A. Introduction et contexte
Au cours des consultations préliminaires de la CDO dans le cadre de ce projet, l’accès à la loi, notamment en ce qui concerne les mécanismes de règlement des différends en vertu de la LPDNA, a figuré parmi les sujets ayant suscité le plus de préoccupations. Une impression forte s’est dégagée voulant que ces mécanismes soient coûteux, complexes et difficiles d’accès et que, par conséquent, les responsabilités et les droits conférés par la LPDNA ne soient pas exercés comme prévu. Les résultats de ces consultations initiales ont été confirmés par les réponses obtenues lors des consultations publiques de la CDO de l’automne de 2014 alors que les participants ont fait savoir que de profondes réformes dans ce domaine s’imposaient.
Il ne faut pas oublier que l’accès efficace à la loi influe sur tous les autres aspects du régime de la capacité juridique, de la prise de décision et de la tutelle. Le manque d’accessibilité peut inciter des familles à entreprendre des démarches sans caractère officiel plus risquées pour résoudre leurs problèmes ou à mettre en œuvre des solutions improvisées qui ne sont pas conformes à l’intention du législateur. Il peut aussi amener à renoncer à faire respecter ses droits, ou encore porter les parties ayant un meilleur accès aux ressources nécessaires pour s’y retrouver dans les méandres administratifs à utiliser le système à mauvais escient à leurs propres fins.
Les préoccupations concernant le bon exercice des droits et des responsabilités en vertu de la LCSS sont liées pour la plupart à la qualité des appréciations de la capacité en vertu de cette loi, ainsi qu’à la pertinence et à l’efficacité des protections procédurales au moment de la détermination de la capacité, notamment pour la communication de renseignements sur les droits aux personnes qui sont jugées incapables en vertu de cette loi. Ces préoccupations sont analysées en détail au chapitre V du présent rapport. Bien que des critiques détaillées aient été soulevées à l’égard de la CCC, comme la question toujours actuelle de savoir si elle est trop ou insuffisamment axée sur les droits prévus par la loi et l’utilité d’examiner les possibilités de recourir plus souvent à des modes de règlement extrajudiciaire des différends, on s’entend généralement pour dire que la souplesse des mécanismes de nomination de la CCC et sa qualité de tribunal administratif accessible qui rend des décisions rapides et relativement souples en font une solution appropriée. Le présent chapitre porte donc principalement sur les préoccupations qui sont liées aux processus de règlement des différends et d’exercice des droits en vertu de la LPDNA.
Tous les processus décisionnels relevant de la LPDNA, y compris les procédures de nomination des tuteurs et de modification et d’extinction des tutelles, ainsi que les dispositions relatives à la reddition de comptes et à la demande de directives, sont étroitement liés, tout comme les processus d’enquête administrative qui relèvent du mandat du TCP. Ils sont donc tous traités ensemble dans le présent chapitre en tant que mécanismes permettant d’accéder au droit. Le chapitre IX aborde des préoccupations particulières et des propositions de réforme relatives aux processus de nomination externe. Comme ces questions sont liées aux pouvoirs étendus des arbitres plutôt qu’aux mécanismes d’accès à la loi, elles sont traitées séparément bien qu’elles soient, bien entendu, interreliées.
B. État actuel du droit en Ontario
Le règlement des différends et l’exercice des droits relatifs à la capacité juridique, à la prise de décision et à la tutelle se déroulent dans de nombreuses instances en Ontario, par notamment des lignes directrices et des procédures institutionnelles internes (par exemple, les bureaux de défense des droits des patients mis en place dans de nombreux hôpitaux), des mécanismes de plaintes sectoriels comme l’Ombudsman des services bancaires, et par des mécanismes officiels de traitement des plaintes proposés par les ordres de réglementation des professionnels de la santé. Toutefois, les mécanismes ontariens pour régler les différends et faire valoir ses droits en matière de capacité juridique et de prise de décision relèvent principalement de la CCC, de la Cour supérieure de justice, et du processus d’enquête sur des « conséquences préjudiciables graves » qui est du ressort du TCP. Ces mécanismes sont détaillés ci-dessous.
1. Rôle de la CCC
Le mandat de la CCC relève d’un certain nombre de lois, dont la Loi sur la santé mentale, la Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé et la Loi de 2006 sur le dépistage obligatoire par test sanguin, outre son rôle fondamental de surveiller l’application des lois ontariennes relatives à la capacité juridique et au consentement. Plus particulièrement, la CCC peut entendre les requêtes suivantes :
· une requête en vue de réviser une constatation d’incapacité faite soit par un professionnel de la santé à l’égard d’un traitement[285], soit par un appréciateur relativement à l’admission dans un établissement de soins ou au consentement à des services d’aide personnelle fournis dans un foyer de soins de longue durée[286], soit par un évaluateur de la capacité relativement aux biens[287];
· une requête en vue de nommer un représentant pour la prise de décision en ce qui a trait aux décisions à prendre en vertu de la LCSS[288];
· une requête en vue d’autoriser un mandataire spécial à ne pas respecter les désirs exprimés antérieurement par une personne incapable alors qu’elle était capable[289];
· une requête en vue de déterminer si un mandataire spécial agit en conformité avec les exigences de la LCSS en ce qui a trait à la manière dont les décisions doivent être prises[290];
· une requête en vue d’obtenir des directives lorsque la bonne façon d’appliquer la LCSS relativement à la décision requise n’est pas claire[291];
· une requête en révision de certaines décisions précises qui ont des répercussions considérables sur les droits de la personne, comme l’admission à un établissement aux fins de traitement et l’admission à l’unité de sécurité d’un établissement de soins[292].
Dans la pratique, la vaste majorité des requêtes que la CCC entend sont des révisions soit de décisions selon lesquelles une personne est incapable relativement à des traitements, soit de constatations voulant que la personne doive être admise, ou rester admise, à un établissement psychiatrique sur une base involontaire[293]. À de nombreux égards, les activités de la CCC demeurent axées principalement sur le droit de la santé mentale, comme en témoigne la composition et la culture de ce tribunal.
Les membres de la CCC peuvent entendre des requêtes seuls ou en comités composés de trois ou cinq membres, notamment des avocats, des psychiatres et des représentants du public. Les Règles de pratique de la CCC favorisent une conception globale de l’admission de la preuve : la CCC peut « admettre toutes les preuves pertinentes à l’objet de l’instance » et elle peut décider de la forme dans laquelle la preuve est présentée[294]. La loi donne priorité aux règlements rapides : les audiences doivent commencer dans les sept jours qui suivent la réception de la requête, et les décisions doivent être rendues (et le résumé des motifs fourni aux parties) dans la journée qui suit la fin de l’audience[295]. Les décisions de la CCC sont susceptibles d’appel devant la Cour supérieure de justice sur des questions de droit et de fait[296].
L’efficacité de la CCC est assurée par les exigences de la LSM relatives aux conseils en matière de droits, qui sont exposées au chapitre V, et par l’offre considérable par AJO de services d’avocat gratuits aux personnes qui comparaissent devant la CCC, que détaille plus avant le présent chapitre.
2. Rôle de la Cour supérieure de justice
La procédure de nomination des tuteurs et de modification et d’extinction des tutelles est exposée abondamment au chapitre IX et ne sera donc pas détaillée ici. Il y a deux méthodes pour obtenir une tutelle : une procédure de tutelle administrative sous régime législatif, qui s’applique aux personnes trouvées incapables en vertu de la partie III de la LSM ou de l’article 16 de la LPDNA, uniquement pour les questions liées aux biens; une procédure de nomination par les tribunaux pour les tutelles relatives aux biens ou à la personne qui peuvent être demandées par quiconque en vertu de l’article 22 ou de l’article 55 de la LPDNA respectivement. Actuellement, la plupart des tuteurs sont nommés par la procédure de tutelle sous régime législatif : la Cour supérieure de justice nomme de 200 à 260 tuteurs par an[297]. Il y a des procédures de règlement sommaire pour les requêtes en tutelle et en extinction de ces dernières, mais on y a rarement recours. Il faut se rappeler que, bien que les nominations de tuteurs et la modification et la révocation des ordonnances de tutelle puissent être relativement simples, on peut aussi chercher à obtenir de telles ordonnances dans le cadre de différends plus graves comportant, dans certains cas, la maltraitance ou une mauvaise utilisation de fonds.
La Cour supérieure de justice exerce par ailleurs un rôle important pour contrôler les activités des mandataires spéciaux et résoudre les problèmes d’interprétation. Elle peut en particulier entendre les requêtes en reddition de tout ou d’une partie des comptes des tuteurs ou des procureurs aux biens. Elle a le pouvoir général de « donner des directives sur toute question soulevée relativement à la tutelle ou à la procuration » [nous soulignons] relative aux biens ou au soin de la personne[298].
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