A. Introduction et contexte
La détermination de la capacité juridique peut avoir d’énormes conséquences. Il est donc essentiel que les mécanismes d’évaluation mis en place soient efficaces et justes. Un système doté de mécanismes d’évaluation de la capacité qui sont tortueux ou excessivement coûteux ou qui ne tiennent pas compte des besoins des personnes handicapées et de leur famille aurait du mal à s’adapter à des capacités fluctuantes ou évolutives et pourrait entraîner une mauvaise application de la loi. Des évaluations de la capacité qui sont de mauvaise qualité ou qui ne sont pas assorties de garanties procédurales suffisantes peuvent aboutir à des mesures privant de leurs droits et de leur autonomie des personnes capables de prendre leurs propres décisions.
Dans de nombreux cas, une évaluation de la capacité constitue le point d’entrée dans le système régi par la LPDNA ou la LCSS : les mesures de soutien, les choix possibles et l’aide fournie à cette étape pour s’y retrouver dans les différents processus influent sensiblement sur l’interaction des personnes concernées et leurs familles avec ce domaine du droit.
Comme on le verra ci-dessous, la législation ontarienne relative à la capacité juridique, à la prise de décision et à la tutelle prévoit différents moyens d’évaluation de la capacité : l’examen de la capacité en vertu de la LSM, l’évaluation de la capacité de consentir à l’admission à des soins de longue durée en vertu de la LCSS, l’évaluation de la capacité de consentir à des traitements en vertu de la LCSS, l’évaluation officielle des capacités par un évaluateur désigné en vertu de la LPDNA et l’évaluation informelle de la capacité par les prestataires de services. Dans le présent chapitre, à moins d’indication contraire, « évaluation de la capacité » sans autre indication s’entend comprend de l’ensemble des examens effectués dans le cadre des mécanismes ontariens d’évaluation de la capacité. Toutefois, « évaluation officielle de la capacité » désigne plus particulièrement l’évaluation faite conformément à la LPDNA relativement aux biens et au soin de la personne.
B. État actuel du droit en Ontario
1. Vue d’ensemble
Les systèmes ontariens d’évaluation de la capacité juridique dans les différents domaines de la prise de décision sont analysés en détail dans la partie II du Document de travail. Nous en donnons une brève description dans les paragraphes qui suivent.
L’Ontario s’est doté non d’un seul système, mais plutôt d’une série de systèmes d’évaluation de la capacité. Conformément à l’esprit des réformes ayant abouti à la présente législation ontarienne, les systèmes d’évaluation de la capacité sont liés à la nature des décisions à prendre. Collectivement, la LPDNA, la LCSS et la LSM établissent quatre systèmes officiels d’évaluation de la capacité :
1) examen de la capacité de gérer ses biens au moment de l’admission en établissement psychiatrique ou de la mise en congé d’un établissement psychiatrique (LSM);
2) évaluation de la capacité de prendre des décisions à l’égard d’un traitement (LCSS);
3) évaluation de la capacité de prendre des décisions à l’égard de l’admission à des soins de longue durée ou à des services d’aide personnelle (LCSS);
4) évaluation de la capacité de prendre des décisions pour gérer ses biens ou prendre soin de sa personne (LPDNA).
Ces mécanismes d’évaluation ont des éléments communs, mais ils diffèrent considérablement l’un de l’autre en fonction de facteurs tels que les suivants :
1) les personnes chargées des évaluations;
2) la formation et les normes imposées aux évaluateurs;
3) l’information et les mesures de soutien destinées aux personnes évaluées;
4) la documentation requise pour la procédure d’évaluation;
5) les mécanismes et les mesures de soutien permettant de contester les résultats d’une évaluation de la capacité.
Chaque système comporte son propre ensemble de freins et de contrepoids destinés à équilibrer les tensions fondamentales qui s’exercent dans le cadre de ce processus entre l’accessibilité, d’une part, et la responsabilité, la préservation de l’autonomie et la protection des personnes vulnérables, de l’autre.
Bien que ces systèmes varient en fonction de la complexité de leurs procédures et de la difficulté des communications entre eux, inévitablement, l’existence de plusieurs systèmes distincts alourdit considérablement l’ensemble.
Les différents systèmes touchent en général des populations différentes, bien qu’il y ait des chevauchements importants, surtout dans le cas des personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des problèmes de capacité à différents moments de leur vie. Le plus souvent, les professionnels chargés des évaluations travaillent principalement dans un seul des systèmes. Autrement dit, les personnes qui s’occupent, en vertu de la LCSS, des évaluations de la capacité de prendre des décisions à l’égard de l’admission à des soins de longue durée n’effectuent pas ordinairement des évaluations de la capacité en vertu de la LPDNA. Toutefois, comme les professionnels peuvent aussi aider à titre informel des personnes à se retrouver dans les systèmes régissant la capacité juridique, la prise de décision et la tutelle, ceux qui travaillent dans un système d’évaluation donné peuvent être appelés à fournir des renseignements sur les autres systèmes aux personnes en cause ou à leur famille. De plus, il peut y avoir des doutes quant au système d’évaluation qui s’applique dans une situation particulière. En pratique, une grande confusion existe à cause des chevauchements et de l’interaction des systèmes.
2. Évaluations informelles de la capacité
Les prestataires de services recourent régulièrement à des évaluations de la capacité sans caractère officiel pour déterminer si une personne donnée peut passer une entente ou un contrat ou consentir à un service. Certains prestataires, comme les praticiens de la santé, ont depuis longtemps l’obligation légale d’obtenir de leurs clients un consentement valide à la prestation de leurs services[73]. Avocats et parajuristes doivent s’assurer que leurs clients ont la capacité de donner des instructions, d’établir une procuration ou d’intenter un procès[74]. Les prestataires de services qui signent un contrat ou une entente ont tout intérêt à s’assurer que la personne en cause a la capacité de passer un accord et que celui-ci n’est pas annulable pour cause d’iniquité ou d’abus d’influence, par exemple. Dans chaque cas, il s’agit d’une étape préliminaire essentielle qui doit précéder la prestation du service. Si le consentement ou l’entente n’est pas valide, de sérieuses conséquences peuvent en découler pour le prestataire de services.
Si un prestataire décide qu’une personne n’est pas légalement apte à consentir à un service donné ou à passer un contrat, il peut déclencher la mise en place d’un arrangement officiel de prise de décision au nom d’autrui pour permettre à la personne d’accéder au service, grâce à la mise en vigueur d’une procuration ou à une mise en tutelle par un membre de la famille.
Le projet de la CDO sur La capacité et la représentation aux fins du REEI fédéral illustre cette dynamique. Au niveau fédéral, pour établir un régime enregistré d’épargne-invalidité auprès d’une institution financière, le titulaire doit avoir la « capacité de contracter ». Si l’institution financière croit qu’un demandeur n’a pas la capacité juridique pour devenir titulaire d’un REEI, elle peut refuser de passer un contrat. À l’heure actuelle, dans une situation de ce genre, le bénéficiaire peut avoir besoin d’un représentant légal, comme un tuteur des biens o