pressions liées aux ressources limitées, aux besoins concurrents et à la recherche d’un équilibre entre la normalisation et l’adaptation des mesures prises à la situation particulière du client.

Les prestataires de services voudront être sûrs de pouvoir raisonnablement compter sur la validité juridique des décisions prises par les personnes avec qui ils sont en contact, surtout dans les cas où la capacité juridique est incertaine.

Au cours des consultations, certains ont exprimé des préoccupations parce que des prestataires de services semblent aborder l’évaluation de la capacité juridique avec une prudence excessive ou en se fondant sur des hypothèses ou des stéréotypes associés à certains groupes, et que cela peut amener des personnes à recourir sans nécessité à des arrangements officiels de prise de décision au nom d’autrui.

3.     Examen de la capacité de gérer des biens en vertu de la Loi sur la santé mentale

Les examens prévus dans la partie III de la LSM[76] sont censés constituer un moyen simple et rapide de s’assurer que les personnes admises dans un établissement psychiatrique ne perdent pas le contrôle de leurs biens parce qu’ils sont temporairement incapables de les gérer. Lors de l’admission d’une personne dans un établissement psychiatrique, un examen de la capacité de gérer ses biens est obligatoire, à moins qu’ils n’aient déjà été confiés à la garde d’une autre personne au moyen d’une tutelle aux biens aux termes de la LPDNA ou que le médecin n’ait des motifs raisonnables de croire que la personne a donné une procuration perpétuelle relative aux biens[77]. L’examen est effectué par le médecin traitant, qui est ordinairement un psychiatre. Le médecin peut en tout temps procéder à un réexamen du patient pendant qu’il se trouve dans l’établissement[78]. Un autre examen est obligatoire avant la mise en congé. Lors de la mise en congé, le certificat d’incapacité doit être soit annulé[79] soit faire l’objet d’un avis de prorogation[80]. Si le médecin conclut que le malade n’est pas capable de gérer ses biens, il délivre un certificat d’incapacité, qui doit être transmis au tuteur et curateur public (TCP)[81]. Le TCP devient alors le tuteur légal aux biens de la personne[82] à moins qu’elle n’ait établi une procuration subordonnée à une condition suspensive[83]. Si le médecin ne réexamine pas le malade avant sa mise en congé, la tutelle du TCP ou d’un remplaçant prend fin.

La LSM ne définit pas explicitement l’incapacité à gérer ses biens, et le règlement ne comporte pas d’indications additionnelles à cet égard. La définition de la LPDNA[84] a cependant été utilisée pour déterminer la capacité de gérer ses biens en vertu de la LSM[85].

La personne admise en établissement psychiatrique n’a pas le droit de refuser un examen visant à déterminer sa capacité de gérer ses biens[86]. Elle dispose cependant de droits procéduraux importants, notamment le droit d’être informée qu’un certificat d’incapacité a été délivré[87], le droit de recourir en temps utile à un conseiller en matière de droits[88] et le droit de présenter une requête en révision auprès de la Commission du consentement et de la capacité (CCC)[89]. Toutefois, comme dans le cas de tous les droits, il faut tenir compte de la possibilité qu’on a de les exercer pour en déterminer la vraie valeur.


4.     Évaluation de la capacité de gérer ses biens ou de prendre soin de sa personne en vertu de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui

Nous avons passé en revue plus haut les examens, effectués en vertu de la LSM, de la capacité de gérer ses biens à l’admission en établissement psychiatrique. À part ces examens, toutes les autres évaluations de la capacité juridique de gérer des biens sont régies par la LPDNA, de même que les évaluations de la capacité de prendre soin de sa personne, y compris les décisions concernant les soins de santé, l’habillement, l’alimentation, le logement, l’hygiène et la sécurité.

L’évaluation de la capacité de gérer ses biens ou de prendre soin de sa personne peut être déclenchée de différentes manières et pour différentes raisons, comme la mise en tutelle légale aux biens[90], la mise en vigueur d’une procuration relative aux biens ou au soin de la personne, qui est subordonnée à une constatation d’incapacité, la contestation ou l’annulation d’une constatation antérieure d’incapacité, la production de preuves dans le cadre d’une requête en tutelle d’origine judiciaire ou la mise en application d’une ordonnance du tribunal[91]. L’évaluation peut donner lieu à une foule de conséquences pour la personne concernée, allant de l’absence de conséquences juridiques à l’enclenchement d’un processus de mise en tutelle légale, qui constitue la forme de prise de décision au nom d’autrui la plus restrictive de son autonomie.

Seul un évaluateur qualifié peut effectuer des évaluations de la capacité en vertu de la LPDNA[92]. Pour exercer la fonction d’évaluateur, il faut être membre de l’un des ordres ontariens chargés de réglementer les professions de la santé : l’Ordre des médecins et chirurgiens, l’Ordre des psychologues, l’Ordre des ergothérapeutes, l’Ordre des travailleurs sociaux et des techniciens en travail social (et être titulaire d’un certificat d’inscription) ou l’Ordre des infirmières et infirmiers (et être titulaire d’un certificat d’inscription)[93]. Les évaluateurs doivent avoir suivi la formation nécessaire et satisfaire aux importantes exigences qui leur sont imposées pour garder leurs titres de compétence. Le Bureau de l’évaluation de la capacité du ministère du Procureur général tient à jour une liste des évaluateurs agréés.

Les évaluateurs de la capacité doivent se conformer aux Lignes directrices en matière d’évaluations de la capacité[94] établies par le ministère du Procureur général[95]. Les Lignes directrices ont pour but d’établir un protocole d’évaluation standardisé visant à éviter les évaluations incohérentes et partiales. L’inobservation des Lignes directrices peut donner lieu au dépôt d’une plainte devant l’ordre professionnel dont l’évaluateur est membre[96]. Les Lignes directrices définissent les principes fondamentaux sur lesquels doivent reposer les évaluations de la capacité, comme le droit de disposer de soi-même et la présomption de capacité; elles exposent dans les grandes lignes la base conceptuelle des évaluations de la capacité, expliquent en détail le critère de détermination de la capacité et présentent un processus d’évaluation de la capacité en cinq étapes.

La LPDNA définit les droits procéduraux des personnes faisant l’objet d’une évaluation de la capacité[97], y compris le droit de refuser de subir une évaluation (avec certaines exceptions), le droit d’être informé du but, de la portée et des conséquences possibles de l’évaluation ainsi que le droit d’être avisé par écrit des conclusions[98]. Lorsqu’une demande d’évaluation de la capacité visant à déterminer si le tuteur et curateur public (TCP) devrait devenir tuteur légal aux biens conclut à une incapacité, le TCP doit, dès réception du certificat d’incapacité, informer la personne concernée du fait que le TCP est devenu son tuteur légal aux biens et de son droit de demander, par voie de requête à la CCC, une révision de la constatation de l’évaluateur selon laquelle elle est incapable de gérer ses biens[99]. De même, une personne dont les biens font l’objet d’une tutelle légale peut présenter à la CCC une requête en révision d’une constatation d’incapacité dans les six mois qui suivent l’évaluation[100].


5.     Évaluation de la capacité pour l’admission à des soins de longue durée et le consentement à des services d’aide personnelle

La LCSS institue, dans la partie III, une procédure d’évaluation spécifique pour les décisions concernant l’admission à un foyer de soins de longue durée (selon la définition de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée) et une autre, dans la partie IV, pour le consentement à des services d’aide personnelle. Une évaluation de la capacité relative à l’admission en foyer de soins de longue durée est faite lorsqu’un membre de la famille ou un professionnel de la santé est d’avis que la personne concernée doit être admise en établissement et qu’il y a de bonnes raisons de croire qu’elle n’a pas la capacité juridique de prendre une décision à cet égard. Comme dans le cas des décisions concernant un traitement, la capacité juridique n’est pas censée être associée au consentement ou au refus de la personne. Toutefois, une personne fait habituellement l’objet d’une évaluation lorsqu’elle n’est pas du même avis que sa famille ou qu’un praticien de la santé. Ces évaluations sont effectuées lorsque la personne vit dans la collectivité (chez elle, soit seule ou avec quelqu’un) ou lorsqu’elle se trouve à l’hôpital, par exemple. Souvent, les soins de longue durée sont envisagés à la suite d’un incident comme une chute, qui suscite des inquiétudes au sujet de son bien-être dans son milieu de vie actuel. En pratique, plusieurs processus de détermination de la capacité se déroulent souvent en même temps, comme l’évaluation de la capacité de prendre des décisions à l’égard de son admission et l’évaluation de la capacité de gérer ses biens, puisque l’admission en foyer de soins de longue durée impose souvent de vendre une maison pour financer les soins ou de quitter un appartement[101].

À la différence des évaluations de la capacité concernant un traitement, qui peuvent être effectuées par n’importe quel professionnel de la santé, les évaluations de la capacité de consentir à l’obtention de services d’aide personnelle et de l’admission à des soins sont effectuées par une catégorie spéciale de professionnels de la santé appelés « appréciateurs de la capacité ». Ces appréciateurs doivent être membres de l’ordre chargé de réglementer un certain nombre de professionnels de la santé : audiologistes et orthophonistes, diététistes, infirmières et infirmiers, ergothérapeutes, médecins et chirurgiens, physiothérapeutes, psychologues[102] et travailleurs sociaux[103]. Même si, en pratique, ces appréciateurs peuvent suivre une formation complémentaire, rien dans la législation ne les oblige à le faire.

La LCSS et les règlements connexes ne donnent aucune indication quant à la conduite des évaluations de la capacité. Il n’existe pas non plus de lignes directrices, de politiques officielles, de documents de formation ou de formules obligatoires, ce qui contraste fortement avec les indications détaillées données aux évaluateurs de la capacité en vertu de la LPDNA, comme nous l’avons vu ci-dessus. Il y a cependant une formule comportant cinq questions, qu’on appelle le questionnaire de l’appréciateur. Son utilisation est si répandue qu’elle est presque devenue pratique courante[104]. La CCC et les tribunaux ont soutenu à plusieurs reprises que le fait de poser les cinq questions figurant dans la formule et de consigner les réponses ne constitue pas une évaluation adéquate de la capacité[105]. À part ce formulaire, il existe de nombreux guides qui donnent des conseils aux personnes qui font des évaluations liées aux admissions, mais les appréciateurs ne sont pas tenus de les utiliser puisqu’aucun n’est mentionné dans la loi et les règlements. De plus, on ne sait pas vraiment si ces guides recueillent une large adhésion ni s’ils sont largement distribués.

Comme dans le cas des évaluations de la capacité concernant un traitement, la surveillance des appréciateurs est assurée par les ordres professionnels de réglementation de la santé. Les articles 47.1 et 62.1 de la LCSS stipulent que les appréciateurs, tout comme les praticiens de la santé traitants, doivent respecter les lignes directrices adoptées par le corps dirigeant de leur profession concernant les renseignements à communiquer aux personnes évaluées sur les conséquences d’une constatation d’incapacité.

Une personne qui fait l’objet d’une évaluation de sa capacité en vertu de la LCSS a les mêmes droits que dans le cas d’une évaluation de sa capacité à l’égard d’un traitement aux termes de la partie II de la LCSS. Dans le contexte des décisions concernant l’admission à des soins, la Loi ne prévoit pas de droit d’être informé du but de l’évaluation, de refuser l’évaluation ou d’exiger la présence d’un avocat ou d’un ami, ni d’être informé de ces droits avant l’évaluation. Toutefois, la formule d’évaluation normalisée comprend une fiche de renseignements qu’il faut remettre aux personnes jugées incapables, ainsi que des cases que doit cocher l’appréciateur pour indiquer que la personne a été informée de la constatation d’incapacité et de son droit de présenter une requête en révision à la CCC. Bien qu’il n’y ait pas de droits clairement définis dans la LCSS, les personnes faisant l’objet d’une évaluation de la capacité pourraient bénéficier de certains droits procéduraux basés sur la notion de justice naturelle de la common law[106].

Une personne peut présenter une requête en révision d’une constatation d’incapacité à consentir à son admission à des soins de longue durée ou à des services d’aide personnelle, sauf si elle a un tuteur à la personne ayant le pouvoir de donner ou de refuser son consentement à l’admission ou un procureur au soin de la personne détenant une procuration par laquelle la personne renonce à son droit de présenter une requête en révision à la CCC[107].

6.     Évaluation de la capacité de prendre des décisions à l’égard d’un traitement
L’évaluation de la capacité de prendre des décisions à l’égard d’un traitement est régie par la partie II de la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé. La LCSS exige un consentement acceptable au traitement : si un praticien de la santé est d’avis qu’une personne est incapable de consentir à un traitement, il doit, en vertu de la loi, obtenir le consentement de son mandataire spécial[108]. Le praticien de la santé peut s’appuyer sur la présomption de capacité pour obtenir un consentement à l’égard d’un traitement, sauf s’il a des motifs raisonnables de croire que la personne concernée n’a pas la capacité juridique de consentir au traitement proposé[109] : si de tels motifs raisonnables existent, le praticien doit procéder à une évaluation pour déterminer si la personne est apte à consentir au traitement. Cela doit se produire chaque fois qu’un traitement médical est proposé. La loi s’applique aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur d’un hôpital, d’un foyer de soins à longue durée ou d’un cabinet de médecin.

L’évaluation visant à déterminer la capacité de prendre des décisions à l’égard d’un traitement est liée à la nature et au moment du traitement. Une personne peut être légalement capable à l’égard de certains traitements, mais incapable à l’égard d’autres traitements[110], ou capable à l’égard d’un traitement à un moment donné et incapable à un autre moment[111]. Le lien entre la capacité juridique et la nature du traitement signifie qu’une nouvelle évaluation doit être faite si un nouveau traitement est proposé.

La LCSS et la réglementation ne prévoient aucune formation particulière. Toutefois, chaque ordre professionnel définit les qualifications obligatoires auxquelles doivent satisfaire ses membres et peut fournir des lignes directrices ou des publications qui mettent en lumière l’importance d’obtenir le consentement avant d’administrer un traitement[112]. Il y a aussi des cas où les praticiens de la santé suivent une formation donnée par leur employeur. Ils ont en outre la possibilité de consulter diverses publications produites par des organismes de défense de droits ou des experts[113].

Le droit d’être informé d’une constatation d’incapacité et de présenter une requête en révision, par exemple, dépend de l’endroit où se trouve l’intéressé au moment de la constatation et des règles établies par l’ordre auquel appartient le professionnel qui a procédé à l’évaluation. Une conclusion d’incapacité à consentir à un traitement doit être communiquée au patient. S’il se trouve en établissement psychiatrique, il doit recevoir un avis écrit en vertu de la LSM[114]. À l’extérieur d’un établissement psychiatrique, le patient n’a pas doit, d’après la loi, à un avis écrit l’informant d’une constatation d’incapacité à consentir à un traitement. C’est l’ordre professionnel duquel relève le praticien de la santé qui régit la forme que doit prendre l’avis et qui détermine si le patient doit être informé de son droit de présenter une requête en révision à la CCC. En général, les ordres professionnels exigent que le praticien de la santé informe la personne jugée incapable du nom de son mandataire spécial et des exigences relatives à la prise de décision au nom d’autrui (si elle est capable de comprendre cette information), ainsi que de son droit de présenter une requête en révision à la CCC.

Une personne peut présenter une requête en révision d’une constatation d’incapacité à consentir à un traitement, sauf si elle a un tuteur à la personne ayant le pouvoir de donner ou de refuser son consentement au traitement ou un procureur au soin de la personne détenant une procuration par laquelle la personne renonce à son droit de présenter une requête en révision à la CCC[115].

La surveillance relève principalement des ordres qui réglementent les professionnels de la santé. Ceux-ci sont donc soumis à la surveillance de leurs ordres respectifs. Les patients peuvent porter plainte contre leur praticien auprès de l’ordre professionnel compétent s’ils estiment qu’il n’a pas suivi la procédure appropriée ou qu’il a abusé de son autorité.


C.    Sujets de préoccupation

Les questions relatives à l’évaluation de la capacité juridique ont suscité un intérêt considérable et ont fait l’objet d’importantes discussions au cours des consultations publiques de la CDO. Le concept de la capacité juridique et son opérationnalisation soulèvent quelques-unes des questions les plus difficiles qui se posent dans ce domaine du droit. Les évaluations de la capacité peuvent être mal comprises ou donner lieu à des abus. Il y a une certaine confusion au sujet des multiples mécanismes d’évaluation de la capacité et des normes qui régissent l’évaluation. De plus, les droits procéduraux des personnes évaluées en vertu de la LCSS suscitent d’importantes préoccupations.

1.     Mauvaise compréhension et utilisation abusive des évaluations de la capacité

Une évaluation officielle de la capacité peut être très pénible et stressante pour les personnes qui y sont soumises et être ressentie comme une grave atteinte à la vie privée. Les tribunaux ont admis qu’elle constitue [traduction] « un processus intrusif et dégradant[116] » et [traduction] « une intrusion importante dans la vie privée et une atteinte à la sécurité de la personne[117] ». Si l’évaluation conclut à l’incapacité juridique, elle peut également avoir des conséquences aussi lourdes que durables sur l’autonomie de la personne concernée. Par conséquent, il importe de ne pas y recourir sans nécessité ou à des fins qui s’écartent de l’intention du législateur.

La législation ontarienne insiste sur la présomption de capacité dans certaines circonstances, notamment en ce qui concerne la passation de contrats et le consentement à un traitement, ce qui devrait décourager l’utilisation abusive des évaluations de la capacité. Les Lignes directrices en matière d’évaluations de la capacité du ministère du Procureur général, qui s’appliquent aux évaluations effectuées en vertu de la LPDNA, affirment en effet : « Dans chaque cas il y a une présomption de capacité et il faut qu’il y ait des motifs raisonnables pour justifier une demande d’évaluation officielle de la capacité. L’évaluation systématique de catégories entières d’individus ne peut pas et ne doit pas être acceptée, puisqu’elle revient à juger à l’avance la capacité d’une personne en raison de son appartenance à une certaine catégorie[118] ».

Toutefois, comme c’est le cas dans l’ensemble de ce domaine du droit, il est important, lorsqu’on examine la question de l’évaluation de la capacité, de tenir compte du fait que la législation correspondante est mise en œuvre dans le contexte de soutiens et de services particuliers, dont certains sont soumis à d’énormes pressions. Ces pressions influent sur l’application de la loi parce que les familles et les professionnels cherchent parfois s’en servir à des fins non prévues au départ, afin de résoudre les problèmes qui se posent à eux. Nulle réforme de la LPDNA, de la LCSS ou de la LSM ne peut en soi réduire ou éliminer ces pressions ni, par conséquent, suffire pour remédier au problème de l’utilisation abusive de la loi.

[traduction] C’est peut-être naïf comme pensée et comme question, mais, d’après mon expérience de ce qu’ont vécu certaines des familles avec lesquelles je travaille, j’ai l’impression qu’il y a un malentendu autour de la table quant à l’intention ou aux résultats des évaluations. Je pense, par exemple, à une famille particulière qui avait présenté une demande dans l’espoir d’aboutir à un certain résultat et qui, après avoir suivi tout le processus, n’avait pas du tout compris de quoi il s’agissait… Comme nous parlons, je me rends compte de certaines choses et je me demande si cela ne fait pas aussi partie du processus d’éducation. Avons-nous besoin de plus d’information et de formation au sujet des résultats prévus de toutes ces mesures? Sont-elles censées assurer l’indépendance ou bien doivent-elles soutenir les familles qui sont littéralement déchirées?

Groupe de discussion – Organismes communautaires et de défense des droits, 3 octobre 2014

Les tentatives d’utiliser des évaluations de la capacité pour exercer un contrôle sur d’autres ou pour résoudre des conflits familiaux constituent un autre important sujet de préoccupation. Une évaluation de la capacité en vertu de la LPDNA peut aboutir au transfert à long terme du contrôle d’une personne ou de ses biens, ouvrant la porte à des abus. Même si la LPDNA permet à une personne de demander l’évaluation de sa propre capacité (ou de celle d’une autre personne), Verma et Silberfeld signalent que [traduction] « les gens se soumettent rarement eux-mêmes à une évaluation[119] ». Le plus souvent, c’est un membre de la famille ou son avocat qui présente une demande d’évaluation. Bien qu’il soit probable dans la plupart des cas que le membre de la famille se soucie sincèrement du bien-être de la personne visée par la demande, il est aussi possible qu’il cherche à profiter personnellement d’une constatation d’incapacité juridique ou qu’il cherche à tirer parti de l’évaluation dans le contexte d’une rivalité avec d’autres membres de la famille[120]. De même, Silberfeld et coll. ont décelé des conflits d’intérêts possibles dans le contexte de demandes de réévaluation visant à rétablir la capacité. Cela permet de croire qu’un tiers qui n’est pas mandataire spécial de la personne visée pourrait exercer des pressions sur elle pour qu’elle demande une réévaluation de manière à s’emparer lui-même à titre officieux du pouvoir décisionnel[121]. La possibilité que de telles situations se produisent est établie dans la jurisprudence[122]. C’est à l’évaluateur qu’incombe la responsabilité de discerner les possibilités d’intérêts contraires et d’intentions malhonnêtes[123].

Les questions relatives à la capacité juridique ont des interactions complexes avec les enjeux liés au risque et à la vulnérabilité. Même si la plupart des gens admettent que les personnes capables ont le droit de prendre des risques et que des décisions stupides ne sont pas en soi des indices d’incapacité, ces concepts peuvent être difficiles à appliquer en pratique. Un certain nombre de prestataires de services et de professionnels de la santé ont discuté de la détresse morale pouvant découler des efforts déployés pour trouver une ligne de conduite éthique et légale dans des cas difficiles.

[traduction] Je pense que la meilleure façon de répondre à votre question est de parler des répercussions qu’elle a sur les membres de notre personnel. Il y a cette incertitude et la détresse qu’ils ressentent quand ils rentrent chez eux parce que leur jugement leur dicte d’agir d’une certaine façon, mais qu’ils sont en même temps très attachés aux normes professionnelles. Ils s’interrogent donc, vous savez… Il y a récemment quelqu’un qui s’est trouvé aux prises avec une grande détresse morale à cause de cette question particulière parce qu’il avait l’impression que les choses n’allaient pas vraiment dans le sens que lui dictait son jugement professionnel.

Groupe de discussion – Prestataires de services communautaires, 26 septembre 2014

La CDO a remarqué que, dans les groupes de discussion, il y avait parfois une certaine confusion entre l’objet des lois sur la capacité juridique et la prise de décision et les objectifs de protection des adultes : même s’il est certain qu’il existe des chevauchements entre les questions liées aux risques et aux abus et les questions de capacité juridique, il importe de comprendre les distinctions à faire. Par suite de cette confusion, des évaluations de la capacité en vertu de la LPDNA sont faites sans nécessité : par exemple, les membres de la famille de personnes vulnérables peuvent déclencher inutilement un processus d’évaluation de la capacité et de tutelle parce qu’ils ne savent pas quoi faire d’autre pour protéger leur parent contre des préjudices perçus ou réels. Ils peuvent ne pas être au courant de l’existence d’options non judiciaires ou ne pas s’entendre assez bien entre eux pour y recourir. Les membres de la famille peuvent se sentir frustrés par suite du manque d’information ou du manque d’options quant aux moyens d’affronter leur situation particulière, surtout s’ils ne sont pas en mesure de consulter un avocat (peut-être à cause des frais à engager) et que le processus d’évaluation de la capacité en vertu de la LPDNA semble relativement facile à déclencher pour ceux qui peuvent le faire, même s’ils n’en comprennent pas les conséquences.

[traduction] Je crois que c’est parfois pour trouver une solution rapide… à une situation ou à une question difficile plutôt que de considérer le comportement ou l’attitude en cause comme un message ou un indice suggérant que certains besoins ne sont pas satisfaits. Je veux dire par là que certains comportements sont vraiment trompeurs. Les gens les interprètent, vous savez, parce qu’ils se disent qu’ils ne peuvent rien y faire et qu’il est donc préférable d’assumer le plein contrôle.

Groupe de discussion – Secteur des services aux personnes ayant un handicap de développement – Kingston, 17 octobre 2014

[traduction] J’ai pu observer à quelques occasions qu’une personne, une résidente ne se sentait pas à l’aise quand un membre de sa famille agissait en vertu d’une procuration. Cela change énormément la dynamique de la relation qui existe. Il arrive aussi que le membre de la famille ne veuille plus s’en charger : Je veux simplement être sa fille, je ne veux pas m’occuper de son argent. C’est ainsi que sont souvent déclenchées des évaluations de la capacité qui amènent le TCP à prendre les biens en charge. J’ai été cinq ou six fois témoin de ces situations.

Groupe de discussion – Prestataires de services aux personnes atteintes de démence, 21 octobre 2014

Dans le cas des évaluations de la capacité de consentir à des soins de longue durée, les membres de la famille peuvent demander une évaluation parce qu’ils s’inquiètent des risques que la personne affronte dans la communauté et du niveau de soutien sur lequel elle peut compter.

[traduction] Je veux juste ajouter que, du point de vue communautaire, j’ai souvent vu des médecins soumis à de fortes pressions à cause des incidents que leur rapportent les enfants adultes. On entend souvent l’histoire de la mère qui oublie la casserole sur le feu ou qui fait des chutes plus fréquentes à la maison. Je crois que les médecins ressentent ces pressions et s’inquiètent des risques. Il leur est donc facile de dire : Oui, vous savez, je suis d’accord qu’elle devrait peut-être recevoir des soins de longue durée. C’est alors que nous [le Centre d’accès aux soins communautaires] allons faire une évaluation et qu’il nous arrive de dire à la cliente et à sa famille : Vous savez, il n’y a pas d’incapacité, mais nous avons besoin de prévoir certaines choses, comme une bouilloire automatique et d’autres appareils et dispositifs du même genre. Bref, je trouve certainement qu’il y a… des défis à relever.

Groupe de discussion – Personnel du Centre d’accès aux soins communautaires de Toronto-Centre, 4 novembre 2014

Certains ont signalé que ceux qui s’occupent d’examens de la capacité de gérer des biens en vertu de la LSM peuvent être tentés de s’en servir de façon à soulager le fardeau d’établissements de soins[124]. L’affaire V. (Re) constitue un exemple d’une situation de ce genre. Dans ce cas, le médecin de V. était d’avis que V. pouvait être mis en congé de l’hôpital s’il avait accès à des ressources financières pour le soutenir. V. ne disposait d’aucun moyen financier et ne voulait pas s’adresser au Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH) ou à d’autres programmes pour obtenir de l’aide. Son médecin s’était dit que si l’on concluait à l’incapacité de V. de gérer ses biens, le TCP pourrait présenter une demande d’aide financière en son nom et V. pourrait être mis en congé. Le médecin n’avait pas examiné V. à son admission à l’hôpital, mais il avait présumé que V. était incapable de gérer ses biens à ce moment-là. La CCC a infirmé la décision du médecin de déclarer V. incapable de gérer ses biens et a condamné la tentative d’utiliser le TCP pour obliger V. à se conformer au plan de congé[125]. On s’est également inquiété de la possibilité que ces examens soient utilisés pour contourner les exigences relatives aux évaluations de la capacité de gérer des biens de la LPDNA. Jude Bursten, qui défend les droits des malades au Bureau de l’intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques, signale que certains médecins ont demandé que leurs patients soient admis à un établissement pour les contraindre à subir un examen de leur capacité de gérer leurs biens après que ces patients ont exercé leur droit en vertu de la LPDNA de refuser une évaluation[126]. Comme les examens effectués en vertu de la LSM ne coûtent rien tandis que les évaluations officielles de la capacité impliquent des frais s’échelonnant entre quelques centaines et quelques milliers de dollars, des pressions pourraient être exercées en faveur du recours aux dispositions de la LSM plutôt qu’à celles de la LPDNA.

Ces préoccupations ne sont pas particulières au contexte ontarien. Dans son rapport final sur la tutelle, la Commission de réforme du droit du Victoria a souligné qu’il est important qu’un élément déclencheur valable justifie une évaluation de la capacité et que des mesures soient prises pour [traduction] « faire participer la personne visée au processus d’évaluation en tentant d’obtenir son accord et en lui donnant le plus de renseignements possible au sujet du processus[127] ». La législation albertaine exige un motif valable pour déclencher une évaluation de la capacité relative à la gestion des biens ou au soin de la personne, c’est-à-dire un événement mettant en danger la personne concernée ou d’autres, dont la cause semble être l’incapacité de prendre des décisions[128]. En Alberta, les évaluateurs doivent connaître le motif de la demande d’évaluation de la capacité et les circonstances ayant conduit à cette demande[129].


2.     Accès à l’évaluation de la capacité en vertu de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui

Les évaluations de la capacité en vertu de la LPDNA s’inspirent d’un modèle de consommation. Le gouvernement veille au respect de normes minimales en sensibilisant le public, en définissant des exigences de formation continue et en établissant des lignes directrices détaillées. Le Bureau d’évaluation de la capacité (BEC) tient une liste d’évaluateurs désignés qui satisfont aux exigences. Toutefois, il incombe aux intéressés et aux prestataires de services qui souhaitent obtenir une évaluation de la capacité de choisir un évaluateur dans la liste et de payer le coût de l’évaluation, qui peut atteindre des centaines ou des milliers de dollars selon la nature et la complexité de l’évaluation demandée.

Le BEC fait des efforts pour s’assurer de la présence d’évaluateurs de la capacité un peu partout en Ontario et propose de l’aide aux personnes qui cherchent à trouver un évaluateur pouvant communiquer dans des langues autres que l’anglais.

Le BEC a également un programme d’aide financière lui permettant d’assumer le coût d’une évaluation si une personne (mais non un organisme ou un établissement) en a besoin, mais n’a pas les moyens de la payer. Les critères d’admissibilité à l’aide financière comprennent notamment ce qui suit :

·       aux termes de la Loi, l’évaluation particulière demandée ne peut être effectuée par personne d’autre qu’un évaluateur de la capacité désigné (autrement dit, l’évaluation d’un évaluateur de la capacité présentée, par exemple, sous forme d’une « lettre d’opinion » sur la capacité d’établir un testament ou une procuration n’est pas couverte);

·       le Bureau de l’évaluation de la capacité estime qu’une évaluation de la capacité est appropriée dans les circonstances;

·       la personne est capable de faire la demande elle-même ou un membre de sa famille fait la demande et la personne ne refusera pas;

·       la personne qui demande l’évaluation répond aux critères financiers établissant qu’elle est admissible à une aide financière. Les critères financiers sont très restrictifs, mais couvriraient en général une personne qui reçoit des prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées ou un adulte âgé dont les seules sources de revenu sont le Régime de pensions du Canada et les prestations de sécurité de la vieillesse[130].

Il y a lieu de noter que si l’évaluation de la capacité aboutit à la nomination d’un tuteur aux biens, celui-ci peut rembourser le coût de l’évaluation en le prélevant sur les biens de la personne incapable pourvu que ces biens soient assez importants pour le faire.

Des préoccupations ont été exprimées tout le long des consultations au sujet de l’accessibilité des évaluations de la capacité. Il ne faut pas perdre de vue que ces évaluations sont nécessaires tant pour établir que pour lever une tutelle. Par conséquent, leur accessibilité revêt une grande importance pour les familles et les personnes touchées par des questions liées à la capacité juridique.

Conformément aux observations de Jude Bursten (voir section précédente), certains intervenants ont signalé à la CDO que des médecins et d’autres professionnels exercent parfois des pressions pour avoir accès à l’examen de la capacité de gérer ses biens prévus par la LSM parce qu’ils aboutissent au même résultat que l’évaluation de la capacité en vertu de la LPDNA (c’est-à-dire à la tutelle légale si la personne est jugée inapte à gérer ses biens) sans rien coûter et sans qu’il soit nécessaire d’obtenir le consentement de la personne en cause.

Le coût des évaluations de la capacité en vertu de la LPDNA constituait une source de préoccupation pour de nombreux organismes et prestataires de services communautaires qui travaillent pour les populations touchées par les questions liées à la capacité juridique.

[traduction] Le coût est l’un des obstacles que j’ai pu constater en ce qui concerne l’accès à [l’examen] de la capacité financière, ce qui ouvre la voie à l’évaluation de la capacité en vertu de la LPDNA. Vous savez, maintenant que vous le mentionnez, cela peut coûter 400 $… C’est beaucoup d’argent pour les gens d’ici. Voilà une des choses que j’ai pu constater.

Groupe de discussion – Prestataires de services aux personnes atteintes de démence,
21 octobre 2014

[traduction] Il n’y a ni cohérence ni normalisation en ce qui concerne l’aptitude à gérer. Je sais que je manque de compétence dans ce domaine, mais quand je pense à ce genre de dilemmes… Je sais bien que cette personne pourrait bénéficier d’une évaluation de la capacité, mais cela coûterait 2 000 $. Pourquoi? Pourquoi imposer un tel coût pour une chose qui pourrait bien… Je peux comprendre qu’on procède à tel ou tel ou tel autre examen pour finir par dire : Oui, vous répondez aux critères pour obtenir une évaluation gratuite de la capacité… Si c’est cette évaluation qui empêche la personne d’obtenir les soins dont elle a besoin, il ne me semble pas logique d’imposer à quelqu’un de payer 2 000 $ pour obtenir une évaluation de la capacité alors que nous essayons d’améliorer la vie de cette personne ou d’aboutir à tel ou tel résultat. Par conséquent, quand vous [il s’agit d’un autre participant] avez parlé de cela, j’ai pensé que c’était un peu fou.

[traduction] [Autre intervenant] C’est vraiment excessif pour certaines personnes. Même si elles veulent que ce soit fait d’avance et insistent pour que leurs vœux se réalisent. Il est cependant évident que les gens n’ont pas tous les moyens de payer un tel montant.

Groupe de discussion – Prestataires de services communautaires, 26 septembre 2014

De plus, les fonds dont le BEC dispose pour financer des évaluations de la capacité sont relativement limités, sans compter que ce programme n’est pas très connu et que son fonctionnement est souvent mal compris. Dans ses observations, l’Ontario Brain Injury Association écrit ce qui suit :

[traduction] Les évaluations spécialisées de la capacité sont en outre coûteuses, de sorte que beaucoup de parents ne savent pas ce qu’ils peuvent faire de mieux pour aider la personne en cause. Beaucoup de gens ayant une lésion cérébrale acquise n’ont d’autre source de revenu que le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH) et ceux qui les soignent ou leurs parents et amis n’ont pas du tout les moyens de payer pour une évaluation. Il faudrait donc avoir une subvention ou un programme financé par le gouvernement provincial à l’intention des bénéficiaires de l’aide sociale, afin d’alléger le fardeau de ce processus très coûteux[131].

D’ailleurs, l’argent ne constitue pas le seul problème, il faut aussi pouvoir se retrouver dans le système parce que les gens doivent se charger eux-mêmes de choisir un évaluateur dans les listes du BEC. Cela peut être particulièrement difficile pour les personnes marginalisées ou à faible revenu.

[traduction] Je ne sais pas ce que font les gens ailleurs qu’à Toronto. Ici, nous avons une très longue liste d’évaluateurs de la capacité, qui sont tous indépendants. Il n’y a aucune… coordination à cet égard. Il incombe strictement au client de contacter l’évaluateur, de prendre rendez-vous et plus ou moins de négocier tous les détails. Cela s’est révélé très difficile. D’après mon expérience, cela en soi est un obstacle pour beaucoup de clients, surtout s’ils ont besoin d’un interprète pour communiquer. Mais, même si ce n’est pas le cas, il n’est pas toujours possible de recourir à un système de messagerie vocale pour rappeler des gens, etc. Tout cela est bien difficile. Sans compter qu’on n’est jamais sûr du résultat d’une évaluation de la capacité en vertu de la LPDNA. Cela a été dur pour nos clients.

Groupe de discussion – Conseillers et défenseurs, droits, 25 septembre 2014

[traduction] Le processus lui-même n’est même pas bon. Il n’y a pas de numéro central, il faut appeler séparément chaque évaluateur. De plus, certains sont bons et d’autre pas. Il faut aussi essayer de trouver des gens qui parlent différentes langues et tout le reste. Bref, avant même de commencer, le processus présente beaucoup de difficultés. Il y a ensuite le prix et toutes les questions que cela implique : Qui va payer? Chacun à des conditions différentes. Il faut dire que c’est beaucoup de travail et beaucoup d’ennuis.

Groupe de discussion – Cliniciens, 12 septembre 2014

Des participants ont exprimé des préoccupations particulières au sujet des gens qui vivent dans des endroits isolés, y compris les communautés autochtones. Si une collectivité est petite ou éloignée, on n’y trouvera pas d’évaluateurs de la capacité, ou alors les évaluateurs présents n’auront pas les compétences nécessaires. Dans ce cas, le coût de l’évaluation augmente considérablement parce qu’il s’y ajoute des frais de transport qui peuvent être considérables. De plus, la nature du processus pourrait bien ne pas convenir aux personnes à faible revenu ou à des collectivités particulières.

[traduction] À Thunder Bay, nous avons d’importantes collectivités autochtones nordiques et, encore une fois, c’est la même chose. Il n’y a pas d’évaluateurs aux alentours, et le coût des déplacements en avion est élevé. Le processus est également très bureaucratique. Il est vraiment trop… Il n’est pas du tout convivial… Par conséquent, il est très difficile pour beaucoup des collectivités autochtones de comprendre les options dont elles peuvent se prévaloir et de savoir comment accéder à ces processus. Comment prendre contact? Vous savez, certains n’ont pas le téléphone à clavier, d’autres n’ont pas du tout le téléphone et n’ont pas accès à un système de messagerie vocale. Il leur est donc déjà très difficile de prendre contact avec un évaluateur de la capacité. De plus, ils ne peuvent recourir à personne qui puisse les aider à se retrouver dans le système.

Groupe de discussion – Conseillers et défenseurs, droits, 25 septembre 2014


3.     Les relations complexes entre les différents mécanismes d’évaluation de la capacité

Les consultations de la CDO ont montré qu’il y a une grande confusion au sujet du rôle et du fonctionnement des multiples mécanismes ontariens d’évaluation de la capacité. Cela est vrai dans le cas des personnes et des familles et – ce qui est plus surprenant – parmi les prestataires de services. Parfois, ces derniers parlent directement de leur difficulté à comprendre les systèmes existants et à s’y retrouver. Dans d’autres cas, la confusion devenait apparente au cours de la discussion lorsqu’il ressort clairement que certains prestataires de services ne se rendent pas compte de la portée des différents genres d’évaluations. La plupart d’entre eux proposent l’essentiel de leurs services dans un seul domaine, lié par conséquent à un seul genre d’évaluation. Autrement dit, ils ne s’occupent qu’assez rarement des autres mécanismes, ce qui peut occasionner de la confusion. Il importe aussi de se souvenir que ces mêmes prestataires de services constituent souvent, pour les personnes et les familles, le moyen le plus accessible de se retrouver dans le système ontarien de détermination de la capacité juridique et de prise de décision : s’ils ne sont pas en mesure de donner des renseignements exacts, ils peuvent involontairement induire les gens en erreur. Les participants aux consultations ont mentionné en particulier la confusion entre l’évaluation de la capacité en vertu de la LPDNA aux fins du soin de la personne, l’évaluation de la capacité de consentir à des soins de longue durée ou à des services d’aide personnelle en vertu de la LCSS, l’examen de la capacité de gérer ses biens en vertu de la LSM et l’évaluation de la capacité liée aux biens en vertu de la LPDNA.

[traduction] Nous avons remarqué, surtout aux Centres d’accès aux soins communautaires, qu’il y avait un certain manque de compréhension ou plutôt une certaine confusion entre les mots « évaluation » et « examen ». Souvent les gens ne font pas la distinction entre les deux, les utilisant de façon interchangeable…

[traduction] [Autre intervenant] Exactement, et l’une des procédures coûte cher tandis que l’autre est gratuite. Il y a donc des gens qui pensent que l’évaluateur de la capacité peut, lui aussi, procéder à un examen, ce qui n’est pas du tout le cas. Et vice-versa. Par conséquent, il y a une grande confusion qui fait qu’il a été très difficile pour nous d’orienter les gens dans la bonne direction. Vous savez, quand on s’occupe de coordination des soins, on ne peut s’occuper que d’un examen. Si vous avez besoin d’une évaluation, vous devez payer un évaluateur de la capacité pour qu’il s’en charge. C’est une chose que nous avons trouvée très difficile.

Groupe de discussion – Prestataires de services communautaires, 26 septembre 2014

[traduction] Je constate souvent en pratique que les gens disent : Eh bien, faisons venir un évaluateur. Mais ce n’est pas d’un évaluateur que vous avez besoin. L’appréciateur, qui est celui qui propose le traitement, s’occupe de l’appréciation. Par conséquent, nous avons besoin d’un moyen – je ne sais pas si c’est de la sensibilisation ou si c’est prévu dans la loi – pour faire la différence entre les règles applicables.

Groupe de discussion – Joint Centre for Bioethics, 1er octobre 2014

[traduction] Il y a simplement le terme « évaluation de la capacité »… Quand les gens le voient, ils pensent automatiquement à un évaluateur de la capacité. Par conséquent, je crois que nous devons trouver un moyen quelconque de nous assurer que les gens comprennent que nous ne parlons pas nécessairement du recours à un évaluateur de la capacité lorsque nous mentionnons une évaluation de la capacité.

Groupe de discussion – Conseillers et défenseurs, droits, 25 septembre 2014

Dans son document intitulé Health Care Consent and Advance Care Planning, l’Advocacy Centre for the Elderly (ACE) et Dykeman Dewhirst O’Brien (DDO Health Law) signalent qu’au cours des réunions des groupes de discussion réunissant des professionnels de la santé,

 [traduction] Les praticiens ont fait part d’une certaine confusion quant aux personnes qui déterminent la capacité de consentir à un traitement. Certains d’entre eux n’étaient pas certains de savoir comment évaluer l’aptitude d’un patient à consentir à un traitement ou à prendre d’autres décisions relatives à sa santé. Quelques-uns pensaient même qu’ils étaient tenus de recourir à un psychiatre pour évaluer la capacité de prendre une décision relative à un traitement. D’autres croyaient qu’il fallait s’adresser à un « évaluateur de la capacité pour le faire.

L’ACE et les avocats de DDO ont aussi eu des cas où des praticiens de la santé exerçant dans des foyers de soins de longue durée avaient supposé qu’une personne était incapable de consentir à un traitement si un « appréciateur » (selon la définition de la LCSS) l’avait jugée incapable de prendre une décision relative à son admission à des soins de longue durée. Ces praticiens n’ont probablement pas compris que la détermination de la capacité s’applique à des aspects très précis et qu’une personne peut être capable de prendre, en tout ou en partie, des décisions concernant des traitements mêmes si elle a été jugée incapable de prendre une décision au sujet de son admission[132].

Comme nous l’avons brièvement mentionné dans la section précédente, les processus parallèles d’évaluation de la capacité de gérer ses biens que prévoient la LSM et la LPDNA constituent une source à la fois de confusion et de difficultés pratiques pour les personnes qui peuvent, à différents moments, être assujetties aux dispositions de l’un ou l’autre des deux systèmes.

[traduction] Pour moi, il y a une interaction – il conviendrait peut-être mieux de parler d’imbroglio dans ce cas – entre la Loi sur la santé mentale et la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui, une interaction vraiment complexe, vraiment difficile à expliquer à nos cliniciens, qui aboutit souvent à une foule de difficultés pour la famille. Il est vraiment difficile d’essayer d’expliquer la situation aux clients. Oui, il y a des cas où le client est hospitalisé dans un établissement psychiatrique et n’a pas le droit de présenter une requête en révision d’une constatation d’incapacité financière en vertu de la Loi sur la santé mentale. Essayer d’expliquer comment cela est possible est très difficile. Je crois que cela est dû en partie au fait que la constatation d’incapacité financière a été intégrée dans la Loi sur la santé mentale, apparemment sans tenir compte de tout ce qui figure dans la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui. Je crois qu’au point de jonction entre les deux lois, c’est-à-dire au moment où on quitte le domaine de la première pour entrer dans celui de la seconde, il y a d’importants coûts à considérer, de même qu’un droit de refus. Le fait que la transition [inaudible] monter les obligations financières à assumer relativement aux évaluations est très embêtant.

Groupe de discussion – Cliniciens, 12 septembre 2014

D’après les cliniciens, le besoin d’un processus distinct aux termes de la LSM découle en partie du fait qu’à cause du coût et de la lourdeur du processus d’évaluation de la capacité en vertu de la LPDNA, il est trop difficile de protéger les biens des patients ayant des troubles mentaux ou de leur permettre de reprendre le contrôle de leur situation financière une fois qu’ils ont retrouvé leur capacité juridique. Comme les conseillers en matière de droits l’ont signalé à la CDO, les personnes qui se trouvent dans le système de santé mentale ont, en grande majorité, un faible revenu. De ce fait, elles n’ont souvent ni les moyens de payer une évaluation de la capacité en vertu de la LPDNA ni même la possibilité d’accéder à un téléphone pour demander une telle évaluation[133]. Un clinicien a dit à ce sujet qu’« il faut presque les encourager à se faire hospitaliser pour obtenir une évaluation, ce qui en dit long sur les lacunes du système ».

[traduction] Je crois que l’accessibilité est le plus grand problème. On peut avoir un patient externe qui ne va pas bien, mais, même si on peut le constater à titre de clinicien, on est en pratique incapable de le faire évaluer dans la collectivité. C’est un peu comme vous [un autre participant] l’avez dit : les choses se font bien en établissement, mais, dans le cas d’un patient externe, cela devient très compliqué. C’est la même chose pour les familles, qui ont de la difficulté à se retrouver dans le système en l’absence d’un clinicien, d’un responsable du traitement des cas ou de quelqu’un d’autre pouvant les aider.

Groupe de discussion – Cliniciens, 12 septembre 2014

Le problème est plus évident aujourd’hui qu’il ne l’était lors de l’adoption de la loi à cause de la tendance à privilégier les soins ambulatoires. Beaucoup de psychiatres, de conseillers en matière de droits et de cliniciens ont mis en évidence la lourdeur du processus de réévaluation des malades une fois qu’ils quittent l’hôpital pour devenir des patients externes.

[traduction] Il y a un autre élément que je trouve très embêtant du point de vue des droits du client ou du malade : si la constatation initiale d’incapacité a été faite pendant l’hospitalisation, il devient par la suite extrêmement difficile de se prévaloir du droit de présenter une requête en révision à la CCC, surtout si le client a été mis en congé, puis a été réadmis. S’il est resté sous tutelle légale, il n’a plus droit à une révision aux termes de la LSM. Dans beaucoup de cas, quand je conseille au client d’obtenir une nouvelle évaluation et que je lui donne le numéro de téléphone du bureau du TCP, je sais que je lui dis en fait qu’il ne pourra jamais parvenir à se faire entendre par la CCC. C’est tout à fait impossible s’il doit trouver un évaluateur et le payer.

Groupe de discussion – Cliniciens, 12 septembre 2014

Le Centre de toxicomanie et de santé mentale aborde cette question dans ses observations écrites à la CDO :

[traduction] Le fait que les psychiatres ne sont pas habilités à examiner la capacité de leurs patients externes de gérer leurs biens est une lacune de la législation sur la détermination de la capacité, la prise de décision et la tutelle, qui a des incidences négatives sur les personnes ayant des troubles mentaux et qui se répercute sur l’efficacité du système. Le CTSM recommande de modifier la LSM, la LPDNA ou les deux afin qu’elles agissent de concert pour faciliter l’évaluation de la capacité financière dans la collectivité par des praticiens compétents, y compris les psychiatres. Les modifications doivent comprendre des lignes directrices normalisées sur les lieux et les modalités d’examen de la capacité dans la collectivité et accorder aux patients externes les droits procéduraux dont jouissent les résidents des établissements[134].

4.     Manque de normes claires pour l’évaluation en vertu de la Loi sur la santé mentale et la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé

Comme nous l’avons mentionné plus haut, les évaluateurs de la capacité désignés aux termes de la LPDNA doivent satisfaire à des exigences précises en matière de formation continue et se conformer aux rigoureuses Lignes directrices en matière d’évaluations de la capacité du ministère du Procureur général. Les autres formes d’évaluations de la capacité ne sont pas réglementées de la même manière et, dans l’ensemble, dépendent surtout du jugement professionnel des praticiens qui les effectuent.

Les Lignes directrices établies aux termes de la LPDNA ne s’appliquent pas à l’examen de la capacité mené en vertu de la LSM pour déterminer l’aptitude à gérer ses biens. De plus, les lignes directrices relatives à l’évaluation de la capacité publiées par les ordres professionnels sont centrées sur le consentement au traitement. On peut donc croire que les examens destinés à déterminer la capacité de gérer ses biens, dont se chargent des médecins dans les établissements psychiatriques, sont relativement peu réglementés et analysés. Les recherches menées par la CDO n’ont pas permis de découvrir de politiques, d’outils ou de manuels de formation spécialement conçus pour ce genre d’évaluation, bien qu’il soit évidemment possible que différents établissements aient produit de tels documents à des fins internes.

Les examens de la capacité de gérer ses biens suscitent des malentendus ou entraînent une application impropre de la LSM notamment à cause du paragraphe 54(6), qui permet de se passer de cet examen « si le médecin croit, en se fondant sur des motifs raisonnables, que le malade a donné une procuration perpétuelle prévue par cette loi, qui prévoit la gestion de ses biens ». L’imprécision de l’expression « motifs raisonnables » ainsi que les malentendus entourant les procurations perpétuelles relatives aux biens peuvent causer de la confusion et empêcher les gens de jouir de leurs droits dans ce domaine. À défaut d’un examen adéquat, on peut ne pas se rendre compte que la procuration ne couvre pas l’ensemble des biens de la personne ou n’est plus en vigueur, ce qui rendrait sans effet les garanties que le législateur a prévues dans la LSM pour éviter la perte des biens. Les personnes touchées par cette disposition n’ont pas droit à des conseils relativement à leurs droits, ce qui aggrave le problème. Comme il est très courant que les personnes âgées établissent des procurations relatives aux biens, cette question pourrait bien avoir des incidences particulières sur elles.

Par ailleurs, la LCSS et ses règlements d’application ne donnent aucune indication sur les modalités d’appréciation de la capacité. Il n’existe pas non plus de lignes directrices, de politiques officielles, de manuels de formation ou de formules obligatoires. L’appréciation de la capacité liée à l’admission en foyer de soins de longue durée se fonde en général sur les cinq questions de la formule susmentionnée, dont l’origine est incertaine, mais qui est largement considéré comme un document « officiel ». Comme nous l’avons déjà signalé, la CCC et les tribunaux ont soutenu à plusieurs reprises que le fait de poser les cinq questions figurant dans la formule et de consigner les réponses ne constitue pas une évaluation adéquate de la capacité[135].

Quelques organismes ont produit des guides de l’évaluation de la capacité qui recommandent une démarche plus rigoureuse. Le plus complet, intitulé Assessing Capacity for Admission to Long-Term Care Homes: A Training Manual for Evaluators, a été rédigé par Jeffrey Cole et Noreen Dawe[136]. Il y a aussi des outils spécialisés, comme le Practical Guide to Capacity and Consent Law of Ontario for Health Practitioners Working with People with Alzheimer Disease, qu’a produit le Dementia Network d’Ottawa[137], et Communication Aid to Capacity Evaluation (CACE) d’Alexandra Carling-Rowland[138]. Comme aucun de ces guides n’est mentionné dans la Loi et les règlements, les appréciateurs la capacité ne sont pas tenus de les utiliser. De plus, on ne sait pas vraiment s’ils recueillent une large adhésion ni s’ils sont largement distribués.

Le degré de protection assuré par les garanties procédurales aux personnes soumises à l’appréciation de la capacité est également incertain. Contrairement aux dispositions de la LPDNA relatives aux évaluations de la capacité, la LCSS ne prévoit pas de droit d’être informé du but de l’appréciation, de la refuser ou d’exiger la présence d’un avocat ou d’un ami, ni d’être informé de ces droits au préalable. Toutefois, les personnes faisant l’objet d’une appréciation de la capacité pourraient bénéficier de certains droits procéduraux basés sur la notion de justice naturelle de la common law. Ainsi, dans Koch (Re), le juge Quinn a soutenu que les normes de base énoncées à l’article 78 de la LPDNA relativement aux évaluations de la capacité doivent aussi s’appliquer aux appréciations effectuées en vertu de la LCSS. Les avocats qui plaident devant la CCC ont noté que la décision rendue dans Koch (Re) n’a pas été uniformément appliquée, certains arbitres estimant qu’il ne s’agit là que d’une remarque incidente du juge Quinn[139]. Dans Saunders v. Bridgepoint Hospital, qui concernait une évaluation de la capacité de consentir à l’admission en foyer de soins de longue durée, la juge Spies a estimé que, par souci d’équité procédurale, « un patient doit être informé du fait qu’une évaluation de la capacité à des fins d’admission en établissement de soins sera entreprise, du but de l’évaluation et de l’importance et des conséquences d’une constatation de capacité ou d’incapacité[140] ».

La confusion entourant l’évaluation de la capacité de consentir à un traitement a également fait l’objet de nombreuses interventions au cours des consultations. Comme dans le cas de l’appréciation de la capacité, la formation et les conseils relatifs aux évaluations de la capacité de consentir à un traitement sont laissés à la discrétion des ordres professionnels, et varient donc considérablement d’un ordre à l’autre. Il en découle que les compétences et le niveau de confiance des praticiens de la santé en matière d’évaluations de la capacité de consentir à un traitement sont aussi très variables.

[traduction] Ce que je remarque souvent, c’est qu’il y a beaucoup de confusion. J’ai vu des médecins qui m’ont déclaré catégoriquement que l’Ordre des médecins et chirurgiens leur impose de ne pas faire d’évaluations. Lorsque je leur rappelle qu’à titre de prestataire de services de santé, nous effectuons tous des évaluations, ils ne semblent pas comprendre. Oui, c’est bien le cas. C’est un vrai combat parce que le contexte est juridique plutôt que médical, vous savez… Dans le secteur médical, il y en a qui se servent à tort de choses [inaudible] ou d’autres genres de tests médicaux de dépistage des troubles cognitifs plutôt que de comprendre la notion globale de capacité et de l’évaluer. Par conséquent, dès le départ, c’est un vrai défi. Il y a aussi le revers de la médaille : certains prestataires de services de santé soutiennent qu’il est nécessaire de créer des services agréés ou autorisés chargés de l’évaluation de la capacité. Ce que nous trouvons contestable, ce sont les interprétations de la capacité, que les familles et les prestataires de soins ne comprennent pas toujours de la même façon.

Groupe de discussion – Prestataires de services aux personnes atteintes de démence,
21 octobre 2014

L’absence de normes claires d’évaluation en vertu de la LCSS ainsi que les lacunes de la formation ou des études dans certaines professions occasionnent de la confusion et de l’anxiété au sujet des évaluations faites aux termes de la Loi et amènent certains à vouloir laisser d’autres professionnels se charger de l’évaluation.

[traduction] Je crois que l’une des raisons pour lesquelles les gens trouvent l’évaluation de la capacité [en vertu de la LCSS] difficile, c’est l’absence de normes. C’est un peu comme s’ils pensent que d’autres en savent davantage sur le sujet et qu’on devrait donc recourir à eux. Il y a une certaine répugnance parce qu’ils ne sont pas sûrs de savoir comment évaluer la capacité. Il s’agit peut-être de cliniciens débutants ou peut-être encore d’infirmières praticiennes qui proposent un traitement. Les médecins sont peut-être mieux placés. Quant aux autres, ils pensent peut-être qu’ils ne sont pas assez compétents, même s’ils peuvent se dire : Je suis l’ergothérapeute, et je propose ce traitement. Par conséquent, je crois qu’il y a un certain nombre… qui croient que d’autres en savent plus qu’eux. Je pense que c’est l’une des raisons.

[traduction] [Autre intervenant] J’ai souvent vu cela récemment dans le cadre de plusieurs consultations : on fait venir des psychogériatres en pensant qu’ils ont des connaissances plus étendues, mais ce n’est pas un domaine dans lequel ils sont vraiment experts, sans compter qu’ils ne connaissent pas bien le patient. Par conséquent, vous savez, ils examinent le patient hors contexte et lui posent souvent les mauvaises questions. Pourtant, à cause de cette perception de plus grande compétence, tout le monde s’incline devant leur jugement, alors que l’ergothérapeute pourrait bien être celui qui voit le patient depuis un certain temps, qui le voit agir et qui a pu constater une grande évolution… Dans le cas auquel je pense, l’équipe avait été témoin d’une importante évolution, tandis que le psychogériatre n’avait pu se faire qu’une idée ponctuelle de l’état de la personne en cause et pourrait bien penser que c’est ainsi qu’elle agit d’habitude, ce qui n’était pas le cas. C’est donc une application impropre de la loi.

Groupe de discussion – Joint Centre for Bioethics, 1er octobre 2014

Comme l’ACE et DDO l’ont signalé dans leur document, la confusion qui existe parmi les praticiens de la santé relativement à la capacité et au consentement aux termes de la LCSS est aggravée par le fréquent recours à des textes et du matériel venant d’autres administrations et contenant des renseignements incomplets ou trompeurs[141].

Même si le manque de normes claires et d’une formation adéquate dans le contexte des évaluations de la capacité en vertu de la LSM et de la LCSS est problématique en soi, compte tenu de la difficulté d’évaluer la capacité et les énormes conséquences de l’évaluation sur les droits et le bien-être des personnes évaluées, le manque de cohérence dans le fonctionnement des différents mécanismes d’évaluation de la capacité ajoute à la confusion et à la complexité du système.

[traduction] L’autre aspect dont je voulais parler, c’est que je ne suis pas sûr que l’avocat, le psychologue ou l’appréciateur du secteur des soins de longue durée, ou encore l’évaluateur du traitement du côté médical font leurs évaluations de la même façon. Posent-ils les mêmes questions? Suivent-ils le même processus? Je ne le crois pas.

Groupe de discussion – Secteur des services aux personnes ayant un handicap de
développement – Kingston, 17 octobre 2014

Il est vrai qu’il y a d’importantes différences entre certains des domaines et des contextes dans lesquels les évaluations sont effectuées. Les évaluations faites en vertu de la LCSS sont généralement réalisées relativement à une décision particulière et non en fonction d’un domaine entier de prise de décision, comme c’est le cas des évaluations de la capacité en vertu de la LPDNA. De plus, les évaluations en vertu de la LCSS sont le plus souvent faites lorsqu’une décision particulière doit être prise dans un certain délai, tandis que les évaluations de la capacité en vertu de la LPDNA se font généralement dans le contexte de préoccupations générales concernant l’aptitude d’une personne à prendre indépendamment ses propres décisions. Toutefois, la CDO ne voit en principe aucune raison qui puisse justifier d’importantes différences entre les normes qui s’appliquent à l’évaluation de la capacité de gérer ses biens en vertu de la LPDNA et à l’examen de la capacité de gérer ses biens en vertu de la LSM. De plus, les différentes évaluations présentent certains éléments communs qui jouent un rôle fondamental dans la conception qui sert de base à l’ensemble du régime législatif. Ce facteur devrait être compris et respecté dans tous les contextes et tous les domaines.

5.     Qualité des évaluations

L’évaluation de la capacité juridique est une entreprise ardue. En effet, la capacité juridique définie dans le droit ontarien est un concept nuancé. Il existe inévitablement une tension entre un concept de capacité contextuel et fluctuant et la nécessité d’établir des seuils clairs dans le système judiciaire et le système de santé. Compte tenu des conséquences possibles d’une évaluation de la capacité, il est important de s’assurer qu’elle est de grande qualité et que ceux qui l’effectuent ont les compétences nécessaires pour le faire d’une manière efficace. Dans ses observations écrites à la CDO, l’Ontario Brain Injury Association (OBIA) a souligné ce qui suit :

[traduction] On ne saurait trop insister sur l’importance qu’il y a de charger des gens qualifiés et formés de faire ces évaluations. L’évaluateur doit avoir une très bonne connaissance des politiques, mais aussi une connaissance détaillée – dans ce cas particulier – des lésions cérébrales acquises. On ne trouvera jamais deux personnes ayant de telles lésions qui soient identiques[142].

Les difficultés d’évaluation inhérentes au concept sont aggravées par la grande diversité des populations pouvant être soumises à l’évaluation. Ainsi, comme la nature des limitations décisionnelles chez les personnes atteintes de démence, d’une déficience développementale, d’une lésion cérébrale acquise ou de différents types de troubles mentaux varie considérablement d’une personne à l’autre, il est essentiel que les stratégies d’évaluation tiennent compte de ces différences. L’OBIA a mis en évidence la complexité de l’évaluation des gens ayant des lésions cérébrales : ils peuvent être en mesure de répondre à des questions au moment de l’évaluation, mais ne pas pouvoir appliquer leurs réponses si leurs lésions affectent les zones du cerveau qui influent sur le traitement de l’information, la prise de décision, le tri de l’information et le déclenchement d’activités. De plus, leurs aptitudes peuvent varier considérablement d’un moment à l’autre. Pour l’OBIA, la meilleure façon d’évaluer les personnes ayant une lésion cérébrale consiste à le faire dans leur propre environnement et sur une certaine période de temps.

De plus, les obstacles à la communication et les différences culturelles peuvent influencer l’évaluation de la capacité juridique. Comme nous l’avons noté à la section III.B, la population de l’Ontario se caractérise par une extrême diversité linguistique et culturelle. Un certain nombre des participants aux consultations ont évoqué les problèmes liés aux obstacles linguistiques : sans interprètes experts, les aptitudes réelles d’une personne peuvent ne pas être évidentes. Les différences culturelles peuvent être assez subtiles pour qu’un évaluateur ne se rende pas compte qu’un schéma de communication semblant indiquer un manque de capacité juridique peut tout simplement refléter des normes culturelles différentes. Les évaluateurs de la capacité pourraient avoir besoin d’une formation ou d’aides complémentaires pour être à même d’affronter efficacement ces problèmes.

Des personnes sourdes se sont inquiétées du fait que, dans les cas de surdité culturelle, les obstacles à la communication (comme le manque d’interprètes compétents) et les faibles niveaux de littératie dus aux obstacles à l’éducation faussent les résultats des évaluations de la capacité juridique des membres de ce groupe.

[traduction] Au sujet des évaluations, j’ai noté l’absence d’accommodements appropriés ou la façon dont les évaluations sont faites. Il est vraiment essentiel de prévoir des accommodements adéquats. Je veux dire, encore une fois, qu’en leur absence, le contenu de l’évaluation ou ce qui en fait partie est faussé. Par conséquent, je crois qu’il est primordial de penser à ces accommodements avant même d’entreprendre n’importe quel genre d’évaluation : de quoi la personne a-t-elle besoin pour se débrouiller en dépit de sa surdité? Il faut penser aux interprètes, aux systèmes FM, prévoir un preneur de notes et s’assurer que la personne sait qu’elle a le droit d’accéder à l’information et le droit d’être évaluée d’une façon appropriée. Je crois que c’est essentiel.

Groupe de discussion – Organismes communautaires et de défense des droits, 3 octobre 2014

De même, il peut être nécessaire d’être patient et d’avoir certaines aptitudes pour communiquer avec les personnes atteintes d’aphasie : les praticiens de la santé qui ne prennent pas le temps nécessaire pour examiner ces personnes peuvent supposer à tort qu’elles sont incapables et demander à des membres de la famille de prendre des décisions en leur nom. Dans un groupe de discussion avec des personnes aphasiques, des participants ont fait part de l’énorme peine qu’ils ressentent lorsque des praticiens de la santé et d’autres les jugent incapables.

Même si des participants se sont inquiétés de la qualité du travail de certains évaluateurs de la capacité, particulièrement dans les régions de la province où le choix est limité, dans l’ensemble, les intervenants étaient satisfaits de la formation des évaluateurs et des normes auxquelles ils doivent se conformer dans le cas des évaluations faites en vertu de la LPDNA. Les préoccupations exprimées portaient, pour l’essentiel, sur les autres processus d’évaluation, et surtout sur ceux qui relèvent de la LCSS.

[traduction] Je voulais dire que, bien sûr, il faut choisir soi-même des évaluateurs de la capacité désignés pour obtenir des évaluations officielles. Toutefois, je trouve d’une façon générale que ces évaluateurs connaissent suffisamment leur métier pour protéger l’autonomie et défendre les droits. Au moins ceux que j’ai connus ont tout fait pour aider les gens qu’ils devaient évaluer. […] En dehors de ce processus, dans le cas des examens et autres moyens d’appréciation, il y a tout un éventail de gens dont certains sont mieux formés et plus soigneux que d’autres. Toutefois, ces autres processus semblent être beaucoup moins organisés, et il arrive qu’ils soient très superficiels. Certains ne semblent pas comprendre qu’on ne peut pas évaluer une personne sans les accommodements et les aides nécessaires. Cela influe sur les résultats.

Groupe de discussion – Organismes communautaires et de défense des droits, 3 octobre 2014

Il y a lieu de noter que les Centres d’accès aux soins communautaires (CASC), qui s’occupent d’un nombre assez important d’évaluations de la capacité de prendre des décisions relatives à l’admission à des soins de longue durée, ont pris différentes initiatives pour accroître les compétences de leur personnel et établir des garanties procédurales adéquates à l’intention des personnes évaluées. Voici ce qu’ont dit les membres du personnel du Centre d’accès aux soins communautaires de Toronto-Centre :

[traduction] Cela confirme ce que… vous [un autre participant] avez également dit, à savoir que les coordonnateurs prennent ce processus très au sérieux et que… compte tenu de la pratique professionnelle et du fait qu’il s’agit là d’une décision très importante, nous travaillons avec le client pour prendre cette décision qui peut bouleverser sa vie… C’est pour cette raison que nous avons décidé, dans ce comité, ou plutôt que ces gens-là ont décidé de changer la pratique actuelle… Nous avons décidé… ils ont décidé qu’il n’était plus souhaitable d’utiliser l’outil provincial – c’est-à-dire les cinq questions – pour décider de la capacité de quelqu’un à prendre des décisions relatives aux soins de longue durée. Ils ont donc élaboré un important outil, assez long, qui est assez souple pour comprendre les questions permettant de déterminer si le client est capable de comprendre et d’évaluer et s’il est en mesure de prendre des décisions au sujet de soins de longue durée.

Groupe de discussion – Personnel du Centre d’accès aux soins communautaires de
Toronto-Centre, 4 novembre 2014

Toutefois, le processus et les outils utilisés varient beaucoup, même parmi les différents CASC. Il faut dire que les CASC ne sont évidemment pas les seuls à effectuer des évaluations de la capacité. Par exemple, de nombreux hôpitaux ont leurs propres travailleurs sociaux ou leurs propres ergothérapeutes qui s’occupent des évaluations. La CDO a appris que de nombreuses évaluations sont encore faites à l’aide des « cinq questions » mentionnées plus haut. Le personnel des CASC a relevé des cas d’incohérence dans l’application de la Loi et s’est inquiété du fait que les dispositions législatives ne sont pas soigneusement respectées à cause des pressions exercées par les établissements ou d’une mauvaise compréhension de la Loi.

[traduction] De toute évidence, les hôpitaux n’aiment pas qu’on leur dise quoi faire. Par conséquent, oui, nous utilisons la loi. J’ai déjà eu à aller voir l’éthicien de l’hôpital pour lui dire : Je ne pense pas que la loi est respectée. Puis-je compter sur votre appui à cet égard? L’éthicien intervient alors pour faire respecter la loi. Parfois, nous devons agir ainsi parce que les gens ne sont pas disposés à refaire l’évaluation. Il leur arrive aussi de refuser carrément et de dire qu’ils ne le feront pas. Il faut alors leur rappeler… gentiment que c’est la loi et qu’il faut l’appliquer correctement.

Groupe de discussion – Personnel du Centre d’accès aux soins communautaires de
Toronto-Centre, 4 novembre 2014

Beaucoup de participants ont dit craindre que les médecins et d’autres praticiens de la santé ne reçoivent ni une formation ni une aide suffisante au sujet de l’évaluation de la capacité de consentir à un traitement, de sorte que les évaluations pourraient ne pas être effectuées correctement ou ne pas être faites du tout.

[traduction] J’ai eu des discussions avec des médecins. Je leur demandais : Comment avez-vous abouti à cette décision? L’un d’entre eux a dit : Eh bien, comme elle dormait, j’ai bavardé avec sa fille. Il y en a d’autres qui m’ont dit des choses semblables. C’est-à-dire… ils prennent des décisions fondées juste sur le moment présent. Je ne crois pas qu’ils évaluent la situation de façon continue, surtout quand des gens se présentent par exemple avec une grave infection et qu’ils sont en plein délire. Une fois qu’on leur a administré des antibiotiques, ils se sentent mieux un jour ou deux plus tard. Je trouve qu’il est excessif de déclarer une personne incapable simplement parce qu’elle dormait au moment de l’examen.

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[traduction] [Autre intervenant] Il leur arrive aussi d’aller automatiquement voir la famille sans aucune discussion. Les gens arrivent, sont admis à l’hôpital et ensuite, c’est juste automatique… Lorsque nous venons pour faire ces évaluations et que nous avons des conversations au cours des rondes, l’une des questions que je me posais avant était : À qui demandez-vous de consentir au traitement? Souvent, la réponse est qu’ils ont parlé à la famille. Pourtant, dans le cas des soins de longue durée ou de tout autre traitement, vous pensez que cette personne est capable. Alors, pourquoi n’est-elle pas apte à prendre elle-même des décisions au sujet de son propre traitement? Bref, on a l’impression que le choix se porte le plus souvent sur la solution de facilité.

Groupe de discussion – Centres d’accès aux soins communautaires de
Toronto, 4 novembre 2014

Dans le document intitulé Health Care Consent and Advance Care Planning qu’ils ont rédigé à l’intention de la CDO, l’Advocacy Centre for the Elderly et Dykeman Dewhirst O’Brien ont passé en revue les politiques et les publications de réglementation, les systèmes et les formules relatifs à la planification préalable des soins et au consentement ainsi que les politiques et pratiques des établissements, et ont organisé des groupes de discussion avec des praticiens de la santé, des personnes âgées et des avocats. Dans le cadre des groupes de discussion avec les personnes âgées, l’ACE et DDO ont indiqué ce qui suit :

[traduction] [Les] participants ont dit que les praticiens de la santé ne présentent généralement pas d’une façon appropriée les choix possibles et n’essaient pas d’obtenir un consentement éclairé lorsque des personnes âgées vont à l’hôpital ou dans un foyer de soins de longue durée. Les participants ont noté qu’il existait un important déséquilibre des pouvoirs entre les médecins et les personnes âgées et que cela décourageait ces dernières de poser des questions sur les traitements proposés. Beaucoup des participants ont fait part d’anecdotes concernant leur expérience du système des soins de santé. Le thème qui revenait souvent est que les médecins ne cherchent à obtenir un consentement éclairé ni des patients ni de leurs mandataires spéciaux.

Plusieurs participants ont noté que lorsqu’une personne âgée est transférée d’un hôpital dans un foyer de soins de longue durée, elle est souvent présumée incapable de consentir à un traitement. De nombreux participants ont exprimé leur frustration parce que les praticiens de la santé discutent des possibilités de traitement avec la famille et les amis plutôt qu’avec un patient capable, apparemment à cause de son âge et de son apparence[143].


6.     Renseignements insuffisants sur les droits

Compte tenu des conséquences d’une constatation d’incapacité à prendre une décision, il semble essentiel que les personnes soumises à une évaluation de la capacité bénéficient de solides garanties procédurales assurant qu’elles ont la possibilité de comprendre et, au besoin, de contester le processus d’évaluation, son résultat et ses conséquences.

Dans la LCSS, les dispositions relatives à l’information sur les droits jouent un rôle crucial. Elles ont pour but de favoriser la compréhension des droits prévus dans la Loi et l’accès à ces droits, et plus particulièrement le droit de contester une constatation d’incapacité en présentant une requête à la CCC. Une mise en œuvre inefficace des dispositions relatives à l’information sur les droits peut compromettre l’équilibre délicat que la loi établit entre le fonctionnement efficace des systèmes de santé et de soins de longue durée et l’obligation d’obtenir un consentement valide au traitement et à l’admission aux soins de longue durée. À moins de renseigner efficacement sur leurs droits les personnes jugées incapables, la protection de l’autonomie est sérieusement compromise.

Beaucoup d’intervenants ont exprimé de grandes préoccupations au sujet de l’insuffisance générale de l’information sur les droits dans tous les milieux régis par la LCSS. Certains croient même que, dans beaucoup de cas, aucune information n’est communiquée au sujet des droits. Ainsi, l’Advocacy Centre for the Elderly (ACE) écrit ce qui suit dans ses observations :

À notre connaissance, les personnes jugées incapables en vertu de la LCSS (à l’exception des patients relevant de la Loi sur la santé mentale) sont rarement averties des résultats de leur évaluation et sont encore plus rarement informées de leurs droits. De plus, d’après les renseignements recueillis par l’ACE, il est rare que l’incapacité soit bien documentée dans le dossier médical du patient[144].

Les mécanismes existants d’information sur les droits sont souvent jugés insuffisants quand il s’agit de donner un accès réel aux droits prévus dans la Loi.

[traduction] Je crois que le problème découle en partie du fait qu’on ne peut obtenir absolument aucune aide si on n’est pas pensionnaire d’un établissement psychiatrique ou si on ne fait pas l’objet d’une ordonnance de traitement en milieu communautaire. Nous savons, sur la base de renseignements anecdotiques et de notre expérience personnelle, que les médecins et les dentistes, par exemple, font signer des formules de consentement à des personnes autres que les patients et qu’ils n’informent pas ceux-ci de leurs droits comme ils sont censés le faire et comme l’exige leur ordre professionnel. Je crois qu’il devrait y avoir un centre d’échange d’information que les gens peuvent appeler pour connaître exactement leurs droits parce que nous savons que ceux qui sont censés les renseigner ne le font pas et ne les aident pas.

Groupe de discussion – Conseillers et défenseurs, droits, 25 septembre 2014

Le problème semble particulièrement répandu dans les foyers de soins de longue durée, où on considère qu’il est systémique. C’est un environnement dans lequel on trouve un pourcentage assez important de personnes ayant une forme ou une autre de démence et qui sont donc très susceptibles de se situer en deçà du seuil de la capacité juridique au consentement.

[traduction] Dans notre établissement, c’est l’évaluation relative aux soins de longue durée. La personne ayant été jugée incapable de prendre une décision au sujet des soins, elle a demandé une révision de son cas. Un représentant du CASC est venu à notre bureau et a dit : Cette personne a demandé une audience. Je ne sais pas qui lui a montré comment le faire et lui a dit qu’elle en avait le droit. Quoi qu’il en soit, elle a présenté une demande, et je ne sais plus quoi faire maintenant. J’ai été plutôt surprise, vous savez : Si vous avez fait une évaluation, n’avez-vous pas donné l’information à cette personne? Qu’est-ce que cela signifie quand vous dites que vous ne savez pas quoi faire? J’étais vraiment choquée. Je peux vous dire, en fonction de ma propre expérience, que dans le milieu des soins de longue durée, lorsqu’une personne est déclarée incapable, elle n’en est pas informée. Les responsables vont directement voir celui qui leur semble détenir une procuration pour lui demander la permission de faire les choses.

Groupe de discussion – Conseillers et défenseurs, droits, 25 septembre 2014

De même, l’information sur les droits peut être donnée d’une façon très superficielle ou sans tenir compte des besoins de la personne en cause. Par exemple, une personne malvoyante peut simplement recevoir un document écrit, sans aucune explication. De plus, on ne se soucie pas suffisamment des obstacles linguistiques, quand on n’en fait pas carrément abstraction.

[traduction] Lorsqu’une personne ne parle ou ne lit pas l’anglais, le médecin ne va pas toujours chercher un interprète ou faire traduire le traitement ou le plan de traitement prescrit. Ainsi, il ne fait que ce qu’on lui a dit de faire. Je crois que c’est tout à fait injuste pour n’importe qui en Ontario. Ce n’est pas parce qu’une personne ne parle pas la langue qu’elle n’a pas le droit de savoir quels droits lui ont été enlevés. Ou bien on lui dit qu’elle doit suivre un plan de traitement sans qu’elle sache en quoi consiste ce plan puisqu’elle ne peut pas lire la description, qui n’est pas dans sa langue, et que personne ne lui a donné des explications dans sa langue à cause de l’absence d’un interprète.

Groupe de discussion – Conseillers et défenseurs, droits, 25 septembre 2014

[traduction] Nous ne faisons pas la même chose [qu’en vertu de la LSM] pour les personnes jugées incapables qui sont admises en foyer de soins de longue durée. À titre de coordonnatrice des soins, je leur faisais simplement part de leurs droits. Je pense vraiment que cela doit être fait de personne à personne. Il ne suffit pas de leur donner un bout de papier, qu’elles ne sont peut-être pas en mesure de lire. Je ne sais pas si on va jusqu’à l’étape suivante en leur permettant d’appeler un certain numéro de téléphone. En fait, cet appel ne leur donnera pas vraiment la capacité de consentir. Il faut remplir la formule, rencontrer le patient et obtenir sa signature. Je me demande donc s’il y en a beaucoup qui se prévalent de leur droit de consentement et qui font appel à la Commission du consentement et de la capacité. C’est à cause du processus actuel que nous suivons pour les renseigner sur leurs droits. Je crois que nous pourrions être plus efficaces en recourant à un conseiller en matière de droits, comme cela est prévu dans la formule 3 ou la formules 21 à l’hôpital.

Groupe de discussion – Prestataires de services aux personnes atteintes de démence,
21 octobre 2014

La CDO est troublée par ces nombreuses interventions qui soulèvent des questions de base relativement à la protection des droits élémentaires.

Certains participants ont dit avec insistance que beaucoup de praticiens de la santé ne sont pas très conscients de leur responsabilité de communiquer aux patients des renseignements sur leurs droits. De plus, les détails de cette responsabilité varient parmi les différentes professions parce que ce sont les ordres professionnels qui doivent leur donner des lignes directrices à cet égard. En effet, la LCSS prévoit seulement ceci :

Dans les circonstances et de la manière précisées par les lignes directrices adoptées par le corps dirigeant de sa profession, le praticien de la santé fournit aux personnes dont il constate l’incapacité à l’égard d’un traitement les renseignements sur les conséquences de la constatation que précisent les lignes directrices[145].

Les lignes directrices des ordres de réglementation des professions de la santé varient énormément dans leur contenu et leur spécificité. Certaines n’abordent que très brièvement cet aspect, se limitant à exiger des praticiens qu’ils informent les personnes jugées incapables des conclusions et des motifs de l’évaluation, de leur droit de présenter une requête en révision et du fait qu’un mandataire spécial serait chargé de prendre la décision en leur nom[146]. D’autres contiennent des indications beaucoup plus détaillées[147]. Quelques ordres exigent de leurs professionnels qu’ils communiquent l’information sur les droits d’une manière correspondant aux besoins de la personne jugée incapable, par exemple en recourant à un interprète ou à des aides à la communication[148]. D’autres semblent limiter l’obligation de donner de l’information sur les droits aux circonstances dans lesquelles la personne en cause conteste la constatation d’incapacité ou la nomination d’un mandataire spécial[149], tandis que certains ordres semblent imposer la communication de l’information dans tous les cas où il y a constatation d’incapacité[150]. Il y a des ordres qui dégagent leurs professionnels de la responsabilité de communiquer des renseignements sur les droits s’ils jugent que la personne en cause n’est pas en mesure de comprendre cette information, peut-être à cause de son extrême jeunesse ou de sa déficience[151]. D’autres demandent seulement aux praticiens d’informer la personne incapable de son droit d’appel[152], et d’autres encore exigent de leurs membres qu’ils proposent une aide pratique, par exemple en les renvoyant aux services d’aide de l’établissement ou en leur recommandant de retenir les services d’un avocat[153]. Il y en a aussi qui demandent à leurs membres d’user de leur jugement professionnel en exigeant seulement qu’ils proposent « une aide raisonnable[154] ».

Les droits et le soutien des personnes jugées incapables varient donc considérablement selon la discipline du praticien de la santé qui a fait la constatation d’incapacité. On peut d’ailleurs constater des variations analogues au sein d’un même ordre professionnel. Par exemple, l’Ordre des thérapeutes respiratoires de l’Ontario est plus exigeant que d’autres en matière d’aide à proposer à la personne incapable, mais il n’exige pas de ses membres qu’ils donnent des renseignements sur les droits s’ils ont d’avis que la personne n’est pas en mesure de les comprendre.

[traduction] En l’absence d’un conseiller en matière de droits, s’il est décidé de modifier le statut de capacité juridique d’une personne qui vit dans la communauté ou qui doit être admise en foyer de soins de longue durée, il ne semble pas y avoir d’uniformité quant au praticien censé, en vertu de la loi, lui donner les explications nécessaires sur ce qu’elle peut faire si elle n’accepte pas la constatation d’incapacité. La loi renvoie aux lignes directrices des ordres professionnels. J’ai fait des recherches pour le compte d’une personne vivant dans la communauté qui a été jugée incapable de prendre une décision au sujet des soins de longue durée. J’ai cherché à savoir ce que disent les lignes directrices de l’Ordre des médecins et chirurgiens. L’Ordre est censé avoir des lignes directrices concernant ce qu’il convient de dire aux gens au sujet de la Commission du consentement et de la capacité, l’accès à l’aide juridique, etc. J’ai téléphoné à l’Ordre des médecins et chirurgiens. On m’a dit qu’il n’y avait pas vraiment de lignes directrices, mais qu’il y avait des indications dans une directive professionnelle relative à la capacité. Quand j’ai consulté cette directive, je n’y ai pas trouvé grand-chose relativement aux obligations des praticiens.

Groupe de discussion – Conseillers et défenseurs, droits, 25 septembre 2014

De plus, comme nous l’expliquons en détail au chapitre XI, il y a de très grandes variations parmi les professionnels de la santé quant à la nature et à l’importance de la formation qu’ils reçoivent dans le domaine de la capacité juridique et du consentement. Ils peuvent donc n’avoir qu’une compréhension limitée des questions qui se posent, d’une façon générale, en matière de capacité juridique et de consentement, et une compréhension encore moindre des droits procéduraux des personnes jugées incapables de donner leur consentement.

Un certain nombre d’intervenants ont souligné que, d’après la Loi de 1992 sur le consentement au traitement, version antérieure de la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé, les gens avaient droit aux services d’un conseiller indépendant dans certaines situations, notamment en cas de présentation à la CCC d’une requête en vue d’obtenir des directives concernant les désirs antérieurement exprimés par une personne ou d’une requête demandant la permission de déroger à des désirs antérieurement exprimés. Le conseiller était tenu d’informer la personne de la décision ou de la constatation la concernant, de lui expliquer les conséquences de la décision ou constatation d’une façon qui tienne compte de ses besoins particuliers, et de la renseigner sur les droits dont elle pouvait se prévaloir, comme le droit de contester la décision ou constatation. La CDO a reçu plusieurs recommandations visant à rétablir l’accès à ce genre de conseils dans la LCSS, au moins dans quelques situations, grâce à la création ou à l’expansion de la fonction d’information sur les droits prévue dans la LSM. Ainsi, le Mental Health Legal Committee a soutenu ce qui suit :

[traduction] C’est sans doute un lieu commun, mais il vaut la peine d’insister sur le fait que les personnes vulnérables ont besoin de systèmes améliorés de protection de leurs droits. Dans le cas des patients des établissements psychiatriques, l’intervention de conseillers indépendants en matière de droits, prévue dans la LSM et dans la LCSS, joue un rôle important dans la protection des droits des personnes qui sont involontairement détenues, jugées incapables à différents égards ou sont assujetties à une ordonnance de traitement en milieu communautaire. Les conseillers en matière de droits jouent un rôle essentiel lorsqu’ils aident les patients ayant des déficiences cognitives à donner suite à leur désir de contester une constatation d’incapacité en remplissant les documents voulus et en les présentant à la CCC, en les mettant en rapport avec des avocats spécialisés dans ce domaine et en remplissant des demandes destinées à Aide juridique Ontario pour obtenir le financement de leurs frais juridiques. Chose intéressante, il est également obligatoire de donner des conseils sur les droits aux mandataires spéciaux prévus dans une ordonnance de traitement en milieu communautaire.

Il n’y a pas de régime indépendant d’information sur les droits liés aux constatations d’incapacité en dehors du contexte de la LSM. Dans ce cas, les conseils sur les droits sont censés être donnés par l’évaluateur ou l’appréciateur ou sont simplement laissés au patient. À part les conseils indépendants obligatoires en matière de droits, les personnes qui n’acceptent pas une constatation d’incapacité n’ont généralement pas l’occasion de la contester.

Aucun principe ne saurait justifier la prestation de conseils indépendants matière de droits dans certains cas mais pas dans d’autres, si une personne est jugée incapable, courant ainsi le risque de se voir privée d’une importante partie de son autonomie ou de sa liberté. Par conséquent, le MHLC recommande que des modifications législatives soient adoptées en vue d’imposer la prestation de conseils indépendants en matière de droits dans tous les cas où une personne est jugée incapable à l’égard d’un traitement, de la gestion de ses biens ou de son admission en foyer de soins de longue durée[155].

D.   Application des cadres de la CDO

Comme nous l’avons mentionné au chapitre IV, les débats relatifs à la capacité juridique et à sa définition sont souvent exposés en fonction des principes contradictoires de l’autonomie et de la « bienfaisance » ou sécurité. D’une certaine façon, ce domaine du droit peut être conçu comme mécanisme servant à trouver un certain équilibre entre les deux principes et à les concrétiser. Une détermination de la capacité juridique peut être un moyen de protéger la liberté individuelle de faire des choix au sujet de sa propre vie ou de prévenir ou de faire cesser les abus ou la négligence dont peuvent faire l’objet des personnes vulnérables à cause de capacités décisionnelles diminuées.

Comme pour l’application des principes à tous les aspects de ce domaine du doit, il importe de ne pas perdre de vue le lien étroit qui existe en pratique entre les deux principes. Par exemple, si une évaluation mal faite de la capacité aboutit à une admission impropre à des soins de longue durée, il y a un effet direct et important sur la réalisation du principe de la participation et de l’inclusion.

Ce lien direct et vital avec les principes signifie que les dispositions législatives doivent être adéquatement conçues et mises en œuvre : autrement, les lois risquent en fait de compromettre les principes. Ce facteur a été reconnu au stade de l’élaboration des mesures législatives et dans beaucoup de leurs aspects, particulièrement les garanties procédurales entourant l’évaluation de la capacité juridique. Les processus d’évaluation doivent intrinsèquement entraîner la protection et la promotion de l’autonomie et de la sécurité, tout en respectant les principes sur lesquels ils se fondent eux-mêmes.

La CDO craint que, sous différents aspects, les processus actuels d’évaluation de la capacité ne respectent pas les principes et, dans certains cas, vont même à leur encontre.

Les Cadres mettent en évidence les difficultés que peuvent connaître des personnes handicapées ou des personnes âgées pour se retrouver dans des processus compliqués ou comportant de multiples étapes, ainsi que l’importance qu’il y a soit à les aider à s’orienter dans le labyrinthe administratif soit à simplifier les processus. Comme nous l’avons vu au chapitre IV et plus haut dans le présent chapitre, la capacité juridique est un concept contextuel multidimensionnel. Lorsqu’on cherche à en aborder les différentes dimensions, on constate que les systèmes entourant l’évaluation de la capacité ont de multiples points d’entrée comportant des processus et des conséquences différentes ainsi que des zones déroutantes de chevauchement et de différenciation. Toutefois, il est important d’examiner les moyens de faciliter l’accès à ces processus pour les personnes handicapées et les personnes âgées. Le système actuel d’accès aux évaluations de la capacité prévues par la LPDNA présente, pour ces personnes, un certain nombre d’obstacles à cause de son coût et de sa complexité. C’est particulièrement vrai dans le cas des personnes handicapées et des aînés, qui risquent le plus d’être directement touchés par ce processus : en effet, ils sont les plus susceptibles de ne pas disposer des fonds nécessaires pour payer une évaluation de la capacité et d’avoir des difficultés à se retrouver sans aide dans des systèmes complexes. Les Cadres soulignent l’importance de simplifier les systèmes complexes et de les rendre plus transparents et plus accessibles ou, à défaut, de proposer des services d’aide ou de défense de droits pour faciliter leur utilisation.

Les Cadres insistent également sur l’extrême importance d’informer adéquatement les personnes handicapées et les personnes âgées de leurs droits et de faire en sorte que les processus en place leur permettent de s’en prévaloir. La communication de l’information et la mise en œuvre des processus nécessaires pour accéder aux droits sont en soi essentielles pour promouvoir l’autonomie et la dignité dans ces groupes. À défaut de tels processus, ces personnes ne seront pas en mesure de faire valoir les principes, même si ceux-ci sont intrinsèquement respectés dans la loi. Ces considérations soulignent la gravité des préoccupations exprimées au sujet de l’information sur les droits dans le régime actuel. Ce qui est vraiment grave, c’est que rien ne garantit en pratique que les personnes jugées incapables en vertu de la LCSS – et, par conséquent, inaptes à prendre des décisions les concernant elles-mêmes – sont informées de leur droit de contester la constatation d’incapacité ou simplement avisées de la constatation et de ses effets. Compte tenu de ce que la CDO a appris grâce à ses recherches et ses consultations, il semble que beaucoup de personnes âgées et de personnes handicapées sont privées de cette garantie élémentaire. C’est là une lacune claire et sérieuse de la législation actuelle.

Les recherches et les consultations de la CDO ont fait ressortir l’énorme écart qui peut exister entre le concept abstrait de la capacité juridique, selon la description qui en est donnée dans la loi, et l’application courante de la loi, notamment par les professionnels, les familles et les personnes directement touchées. Les besoins pratiques courants et la compréhension populaire de la loi – dictée par le bon sens – conditionnent dans une grande mesure son application. Comme ce domaine du droit s’appuie pour une grande part sur les efforts et la compréhension de particuliers, l’écart entre la législation et l’expérience vécue est profond et constitue un défi en matière de réforme du droit. Comme le montre le présent chapitre, des préoccupations particulières sont suscitées par les lacunes des études et de la formation des professionnels chargés d’évaluer la capacité de consentir à un traitement, ainsi que des examens de la capacité de consentir à l’admission à des soins de longue durée et à des services d’aide personnelle. Le manque de normes claires et de mécanismes cohérents de prestation de services dans le cadre des études et de la formation met en péril l’autonomie, la sécurité et la dignité des personnes incapables ou pouvant être jugées comme telles.

Les principes de diversité (dont la définition est légèrement différente dans chaque Cadre), de même que l’insistance des Cadres sur l’importance de l’expérience vécue dans la compréhension des principes, nous rappellent que les expériences et les besoins des personnes pouvant être touchées par ce domaine du droit peuvent varier assez considérablement : il est important, lors de l’évaluation de la capacité juridique, que les différences touchant le sexe, la langue, la culture, l’invalidité, le lieu géographique et d’autres facteurs soient prises en considération dans la mesure du possible. Comme nous l’avons noté plus haut, il faut tenir compte adéquatement des besoins liés à l’invalidité, comme ceux de la communauté des personnes sourdes de naissance ou des personnes aphasiques, ainsi que des besoins liés aux différences culturelles, comme dans le cas des Autochtones. Il en est de même des besoins des personnes vivant dans des collectivités isolées ou rurales. Les recherches et les consultations de la CDO ont mis en évidence les besoins et les obstacles particuliers des résidents des foyers de soins de longue durée.

E.     La CDO et la réforme

Les systèmes ontariens d’évaluation de la capacité ont de la difficulté à trouver un juste équilibre entre le besoin de nuances et les problèmes de complexité, entre l’importance de l’application régulière de la loi et les besoins d’accessibilité et d’efficacité ainsi qu’entre les avantages de l’expertise et de la spécialisation et le coût de la formation et de la rigueur. Il n’y a pas de conception unique qui puisse servir dans tous les cas : tout régime aura ses inconvénients. De plus, beaucoup de participants aux consultations ont trouvé des aspects positifs dans le système actuel, surtout au niveau des intentions. Par conséquent, plutôt que de recommander une réforme radicale des systèmes ontariens d’évaluation de la capacité, la CDO a essayé de cerner des solutions pratiques pouvant maintenir et – nous l’espérons – renforcer les aspects positifs de la conception actuelle et en réduire les aspects négatifs.

Les questions qui préoccupent le plus la CDO sont celles qui touchent à la qualité de certains types d’évaluation et aux lacunes liées aux garanties procédurales de base accordées à toutes les personnes soumises à l’évaluation. La CDO se soucie aussi de l’accessibilité des évaluations menée en vertu de la LPDNA, surtout en ce qui concerne le coût, l’aide à apporter (surtout aux personnes ayant des besoins spéciaux) pour s’orienter dans le système et le lieu géographique. La CDO croit que le Bureau d’évaluation de la capacité devrait, à mesure qu’il disposera des ressources nécessaires, continuer à chercher des moyens de régler ces importantes questions. Toutefois, il est généralement admis que les évaluations de la capacité en vertu de la LPDNA sont soumises à des normes claires et appropriées, et que la plupart des évaluateurs font preuve d’un niveau suffisant de compétence et de réceptivité. Dans le cas des évaluations en vertu de la LCSS, la situation est plus alarmante, les observateurs étant généralement inquiets du manque de normes claires, de l’application incohérente des dispositions législatives en vigueur et du manque de mécanismes efficaces permettant aux personnes touchées de se prévaloir de leurs droits.

Le fait de prévoir des garanties procédurales a un prix, tant au niveau financier que sur le plan de l’efficacité des services. La conception du système doit en tenir compte. La CDO est cependant d’avis que, pour des personnes vulnérables, certains droits et protections de base ne sont pas négociables.

La CDO formule, au chapitre XI, des projets de recommandation traitant de l’information, des études et de la formation. Une meilleure compréhension des droits et obligations devrait réduire quelque peu la confusion qui règne dans le domaine des évaluations de la capacité en Ontario, améliorer la qualité des évaluations et aider les familles et les particuliers à affirmer leurs droits. Toutefois, la CDO croit que l’amélioration de l’éducation et de l’information ne suffira pas, seule, pour régler les problèmes que pose la LCSS. Le manque de normes claires et d’une surveillance adéquate de l’évaluation en vertu de la LCSS engendre une situation dans laquelle les lacunes systémiques comme celles qui ont été signalées ne sont pas vraiment surprenantes. Par conséquent, les projets de recommandation de la CDO sont axés sur ce qui suit :

·       Établissement de normes claires et exécutoires régissant les évaluations de la capacité menées en dehors de la LPDNA, afin que ceux qui s’en chargent comprennent clairement leurs obligations et que les personnes évaluées aient des droits définis et soient en mesure de déterminer si leurs droits ont été respectés;

·       Surveillance améliorée des évaluations de la capacité en vertu de la LCSS, en vue de l’élaboration de démarches pouvant remédier aux lacunes systémiques qui existent dans ce domaine, particulièrement en ce qui concerne les droits procéduraux.

Les projets de recommandation formulés par la CDO maintiennent la perspective de base adoptée lors de la mise en place de la LPDNA et de la LCSS et visent à apporter des améliorations progressives. Toutefois, la CDO croit qu’il faudrait soigneusement suivre les résultats de ces améliorations. Si des progrès sensibles ne sont pas évidents après une période raisonnable, la CDO est d’avis que le gouvernement devrait envisager une refonte fondamentale de l’évaluation en vertu de la LCSS afin de renforcer l’application de la loi dans ce domaine du droit et de veiller à ce que les personnes touchées aient accès à une protection procédurale de base.


F.     Projets de recommandation


1.     Motifs d’évaluation

Il est implicite, dans la législation ontarienne relative à la capacité juridique, à la prise de décision et à la tutelle, que la prise de décision au nom d’autrui n’est nécessaire que s’il y a à la fois un manque de capacité juridique et un besoin de prendre une décision. Le manque de capacité juridique n’est pas suffisant en soi pour justifier l’empiètement sur l’autonomie qu’implique la prise de décision au nom d’autrui. En pratique, beaucoup de personnes qui seraient jugées légalement incapables ne sont jamais ni évaluées ni soumises à la prise de décision au nom d’autrui car, dans leur cas, aucune décision importante n’a à être prise dans un domaine couvert par la législation sur la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle.

Aux termes de la LCSS, des évaluations de la capacité de consentir à un traitement ou à l’admission en foyer de soins de longue durée ne sont jugées nécessaires que si on envisage d’administrer un traitement ou de fournir un service précis et qu’il y a des motifs raisonnables de mettre en doute la présomption de capacité à donner un consentement, c’est-à-dire lorsqu’il existe un besoin clair, actuel et précis[156].

La LPDNA, par ailleurs, n’exige pas qu’il existe un motif précis d’évaluation. Les personnes en cause ont plutôt le droit de refuser l’évaluation. Les Lignes directrices imposent clairement aux évaluateurs de la capacité d’informer la personne de son droit de refus. De plus, les Lignes directrices soulignent ce qui suit :

L’évaluation systématique de catégories entières d’individus ne peut pas et ne doit pas être acceptée, puisqu’elle revient à juger à l’avance la capacité d’une personne en raison de son appartenance à une certaine catégorie. Par exemple, il est incorrect de présumer que toutes les personnes qui présentent une déficience intellectuelle doivent être incapables en raison de leur déficience. Il est incorrect de présumer qu’un diagnostic de trouble psychiatrique grave, comme la schizophrénie, rend une personne incapable de prendre des décisions concernant ses soins personnels ou ses besoins financiers[157].

La formule C que doit remplir l’évaluateur de la capacité lui impose de préciser le motif de l’évaluation, par exemple « Renseignements concernant l’incapacité de la personne de prendre soin d’elle-même » ou « Renseignements selon lesquels la personne met en danger ou pourrait mettre en danger son bien-être ou sa sécurité ».

Comme nous l’avons signalé ci-dessus à la section B.2 du présent chapitre, de nombreuses évaluations sont faites à des fins qui ne sont pas prescrites par la Loi, comme l’établissement d’un testament ou d’une procuration. Dans ce cas, les évaluateurs de la capacité présentent une « lettre d’opinion » et ne sont pas assujettis à la LPDNA.

La LSM exige explicitement que toutes les personnes admises dans un établissement psychiatrique soient soumises à un examen de la capacité de gérer leurs biens, à moins que ces biens ne soient déjà placés sous tutelle en vertu de la LPDNA ou d’une procuration perpétuelle relative aux biens. Comme nous l’avons déjà noté par ailleurs, ces dispositions ont pour objet de protéger ce groupe et de prévenir une importante perturbation de la vie des personnes admises dans un établissement psychiatrique par suite de leur inaptitude à gérer leurs biens au cours de cette période. Toutefois, l’examen obligatoire de toutes les personnes admises est inhabituel dans le contexte du plan législatif d’ensemble puisqu’il infirme la présomption de capacité dans le cas de ce groupe particulier (les personnes admises dans un établissement psychiatrique) en soumettant tous ses membres à un examen à cause de leurs troubles psychiatriques. Autrement dit, on semble associer, par présomption, les troubles psychiatriques à un manque de capacité de gestion des biens et à un besoin de tutelle. Même s’il peut sembler indiqué d’envisager la nécessité d’un examen dans tous les cas, il est probablement excessif d’exiger invariablement cet examen.

Comme nous l’avons déjà signalé, l’évaluation de la capacité est un processus qui empiète sur la vie privée et qui peut avoir d’importantes conséquences sur les droits des personnes en cause. La CDO est d’avis que l’évaluation ne devrait avoir lieu que si elle est nécessaire dans l’intérêt de la personne. Elle ne devrait pas se produire sur la base de présomptions touchant des catégories particulières d’individus ou viser à favoriser les intérêts de membres de la famille ou de prestataires de services.

Compte tenu des préoccupations soulevées au cours des consultations au sujet du recours impropre aux évaluations de la capacité, la CDO croit qu’il est nécessaire d’établir clairement l’objet ou le motif précis de l’évaluation. Nous avons souligné, à la section III.E.1, l’importance qu’il y aurait à préciser l’intention de la loi dans ce domaine afin d’assurer une application appropriée. C’est là un exemple de la façon de réduire l’utilisation abusive de la Loi en en exprimant plus clairement l’intention.

La législation albertaine exige, pour déclencher une évaluation de la capacité en matière de biens ou de soin de la personne, qu’il y ait un sujet valable de préoccupation, c’est-à-dire un événement qui mette en danger la personne en cause ou d’autres et qui semble être causé par l’inaptitude à prendre une décision[158]. Les évaluateurs doivent connaître le motif pour lequel une évaluation de la capacité a été demandée et se familiariser avec les circonstances qui ont abouti à la demande[159]. La CDO croit que ces dispositions plus fermes, qui associent l’inaptitude à prendre des décisions au besoin d’une intervention telle que la tutelle, constituent une démarche efficace qu’il serait utile d’adopter en Ontario. La CDO estime qu’il conviendrait de renforcer les dispositions figurant dans la formule C, établie aux termes du Règlement 460/05, que les évaluateurs de la capacité doivent remplir. De plus, il serait aussi utile, conformément au projet de recommandation 1, d’inclure dans la LPDNA un énoncé clair des motifs appropriés d’évaluation de la capacité.

PROJET DE RECOMMANDATION 5. 
             Que le gouvernement ontarien actualise

a)     la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui afin d’énoncer clairement les motifs appropriés d’évaluation de la capacité;

b)     la formule C établie en vertu de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui afin de préciser que les évaluateurs doivent connaître la raison pour laquelle l’évaluation de la capacité a été demandée, et que la capacité relative aux biens ou au soin de la personne doit être évaluée seulement si les deux facteurs suivants sont réunis :

i.     il existe un motif valable de s’inquiéter de l’aptitude d’une personne à prendre des décisions,

ii.     des décisions doivent être prises.

La CDO croit que les examens de la capacité de gérer ses biens menés en vertu de la LSM devraient avoir un motif précis, les exigences actuelles étant incompatibles avec la présomption de capacité. Toutefois, afin de ne pas décourager l’aide aux personnes qui ont vraiment besoin d’un mandataire spécial pour éviter la perte de leurs biens pendant leur séjour dans un établissement psychiatrique, les critères ne devraient pas être trop stricts. Par exemple, les médecins ne devraient pas être tenus d’enquêter sur les arrangements financiers des patients.

La CDO recommande que le motif d’une évaluation effectuée en vertu de la LSM soit harmonisé avec celui que prévoit la LCSS en inscrivant dans la LSM une disposition exigeant qu’il y ait des « motifs raisonnables » de croire à un manque de capacité juridique de gérer ses biens. Cela mettrait à la disposition d’un médecin qui envisage un examen en vertu de la LSM un critère avec lequel il a eu l’occasion de se familiariser dans l’exercice de ses fonctions et éviterait d’ajouter à la complexité du régime législatif.

PROJET DE RECOMMANDATION 6.  
            Que le gouvernement ontarien modifie l’article 54 de la Loi sur la santé mentale afin d’imposer aux médecins d’examiner la capacité des patients de gérer leurs biens s’ils ont des motifs raisonnables de croire que ceux-ci n’ont peut-être pas la capacité juridique de le faire et qu’ils pourraient de ce fait subir des conséquences négatives.

2.     Accès aux évaluations de la capacité en vertu de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui

Comme le montrent clairement les analyses qui précèdent, les évaluations effectuées par des évaluateurs de la capacité désignés sont essentielles pour établir une tutelle quand le besoin s’en fait sentir et pour y mettre fin lorsqu’elle n’est plus nécessaire. Par conséquent, les évaluations sont étroitement liées à la préservation de la sécurité de la personne et de son autonomie. Dans ces conditions, un accès insuffisant à l’évaluation de la capacité peut compromettre les droits fondamentaux.

Il est également clair que certains individus peuvent trouver très difficile d’accéder à l’évaluation de la capacité : ils auront tendance à se recruter parmi les plus vulnérables, comme les personnes à faible revenu, les personnes peu instruites ou dont l’anglais est la langue seconde, ceux qui vivent dans des collectivités isolées, les membres de différentes communautés culturelles et les Autochtones. Dans un modèle de consommation, comme celui qui a été adopté en matière d’évaluation de la capacité, où il incombe aux intéressés de se familiariser eux-mêmes avec le processus et d’en assumer le coût, les obstacles de ce genre peuvent sensiblement influencer l’aptitude à comprendre ses droits et à s’en prévaloir indépendamment de sa capacité juridique de prendre des décisions. Le Bureau d’évaluation de la capacité joue un rôle important en aidant les gens à accéder à l’information et en gérant le fonds destiné à financer ceux qui satisfont aux critères de revenu. Toutefois, d’autres efforts sont nécessaires pour que les groupes vulnérables ne soient pas défavorisés au chapitre de l’accès à leurs droits.

PROJET DE RECOMMANDATION 7
.              Que le gouvernement ontarien élabore et mette en œuvre une stratégie destinée à éliminer les obstacles liés à l’information, à l’orientation, à la communication et à d’autres aspects et à faciliter l’accès à l’évaluation de la capacité en vertu de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui pour les personnes vivant dans des collectivités éloignées ou des Premières Nations, les personnes nouvellement arrivées au Canada, les personnes qui doivent affronter des obstacles à la communication, y compris, entre autres, les personnes sourdes, les personnes devenues sourdes, les malentendants, les personnes dont l’anglais ou le français ne sont pas la première langue, les personnes à faible revenu et celles devant surmonter des obstacles.

3.     Normes minimales communes pour toutes les évaluations de la capacité

Comme nous l’avons vu plus haut, la LPDNA donne des indications claires et complètes sur la façon de mener les évaluations de la capacité dans les Lignes directrices en matière d’évaluations de la capacité, contrairement à la LSM et à la LCSS qui ne donnent aucune indication à cet égard. Ces deux dernières lois laissent en effet ce rôle aux multiples ordres qui sont chargés de réglementer les professions de la santé et dont les directives dans ce domaine varient considérablement par leur portée et leur contenu. Il est difficile de comprendre sur quelles bases rationnelles on s’est fondé pour permettre que la qualité et les normes des évaluations présentent des écarts aussi larges en fonction non seulement de la discipline en cause, mais aussi de chaque praticien chargé de procéder à une évaluation. Même s’il existe certaines différences fondées sur le domaine ou le type particulier de traitement pour lequel un consentement est recherché, les évaluations de la capacité doivent ou devraient avoir une nature fondamentale commune et se fonder sur les mêmes principes de base. Autrement dit, les personnes évaluées ont des droits fondamentaux qui ne doivent ou ne devraient pas simplement dépendre d’un jugement professionnel.

De plus, la CDO estime, sur la base de ces consultations, que le manque d’indications claires contribue non seulement à semer la confusion, mais aussi à abaisser la qualité des évaluations de la capacité, surtout si celles-ci portent sur le traitement ou l’admission à des soins de longue durée aux termes de la LCSS.

La CDO en conclut qu’il faudrait élaborer des lignes directrices officielles régissant les évaluations faites en vertu de la LCSS sur le modèle des Lignes directrices établies aux termes de la LPDNA. À cause des différences contextuelles qui existent entre les évaluations liées aux biens et celles qui sont destinées à obtenir le consentement au traitement ou à l’admission à des soins de longue durée, ces lignes directrices ne seraient pas identiques, mais elles auraient les mêmes principes de base, y compris ce qui suit :

·       Une explication de l’objet des évaluations et de la nécessité d’un motif approprié, de leur contexte dans le régime législatif ontarien régissant le consentement et des droits fondamentaux en cause;

·       Une description du critère « comprendre et évaluer », y compris le droit qu’ont les personnes capables de prendre des décisions que d’autres pourraient juger stupides ou risquées;

·       Des garanties procédurales de base pour ceux qui sont évalués ou examinés, y compris le droit d’être informé de la tenue d’une évaluation ou d’un examen, de l’objet de l’évaluation et des conséquences d’une constatation d’incapacité, le droit à la présence d’un avocat ou d’une personne de confiance au cours de l’évaluation et le droit d’être informé de ses droits avant l’évaluation;

·       L’obligation pour l’évaluateur de prendre des mesures d’accommodement correspondant aux besoins de la personne évaluée afin d’être à même de porter un jugement exact sur leur aptitude à comprendre et à évaluer, y compris la prestation d’aides appropriées à la communication;

·       Des indications sur la conduite des évaluations touchant des populations qui ont des besoins spéciaux, notamment en matière de langue et de culture;

·       Des conseils pratiques de base sur la tenue d’une entrevue d’évaluation.

PROJET DE RECOMMANDATION 8.
              Que le gouvernement ontarien établisse des lignes directrices officielles régissant l’évaluation de la capacité en vertu de la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé, et y intègre des principes de base et des garanties procédurales.

 


4.     Dispositions législatives relatives à l’information sur les droits

La CDO prend très au sérieux les nombreuses plaintes formulées parce que les personnes jugées légalement incapables en vertu de la LCSS ne sont pas convenablement informées, renseignées et conseillées. L’absence de ce genre de soutien dans le cas de personnes jugées légalement incapables qui, par leur nature et leurs circonstances, ont des difficultés à connaître leurs droits et à s’en prévaloir, constitue pour le moins une importante violation de leurs droits procéduraux les plus élémentaires qui pourrait, au pire, les exposer à perdre sans nécessité ou d’une façon impropre leur droit fondamental de prendre elles-mêmes les décisions qui les concernent.

Comme nous l’avons noté plus haut dans le présent chapitre, de nombreux intervenants ont recommandé d’étendre la fonction d’information sur les droits actuellement prévue dans la LSM au moins à quelques situations relevant de la LCSS qui entraînent des changements sensibles du statut juridique. Ces intervenants estimaient que le modèle d’information sur les droits prévu dans la LCSS n’est pas assez rigoureux pour assurer un minimum de protection aux personnes jugées incapables en vertu de la Loi et, de ce fait, que ces personnes n’ont pas un accès approprié aux droits qui leur sont garantis par voie législative.

La CDO a examiné les propositions d’extension de l’information sur les droits au-delà du cadre de la LSM. La conception de cette information assure aux personnes dont les droits sont en jeu et qui sont particulièrement vulnérables l’accès à des renseignements et à des conseils indépendants et spécialisés. Dans l’ensemble, le programme ontarien d’information sur les droits prévus dans la LSM est apprécié et considéré comme un élément essentiel du système de santé mentale de la province.

Tout en admettant que le modèle d’information sur les droits actuellement appliqué a de sérieuses lacunes et que les droits des personnes jugées incapables en vertu de la LCSS ne sont pas suffisamment protégés, la CDO a conclu à regret que l’extension complète et immédiate de l’information sur les droits à toutes les personnes jugées incapables en vertu de la LCSS n’est pas réalisable pour des raisons aussi bien financières que pratiques. Par exemple, dans le seul secteur des soins de longue durée, l’Ontario compte plus de 630 établissements totalisant près de 80 000 lits[160], où un peu plus des trois quarts des résidents ont un certain niveau de déficience cognitive[161]. Répondre à leurs besoins d’information et de conseils en recourant à des conseillers indépendants en matière de droits seraient non seulement coûteux, mais très difficile d’un point de vue logistique. Des efforts considérables ont été consacrés à la mise en œuvre de la Loi de 1992 sur l’intervention : bien que l’abrogation de cette mesure soit attribuable à de multiples raisons, la difficulté de l’entreprise était évidente. La CDO ne croit pas qu’une tentative de rétablissement de cette initiative serait très efficace dans l’environnement démographique, social et économique actuel.

Pour l’immédiat, la CDO a donc axé ses projets de recommandation sur le renforcement du régime actuel d’information sur les droits.

Comme première étape, la CDO croit qu’il est essentiel de préciser et de normaliser les exigences d’information sur les droits afin que les personnes jugées légalement incapables reçoivent toujours les mêmes renseignements de base sur leur situation, ses conséquences et leurs recours et que les praticiens de la santé n’aient pas d’incertitudes quant à la façon de s’acquitter de cette importante responsabilité. Même s’il y a des différences entre les contextes dans lesquels les différentes professions de la santé évaluent la capacité juridique et donnent des renseignements sur les droits, la CDO estime que toutes les personnes jugées incapables devraient avoir accès à un certain nombre de droits procéduraux de base.

La CDO aborde les questions d’éducation et de formation au chapitre XI. La formation des praticiens de la santé en matière d’information sur les droits est importante, mais elle ne suffit pas en soi pour remédier aux lacunes procédurales qui existent. Quand elles se manifestent, la seule façon de les affronter consiste à déposer une plainte auprès de l’ordre de réglementation compétent sur la base des normes et des lignes directrices de la profession de la santé en cause. Si l’ordre professionnel concerné a donné des directives minimales, la personne qui a été mal informée de ses droits n’a aucun recours puisque le praticien de la santé s’est acquitté de son obligation. La CDO croit que, dans ces circonstances, il incombe au gouvernement de définir des normes cohérentes pour assurer une protection procédurale de base aux personnes qui ont été privées de leur liberté de choix.

Une fois que les normes minimales auront été précisées, les projets de recommandation de la CDO en matière d’éducation, de formation et de supervision peuvent réellement servir à favoriser une application efficace de ces normes.

De plus, le fait de prévoir une documentation normalisée concernant la mise en œuvre de ces mesures procédurales permettra non seulement d’encourager les praticiens de la santé à les appliquer uniformément, mais aussi d’établir une surveillance générale de la mise en œuvre qui donnera la possibilité d’évaluer l’efficacité des réformes et de prendre des mesures supplémentaires en fonction des besoins.

PROJET DE RECOMMANDATION 9.

a)         Que le gouvernement ontarien modifie les articles 17, 47.1 et 62.1 de la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé afin de prévoir des normes minimales à appliquer pour informer les personnes jugées légalement incapables de leurs droits, notamment en exigeant

i.     qu’elles soient avisées de la constatation d’incapacité, de ses conséquences, de l’identité du mandataire spécial chargé de prendre des décisions au sujet du traitement et de leur droit de contester la constatation d’incapacité;

ii.     qu’elles reçoivent ces renseignements d’une manière qui corresponde à leurs besoins, en recourant si nécessaire à d’autres moyens de communication;

iii.     que le praticien de la santé leur donne les renseignements nécessaires ou les renvoie aux services compétents pour leur permettre de présenter à la Commission du consentement et de la capacité une requête en révision de la constatation d’incapacité.

b)               Que les ordres de réglementation des professions de la santé continuent à appuyer leurs membres et à les sensibiliser aux moyens de satisfaire à ces normes minimales grâce à des lignes directrices et à une formation professionnelle appropriée.

c)                Que le gouvernement ontarien, pour appuyer la mise en œuvre de la présente recommandation, modifie la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé pour imposer aux praticiens de la santé qui aboutissent à une constatation d’incapacité de remplir une formule réglementaire simple semblable à la formule 33, « Avis donné au/à la malade », établie en vertu de la Loi sur la santé mentale.

La CDO croit que la mise en œuvre du projet de recommandation 9 améliorerait l’application du régime d’information sur les droits. Il importe cependant de reconnaître les lacunes inhérentes de tout régime de ce genre, les praticiens de la santé étant tenus de donner des renseignements sur des droits légaux et procéduraux qui ne font pas partie de leur domaine de compétence et de le faire dans des situations où ils viennent eux-mêmes de déterminer que la personne en cause est incapable et qu’une contestation de leur jugement les amènerait à comparaître devant la CCC. Tout régime d’information sur les droits comporte inévitablement des difficultés quant à l’application régulière de la loi. Il est évident que l’accès aux conseils d’un expert indépendant serait préférable.

Même s’il est vrai qu’un modèle d’information complète sur les droits, dans lequel des conseils indépendants et spécialisés sont donnés à chaque personne jugée incapable à l’égard du traitement et des soins de longue durée, est irréalisable en pratique, comme nous l’avons vu plus haut, il pourrait y avoir des moyens de trouver une formule intermédiaire pouvant quand même favoriser les droits des personnes concernées.

Le Service des intervenants indépendants en matière de capacité mentale (Independent Mental Capacity Advocates, ou IMCA) d’Angleterre et du Pays de Galles est un exemple de programme de défense de droits ciblant particulièrement les situations les plus graves et les personnes les plus vulnérables. La loi intitulée Mental Capacity Act 2005 qui a créé le Service l’a chargé d’aider [traduction] « les personnes particulièrement vulnérables n’ayant pas la capacité de prendre des décisions importantes à propos de traitements médicaux graves et de changements dans leur logement et qui n’ont aucun membre de leur famille ou ami qu’il serait indiqué de consulter relativement à ces décisions[162] ». Un IMCA doit s’occuper d’une personne incapable qui n’a personne pour la soutenir chaque fois qu’un traitement médical sérieux est proposé ou qu’un séjour en foyer de soins de longue durée est envisagé[163]. Les IMCA doivent avoir une expérience particulière, avoir suivi la formation IMCA, être intègres et de bonne réputation et pouvoir agir de façon indépendante[164]. Ils ont des pouvoirs étendus leur permettant d’agir sans instructions dans certaines conditions, de mener des recherches et des enquêtes et de contester eux-mêmes des décisions. La CDO n’envisage pas des pouvoirs aussi étendus, qui peuvent convenir dans le contexte plus vaste de la Mental Capacity Act 2005, où les praticiens de la santé, les travailleurs sociaux et d’autres professionnels sont habilités à prendre eux-mêmes des décisions au nom de clients jugés légalement incapables, mais qui s’inscriraient mal dans la conception ontarienne. Le modèle IMCA peut plutôt nous aider à trouver des moyens d’accorder d’une manière ciblée certaines formes de conseils sur les droits.

Les partenariats médecine-justice, appelés parfois partenariats santé-justice, constituent un autre modèle possible. Ils sont courants aux États-Unis et commencent depuis peu à être connus en Ontario. Ils font partie d’une exploration plus vaste d’approches pluridisciplinaires des services juridiques. Les partenariats santé-justice se fondent sur une reconnaissance des multiples interactions entre les besoins juridiques et les problèmes de santé. Ils s’inspirent d’un modèle pluridisciplinaire intégrant [traduction] « l’accès aux services juridiques comme élément essentiel des soins de santé[165] ». Les partenariats santé-justice prêtent un caractère officiel à une « culture de défense des droits[166] » dans le contexte clinique en répondant à toute une gamme de besoins juridiques qui ont manifestement des effets sur la santé et le bien-être, y compris les questions de revenu et d’assurance, le logement et les services publics, l’éducation et l’emploi, la situation juridique, le droit familial ainsi que les questions de capacité et de tutelle. D’une façon générale, les partenariats santé-justice font intervenir des équipes de soins pluridisciplinaires (ordinairement constituées de prestataires de soins de santé, d’avocats de l’aide juridique ou d’avocats bénévoles, de travailleurs sociaux et d’étudiants en droit[167]) qui collaborent [traduction] « pour cerner les causes profondes des problèmes qui engendrent des besoins, comprendre le contexte étendu dans lequel les besoins juridiques se manifestent et chercher d’une manière proactive à combattre les tendances nuisibles du système[168] ». En utilisant au mieux les ressources de partenaires communautaires – services d’aide juridique, facultés de droit, cabinets d’avocats bénévoles, hôpitaux, centres de santé, écoles de médecine, programmes de résidence – pour cerner, trier et régler les problèmes juridiques qui nuisent à la santé et en intégrant le système de renvoi dans l’infrastructure existante des soins de santé et le processus de consultation médicale, il devient possible de minimiser le coût assumé pour ouvrir aux patients-clients l’accès à l’assistance juridique.

Il existe actuellement plusieurs partenariats santé-justice en Ontario. L’organisme Pro Bono Law Ontario (PBLO) a établi de tels partenariats dans un certain nombre d’hôpitaux, dont le Hospital for Sick Children de Toronto, le Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario à Ottawa, le Holland Bloorview Kids Rehabilitation Hospital et le McMaster Children’s Hospital. Ces programmes proposent de l’aide lorsque l’emploi, le logement ou les avantages sociaux d’un parent sont menacés parce qu’il doit prendre soin d’un enfant malade ainsi qu’en cas de violence familiale ou de problèmes d’immigration, par exemple[169]. Les avocats de triage de PBLO évaluent les besoins des patients-clients au cours d’entrevues de dépistage de problèmes juridiques, donnent des conseils juridiques élémentaires, établissent des documents et renvoient des gens à l’aide juridique ou à des avocats bénévoles[170]. Les avocats du secteur privé qui participent aux initiatives bénévoles de PBLO proposent en général de l’aide aux familles sous forme de conseils ou de représentation dans des affaires touchant le droit administratif, le droit de l’immigration et des réfugiés, le droit familial ou la planification successorale dans le cas des familles ayant un enfant atteint d’une invalidité permanente[171]. L’ARCH Disability Law Centre et l’équipe de santé familiale de St. Michael’s ont formé un partenariat pour s’attaquer aux dimensions juridiques des problèmes de santé et de pauvreté dans une démarche fondée sur un modèle de développement communautaire et un cadre de promotion des droits des personnes handicapées. Diverses autres cliniques se sont jointes à cette initiative[172], qui propose des services juridiques aux patients-clients, une formation juridique aux professionnels de la santé et du leadership en matière de défense systémique des intérêts et de réforme du droit[173]. Aide juridique Ontario assure le financement de l’initiative. Au terme du projet pilote actuel, le partenariat devrait s’étendre à cinq autres sites d’équipes de santé familiale[174].

Les partenariats santé-justice ont plusieurs aspects prometteurs, et notamment la possibilité de dispenser des services juridiques dans un contexte de soins de santé et la collaboration entre différents professionnels et organisations. Dans le cas du partenariat entre l’ARCH Disability Law Centre et St. Michael’s, il y a lieu de noter l’approche élargie des services juridiques comprenant non seulement des services directs, mais aussi une formation juridique des professionnels de la santé et la création de capacités en matière de défense systémique des droits. Cette conception de la promotion des droits et de l’accès à la justice comme éléments essentiels des soins de santé met en évidence le changement d’orientation nécessaire pour intégrer efficacement la protection des droits dans l’évaluation de la capacité et le consentement au traitement[175]. Les partenariats santé-justice pourraient bien favoriser l’inclusion et la participation, promouvoir l’autonomie et l’indépendance et faire évoluer les réactions à la diversité :

·       en faisant participer les avocats aux soins de santé grâce à la prestation de services bénévoles d’assistance juridique sur place ou sur une base externe,

·       en habituant les professionnels de la santé à aller au-delà du profil médical du patient pour mieux comprendre le contexte dans lequel il vit, travaille et se divertit afin de cerner les problèmes juridiques susceptibles de nuire à sa santé,

·       dans les domaines du droit où les partenariats santé-justice proposent des services, en renseignant le patient-client (et sa famille) sur ses droits et sur les moyens de les faire valoir pour être en mesure de participer activement au renforcement ou au rétablissement de sa santé future,

·       en développant le modèle pour l’étendre à de multiples populations vulnérables ayant des problèmes et des besoins particuliers.

Toutefois, on est en butte à une difficulté fondamentale lorsqu’on cherche à adapter des initiatives de ce genre pour renforcer la protection des droits des personnes jugées légalement incapables dans le contexte du consentement au traitement et de l’admission à des soins de longue durée : ce contexte exige que l’information ou les conseils sur les droits servent à contester une décision ou une mesure prise par un professionnel de la santé. À moins qu’un patient ne demande explicitement d’être renvoyé à un avocat de triage, il incombe au professionnel de la santé de signaler les problèmes juridiques. S’il renvoie une personne à des services d’intervention juridique contre une partie extérieure telle qu’un employeur ou un propriétaire, ce modèle fonctionne bien parce que le professionnel de la santé agit comme représentant de son patient. Toutefois, si celui-ci demande de l’information ou des conseils sur ses droits afin de les faire valoir contre le professionnel de la santé, ce modèle ne règle pas le problème découlant du conflit d’intérêts. Dans leur forme actuelle, les partenariats santé-justice ne garantissent ni la participation et l’engagement des professionnels de la santé ni la communication de renseignements et de conseils objectifs et appropriés au patient-client. Il faudrait réfléchir davantage pour trouver un moyen de remédier à cette lacune et d’adapter le modèle du partenariat santé-justice aux besoins particuliers qui se manifestent dans ce contexte.

PROJET DE RECOMMANDATION 10.            Que le gouvernement ontarien examine les moyens de donner aux personnes jugées incapables en vertu de la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé des conseils indépendants et spécialisés sur leurs droits, par exemple en adaptant et en transformant quelques-uns des principaux éléments des partenariats santé-justice pour assurer une défense d’intérêts experte et accessible en milieu de soins ou en élaborant des programmes ciblant les personnes les plus vulnérables ou celles dont les droits sont les plus menacés.


5.     Renforcer les rapports, la vérification et les mesures d’amélioration de la qualité

L’établissement de normes minimales claires visant l’information sur les droits est une importante première étape à franchir pour renforcer ces dispositions de la LCSS. Parallèlement à des efforts destinés à améliorer la formation donnée aux praticiens de la santé, selon les recommandations figurant au chapitre XI, cette mesure devrait apporter certaines améliorations dans ce domaine. Toutefois, compte tenu de la nature systémique des préoccupations suscitées et des difficultés que les familles et les particuliers connaissent pour déterminer les cas où l’information sur les droits a été insuffisante et pour remédier à ces lacunes, la CDO croit qu’il est nécessaire d’accorder une certaine attention aux problèmes partout dans le système afin de garantir des droits procéduraux de base.

De plus, comme mesure complémentaire destinée à régulariser et à améliorer la qualité des exigences liées à la capacité, au consentement et à l’information sur les droits en vertu de la LCSS, la CDO a envisagé de recommander une forme de surveillance systémique de la mise en œuvre de ces dispositions. Par exemple, dans son document de 2010 produit dans le cadre du projet de la CDO sur le droit touchant les personnes âgées, l’Advocacy Centre for the Elderly (ACE) avait recommandé de créer une Commission des soins de santé chargée de s’occuper des plaintes déposées par les résidents des foyers de soins de longue durée au sujet du manque de connaissance de leurs droits et de l’absence de mécanismes accessibles pour les faire valoir. Dans l’optique de l’ACE, la Commission des soins de santé devait avoir plusieurs des caractéristiques du Bureau de l’intervenant provincial en faveur des enfants et des jeunes : elle devait être indépendante et s’occuper de défense des droits à l’échelle tant individuelle que systémique.

Toutefois, la CDO a conclu qu’il serait plus utile et peut-être même plus efficace d’intégrer la surveillance et la supervision touchant la capacité juridique et le consentement dans les mécanismes existants de contrôle des soins de santé et des soins de longue durée. Ces secteurs sont déjà hautement fragmentés, comptant de nombreux établissements et intervenants qui s’occupent d’éducation, de formation, de supervision et de contrôle qualitatif.

Qualité des services de santé Ontario

Créé aux termes de la Loi de 2010 sur l’excellence des soins pour tous, l’organisme Qualité des services de santé Ontario (QSSO) a pour mission de poursuivre des objectifs prioritaires comprenant des soins de santé de grande qualité, des organismes de soins de santé et des équipes de cadres qui s’adaptent aux besoins du public et sont transparents et responsables ainsi qu’un système de soins de santé accessible, approprié, efficace, efficient et axé sur les patients[176]. QSSO a pour mandat de surveiller, entre autres, les résultats du système de santé et d’en faire part à la population de l’Ontario[177], de veiller à une amélioration continue de la qualité, de promouvoir les soins de santé en s’appuyant sur des données scientifiques probantes et de s’occuper d’autres questions mentionnées dans les règlements. Dans le cadre de son mandat, QSSO s’occupe de différentes activités, notamment :

·       Production de documents et de rapports annuels destinés tant au public qu’au ministère de la Santé et des Soins de longue durée sur l’état de santé des Ontariens et la qualité des services de santé;

·       Élaboration de plans d’amélioration de la qualité (PAQ), qui « permettent aux organismes de communiquer leurs objectifs en matière d’amélioration et les aident à cibler leurs efforts sur des priorités importantes du système de santé », et qui doivent refléter « le point de vue du client[178] »;

·       Publications de rapports thématiques sur d’importantes questions sectorielles ou intersectorielles ainsi que sur des domaines dans lesquels les intervenants du système de santé pourraient apporter des améliorations, comme le récent rapport sur les soins intégrés[179];

·       Stratégies de mobilisation des patients et du public, comme l’élaboration d’un sondage sur l’expérience des patients en matière de soins primaires[180] et la création d’un Conseil consultatif des patients, des familles et du public[181];

·       Initiatives de transfert de connaissances;

·       Création d’outils et de ressources pour aider les prestataires de services de santé à cerner les lacunes en matière de qualité des soins et de prestation des services et à y remédier[182].

QSSO a également une nouvelle fonction d’ombudsman des patients, qui n’a pas encore été mise en œuvre. L’ombudsman pourra recevoir les plaintes de patients ou d’anciens patients d’organismes du secteur de la santé au sujet des soins, enquêter sur ces plaintes, en faciliter le règlement et formuler des recommandations à l’intention des organismes en cause à l’issue des enquêtes[183].

La CDO est d’avis que le mandat et les fonctions de QSSO pourraient lui permettre de jouer un rôle utile en sensibilisant les organismes du secteur de la santé et leur personnel aux évaluations de la capacité en vertu de la LCSS, notamment en ce qui concerne l’information sur les droits, et en les encourageant à élaborer des stratégies pour remédier aux lacunes dans ces domaines et à en contrôler le succès. Pour que QSSO puisse réussir à cet égard, il serait essentiel qu’il soit en mesure :

·       d’adopter un concept de la qualité comprenant le respect et la promotion de l’autonomie des patients;

·       d’intégrer dans toute initiative la compréhension des fondements juridiques de la capacité et du consentement ainsi que les droits connexes des patients.

Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée

Comme l’explique en détail le Rapport final de la CDO sur le Cadre du droit touchant les personnes âgées, les résidents des foyers de soins de longue durée trouvent particulièrement difficile d’accéder à leurs droits légaux, tant à cause de la nature des établissements qui, de bien des façons, existent à l’écart du reste de la communauté qu’en raison de leur propre situation, puisqu’ils souffrent de plus en plus souvent de déficiences graves pouvant toucher leur capacité de comprendre et d’affirmer leurs droits. Des mécanismes de protection des droits qui répondent bien aux besoins de personnes vivant dans la collectivité peuvent fort bien ne pas suffire dans le cas de cette population. Cette question a fait l’objet d’une analyse approfondie dans un document rédigé en 2010 par l’Advocacy Centre for the Elderly à l’intention de la CDO[184]. Le secteur des foyers de soins de longue durée comprend un certain nombre de mécanismes spécifiques de surveillance, de contrôle et de règlement des plaintes destinés à affronter, au moins en partie, les sérieuses difficultés que connaissent les résidents de ces foyers en matière de protection et de mise en œuvre de leurs droits.

La Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée contient une Déclaration des droits des résidents qui traite directement de beaucoup de questions liées à la capacité juridique, à la prise de décision et au consentement et qui affirme que le résident

·       a droit au respect de sa participation à la prise de décision;

·       a le droit de participer pleinement à l’élaboration, à la mise en œuvre, au réexamen et à la révision de son programme de soins, de donner ou de refuser son consentement à un traitement, à des soins ou à des services pour lesquels la loi exige son consentement et d’être informé des conséquences qui peuvent résulter de sa décision, et de participer pleinement à toute prise de décision en ce qui concerne un aspect quelconque des soins qui lui sont fournis, y compris une décision concernant son admission ou son transfert à un foyer de soins de longue durée ou à une unité de sécurité ou sa mise en congé du foyer ou de l’unité, et d’obtenir un avis indépendant concernant ces questions;

·       a le droit de gérer lui-même ses affaires financières, à moins qu’il n’ait pas la capacité juridique de le faire[185].

Le titulaire de permis d’un foyer de soins de longue durée doit veiller au plein respect et à la promotion des droits des résidents, droits qui sont assimilés à un contrat signé entre chaque résident et le titulaire de permis[186]. Pour faire valoir ces droits, il est donc possible de poursuivre le titulaire pour rupture de contrat. Comme l’a signalé l’Advocacy Centre for the Elderly, ce n’est pas là un moyen très pratique pour permettre à la plupart des résidents de faire respecter les importantes garanties énoncées dans la Déclaration des droits des résidents[187]. La vérification de la conformité à la Déclaration peut également faire partie des inspections effectuées en vertu de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée, qui confère aux inspecteurs le pouvoir de vérifier la conformité aux exigences de la Loi[188].

Depuis l’adoption de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée, le secteur des soins de longue durée a établi un certain nombre de nouveaux mécanismes pour l’amélioration de la qualité, la production de rapports et la vérification de la conformité, et notamment ce qui suit :

·       Le titulaire de permis d’un foyer de soins de longue durée est explicitement tenu de donner à tous les membres du personnel une formation initiale et une formation continue de façon à s’assurer qu’ils « possèdent les compétences et les qualités requises appropriées pour exercer leurs fonctions ». La Loi et les règlements d’application prescrivent un certain nombre de domaines obligatoires de formation, y compris la connaissance de l’« ensemble des lois, des règlements, des politiques du ministère […] qui se rapportent aux responsabilités de la personne[189] ».

·       Le titulaire a l’obligation d’enquêter et de faire rapport sur tout incident critique touchant par exemple le mauvais traitement d’un résident, la négligence à son égard ou une opération avec lien de dépendance avec lui.

·       Le titulaire doit organiser, au moins une fois par an, un sondage auprès des résidents et de leur famille pour mesurer leur degré de satisfaction à l’égard du foyer ainsi que des soins, des services, des programmes et des biens fournis. Il a en outre l’obligation de faire tous les efforts raisonnables pour donner suite aux résultats du sondage et améliorer la qualité des soins[190].

·       Les foyers de soins de longue durée doivent faire l’objet d’une inspection annuelle[191].

·       Le titulaire veille à la création de conseils des résidents et des familles chargés de conseiller les résidents sur leurs droits et obligations, d’examiner certains documents relatifs au foyer, de tenter de régler les conflits entre les résidents et le foyer et de faire part au Directeur de toute préoccupation et recommandation[192].

Le ministère de la Santé et des Soins de longue durée a établi la ligne ACTION pour permettre aux résidents des foyers et à d’autres personnes de signaler toute préoccupation relative aux soins et aux services qu’ils reçoivent en établissement ou à leur domicile. La personne qui reçoit les appels en évalue l’urgence et, s’ils concernent un foyer de soins de longue durée, peut transmettre l’information à un conseiller en conformité pour qu’il ouvre une enquête.

La LFSLD énonce clairement les droits des résidents des foyers de soins de longue durée, et notamment leur droit de prendre leurs propres décisions si possible et d’accéder à des processus efficaces relativement au consentement au traitement et aux soins. La CDO croit que les mécanismes existants de surveillance et d’amélioration de la qualité peuvent et doivent être mobilisés pour permettre aux résidents légalement capables de prendre eux-mêmes les décisions qui les concernent et à l’ensemble des résidents d’exercer leurs droits procéduraux liés à la capacité et au consentement.

Réseaux locaux d’intégration des services de santé

Les réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS) constituent un autre important moyen possible de renforcer la responsabilité et la surveillance. Créés en vertu de la Loi de 2006 sur l’intégration du système de santé local[193] (LISSL), les 14 RLISS ont été établis par le gouvernement ontarien afin de financer et de coordonner les services de santé de la province[194]. Ils ont pour mandat législatif de planifier, de financer et d’intégrer le système de santé local, ce qui implique parfois d’augmenter, de diminuer ou de supprimer le financement ou encore d’exiger qu’un service soit offert en fonction de critères précis[195]. Les RLISS relèvent du ministère de la Santé et des Soins de longue durée (MSSLD) et doivent, sur demande, communiquer des renseignements à Qualité des services de santé Ontario[196].

Conformément à la LISSL, les RLISS doivent déployer des efforts pour améliorer la qualité des services de santé et la satisfaction des patients et des familles qui recourent au système de soins de santé. La LISSL vise à améliorer la santé de la population ontarienne « grâce à un meilleur accès à des services de santé de grande qualité, à des soins de santé coordonnés entre les systèmes de santé locaux et à l’échelle de la province et à une gestion efficace et efficiente du système de santé à l’échelon local par le biais de réseaux locaux d’intégration des services de santé[197] ». Dans le plan stratégique provincial, Priorité aux patients, le MSSLD s’engage à « donner la priorité aux gens et aux patients en améliorant leur expérience relative aux soins de santé et leurs résultats au chapitre de la santé », notamment en aidant les Ontariens à prendre en charge leur santé et en leur donnant l’éducation, l’information et la transparence dont ils ont besoin pour prendre de bonnes décisions au sujet de leur santé[198].

Les RLISS ont le pouvoir de procéder à des vérifications chez les prestataires de services de leur réseau. Ils peuvent également leur imposer de produire les rapports, les plans et les données financières nécessaires pour entreprendre ces examens[199]. En particulier, l’article 22 de la LISSL autorise un RLISS à exiger que tout prestataire de services de santé auquel il accorde ou se propose d’accorder un financement, ou toute entité ou personne prescrite, lui fournisse des plans, rapports, états financiers et autres renseignements. Les RLISS peuvent communiquer les renseignements ainsi recueillis au ministre ou à Qualité des services de santé Ontario.

Les RLISS sont chargés d’évaluer et de surveiller le rendement du système de santé local et de ses services de santé, d’en faire rapport et d’en rendre compte au ministre.

Les différents RLISS ont pris beaucoup d’initiatives pour s’acquitter de ces fonctions. Par exemple :

·       Le plan 2013-2016 de services de santé intégrés du RLISS du Centre cite l’« accent sur la personne » comme une des quatre orientations fondées sur la qualité qui doivent servir à guider les activités et les investissements prévus dans la LISSL, et mentionne l’expression « Rien à propos de moi sans moi[200] ». Le RLISS du Centre a conçu un certain nombre d’outils reflétant les priorités des patients et a adopté des mécanismes robustes de responsabilité et d’amélioration de la qualité, dont un « cadre en matière d’expérience du patient[201] » conçu pour intégrer la compréhension et l’amélioration de l’expérience du patient comme objectif stratégique en faisant participer les patients, leur famille et les soignants à une évaluation de la qualité du point de vue du patient. Le cadre permettra de suivre l’expérience du patient au moyen d’une carte de pointage du consommateur comportant des indicateurs choisis par les patients, les familles et les soignants. Les indicateurs proposés jusqu’en mars 2014 comprenaient notamment le respect des valeurs, des préférences et des besoins déclarés du patient, l’information, la communication et l’éducation ainsi que l’intervention des parents et amis[202]. Le cadre comprendra aussi des « événements toujours présents », définis comme [traduction] « aspects de l’expérience des patients dont les prestataires de soins de santé devraient s’assurer qu’ils sont toujours satisfaisants[203] ».

·       Le RLISS de Toronto-Centre a conçu diverses initiatives liées à l’amélioration de la qualité, dont une « table de la qualité » qui réunit un vaste éventail d’intervenants dans le but de définir des mesures globales de la qualité, des indicateurs de la qualité du système, un sondage sur l’expérience des patients et un relevé normalisé de mise en congé.

·       Le RLISS du Sud-Ouest a mis au point un cadre de promotion de l’amélioration de la qualité afin de guider les initiatives et les efforts extérieurs en ce sens. Les prestataires de services de santé se servent de ce cadre pour concevoir des initiatives d’amélioration de la qualité alignées sur les grands objectifs du réseau.

Grâce au rôle capital qu’ils jouent dans la définition des objectifs des politiques, des normes de service et des indicateurs de qualité, les RLISS sont bien placés pour favoriser, appuyer et contrôler l’amélioration de la qualité des évaluations de la capacité en vertu de la LCSS et l’information sur les droits. Leurs engagements actuels visant l’amélioration de l’expérience des patients, l’information du public et des malades et l’amélioration de la qualité des soins s’adaptent bien à cet objectif.


PROJET DE RECOMMANDATION 11.

a)     Que Qualité des services de santé Ontario prenne les mesures suivantes pour améliorer la qualité des évaluations de la capacité en milieu de soins :

i.       encourager les organismes du secteur de la santé à inclure des questions liées à l’évaluation de la capacité et aux droits procéduraux connexes dans leurs plans d’amélioration de la qualité;

ii.     inclure des questions liées à l’évaluation de la capacité et aux droits procéduraux connexes dans leurs sondages auprès des patients;

iii.    aider leurs partenaires du secteur de la santé à concevoir et à diffuser, à l’intention des organismes de soins, du matériel éducatif lié à l’évaluation de la capacité et aux droits procéduraux connexes;

iv.    envisager d’insister particulièrement sur le contrôle de la qualité des questions concernant le consentement et la capacité dans le secteur de la santé grâce à la production de rapports spécifiques à ce sujet.

b)   Que Qualité des services de santé Ontario intègre dans ses actions, selon la recommandation 11a), un concept de qualité comprenant le respect de l’autonomie du patient, la promotion de ses droits et la compréhension des fondements juridiques de la capacité et du consentement.

PROJET DE RECOMMANDATION 12. 
           Que le ministère de la Santé et des Soins de longue durée aide et encourage les foyers de soins de longue durée à mieux s’acquitter de leurs responsabilités aux termes de la Déclaration des droits des résidents relativement au consentement, à la capacité et à la prise de décision :

a)     en ajoutant à leurs sondages annuels sur la satisfaction des résidents et des familles des renseignements concernant ces questions;

b)     en collaborant avec les conseils des résidents et des familles et en renforçant leurs capacités pour qu’ils soient en mesure de concevoir des programmes traitant de ces sujets à l’intention des résidents et des familles;

c)      en insistant particulièrement sur les questions liées au consentement, à la capacité et à la prise de décision dans la formation donnée à leur personnel.

PROJET DE RECOMMANDATION 13.
            Que les Réseaux locaux d’intégration des services de santé, dans le cadre de leur mandat et de leurs objectifs, mettent à profit le rôle qu’ils jouent dans l’amélioration de la qualité, la définition de normes et de points de repère et l’évaluation des résultats pour

a)     aider et encourager les services de santé à améliorer l’information, l’éducation et la formation destinées aux professionnels qui se chargent des évaluations de la capacité;

b)     s’assurer que les intéressés sont efficacement renseignés sur leurs droits;

c)      appuyer la communication de renseignements et de ressources sur leurs attributions aux personnes remplissant les fonctions de mandataires spéciaux pour le traitement, l’admission aux soins à long terme et les services d’aide personnelle.

PROJET DE RECOMMANDATION 14.  
          Si les recommandations de la CDO concernant la capacité et le consentement en milieu de soins sont mises en œuvre, que le gouvernement ontarien surveille et évalue activement la mesure dans laquelle elles ont amélioré l’administration des évaluations de la capacité et l’accès réel aux droits procéduraux, l’objectif étant de prendre des initiatives plus étendues si les améliorations ne sont pas évidentes.

G.   Résumé

La capacité juridique étant un thème central dans ce domaine du droit, les méthodes utilisées pour l’évaluer jouent un rôle essentiel dans la réalisation des objectifs de la loi. De plus, comme la législation relative à la capacité juridique, à la prise de décision et à la tutelle aborde des questions liées aux droits fondamentaux, le succès de notre conception de l’évaluation de la capacité juridique a des effets profonds sur les droits des personnes concernées.

L’Ontario s’est doté de multiples systèmes interdépendants d’évaluation de la capacité juridique. La conception ontarienne nuancée de la notion de capacité juridique – exposée au chapitre IV – se reflète dans la complexité de ses systèmes d’évaluation. Ces multiples systèmes cherchent à s’adapter aux nombreux environnements dans lesquels les évaluations sont effectuées et aux différents objectifs de l’évaluation. Toutefois, ces systèmes sont déroutants et difficiles d’accès. Pour cette raison, la CDO a recommandé de préciser les normes et les droits procéduraux de base afin de mieux guider tant ceux qui demandent et ceux qui réalisent les évaluations que ceux qui y sont soumis.

Comme nous l’avons noté plus haut, une bonne utilisation des évaluations est liée à l’accès aux droits fondamentaux. Par conséquent, il est important que les gens puissent accéder à l’évaluation quand ils en ont besoin et se prévaloir de droits procéduraux suffisants et appropriés. La CDO s’inquiète du nombre de rapports signalant l’insuffisance des droits procéduraux accordés aux personnes jugées légalement incapables en vertu de la LCSS. Compte tenu de la complexité du système et des contraintes actuelles, la CDO a retenu un certain nombre de mesures à prendre immédiatement pour renforcer le régime actuel d’information sur les droits et a souligné l’importance qu’il y a, à long terme, à prévoir des moyens pour permettre aux plus vulnérables d’avoir accès à des conseils indépendants et spécialisés au sujet de leurs droits.

Nous n’avons pas fait, dans ce chapitre, une analyse approfondie des préoccupations suscitées par les mécanismes existants de contestation des résultats de l’évaluation de la capacité, questions que nous examinons au chapitre VIII traitant des moyens de faire respecter les droits et du règlement des conflits. L’accès à des évaluations de la capacité cohérentes, appropriées et de grande qualité conditionne aussi les enjeux liés aux processus de nomination externes (particulièrement dans le cas de la tutelle légale), que nous abordons au chapitre IX, ainsi que certaines questions ayant trait aux nominations personnelles qui font l’objet du chapitre VII.

 

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