A.    Introduction et contexte 

Selon le droit en vigueur en Ontario, lorsqu’une personne n’a pas la capacité juridique de prendre une décision ou un type de décision en particulier et qu’un mandataire spécial doit être nommé, ce dernier sera, dans la grande majorité des cas, un membre de la famille ou un ami proche. Très peu de personnes ont comme mandataires spéciaux un professionnel (un avocat, par exemple), un organisme (une société de fiducie, par exemple) ou l’État (par l’entremise du tuteur et curateur public [TCP]). 

Au chapitre II de la partie Trois du Document de travail, on se demande si, compte tenu des questions économiques, des structures familiales et des données démographiques en changement, l’Ontario ne devrait pas élargir la gamme des options dont disposent les personnes qui veulent nommer un mandataire spécial. Le présent chapitre porte sur cette question. 

Il faut préciser que la réflexion qui suit ne comprend pas les ententes de prise de décision accompagnée selon lesquelles la décision finale incombe à la personne, accompagnée par d’autres personnes. La CDO est d’avis que ce mode décisionnel nécessite des liens personnels étroits et de confiance. Même si de nombreuses personnes à qui l’on a accordé des procurations ou qui ont été nommées tuteurs ont des liens de confiance avec la personne au nom de laquelle ils prennent des décisions et peuvent être choisies pour ces raisons (comme il est dit ci-dessous), ce n’est pas nécessairement le cas. De plus, lorsque ces liens sont inexistants ou qu’ils ne peuvent pas servir de fondement pertinent à la prise de décision, il est essentiel de pouvoir compter sur des mécanismes plus officiels de responsabilité en matière de prise de décision au nom d’autrui. 
 

B.    État actuel du droit en Ontario 

1.     Aperçu de la législation 

Les dispositions du droit ontarien concernant qui peut être mandataire spécial sont détaillées au chapitre II de la partie Trois du Document de travail. La présente section vise donc seulement à brosser un tableau général et non pas à en traiter en profondeur.
 

Procurations

Le mandant d’une procuration aux termes de la LPDNA doit se conformer à des restrictions minimales seulement lorsqu’il veut nommer quelqu’un pour jouer le rôle de procureur. La ou le titulaire de la procuration doit avoir atteint un certain âge; il doit être capable selon la définition de la loi; et si le mandant veut nommer le TCP, il doit avoir reçu le consentement de ce dernier avant la passation de la procuration; de plus, le mandant doit éviter certains conflits d’intérêts[437]. La LPDNA traite explicitement de la question de savoir si un tuteur aux biens ou un procureur est rémunéré ou non pour ses services, conformément à un barème d’honoraires prescrit, mais aucune disposition semblable n’est prévue pour la rémunération des mandataires spéciaux au soin de la personne[438].

Comme il est dit au chapitre VII, tout comme dans le cas des nominations personnelles, il n’y a pas comme telle de surveillance des personnes qui agissent à titre de procureur. Lorsqu’un professionnel, par exemple un avocat, un comptable ou une société fiducie, accepte ce rôle contre rémunération, les mécanismes de surveillance sont ceux qui sont liés à la profession ou à la société, dans la mesure où ils sont jugés applicables à l’activité de la prise de décision au nom d’autrui.
 

Tuteurs nommés par le tribunal 

Des tuteurs aux biens ou au soin de la personne peuvent être nommés à la suite d’une requête adressée à la Cour supérieure de justice. La Cour doit tenir compte des prescriptions suivantes de la Loi :

·       Le tribunal ne doit pas nommer une personne qui fournit des soins de santé, des services en établissement, des services sociaux, des services de formation et des services de soutien à un incapable contre rémunération sauf à quelques exceptions près, par exemple si la personne qui fournit les services est le conjoint ou le partenaire de celle-ci, ou un procureur aux termes d’une procuration.

·       Le tribunal ne doit pas nommer le tuteur et curateur public à moins que la requête ne le propose comme tuteur, que ce dernier y consente et qu’il n’y a aucune autre personne apte qui soit disponible et disposée à être nommée.

·       Le tribunal doit tenir compte du fait que le tuteur proposé est ou non le procureur constitué en vertu d’une procuration perpétuelle, les désirs courants de l’incapable, s’ils peuvent être établis, et le caractère étroit des rapports entre le requérant et l’incapable[439].

·       Un tuteur aux biens doit résider en Ontario, à moins qu’il ne fournisse un cautionnement, d’une manière que le tribunal approuve, pour la valeur des biens à gérer[440].

Le tribunal nomme effectivement, dans certaines situations, des sociétés de fiducie qui agiront comme tuteur aux biens, généralement dans les cas où il existe des biens considérables qui nécessitent une gestion compétente et souvent dans les cas où il y a discorde dans la famille. 

 

Remplacement des tuteurs légaux aux biens

Le processus à suivre pour que le TCP puisse être nommé tuteur légal aux biens est exposé au chapitre IX. Lorsque le TCP est le tuteur légal aux biens, les personnes suivantes peuvent déposer une requête pour le remplacer le TCP dans ce rôle : 

·       le conjoint ou la partenaire de l’incapable;

·       un parent de l’incapable;

·       le procureur constitué en vertu d’une procuration perpétuelle de l’incapable, si la procuration a été donnée avant la délivrance du certificat d’incapacité et ne confère pas au procureur de pouvoir sur tous les biens de l’incapable;

·       une société de fiducie, si l’incapable a un conjoint ou un partenaire qui consent par écrit à la demande[441].

Le TCP examine la demande et s’il est convaincu que le plan de gestion présenté par l’auteur de la demande est approprié et que l’auteur de la demande est apte à gérer les biens, il nommera cette personne tuteur légal en remplacement. La LPDNA oblige le TCP à tenir compte, dans l’étude de la demande, des désirs courants de l’incapable, s’ils peuvent être établis, et du caractère étroit des rapports entre l’incapable et l’auteur de la demande[442].
 

La Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé

La LCSS établit un système simple pour déterminer l’identité du mandataire spécial, lorsqu’il en faut un. La Loi dresse une liste, par ordre descendant de préférence, des personnes qui peuvent agir comme mandataires, lorsqu’il a été établi qu’une personne n’a pas la capacité de prendre une décision nécessaire particulière. Ces personnes sont les suivantes :

1.      le tuteur à la personne de l’incapable, s’il a le pouvoir de donner ou de refuser son consentement au traitement;

2.      le procureur au soin de la personne de l’incapable, si la procuration confère le pouvoir de donner ou de refuser le consentement au traitement;

3.      le représentant de l’incapable, nommé par la Commission en vertu de l’article 33, s’il a le pouvoir de donner ou de refuser son consentement au traitement;

4.      le conjoint ou le partenaire de l’incapable;

5.      un enfant ou le père ou la mère de l’incapable, ou une société d’aide à l’enfance ou une autre personne qui a légitimement le droit de donner ou de refuser son consentement au traitement à la place du père ou de la mère. La présente disposition ne vise pas le père ou la mère qui n’a qu’un droit de visite. Elle ne vise pas non plus le père ou la mère si une société d’aide à l’enfance ou une autre personne a légitimement le droit de donner ou de refuser son consentement au traitement à la place du père ou de la mère;

6.      le père ou la mère de l’incapable qui n’a qu’un droit de visite;

7.      un frère ou une sœur de l’incapable;

8.      tout autre parent de l’incapable (y compris les personnes parentes par les liens du sang, du mariage ou de l’adoption[443]).

 

Le mandataire nommé conformément à cette liste hiérarchisée doit :

1.     être capable à l’égard de la décision à prendre;

2.     être âgée d’au moins 16 ans, sauf si elle est le père ou la mère de l’incapable;

3.     ne pas être sous le coup d’une ordonnance du tribunal ou un accord de séparation lui interdisant de visiter l’incapable ou de donner ou de refuser son consentement au nom de celui-ci;

4.     être disponible;

5.     disposé à assumer la responsabilité[444]. 

Si aucune personne indiquée dans cette liste ne répond aux critères, il incombe au TCP de prendre la décision[445].

 

2.     Préférence pour la famille et les amis 

Un examen de la législation indique rapidement une forte préférence pour les membres de la famille pour la prise de décision au nom d’autrui. Ce n’est pas étonnant : ce rôle est un rôle difficile et exigeant qui, souvent, peut se prolonger de nombreuses années et être étroitement lié aux choix et aux responsabilités en matière de soins. Une connaissance personnelle profonde de la personne peut guider les familles dans la prise de décisions et les aider dans les aspects pratiques et affectifs de la tâche. De plus, les familles peuvent souvent avoir profondément à cœur le bien-être de la personne, un engagement que ce rôle exige. Ce rôle doit être animé par la confiance et la responsabilité et pour de nombreuses personnes, c’est à leur famille qu’elles sont le plus à l’aise d’accorder leur confiance et de confier cette responsabilité. 

Il n’en reste pas moins que certaines personnes n’ont ni famille ni amis qui peuvent jouer ce rôle, qui soient disposés ou capables de le faire; certaines personnes préféreraient aussi que ce rôle soit joué par quelqu’un qui possède des compétences et une objectivité professionnelles. Les sociétés de fiducie accepteront le rôle de procureurs aux biens pour certains clients existants et pourront parfois être nommées tuteurs aux biens par un tribunal. Parfois aussi, des avocats et des comptables accepteront d’agir aux termes d’une procuration relative aux biens de l’un de leurs clients. Les sociétés de fiducie sont évidemment des institutions hautement réglementées. Les avocats et les comptables sont guidés par leurs normes professionnelles et assujettis à la surveillance de leurs organismes de réglementation, bien que pas nécessairement dans ce rôle.
 

3.     Rôle du tuteur et curateur public 

Le TCP peut devenir tuteur d’une personne qui n’a pas la capacité juridique de deux façons :

1.     tutelle légale aux biens : lorsqu’une tutelle légale découle d’une conclusion d’incapacité juridique à gérer des biens aux termes de la Partie III de la Loi sur la santé mentale (LSM) ou d’une décision d’un évaluateur de la capacité aux termes de l’article 16 de la LPDNA, le TCP deviendra automatiquement tuteur aux biens, à moins qu’un mandataire spécial ait déjà été nommé par une procuration ou une tutelle valide[446]. Le TCP demeurera tuteur aussi longtemps que nécessaire, à moins qu’une personne ne soit autorisée à le remplacer, comme il est expliqué ci-dessus;

2.     nomination par le tribunal : Le présent rapport aborde plus en détail au chapitre VIII les pouvoirs du TCP de mener des enquêtes dans les cas où l’on craint qu’une personne n’ait pas la capacité nécessaire et que des conséquences préjudiciables graves se produisent ou peuvent se produire en conséquence. Il est important de souligner ici que si, à la suite de son enquête, le TCP a des motifs raisonnables de croire que la personne est incapable légalement de s’occuper de ses biens ou de prendre soin d’elle-même et qu’il est nécessaire de nommer rapidement un tuteur temporaire pour prévenir ces conséquences préjudiciables, le TCP doit présenter une requête au tribunal visant une ordonnance de tutelle temporaire[447]. En général, le tribunal a le pouvoir de nommer le TCP tuteur aux biens ou au soin de la personne lorsque la requête propose le TCP comme tuteur, que ce dernier consent et qu’il n’y a aucune autre personne apte qui soit disponible et disposée à être nommée[448].

Le TCP agira à titre de décideur de dernier ressort aux termes de la LCSS, comme il a été dit ci-dessus, et il peut consentir (dans de rares circonstances) à une nomination en vertu d’une procuration. 

Il est important de souligner, au sujet de ce qui précède, que le TCP agit à titre de décideur dans deux circonstances générales : lorsqu’il n’y a aucune autre personne apte, disponible et disposée à remplir le rôle; et dans les cas où, comme pour les tutelles légales et les tutelles découlant des enquêtes, on estime qu’une entité doit agir rapidement pour éviter la dilapidation des biens (comme dans le cas des tutelles légales) ou mettre fin à la maltraitance, à la négligence ou à l’exploitation. Le chapitre VIII traite de la pertinence de confier au TCP le rôle de mandataire spécial de premier ressort, essentiellement, en le nommant automatiquement par le biais d’une tutelle légale. Le présent chapitre portera sur le rôle de mandataire spécial de dernier ressort du TCP. 

En 2013-2014, le TCP était tuteur au soin de la personne auprès de 21 clients (trois à titre temporaire[449]). Il signale que le tribunal le nommera pour prendre des décisions relatives au soin de la personne « parfois » seulement, et dans la plupart des cas, pour « éloigner [une personne] des situations dangereuses ou d’empêcher son accès par des tiers qui la maltraitent[450] ».

Il est plus courant que le TCP soit tuteur aux biens, le plus souvent en vertu de tutelles légales. En 2013-2014, le tribunal a nommé le TCP tuteur aux biens pour 318 personnes. Il était tuteur légal aux biens auprès de 4 881 personnes qui avaient reçu des certificats aux termes de la LSM et de 5 567 personnes qui avaient reçu un certificat d’incapacité à la suite d’une évaluation de la capacité dans la communauté. De plus, le TCP représentait un petit nombre de personnes (31) lorsqu’un tuteur légal en remplacement était décédé, avait démissionné ou était devenu légalement incapable relativement à la gestion des biens[451]. En 2013-2014, le TCP a ouvert 1 888 nouveaux dossiers de tutelle relative aux biens, 841 en vertu d’un certificat de la LSM et 1 032 à la suite d’évaluations de la capacité[452].

En 2011-2012, le TCP a rendu 4 664 décisions en matière de traitement, conformément à sa responsabilité lorsque personne ne correspond aux exigences de la LCSS. 

Les rapports annuels du TCP montrent une augmentation régulière et importante de la charge de travail depuis 2000, à la fois en nombres absolus et en nombre de clients en pourcentage de la population adulte de l’Ontario[453], ce qui reflète vraisemblablement le vieillissement de la population ontarienne, de même que d’autres changements démographiques tels que les familles moins nombreuses et une augmentation de la mobilité des familles. Ces rapports annuels signalent également une augmentation de la complexité des dossiers des clients[454].
 

C.    Sujets de préoccupation

La CDO a entendu bon nombre de préoccupations concernant les options dont on pourrait disposer pour nommer le mandataire spécial. 

Complexités et difficultés du rôle : Le rôle d’un mandataire spécial peut être extrêmement difficile. Certains avocats ont dit à la CDO que si les gens comprenaient réellement ce qu’ils devront faire s’ils acceptent de jouer ce rôle en vertu d’une procuration, beaucoup moins de gens seraient disposés à le faire. En plus des exigences juridiques, les mandataires spéciaux doivent souvent faire face à de nombreux problèmes pratiques, affectifs et éthiques. Les décisions peuvent être très délicates à prendre, nécessiter des renseignements compliqués et une réaction rapide. Des décisions peuvent très bien devoir être prises malgré les objections de la personne qui en bénéficiera à long terme, de sorte que les coûts affectifs peuvent être élevés : par exemple, même s’il peut falloir admettre la personne en foyer de soins de longue durée, cette décision est très rarement bienvenue. Assez souvent, malgré l’orientation de la législation, la « bonne » chose à faire dans une circonstance donnée peut être difficile à déterminer. Comme il est dit au chapitre XI, il existe très peu de mesures de soutien à la disposition des personnes qui acceptent le rôle de mandataire spécial. 

Au cours de conversations avec des sociétés de fiducie qui remplissent des fonctions de procureurs aux biens en vertu d’une procuration ou de tuteur aux biens, ces professionnels ont aussi souligné les difficultés du rôle, malgré leurs compétences spécialisées en gestion financière et l’avantage de leur bagage d’expérience. La nature changeante de la capacité légale, la complexité du droit, les difficultés de la dynamique familiale et la complexité des besoins de certaines personnes sont toutes des aspects qui se combinent pour faire de ce rôle un rôle exigeant, même dans les meilleures circonstances. 

Personnes isolées socialement : Il est difficile de dire combien de personnes n’ont pas de famille ni d’amis qui pourraient à la fois devenir mandataires spéciaux et être disposés à le faire. En raison du rôle de tuteur légal du TCP, on ne peut pas ajouter à sa charge de travail le nombre de personnes qui ont besoin d’une aide à la prise de décision « de dernier ressort ». Tout au long des consultations, la CDO a maintes fois entendu les préoccupations à l’égard du nombre grandissant de personnes isolées socialement et qui n’ont personne pour devenir leur mandataire spécial, au besoin. Les familles sont plus souvent éloignées sur le plan géographique, à mesure que le travail et les personnes deviennent de plus en plus mobiles. Les familles sont moins nombreuses, les divorces plus fréquents et moins de gens ont des enfants. Comme on vit plus longtemps, les personnes âgées peuvent se retrouver à survivre aux membres de leur famille et à leurs amis. De plus, les difficultés et les préjugés liés à certains types d’invalidité font qu’elles peuvent courir un risque accru d’isolement social. Une administratrice de foyer de soins de longue durée à qui la CDO a parlé a dit qu’elle connaissait un foyer dans lequel environ le tiers des résidents comptait sur le TCP pour prendre des décisions relatives à leurs biens. 

Choix restreints : Les procurations permettent aux mandants de choisir pour eux-mêmes qui ils veulent pour les représenter, si cette aide devient nécessaire. Il semble raisonnable que des personnes qui connaissent leurs propres besoins et leur cercle social soient les mieux placées pour faire de bons choix quant aux mandataires spéciaux. 

Il a toutefois été signalé que dans la plupart des cas, les choix sont restreints. Peu d’entre nous ont un grand cercle d’aide auquel faire appel. Les gens qui nous sont les plus proches ou à qui nous faisons le plus confiance peuvent ne pas avoir les compétences nécessaires pour gérer des questions complexes liées aux biens ni le tempérament pour prendre des décisions de traitement risquées, ou encore ils peuvent vivre trop loin pour pouvoir remplir efficacement ce rôle. La dynamique familiale ou les liens de dépendance peuvent également faire en sorte que le mandant ne se sentira pas à l’aise de nommer la ou les personnes qui seraient les plus efficaces parce que d’autres seraient blessés ou choqués par son choix. Dans certains cas, le mandant doit faire le choix le moins inapproprié parmi diverses options moins qu’optimales. Ces types de choix restreints peuvent engendrer des problèmes une fois la procuration en vigueur, soit parce que les procureurs remplissent mal leurs fonctions ou abusent, soit que l’exercice des fonctions de la procuration devienne la source de conflits familiaux.  

Pour cette raison, des personnes cherchent des options relativement aux mandataires spéciaux à l’extérieur de leur famille et de leur cercle d’amis, non pas parce qu’ils sont isolés socialement, mais simplement parce qu’ils n’ont personne dans leur cercle social qui possède les compétences ou le tempérament nécessaires pour exercer ce rôle, ou parce que la dynamique familiale est telle que le choix susciterait de graves conflits. 

Dans un groupe de discussion avec des personnes atteintes de problèmes mentaux, certains participants ont signalé qu’en raison de la LCSS qui donne la priorité aux liens familiaux, même s’ils pensent que les membres de leur famille ne feraient pas de bons mandataires spéciaux et ont décidé de ne pas les nommer, ces membres de la famille obtiennent automatiquement le pouvoir de prendre des décisions relatives au traitement, s’ils devenaient incapables légalement de prendre ces décisions. Des personnes dont le comportement a contribué aux troubles de santé mentale ont alors le pouvoir de décider du traitement de ces troubles et obtiennent ainsi beaucoup de pouvoir auprès de cette personne. 

[traduction] Je suis certainement d’avis que la liste [de la LCSS] doit être examinée, tout comme sa garantie dans la Loi, qu’il doit y avoir un processus par lequel, vous savez, je ne veux pas dire que c’est toujours possible pour quelqu’un d’ordonner en quelque sorte qui sera le meilleur mandataire…. Mais oui, il doit y avoir un mécanisme pour que nous n’ayons pas ce type d’inclusion des conjoints… parce que si on pense aux femmes qui ont subi de mauvais traitements ou aux personnes qui ont été dans ce type de relations, ce genre de chose, comme j’en ai vu, des personnes hostiles, qui les gardent…

Groupe de discussion – Personnes atteintes de troubles mentaux, 21 août 2014
 

De même, l’Advocacy Centre for the Elderly (ACE) a fait le commentaire suivant :

[traduction] L’ACE a vu de nombreux cas où des personnes âgées sont maltraitées par le seul membre de leur famille. Dans ces cas, même lorsque la personne âgée annule une procuration au soin de la personne, le membre de la famille qui inflige les mauvais traitements demeure la seule personne disposée et disponible pour agir comme mandataire spécial de cette personne âgée dont les décisions sont régies par la LCSS. Souvent, la personne âgée ne connaît personne qui soit digne de confiance, disposé et apte légalement à agir comme son procureur au soin de la personne. L’ACE a constaté que dans les cas où l’on demande au TCP de consentir à une nomination de procureur au soin de la personne âgée en vertu de la LPDNA, ce consentement est refusé. Dans de tels cas, selon l’ordre de rang établi dans la LCSS, le membre de la famille qui maltraite demeure le mandataire spécial nommé au premier rang de la liste et la personne âgée doit recourir à des stratagèmes officieux pour demander aux professionnels de la santé de passer outre à ce membre de la famille et de s’adresser directement au TCP pour des décisions relatives au traitement, si la personne âgée devient incapable dans le futur[455].

De nombreux avocats qui travaillent dans ce domaine ont dit à la CDO qu’on leur demandait très souvent d’agir à titre de procureur. Certains avocats accepteront ce rôle, mais un grand nombre refuseront de le faire. Certaines sociétés de fiducie ont dit que des clients leur avaient demandé d’être procureur au soin de la personne, un rôle qu’elles ne peuvent pas jouer et qui, à leur avis, leur semblerait peu approprié, même si elles étaient autorisées à accepter.  

Rôle du tuteur et curateur public : Les personnes consultées ont apprécié le rôle du TCP en tant que tuteur de dernier ressort, tout en reconnaissant les limites naturelles de ce rôle. Ce rôle est naturellement limité parce que le TCP n’est pas, selon sa constitution actuelle, naturellement placé pour nouer le type de liens permanents et intimes qui sont les meilleurs fondements du rôle de mandataire spécial. On estimait généralement qu’il y avait une meilleure correspondance entre la prise de décision relative aux biens et la nature du TCP que pour les autres types de décisions. 

Lacune en ce qui a trait aux décisions relatives au soin de la personne : Comme il a été dit ci-dessus, même si le TCP prend effectivement des décisions relatives au traitement lorsque personne dans la liste établie par la LCSS n’est disposé et disponible, il est très rare qu’il soit nommé tuteur au soin de la personne : au moment du dernier rapport annuel, le TCP jouait ce rôle auprès de 21 personnes seulement en Ontario. Ce faible nombre reflète probablement la nature profondément personnelle de ce type de prise de décision, et la réticence compréhensible que les pouvoirs publics exercent cette fonction. 

Divers prestataires de service ont parlé d’une lacune concernant la prise de décision relative au soin de la personne. Les sociétés de fiducie ont signalé qu’elles s’étaient souvent retrouvées dans la situation d’agir comme décideur relativement aux biens et n’avoir personne à consulter au sujet des problèmes relatifs au soin de la personne et à leur avis, cette situation est une difficulté considérable qui nuit à l’atteinte des buts généraux de la législation. Des dirigeants de foyer de soins de longue durée ont parlé d’une lacune semblable, des résidents de ces établissements n’ayant personne à faire intervenir en leur nom dans quelque planification que ce soit des soins généraux. Dans les deux cas, ces prestataires de service ont insisté sur l’importance qu’une personne connaisse celle qu’ils représentent, qui s’en soucie et puisse défendre sa cause en son nom au besoin. Comme l’a dit le dirigeant d’un foyer de soins de longue durée, ce n’est pas seulement qu’il n’y a personne pour prendre les décisions, mais il n’y a personne non plus qui se soucie de cette personne pour laquelle des décisions doivent être prises. 

Le type de bienveillance que les familles peuvent fournir de leur mieux est difficile à reproduire. Même si les options dont il sera question ultérieurement dans le présent chapitre ne comblent pas entièrement cette lacune, elles peuvent fournir des compétences et des connaissances qui guideront les soins à la personne lorsque celle-ci ne bénéficie actuellement d’aucun soutien du tout à cet égard. 

On a fait remarquer à la CDO le nombre croissant d’entreprises qui proposent des services de « planification des soins aux personnes âgées », de « planification de la transition » ou de « gestion des soins aux personnes âgées » qui, dans une certaine mesure, proposent officieusement de combler cette lacune. Ces entreprises peuvent aider les personnes ou leurs familles à élaborer et à surveiller des plans de soins; à se retrouver dans les systèmes de santé, de soins de longue durée ou de services communautaires et à y accéder. Elles proposent aussi du counseling ou des avis lorsque des choix difficiles doivent être faits (par exemple, déménager dans un foyer de soins de longue durée ou rester dans la collectivité), de même que des services d’appui pratique pour prendre ces décisions. 

Abus, négligence et conflits d’intérêts : Le chapitre VII a traité en profondeur des préoccupations liées aux abus de pouvoir des mandataires spéciaux. Lorsqu’il existe une vulnérabilité et une possibilité de gain personnel, le risque d’abus est toujours présent. Cette observation vaut, que le mandataire spécial soit un membre de la famille, un ami ou un professionnel. Il est donc toujours important, lorsqu’on se demande qui pourrait jouer le rôle de mandataire spécial, de tenir compte des conflits d’intérêts et du risque d’abus.  

Le TCP et les sociétés de fiducie sont de toute évidence des établissements hautement réglementés, ce qui réduit les risques d’abus de pouvoir à des fins de gain personnel. La législation actuelle interdit également au tribunal de nommer comme tuteur à la personne toute personne qui assure des soins de santé, des services en établissement, des services sociaux, des services de formation ou des services de soutien à un incapable contre rémunération, à moins que cette personne ne soit également le conjoint ou la conjointe, son partenaire ou un parent et qu’il y ait des restrictions similaires quant à la personne qui peut être nommée comme procureur au soin de la personne[456]. Les commentaires sur les options possibles d’une liste augmentée de personnes pouvant être mandataires spéciaux sont souvent axés sur les risques de maltraitance ou de négligence en raison de motivations économiques. Même si la situation actuelle a des lacunes en ce qui concerne la prise de décision au nom d’autrui pour les personnes qui en ont besoin, les personnes consultées avaient grandement confiance en la capacité du TCP et des sociétés de fiducie d’exercer le rôle de mandataire spécial de manière responsable et les commentateurs étaient d’avis que les nouvelles options devaient être structurées pour combler les lacunes sans compromettre considérablement la sécurité des personnes touchées.

 

D.   Application des Cadres

Les Cadres de la CDO en ce qui concerne le droit qui touche aux personnes âgées et le droit qui touche aux personnes handicapées précisent dans les deux cas un principe de promotion de la participation et de l’inclusion. La définition du principe dans le Cadre du droit touchant les personnes âgées reconnaît le « droit de participer activement et de s’intégrer à sa collectivité », de même que l’importance d’abolir les obstacles de tous genres à cette participation, particulièrement dans le cas des personnes victimes de marginalisation et d’exclusion. Le Cadre du droit touchant les personnes handicapées précise l’importance non seulement de concevoir de manière inclusive et d’abolir les obstacles à la participation et à l’inclusion, mais également de faciliter activement la participation. 

Le Rapport final du projet sur le droit touchant les personnes handicapées a signalé :

Les personnes handicapées font souvent face à l’exclusion physique ou sociale ou à la marginalisation, que ce soit en raison d’obstacles comportementaux, physiques, sociaux ou institutionnels… [On a] encore tendance à repousser les personnes handicapées en marge de nombreuses sphères de la société, y compris l’emploi, l’éducation et la vie commentaire. Le principe d’inclusion a pour but de pallier cette situation et de faire des personnes handicapées des membres à part entière de leur collectivité et de la société en général[457].

Le Rapport qui accompagne le Cadre du droit touchant les personnes âgées fait une observation semblable, et cite la large approche du Cadre d’orientation Vieillir en restant actif de l’OMS en ce qui a trait à la participation, disant qu’elle comprend un droit à être actif dans tous les aspects de la vie communautaire[458].

Les lacunes continues dans l’inclusion des personnes handicapées et des personnes âgées dans les affaires sociales et communautaires résident en partie, à tout le moins dans le manque de réseaux sociaux et d’aide auquel font face certaines personnes âgées et personnes handicapées et qui témoigne d’un manque de membres de la famille et d’amis disposés, disponibles et appropriés pour jouer le rôle de mandataires spéciaux. 

Le principe de la promotion de l’autonomie et de l’indépendance comprend « le droit des personnes âgées de faire des choix pour elles-mêmes » et pour les personnes handicapées « l’établissement de conditions qui permettent aux personnes handicapées de faire des choix qui ont une incidence sur leur vie[459] ». En général, le principe d’autonomie et d’indépendance marque l’importance de promouvoir la capacité des personnes handicapées et des personnes âgées d’avoir et de faire des choix significatifs en ce qui concerne la nomination d’un mandataire spécial. Le droit actuel reflète ce principe de diverses manières. L’insistance sur les nominations personnelles dans le cadre législatif reflète l’importance pour les personnes de choisir qui elles veulent comme mandataires spéciaux. La LPDNA exige du TCP qu’il tienne compte dans son examen des demandes de remplacement à titre de tuteur légal, des désirs courants de l’incapable, s’ils peuvent être établis[460] et le tribunal doit en faire autant dans le cas des tuteurs nommés par le tribunal[461].

Le lien entre le principe de la participation et de l’inclusion et celui de l’indépendance et de l’autonomie devient très clair dans le cas des personnes isolées et marginalisées. Sans inclusion dans la collectivité et sans aide des réseaux sociaux, ces personnes n’ont aucun choix significatif quant à la personne qui peut les aider à prendre des décisions, si elles en ont besoin, un élément au cœur de leur autonomie. 

Les personnes consultées ont soulevé des sujets de préoccupation graves concernant les personnes âgées ou les personnes handicapées qui n’ont personne qui peut veiller sur elles et parler en leur nom pour leurs besoins en matière de soin de la personne. Sans une personne qui a le devoir de veiller à leurs besoins et à leurs désirs, encourager leur participation à la prise de décision dans la plus grande mesure du possible et veiller à ce que les décisions nécessaires soient prises et communiquées, ces personnes risquent non seulement d’être mal comprises, mais également de voir leurs besoins négligés parce que personne n’est là pour les comprendre et les communiquer. C’est là un affront à la dignité des personnes qui ne sont pas capables de prendre des décisions de manière indépendante, mais qui conservent néanmoins le droit d’être traitées avec respect et de voir leurs valeurs et préférences établies et prises en compte. 

Comme il a été dit précédemment, les questions liées au choix du représentant légal ne sont pas la seule préoccupation des personnes qui sont isolées ou marginalisées socialement. Le rôle complexe et difficile des mandataires spéciaux est tel que même les personnes qui possèdent des réseaux sociaux dynamiques peuvent trouver difficile de cibler une personne qui possède les compétences requises, le tempérament et le temps pour accepter cette responsabilité. Pour ces personnes, l’accroissement des options pour choisir leur mandataire spécial peut également contribuer à plus d’autonomie. 

Il est important de ne pas oublier non plus que même si les options sont plus nombreuses, certaines personnes n’auront probablement toujours que des choix limités – des personnes dont les moyens financiers sont trop limités pour intéresser les prestataires de services à but lucratif et qui sont, en raison de leur situation personnelle ou de la nature de leur handicap, difficiles à servir et qui ont besoin d’une attention minutieuse et bienveillante. Une optique « mercantile » pour multiplier les choix de mandataires spéciaux peut avoir comme effet inattendu de réduire les services aux personnes les plus vulnérables, à moins qu’on ne s’efforce comme il se doit de combler leurs besoins avec professionnalisme et éthique.  

Comme beaucoup l’ont souligné, en augmentant le nombre d’options, il faut prêter une attention minutieuse au principe selon lequel il faut reconnaître l’importance de la sécurité ou faciliter le droit de vivre en sécurité. L’accroissement des options peut favoriser la sécurité, car les personnes peuvent ne pas être contraintes de nommer quelqu’un qui, à leur connaissance, peut ne pas avoir les compétences ou le tempérament pour bien remplir le rôle, mais qu’elles n’ont pas le choix ou pire encore, voir ce pouvoir décisionnel conféré par défaut à des personnes de la liste de la LCSS qui ne conviennent pas du tout. Toutefois, comme les dispositions visant la prise de décision au nom d’autrui comportent toujours un risque, il est important de préciser les options possibles et de les concevoir de façon à créer un équilibre attentif entre les avantages d’accroître les choix et les risques d’exploitation ou d’abus. Il est important, en particulier, de se préoccuper des problèmes liés aux conflits d’intérêts et à la surveillance.
 

E.     La CDO et la réforme                               

La CDO a défini les cinq fondements suivants à la réforme du droit à cet égard.

Tous ceux et celles qui ne jouissent pas de la capacité juridique et qui ont besoin d’un mandataire spécial pour prendre les décisions nécessaires doivent avoir un accès véritable à ce type d’aide. Les personnes qui n’ont pas la capacité juridique et qui ont besoin d’aide pour prendre les décisions nécessaires à leur bien-être doivent pouvoir faire appel à quelqu’un qui peut prendre le temps de s’assurer de les leurs besoins et de leurs objectifs, qui a la capacité de prendre et de communiquer des décisions au besoin et qui possède les compétences et les connaissances pour le faire conformément aux lois en vigueur en Ontario. 

Les besoins des personnes qui ne jouissent pas ou qui peuvent ne pas jouir de la capacité légale sont diversifiés et une gamme d’options convient le mieux pour y répondre. Les besoins en matière de décision au nom d’autrui d’une personne âgée bien nantie et à la structure familiale compliquée, ceux d’une veuve qui vit, selon des revenus fixes, en foyer de soins de longue durée et dont les membres de la famille survivants se trouvent à un demi-continent de distance ou une personne à faible revenu socialement marginalisée et qui possède un grave handicap de santé mentale seront probablement très différents. Toutes ces personnes peuvent éprouver des difficultés à nommer quelqu’un avec qui ils entretiennent une relation personnelle étroite et qui est disposé et apte à jouer le rôle de mandataire spécial, au besoin, mais le type de dispositions qui répondrait à leurs besoins peut être très différent l’un de l’autre. Actuellement, le TCP peut être l’option par défaut pour toutes ces personnes, mais une gamme élargie d’options peut mieux répondre à leurs besoins. 

Même si la famille demeure importante, les membres de la famille ne sont peut-être pas toujours les meilleurs choix comme mandataires spéciaux. Comme il est dit tout au long du présent Rapport préliminaire, le rôle du mandataire spécial est un rôle exigeant. Même les membres de la famille aimants peuvent ne pas convenir pour jouer ce rôle. L’amalgame courant des soins et de la prise de décision au nom d’autrui est souvent inopportun : même si les deux rôles peuvent aller de pair, ce n’est pas nécessaire et ce n’est pas toujours la meilleure chose à faire. La préférence pour les membres de la famille dans le régime législatif actuel est compréhensible, et il est vraisemblable que pour la plupart des personnes, les membres de la famille demeureront le premier choix comme mandataires spéciaux. Toutefois, l’hypothèse tacite actuelle que les membres de la famille peuvent correctement jouer ce rôle dans le plus grand nombre de cas, et que seulement quelques cas isolés devront relever du TCP, ne pourra pas probablement pas persister selon les tendances sociales et démographiques actuelles et ne répondra pas aux besoins d’une minorité d’Ontariens qui est loin d’être négligeable. 

Le TCP a un rôle vital à jouer dans l’offre de services professionnels, éthiques et experts en matière de décision au nom d’autrui auprès des personnes pour lesquelles les autres options peuvent ne pas convenir ou être possibles. Cette observation, un corollaire du point précédent, il y aura toujours probablement des personnes pour lesquelles les autres options ne conviendront pas ou ne seront pas à leur disposition – par exemple, parce qu’elles n’ont pas les fonds nécessaires pour payer les services ou parce que la nature de leurs besoins est trop complexe ou exigeante pour la plupart des prestataires de service. Il est important que le TCP demeure une solution possible pour assurer les services de prise de décision au nom d’autrui à ces personnes. 

La prise de décision au nom d’autrui présente toujours des risques d’abus des pouvoirs liés à cette fonction : un accroissement des options des personnes qui peuvent jouer ce rôle doit tenir dûment compte de ces risques. Il faut entre autres tenir compte des incitatifs inhérents à un type particulier d’arrangement pour le mandataire spécial, les risques associés aux conflits d’intérêts, aux déséquilibres des pouvoirs et à l’existence de mécanismes efficaces de surveillance et de responsabilité.
 

F.     Projets de recommandation

1.     Permettre aux personnes d’exclure les membres de la famille de la liste établie dans la LCSS

La liste automatique des nominations, prévue dans la LCSS, propose généralement un moyen efficace de mettre en place une prise de décision au nom d’autrui dans les cas où une réponse souple et rapide s’impose. Les personnes qui ne souhaitent pas recourir à cette liste automatique peuvent, dans la plupart des cas, apaiser leurs préoccupations en créant une procuration relative au soin de la personne qui précise le décideur de leur choix pour ce qui est des traitements et des autres questions visées par la LCSS. La Loi permet également au TCP de consentir à une nomination en vertu d’une procuration; ces situations sont toutefois rares.  

Comme il a été dit précédemment, la CDO a entendu des craintes au sujet des personnes n’ayant qu’un seul membre de la famille ou qui ne peuvent faire confiance à aucun des membres disponibles de la famille, car elles risquent de se retrouver tout de même avec quelqu’un à qui elles s’opposent ou qui abuse de son pouvoir en tant que décideur par défaut en vertu de la LCSS. Accroître les options pour la nomination d’un mandataire spécial pour que des représentants professionnels et des organismes communautaires puissent jouer un plus grand rôle peut réduire le nombre de ces situations. Le problème est toutefois inhérent à la structure de la LCSS. 

Dans sa présentation à la CDO, l’Advocacy Centre for the Elderly a recommandé de résoudre ce problème en permettant de créer un document pour exclure une ou plusieurs personnes de la liste établie dans la LCSS. 

La LCSS permet également de révoquer une procuration relative au soin de la personne[462]. Les révocations doivent se faire par écrit et répondre aux mêmes normes d’exécution pour ce qui est des témoins que les normes visant la création d’une procuration relative au soin de la personne[463]. 

Selon la CDO, il serait simple et efficace d’autoriser les personnes qui ont la capacité juridique de faire une procuration relative au soin de la personne de créer un document qui exclut des personnes en particulier d’une nomination selon la liste de la LCSS, leur donnant ainsi le pouvoir de s’assurer que les décisions concernant leurs traitements, leur placement dans des foyers de soins de longue durée ou de services d’aide personnelle ne sont pas prises par des personnes avec lesquelles elles entretiennent de mauvaises relations. Cette possibilité aurait pour effet de limiter la liste aux personnes que le mandant approuve implicitement ou de permettre au TCP de prendre des décisions conformes à la LCSS au besoin, sans exiger qu’il consente à jouer le rôle plus large d’un procurer au soin de la personne. 
 

PROJET DE RECOMMANDATION 41.  
          Que le gouvernement ontarien modifie la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé pour que les personnes qui répondent à la norme de la capacité juridique puissent établir une procuration relative au soin de la personne et interdire de nomination une ou des personnes en particulier à partir de la liste prévue à l’article 20 de cette loi, au moyen d’un document écrit répondant aux mêmes exigences d’exécution que la révocation de procuration relative au soin de la personne aux termes de l’article 53 de la Loi de 1992 sur la prise de décision au nom d’autrui.
 

2.     Orienter le rôle de mandataire spécial du tuteur et curateur public 

La CDO croit qu’il appartient au gouvernement de veiller à ce que les Ontariens puissent avoir un mandataire spécial digne de confiance et compétent lorsqu’ils en ont besoin. Ils seraient assez peu nombreux à faire du gouvernement leur choix idéal comme mandataire spécial parce qu’ils préféreront confier ce rôle à une personne avec qui ils entretiennent une relation plus personnelle, mais les participants aux consultations de la CDO ont reconnu la valeur du TCP en tant que décideur expert, professionnel et digne de confiance pour les personnes dont les besoins ne peuvent être convenablement comblés autrement. Certaines personnes n’ont pas d’autre option pour la prise de décision au nom d’autrui en raison de leur isolement social et de leur faible revenu. D’autres personnes, elles, ont une famille, mais la dynamique familiale est si mauvaise ou le niveau de compétences si faible que leur bien-être s’en trouverait menacé. D’autres personnes encore ont des besoins si difficiles à combler que les autres options ne sont pas viables et l’expertise et le professionnalisme du TCP s’imposent pour s’assurer que les décisions au nom d’autrui sont dûment prises. Les personnes qui ne peuvent pas obtenir le service dont elles ont besoin auprès d’un organisme à but lucratif ou parce qu’elles ont autour d’elles des personnes sans grande expérience et peu enclines à résoudre les problèmes éthiques et pratiques difficiles qui peuvent survenir lorsqu’il faut prendre des décisions au nom d’autrui devraient, de l’avis de la CDO, être au cœur des activités du TCP en matière de prise de décision au nom d’autrui. C’est dans cette optique que la CDO voit le rôle de « dernier ressort » du TCP : non seulement comme dernière solution dans les situations où il n’y en a pas d’autre, mais aussi en tant que prestataire des services spécialisés aux personnes dont les besoins ne peuvent être convenablement comblés par d’autres options. Comme il est dit au chapitre IX, il peut aussi y avoir des situations urgentes dans lesquelles il peut convenir au TCP de devenir temporairement mandataire spécial, en attendant la mise en place d’autres options.  

Un examen approfondi des programmes de tutelle publique aux États-Unis souligne à la fois l’importance et les difficultés de ce rôle :

[traduction] La tutelle n’est pas du travail social, même si elle comporte des éléments importants de ce travail. Inversement, la tutelle, un produit des tribunaux, n’est pas complètement une question de droit. La tutelle est un amalgame de nombreuses disciplines : le droit, la médecine, le travail social et la psychologie. Surtout, la tutelle vise directement des êtres humains, les êtres humains les plus vulnérables de la société. Pourtant, les personnes confiées au soin de l’État ne reçoivent pas encore souvent une attention fondamentale. Vivre la vie décisionnelle de ces personnes dépourvues est peut-être la fonction de l’État la plus importante et la plus complexe. La tutelle demeure entourée de mystère pour la plupart des gens, pourtant la tutelle publique remplit une fonction de l’État très importante pour la majeure partie de la population à risque, des personnes qui ne méritent rien de moins que l’excellence de la part des fonctionnaires publics[464].

La CDO recommande que le TCP continue à jouer le rôle vital de mandataire spécial de dernier ressort, dans le sens où on l’entend ci-dessus. La création d’autres options pour ceux et celles à qui elles conviendraient, y compris réduire le rôle de la tutelle légale dans le système ontarien, doit atténuer une partie des pressions auxquelles le TCP est actuellement soumis, renouveler et renforcer l’orientation sur les besoins des personnes pour qui l’aide du TCP est véritablement nécessaire.

Si la tutelle légale était abolie, comme la CDO l’a recommandé au projet de recommandation 35, pour que le TCP joue le rôle de mandataire spécial, il serait important que la législation comprenne des mentions claires de la raison d’être du TCP en matière de tutelle et les critères en vertu desquels il devrait être nommé.

 

PROJET DE RECOMMANDATION 42.   
         Que le gouvernement modifie la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui afin de préciser clairement, à l’égard du tuteur et curateur public, sa fonction de prise de décisions spécialisées et fiables pour le compte de personnes n’ayant pas accès à des options qui répondraient correctement à leurs besoins en la matière, et afin d’établir des critères et des processus qui lui permettront d’exercer cette fonction.
 

3.     Représentant décisionnaire professionnel réglementé 

Faut-il encourager la création de la fonction de représentant décisionnaire professionnel? 

Comme il a été dit précédemment, des personnes ou des établissements peuvent être mandataires spéciaux à but lucratif en vertu d’une procuration relative aux biens. De nombreuses sociétés de fiducie proposent un service expert et hautement réglementé de mandataire spécial à un petit nombre de clients. Des personnes nomment effectivement divers professionnels, le plus souvent des avocats et des comptables, pour agir en tant que procureurs relativement à leurs biens.  

Des personnes peuvent voir en des représentants décisionnaires professionnels une source attrayante dans deux circonstances. Lorsque des personnes n’ont aucune relation de confiance avec une autre personne appropriée qui est disposée et capable d’agir à leur nom, des représentants décisionnaires pourraient être une solution de rechange au TCP. De plus, certaines personnes peuvent trouver l’idée d’un représentant décisionnaire professionnel attrayante parce que leur domaine de spécialisation leur donne la possibilité d’acquérir de l’expérience et de l’expertise dans l’exécution de ce rôle et parce qu’ils sont indépendants de la dynamique familiale difficile. Il existe cependant divers facteurs qui limitent le recours à ces services professionnels pour le moment. 

Les personnes qui veulent nommer un professionnel comme mandataire spécial n’ont pas de moyens faciles de trouver ce type de service. Les sociétés de fiducie proposent généralement leurs services en tant que procureurs aux biens à un nombre limité de clients existants, de sorte qu’ils ne sont pas à la portée de nombreuses personnes qui pourraient considérer que les représentants décisionnaires professionnels constituent une option souhaitable. Des avocats ou des comptables seront procureurs aux biens, mais un grand nombre ne le seront pas et les personnes devront peut-être faire des recherches approfondies pour trouver quelqu’un qui voudra jouer le rôle de mandataire spécial et elles devront elles-mêmes déterminer si ce professionnel a les compétences et le sens éthique requis. 

Il n’existe pas non plus de disposition claire concernant les services professionnels de mandataire spécial pour le soin de la personne. Comme il a été dit précédemment, plusieurs personnes et groupes consultés ont souligné une lacune inquiétante dans la prestation de services de mandataire spécial en matière de soin de la personne lorsque celle-ci n’a pas de relation avec quelqu’un qui est prêt à jouer ce rôle et qui est capable de le faire. 

Surtout, il existe d’importants risques liés à ce rôle de mandataire spécial contre rémunération. Les risques ne comprennent pas que les pertes financières considérables et un appauvrissement pour toute la vie, mais également des violations importantes des droits de la personne fondamentaux, commises pour maximiser les profits et réduire au minimum les risques de détection des abus de pouvoir. Les mandataires spéciaux contre rémunération chercheront évidemment à retirer un profit appréciable de leur travail : pour ce, les incitatifs naturels consisteront à réduire l’ampleur des services assurés et à augmenter les honoraires. Les risques sont particulièrement élevés parce que la cliente ou le client n’est pas capable de révoquer l’entente ou de superviser efficacement le mandataire spécial. Les personnes qui cherchent des services à but lucratif de prise de décision au nom d’autrui parce qu’elles sont isolées socialement ou sans famille proche d’elles n’ont effectivement personne pour superviser les activités du professionnel. Aux États-Unis, où les programmes de fiduciaires professionnels sont très courants, des préoccupations ont souvent été exprimées au sujet du comportement non éthique de certains sous-ensembles de prestataires de service[465].

L’absence de surveillance des représentants décisionnaires professionnels peut à très juste titre empêcher que d’éventuels clients se tournent vers cette solution : quelles que soient les limites de la famille ou celles du TCP, il peut être bien préférable de se fier aux liens éthiques et affectifs de l’un et l’autre ou aux garanties fondamentales associées aux services fournis par le gouvernement que de courir des risques inconnus et peut-être graves que posent des personnes non supervisées et motivées uniquement par le profit. 

Finalement, il faut reconnaître que les représentants décisionnaires professionnels seront vraisemblablement attrayants pour un segment assez petit de personnes qui ont besoin de ces services, soit les personnes qui ont des moyens financiers pour qu’il paraisse raisonnablement rémunérateur à un professionnel de proposer ce type de service. Fait à remarquer, les sociétés de fiducie et les avocats ne sont, pour ces types de services, qu’un élément d’un plan d’affaires plus général. À l’extérieur des grandes villes, il peut ne pas être possible de trouver des professionnels qui se spécialisent dans ce genre de travail. En particulier si l’on considère que tout type de programme réglementaire ferait inévitablement grimper les coûts d’exploitation d’une telle entreprise. 

Il est important de se rappeler que la prise de décision au nom d’autrui contre rémunération existe déjà en Ontario. Des professionnels tels que des avocats, des comptables et d’autres jouent ce rôle et sont guidés, pour s’en acquitter, par l’éthique professionnelle, des normes et des mécanismes de surveillance professionnels, dans la mesure où ils s’appliquent. La question est de savoir s’il faut adopter des mesures pour faciliter l’accès à ces services et les rendre plus attrayants au public en prévoyant une surveillance et des normes. 

Tout compte fait, la CDO croit qu’un programme bien supervisé et réglementé de représentants décisionnaires professionnels pourrait appuyer une gamme élargie d’options dignes de confiance pour ces fonctions de mandataire spécial. Ce programme pourrait répondre au besoin de services spécialisés et professionnels de mandataire spécial pour les personnes qui ont les moyens de payer ces services et qui n’ont personne de confiance pour exercer ce rôle ou qui préfèrent recourir à cette aide fournie par un tiers neutre et expert. Ces personnes bénéficieraient ainsi d’une solution de rechange pratique à la nomination d’un membre de la famille ou d’amis et au recours au TCP, contribuant aussi à ce que les ressources du TCP puissent être consacrées à ceux et celles qui en ont véritablement besoin.

La CDO est toutefois fermement d’avis qu’il est indispensable, dans les faits, de bien superviser et réglementer ce type de programme. Autrement, il pourrait facilement équivaloir à un abandon des soins et une permission de maltraiter une population intrinsèquement vulnérable. Le projet de recommandation de la CDO à cet effet doit être compris dans ce contexte : les précautions connexes doivent être considérées comme un niveau de surveillance minimal. Sans ces précautions, le statu quo, même avec ses limites reconnues, est préférable pour les personnes directement visées. Il est peu probable également que cette solution constitue une option assez attrayante pour de nombreuses personnes qui envisagent des solutions de rechange. Par conséquent, le gouvernement peut souhaiter approfondir ses recherches pour déterminer si les avantages de la multiplication des options pour le public et une orientation accrue pour le TCP l’emportent sur le coût de précautions suffisantes.
 

Forme de réglementation pertinente 

On peut d’abord se demander si la réglementation devrait prendre la forme d’un régime d’autorisations d’exercer en vertu duquel les représentants décisionnaires professionnels ne pourraient légalement exercer cette profession sans se conformer à des exigences précises, ou la forme d’un agrément que les professionnels peuvent volontairement obtenir d’une entité autonome, cet agrément donnant au consommateur l’assurance que le professionnel possède certains titres et qualités et est assujetti à un code de conduite, à des règles et à d’autres garanties de sécurité et de qualité fournies par l’organisme d’agrément.  

La Commission de réforme du droit du Manitoba (CRDM) dans son rapport intitulé Regulating Professions and Occupations[466] propose une analyse de rentabilité pour l’étude de la réglementation d’une profession, soupesant le besoin de protection du public d’un exercice incorrect du service et les coûts de la réglementation[467]. 

Il faut reconnaître que toute forme de réglementation s’accompagne de « coûts » marginaux, qu’il s’agisse de conférer l’autorisation d’exercer, l’agrément, ou bien de toute autre forme de réglementation. Il y a les coûts évidents, tels que ceux des ressources nécessaires à l’administration du régime (par exemple, les coûts liés au fonctionnement du bureau de réglementation) qui devront être assumés soit par le contribuable, soit indirectement par les acheteurs du service, selon le modèle réglementaire. La CRDM a également fait mention de coûts moins souvent considérés, par exemple l’augmentation des prix pour les consommateurs : limiter aux seuls détenteurs de licence la prestation d’un service restreint la concurrence et crée essentiellement un monopole pour ceux qui peuvent proposer le service, ce qui nuit au prix de ce dernier[468]. Cette situation peut créer un obstacle à l’accès pour les personnes moins nanties. Un régime d’agrément limitera la concurrence dans une moindre mesure que l’autorisation d’exercer, et sera par conséquent moins coûteux, car les consommateurs peuvent ou non faire appel à une personne agréée pour faire le travail. La CRDM a par conséquent recommandé que l’autorisation d’exercer soit utilisée « avec parcimonie et prudence », et seulement dans les cas où le préjudice que pourrait subir le public de l’exécution insuffisante du service soit grave[469].

La CDO est d’avis qu’un régime de représentant décisionnaire professionnel devrait être assujetti à l’obtention d’une licence, pas simplement à un agrément. Comme on l’écrit dans tout le présent rapport, il existe des risques importants et substantiels de dommages intrinsèques à la prise de décision au nom d’autrui, en raison de la combinaison des facteurs suivants : la population servie, les droits fondamentaux en jeu et le fait que l’accès à la prise de décision au nom d’autrui donne au mandataire spécial des avantages financiers ou autres de la personne qui reçoit le service. Cette reconnaissance est à la base même de l’existence du cadre juridique ontarien dans ce domaine et du rôle attribué au TCP. La combinaison de ces caractéristiques auxquelles se rattache une motivation de rentabilité incite à une grande prudence et attention. De plus, sans réglementation ni supervision, les représentants professionnels ne seront vraisemblablement pas très souvent retenus comme option, en raison des préoccupations valables des consommateurs à l’égard des abus possibles. Même si la réglementation peut faire augmenter les coûts de l’accès, la CDO propose que le TCP garde la responsabilité des services pour les personnes qui ne disposent pas d’un autre moyen efficace : la profession réglementée ne devrait pas être le seul moyen d’accès à ces types de services, mais un élément d’un mélange qui continuera d’inclure les familles, le TCP et les sociétés de fiducie, qui sont déjà entièrement réglementées. 

La question qui en découle est la suivante : qui devrait être responsable de la surveillance? Les deux options principales sont le secteur public, soit par le truchement d’un ministère ou d’un organisme public tel que la Commission des services financiers, soit l’autoréglementation telle que le Barreau du Haut-Canada ou celle que prévoient les professions de la santé réglementées. 

Il faut noter que même si les entités d’autoréglementation sont financées par les membres assujettis à leur réglementation, la surveillance directe par les pouvoirs publics ou un organisme public peut être financée par la perception de droits auprès des personnes réglementées, par exemple. Autrement dit, un choix entre les modèles n’est pas automatiquement un choix entre l’autofinancement ou le financement par les contribuables. 

Bien que tous les modèles d’organismes de réglementation prévoient la surveillance par les pouvoirs publics, les modèles d’autoréglementation retranchent une étape de cette surveillance par rapport aux situations dans lesquelles les pouvoirs publics ou l’un de leurs organismes réglementent directement l’activité. Dans son rapport de 1994, la CRDM  a examiné les avantages et les inconvénients du modèle d’autoréglementation. Elle a constaté que dans certaines circonstances, la profession elle-même peut être la mieux à même de créer les règles qui régiraient la profession, et dit : [traduction] « [ces règles] seront probablement mieux respectées si l’autoréglementation crée un sentiment de communauté entre les praticiens qui renforce un engagement envers des normes élevées de compétence et de conduite éthique[470] ». Cette remarque s’applique plus clairement aux professions arrivées à une certaine « maturité », en ce sens qu’il existe une communauté établie de personnes qui exercent cette activité en particulier, des antécédents de conduite éthique et une norme d’exercice bien comprise et établie plutôt qu’une situation comme celle dont on parle ici, soit la création en quelque sorte d’une nouvelle profession.   

De plus, selon la CRDM, pour que l’autoréglementation fonctionne, il doit y avoir une « masse critique » de praticiens pour payer et se charger des tâches nécessaires au fonctionnement de l’entité d’autoréglementation. En réponse à la question de savoir si les professions non réglementées devraient l’être[471], le Conseil consultatif de réglementation des professions de la santé, qui conseille le ministre de la Santé et des Soins de longue durée, dit qu’il se demande si [traduction] « les praticiens de la profession sont assez nombreux pour soutenir et financer en permanence le nombre requis de membres du personnel compétents qui permettront à l’organisme de réglementation de continuer de s’acquitter efficacement de ses fonctions[472] ». 

Selon la CRDM, l’autoréglementation a pour inconvénient principal la possibilité que l’organisme de réglementation vive des conflits entre les intérêts individuels de membres de la profession et l’intérêt public général. À cet égard, le Conseil consultatif de réglementation des professions de la santé a examiné si [traduction] « les dirigeants de la profession ont montré qu’ils feront la distinction entre l’intérêt public et les intérêts individuels des membres de la profession. Les ordres professionnels ont pour mandat de privilégier le premier par rapport aux seconds[473] ».  

En examinant l’expérience des grands États des États-Unis, on observe que la plupart ont mis en place une forme ou une autre de surveillance directe des tuteurs professionnels par les pouvoirs publics. La Californie a créé un Professional Fiduciaries Bureau [bureau des fiduciaires professionnels] qui confère des autorisations d’exercer, supervise et réglemente les fiduciaires professionnels[474]. En Floride, le Statewide Public Guardianship Office [bureau de la tutelle publique de Floride] a la responsabilité de l’inscription des tuteurs professionnels et de la réception et de l’examen des rapports annuels, de même que des plans de tutelle. Au Texas, la surveillance des tuteurs professionnels est effectuée par une direction des affaires judiciaires, la Judicial Branch Certification Commission, à qui il incombe également de surveiller d’autres professions du domaine judiciaire, par exemple les sténographes judiciaires, les huissiers des services judiciaires et les interprètes judiciaires[475].

Globalement, il semble à la CDO que dans cette situation, lorsque l’intention de la réglementation consiste essentiellement à créer et à appuyer la mise en place d’une profession ou d’un service assez nouveau ou peu considéré, une formule d’autoréglementation n’est pas particulièrement pratique, du moins pas à ce moment-ci, et qu’il faudrait plutôt élaborer une certaine forme de réglementation directe, peut-être semblable à certains grands égards à celle des évaluateurs de la capacité.
 

Mesures de protection de la qualité et de prévention des abus

En dernier lieu, il faut porter une attention particulière à la mise en place de mesures de protection pour ce service, à la fois pour protéger les utilisateurs et en faire une solution de rechange crédible au statu quo dans l’esprit des utilisateurs possibles. 

Comme il a en a été brièvement question ci-dessus, il est très courant aux États-Unis que la tutelle soit exercée par des employés d’entreprise ou d’autres professionnels ou praticiens[476]. La CDO a examiné ce qui se fait aux États-Unis pour en tirer des leçons. Les régimes de réglementation des tuteurs/fiduciaires professionnels varient considérablement d’un État à un autre, allant des régimes très officieux aux régimes hautement réglementés. Certaines des mesures de protection et des structures courantes associées à ces programmes, mises en œuvre dans de grands États aux populations plus comparables à celles de l’Ontario, sont exposées ci-après. 

Les régimes réglementaires américains applicables aux tuteurs professionnels tendent à s’appliquer aux personnes et aux organisations dont ces rôles constituent l’activité commerciale principale et à exclure les membres de la famille ou les amis qui reçoivent une certaine rémunération pour s’acquitter de leurs responsabilités, de même que les avocats ou d’autres professionnels qui peuvent occasionnellement assumer cette responsabilité. En général, la réglementation s’applique à ceux qui proposent ces services rémunérés à plusieurs personnes. 

La National Guardianship Association (NGA), fondée en 1988, joue un rôle important dans ce domaine[477]; elle a pour mission [traduction] « de faire progresser la norme d’excellence reconnue à l’échelle nationale en matière de tutelle ». La NGA a établi des normes d’exercice nationales pour les personnes et les organisations. Elle a milité en faveur de l’agrément des tuteurs et créé un « Centre for Guardianship Certification » (centre d’agrément des tuteurs) où des personnes peuvent obtenir l’agrément comme titulaire agréé national ou titulaire principal national. Elle procure également aux tuteurs de nombreuses possibilités de perfectionnement professionnel. Si le gouvernement décidait de retenir la création de fiduciaires professionnels, la NGA pourrait lui être d’une aide considérable, par exemple, comme source de normes. 

Exigences préalables à l’agrément : Les petites instances peuvent traiter les tuteurs professionnels de manière plus ou moins officielle, se fiant à la surveillance des tribunaux et aux réseaux non officiels comme mesures de protection, mais les grands États qui comptent de nombreux tuteurs professionnels ont tendance à mettre en place des exigences préalables à l’agrément assez approfondies. 

Éducation, formation et agrément : De nombreux États exigent une formation, un examen d’agrément ou les deux. Pour accorder l’agrément de tuteur professionnel, la Floride exige que les tuteurs effectuent au moins 40 heures de formation et obtiennent au minimum 75 pour cent à l’examen des compétences des tuteurs professionnels, administré par l’University of South Florida, ou reçoivent une dispense du Statewide Public Guardianship Office. En Californie, les candidats doivent suivre une formation approuvée de 30 heures[478]. Au Texas, les candidats doivent posséder au moins deux ans d’expérience pertinente ou avoir terminé un cours approuvé et avoir réussi un examen approuvé en tout au plus quatre tentatives[479].

Vérification de la solvabilité et du casier judiciaire : Pour obtenir l’agrément, les tuteurs peuvent devoir se soumettre à une vérification du casier judiciaire, de leur solvabilité ou des deux. La Floride exige, entre autres conditions d’exercice, que tous les tuteurs professionnels fournissent, à leurs frais, des attestations de leur solvabilité et de l’état de leur casier judiciaire[480]. La Californie précise que le Professional Fiduciaries Bureau ne peut délivrer de licence à quiconque a été reconnu coupable d’un crime qui [traduction] « a trait en grande partie à ses titres et qualités, fonctions ou devoirs de fiduciaire », et qui s’est « livré à un acte malhonnête, une fraude ou une négligence grave dans l’exercice des fonctions ou des devoirs d’un fiduciaire », qui a été démis de ses fonctions de fiduciaire par un tribunal en raison d’un abus de confiance commis intentionnellement, avec négligence grave, de mauvaise foi ou une indifférence dangereuse ou qui a « montré des habitudes de conduite négligente[481] ». Le Texas prévoit des dispositions relatives au casier judiciaire, mais pas de vérification de la solvabilité[482].

Cautionnements ou assurance : Certains États exigent des assurances ou des cautionnements des titulaires. En Floride, par exemple, tous les tuteurs professionnels doivent avoir un cautionnement global d’au moins 50 000 $ pour couvrir toutes les pupilles sous leurs soins[483]. Dans l’État de Washington, le tuteur professionnel doit déposer un cautionnement d’un montant déterminé par le tribunal pour chaque pupille, mais l’État peut renoncer à ce cautionnement dans le cas des clients qui ont très peu d’actifs[484].

Enregistrement : Lorsque l’agrément est exigé, il existe généralement un registre des tuteurs agréés. En Californie, par exemple, le Professional Fiduciaries Bureau (PFB) délivre les autorisations d’exercer. Le PFB tient une liste des fiduciaires professionnels privés qualifiés et agréés qu’on peut consulter dans son site Web[485]. Les titulaires de licence sont également tenus de divulguer toute information concernant d’éventuelles sanctions, y compris, mais sans s’y limiter, l’information concernant les citations, les amendes, les suspensions et les révocations des autorisations d’exercer ou autres mesures d’application de la loi prises par le Bureau à l’égard du titulaire de la licence[486]. 

Fonctions et responsabilités permanentes : En plus des exigences préalables à l’agrément, les États peuvent imposer des fonctions permanentes pour s’assurer du respect des normes et faciliter la surveillance. 

Formation continue : Après les 40 heures initiales de formation obligatoire, les tuteurs professionnels de la Floride doivent suivre 16 heures de formation continue tous les deux ans. La Floride Guardianship Association approuve les activités de la formation continue à cette fin[487]. De même, en Californie, pour renouveler une licence, les candidats doivent faire 15 heures de formation continue[488], dans un cours de formation approuvé par le Professional Fiduciaries Bureau[489].

Rapports réguliers : Les tuteurs professionnels de la Floride doivent s’inscrire annuellement au Statewide Public Guardianship Office. Ils doivent fournir, au moment de leur inscription, des vérifications régulières de leur solvabilité et de leur sécurité pour eux-mêmes et leurs employés, de même que des preuves qu’ils ont suivi les heures de formation continue exigées[490]. Ils doivent fournir un rapport initial et un plan annuel de tutelle pour chaque personne à laquelle ils assurent des services. Le plan annuel de tutelle comprend un rapport comptable annuel, ainsi que des renseignements sur la résidence, la condition sociale et la santé mentale et physique du ou de la pupille[491].

En Californie, les titulaires de licence doivent remplir des dossiers complets et fidèles des comptes de leurs clients et mettre ces dossiers à la disposition du bureau aux fins de vérification[492]. Ils doivent également présenter une déclaration annuelle au PFB dans laquelle ils fournissent toutes sortes de renseignements : s’ils ont pu être relevés de leurs fonctions de curateur, de tuteur, de fiduciaire ou de représentant personnel pour un motif valable; le nom de l’affaire, les lieux où elle a été entendue et les numéros d’affaires pour toutes les questions pour lesquelles le tribunal a nommé le titulaire de licence; si un tribunal l’a reconnu coupable d’avoir manqué à un devoir fiduciaire; toute licence ou tout certificat professionnel détenu; toute propriété ou tout intérêt bénéficiaire dans toute entreprise ou autre détenu par le titulaire de la licence ou par un membre de la famille qui reçoit ou a reçu des paiements d’un client du titulaire de la licence; et si ce dernier a été reconnu coupable d’un crime[493].

Au Texas, les titulaires doivent déposer un rapport annuel dans lequel ils indiquent le nombre de personnes confiées à leurs soins, la valeur marchande équitable approximative des biens de toutes les personnes servies, l’argent reçu de l’État du Texas pour les services de tutelle et le montant d’argent reçu d’autres sources publiques. Après l’agrément, les tuteurs doivent fournir des demandes annuelles de renouvellement[494].

Normes professionnelles : La Floride a fixé des normes pour les tuteurs professionnels dans sa loi. Par exemple, les titulaires doivent rendre visite à chacun de leurs pupilles une fois tous les quatre mois pour s’assurer que leurs besoins sont comblés[495]. En Californie, le Professional Fiduciaries Bureau a la responsabilité de l’élaboration d’un code d’éthique à l’intention des fiduciaires[496]. Au Texas, il incombe à la Judicial Branch Certification Commission de créer des normes minimales concernant les services de tutelle auxquelles les tuteurs doivent se conformer.

Ces instances donnent quelques exemples des mécanismes de sélection et de surveillance des fiduciaires professionnels. Ces mécanismes rappellent à de nombreux égards ceux qui sont utilisés pour les évaluateurs de la capacité désignés aux termes de la Loi de 1992 sur la prise de décision au nom d’autrui, exposés au chapitre V. Pour figurer sur la liste des évaluateurs de la capacité désignés, tenue par le Bureau de l’évaluation de la capacité, les évaluateurs doivent se conformer à des exigences minimales de formation, avoir suivi un cours d’évaluation de leurs compétences, suivre régulièrement des cours de perfectionnement, se conformer aux normes publiques et présenter régulièrement des copies des évaluations aux fins d’examen et de rétroaction. 

Les exigences minimales de cours et de formation pour l’agrément ainsi que les obligations permanentes de perfectionnement professionnel constituent une bonne formule pour s’assurer que les fiduciaires professionnels possèdent effectivement les compétences spécialisées qui sont l’un des principaux avantages proposés de ce type d’option. Des normes claires sont le fondement de la responsabilité : comme il a été dit ci-dessus, les normes créées par la National Guardianship Association peuvent constituer le fondement des normes d’un régime ontarien. De plus, les exigences d’enregistrement et d’établissement de rapports sont un mécanisme fondamental de surveillance lorsque des professionnels gèrent des fonds au nom de personnes vulnérables.
 

PROJET DE RECOMMANDATION 43.
            Sous réserve de la mise en œuvre des mesures de protection énoncées ci-dessous ou de celle de mesures qui les équivalent, que le gouvernement ontarien examine la possibilité de créer un régime d’autorisation d’exercer et de réglementation pour les représentants décisionnaires professionnels, doté des caractéristiques suivantes :

a)     autorisation d’exercer et surveillance axées sur les personnes dont ces services constituent l’activité commerciale principale, et qui agissent au nom de nombreuses personnes;

b)     autorisation d’exercer et surveillance par les pouvoirs publics ou par un organisme public, avec possible financement par les droits, au moins pendant le développement de la profession;

c)      autorisation, pour les représentants professionnels agréés, de prendre à la fois des décisions relatives aux biens et au soin de la personne, qu’ils soient nommés par celle-ci ou par voie externe;

d)     régime de surveillance assorti des mesures de protection et des assurances de la qualité suivantes :

i.          exigences minimales concernant les compétences et la formation;

ii.          exigences de perfectionnement professionnel permanent;

iii.          exigences de vérification de la solvabilité et du casier judiciaire;

iv.          ensemble de normes de conduite et de qualité, y compris interdictions d’opérations conflictuelles précisées;

v.          exigences de tenue de livres;

vi.          exigences de dépôt de rapports annuels;

vii.          exigences relatives aux cautionnements et aux assurances.

 

4.     Examen du rôle des organismes communautaires 

Les organismes communautaires devraient-ils jouer le rôle de représentant décisionnaire?

Des représentants professionnels contre rémunération peuvent constituer des options valables pour les personnes suffisamment bien nanties pour justifier la dépense. Selon certaines personnes consultées, des organismes communautaires pourraient constituer une option additionnelle sans but lucratif. Ces organismes sont proches de la communauté, assurent une gamme de services de soutien et sont capables de comprendre en profondeur les contextes et les besoins des populations particulières qu’ils servent, et pour ces raisons, ils peuvent être capables de proposer une optique plus personnelle et globale au rôle de mandataire spécial à leurs clientèles et servir celles qui ne pourraient pas avoir accès aux services contre rémunération ou que les familles pourraient avoir de la difficulté à appuyer convenablement. 

Les organismes communautaires ontariens jouent déjà le rôle de fiduciaires pour les prestations versées par le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées[497] (POSPH), de même que par le Régime de pensions du Canada (RPC) et la Sécurité de la vieillesse (SV)[498]. À certains égards, la fonction de ces fiduciaires officieux ressemble à celle d’un tuteur aux biens ou au soin de la personne nommé par une procuration relative aux biens, mais il faut signaler que ces fiduciaires s’occupent seulement de personnes dont la source de revenus est assez limitée et que la nature du POSPH procure quelques possibilités de surveillance et de mesures correctives raisonnablement opportunes, si un fiduciaire officieux utilise les fonds à mauvais escient. Même si des préoccupations ont été exprimées au sujet de différents aspects des dispositions officieuses de fiducie du POSPH, y compris un manque de surveillance et de recours efficaces si des personnes souhaitaient contester la nomination d’un fiduciaire, la CDO a entendu que certains organismes communautaires sont capables de proposer de très bons services de fiducie officieux, dans le cadre d’un ensemble général de services qu’ils assurent à leurs clients qu’ils connaissent bien et avec lesquels ils interagissent régulièrement. C’est là certainement l’intention du Programme fédéral de soutien aux aînés sans abri : il vise à aider les aînés vulnérables à recevoir les prestations de revenu fédérales en accroissant « la capacité des organismes reconnus et des municipalités qui proposent déjà directement des services aux aînés sans abri de sorte qu’ils puissent les aider à demander et à administrer leurs prestations du RPC, de la SV et/ou du SRG[499] ». Il est également vrai, toutefois, que les organismes communautaires peuvent hésiter à jouer ce rôle en raison des pressions exercées sur les budgets ou le personnel.

Le Bloom Group, qui fournit des logements supervisés à des personnes ayant des problèmes mentaux, des foyers d’accueil d’urgence pour les femmes et les enfants et des maisons de soins palliatifs en grande partie dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver[500], est un exemple d’organisme communautaire qui propose ce type d’aide à la décision au jour le jour, en tant que fiduciaire des programmes fédéraux de pension. Le Groupe reçoit des clients recommandés par le British Columbia Public Guardian and Trustee et les services sociaux[501]. Au cours de l’exercice 2013-2014, le Bloom Group a géré les finances de 858 personnes, décrites comme [traduction] « des personnes âgées vulnérables à l’exploitation financière et à des personnes qui ont des contraintes physiques et/ou mentales[502] ». L’organisme perçoit des frais pour ses services, mais précise qu’il les maintient aussi bas que possible pour que les personnes aux revenus limités puissent accéder aux services et qu’il réinvestit les frais dans le programme. Le volet des travailleurs adultes sous tutelle du programme collabore avec des équipes en santé mentale, des établissements de soins et d’autres groupes communautaires au besoin. Le volet des travailleurs adultes sous tutelle assure entre autres les services suivants : 

·       l’élaboration d’un budget fonctionnel et plan de réduction de l’endettement, en collaboration avec le client, selon son revenu, ses dépenses mensuelles, ses dettes et l’épargne en vue de besoins futurs;

·       le paiement de factures telles que le loyer, les repas, les services publics et la pharmacie;

·       la facilitation du dépôt de la déclaration de revenus et des remises fiscales;

·       la liaison avec les travailleurs des services communautaires pour assurer une aide financière aux clients, ou en leur nom, s’il y a lieu;

·       les relevés mensuels à la demande;

·       les demandes à toutes les sources possibles de revenu telles que le Supplément de revenu garanti et le Crédit d’impôt pour personnes handicapées[503].

Selon des organismes communautaires à qui la CDO a parlé pendant les consultations, le rôle de mandataire spécial entrait pour eux en contradiction avec leur mandat et qu’il était par conséquent peu approprié. D’autres ont manifesté un intérêt pour ce rôle, le voyant comme bénéfique pour leur clientèle et un prolongement de leur travail actuel. On a cité en exemple le Programme des services sociaux généraux de la Société canadienne de l’ouïe, qui propose des services de défense des intérêts et le service d’aide pour la qualité de vie aux personnes[504]. D’autres ont souligné l’évolution des formules de services axés sur la personne.

[traduction] De notre point de vue, je ne parlerai pas pour l’agence, mais nous avons vraiment, vous savez, une prestation des services axée sur la personne et nous mettons en place autour des gens des aides qui ne sont plus des étrangers. Je veux dire par là qu’on établit des relations et que les aides sont de qualité, fondées sur les besoins de la personne; nous avons déjà, vous savez, la base de ce qui protège le mieux les intérêts de la personne et nous les aidons déjà à prendre des décisions […] Les aider à prendre des décisions pourrait, vous savez, être un conflit d’intérêts, mais dans un organisme de notre envergure, nous pouvons mettre en place des garde-fous pour contrer cela […] ces contrôles existent déjà dans notre organisme, dans les services et les aides que nous assurons. Ces contrôles sont un aspect important qui doit être reconnu légalement. Pourquoi devons-nous prendre une autre voie et nous adresser à un étranger pour les décisions prises au nom d’autrui lorsque nous avons cette formule complète et réellement positive qui donne de bons résultats?

Groupe de discussion – Secteur des services aux personnes ayant un handicap de développement – Kingston, 17 octobre 2014

Les organismes qui disent s’intéresser à un rôle pour les organismes communautaires ont clairement indiqué qu’il fallait soigneusement réfléchir à la question des conflits d’intérêts et aux limites des compétences des organismes. Même s’il peut être avantageux d’en nommer un mandataire spécial pour une personne en raison de la perspective globale qu’il pourrait donner à ce rôle, il n’en demeure pas moins que l’organisme communautaire qui propose des services sociaux et qui agit également comme mandataire spécial peut avoir, à tout le moins potentiellement, si ce n’est pas réellement, des conflits d’intérêts entre ces deux rôles. Il se peut que l’organisme prenne des décisions qui tiennent malencontreusement compte de ses besoins en tant que prestataire de services, d’une façon qui pourrait ne pas refléter les intérêts supérieurs de la personne qu’ils représentent. L’examen des systèmes de tutelle publique aux États-Unis, dans lequel le modèle « d’organisme de services sociaux » pour la prestation de tutelle de dernier ressort est très courant, a succinctement exprimé cette tension :

[traduction] À première vue, le modèle d’organisme de services sociaux pourrait sembler le placement le plus logique de la tutelle publique parce que le personnel connaît les services et possède des réseaux qui permettent de les obtenir. Toutefois, ce modèle présente un grave conflit d’intérêts parce que le tuteur ne peut pas évaluer et surveiller objectivement les services fournis. Il ne peut pas non plus défendre les intérêts avec zèle des personnes incapables, entre autres déposer des plaintes au sujet des services fournis. Une action en administration de succession ou une poursuite judiciaire pourrait être contrecarrée, voire complètement évitée[505].

Certains ont suggéré que les organismes communautaires s’associent au TCP : les organismes pourraient prendre les décisions quotidiennes au nom de leur clientèle, mais renvoyer les décisions qui dépassent leurs domaines de compétence ou qui soulèvent des conflits d’intérêts au TCP qui rendrait la décision finale. 

[traduction] Si je devais investir dans le système, j’investirais pour aider le tuteur et curateur public à clarifier certains [inaudible]. Comme vous le savez, il y a tellement de personnes pour qui, vous savez, on gère les finances. Par exemple, avez-vous besoin d’une nouvelle paire de pantalons? Ce genre de chose peut se faire à l’échelle communautaire. Il y a certainement quelqu’un qui dira que ce mécanisme existe par le biais du fiduciaire du POSPH… alors, faisons appel à ces gens et laissons-les se concentrer sur ces fonctions.

Groupe de discussion – Prestataires de services aux personnes atteintes de démence, 21 octobre 2014
 

On a aussi suggéré que les organismes communautaires s’associent à des sociétés de fiducie pour servir certains clients, pour proposer non seulement des garde-fous, mais aussi un ensemble plus complet de compétences. Des normes claires de professionnalisme et d’éthique seraient également utiles.

[Traduction] Je pense au professionnalisme et à la formation. Oui, il peut y avoir conflit, c’est certain, mais généralement, si l’on prend une procuration relative aux biens, lorsqu’elle est attribuée à une banque, on présumera que le conflit n’existera pas, mais la banque ou la société de fiducie a toujours besoin d’instructions de quelqu’un sur la façon de faire les choses. C’est là un rôle que [notre organisme] joue souvent et, nous le répétons, il doit être plus vaste que cela pour que nous puissions obtenir des conseils professionnels sur ce que sont les besoins de la personne. […] Il y a donc risque de conflit, mais à mon avis, on peut en revenir à qui joue ce rôle, par profession, par expérience et formation.

Groupe de discussion – Organismes communautaires et de défense des droits, 3 octobre 2014

Il faut également souligner que le TCP, les sociétés de fiducie et les fiduciaires professionnels proposés sont tous en position d’acquérir les compétences spécialisées nécessaires pour jouer le rôle de mandataire spécial, parce qu’il s’agit d’un domaine qui intéresse au premier chef ceux et celles qui exercent ce rôle. Même si les organismes communautaires pouvaient avoir une connaissance approfondie de domaines particuliers – par exemple, les besoins des personnes ayant des problèmes de santé mentale et les systèmes qu’elles doivent utiliser – ils peuvent ne pas avoir naturellement connaître à fond le régime législatif et les responsabilités qui en découlent, ni savoir comment au mieux s’acquitter de celles–ci. 

Le Rapport final de la CDO dans son projet sur la capacité et la représentation aux fins du REEI fédéral a tenu compte de la pertinence de permettre aux organismes communautaires d’agir à titre de représentants légaux dans le cas des REEI. Signalant que les organismes sont couramment nommés fiduciaires pour le POSPH, le RPC et la SV, et que la Powers of Attorney Act de la Saskatchewan permet la nomination de sociétés comme procureurs en vertu d’une procuration, la CDO a également reconnu le risque que représentent les conflits d’intérêts et les responsabilités importantes qui sont liées à la prise de décision au nom de plusieurs personnes. La CDO recommande que :

6.      Le gouvernement de l’Ontario reconnaisse que les organismes communautaires ont qualité pour agir comme représentants légaux REEI dans les cas où ils ont été approuvés pour dispenser des services aux adultes handicapés par l’intermédiaire de ministères de l’Ontario.

7.      Le gouvernement de l’Ontario élabore et mette en œuvre un processus destiné aux ministères désignés pour qu’ils puissent approuver les organismes communautaires ayant qualité pour agir comme représentants légaux REEI, s’ils ne sont pas approuvés tel qu’indiqué à la Recommandation 6. Le ministère désigné aura aussi pour tâche de conserver une liste des organismes communautaires approuvés.

8.      Le gouvernement de l’Ontario exige que les organismes communautaires nommés comme représentants légaux REEI en vertu des Recommandations 6 et 7 élaborent et mettent en œuvre une politique de gestion assortie de procédures afin d’effectuer les opérations suivantes :

a)      tenir des dossiers de transactions séparés à l’égard du REEI de chacun des bénéficiaires;

b)      procéder à un examen périodique des dossiers de chaque bénéficiaire;

c)    s’assurer qu’un employé désigné jouisse clairement du pouvoir de signer, en tout temps, au nom de l’organisme communautaire lors de transactions avec une institution financière[506].

 

Les responsabilités d’un organisme communautaire exerçant des fonctions de mandataire spécial aux biens ou au soin de la personne seraient beaucoup plus vastes et complexes, et comporteraient régulièrement plus de risques pour la personne que n’en comportent le rôle de fiduciaire ou celui de représentant légal aux fins de l’ouverture et de la tenue d’un compte de REEI. 

La CDO est d’avis que les organismes communautaires pourraient jouer un rôle précieux en ce qui a trait à la prise de décision, étant donné leurs connaissances spécialisées de certaines communautés et leur capacité d’établir des relations soutenues avec leurs clients. Par exemple, des organismes communautaires profondément enracinés dans des communautés particulières de personnes handicapées peuvent être très bien placés pour comprendre les besoins, les options et les situations entourant des types courants de décisions; ils peuvent aussi très bien connaître certaines communautés ethnoculturelles, ce qui leur permet d’aider à interpréter les concepts, les pratiques et les buts de la prise de décision d’une manière qui soit acceptable culturellement. Le rôle des organismes communautaires dans la prise de décision doit être adapté à la fois aux compétences spécialisées et aux responsabilités actuelles de ces organismes. 

Il ne conviendrait pas, par exemple, que des organismes communautaires prennent des décisions de fin de vie ou d’autres décisions importantes en santé, ou qu’ils gèrent les investissements des clients : ces types de décisions dépassent leurs rôles et leurs bagages de compétences. Toutefois, les organismes communautaires, comme un certain nombre de participants aux consultations l’ont fait remarquer, sont bien placés pour aider les clients dans les décisions quotidiennes. Ils peuvent également être très bien placés pour combler les lacunes des soins de la personne dont il a été question précédemment dans le présent chapitre, parce qu’ils peuvent aider ces personnes à cibler des services et des services de soutien et à y avoir accès pour atteindre leurs objectifs de vie et prendre des décisions relatives à leur mode de vie et à leurs activités quotidiennes. De plus, ces organismes communautaires peuvent avoir beaucoup d’expérience dans l’aide à apporter aux personnes qui doivent trouver des services et des programmes et y avoir accès, et les seconder pour qu’ils fassent des choix pratiques. En pratique donc, le rôle des organismes communautaires devrait inclure l’établissement de base d’un budget, le paiement des factures, l’aide pour les demandes à présenter aux programmes ou aux services publics, l’organisation de services de soutien, les décisions relatives au soin de la personne qui ont trait à la nutrition, à l’habillement, à l’hygiène et aux activités quotidiennes. 

Si, comme l’a recommandé la CDO, un moyen accessible est mis en place pour présenter à un tribunal administratif une requête de nomination d’un représentant pour des décisions uniques, on pourrait peut-être penser à un système dans lequel les organismes communautaires pourraient gérer les décisions quotidiennes liées au soin de la personne et aux biens, et confier les décisions en matière de soins de santé par défaut au TCP en vertu de la LCSS et les grandes décisions afférentes aux finances, au soin de la personne ou à des situations de conflits d’intérêts au processus de demandes uniques. Par ailleurs, on pourrait également examiner les suggestions sur les partenariats entre le TCP ou les sociétés de fiducie et les organismes communautaires.
 

Forme de réglementation pertinente 

Il est difficile d’élaborer un modèle efficace pour que les organismes communautaires participent de manière appropriée à la prise de décision au nom d’autrui. Il est important de ne pas oublier, dans l’examen du meilleur moyen de structurer la nomination d’organismes communautaires à titre de mandataires spéciaux, que la plupart des organismes communautaires sont assez petits et qu’ils fonctionnent déjà à plein régime. Comme il y a toujours le risque d’abus des pouvoirs des mandataires spéciaux, il faudra une sélection et une surveillance véritables des organismes qui veulent jouer le rôle de mandataire spécial. Les organismes communautaires peuvent toutefois avoir beaucoup de difficultés à se conformer aux exigences complexes de sélection ou de surveillance, en particulier s’ils n’ont pas l’intention de jouer ce rôle pour un grand nombre de clients et pour cette raison, ils n’acquerront pas une connaissance approfondie de ces systèmes. 

Aux États-Unis, de nombreux organismes sans but lucratif sont reconnus représentants professionnels selon les règles des États dans lesquels ils se trouvent, et assurent ce type de services auprès des personnes qui en ont besoin. Certains organismes se consacrent entièrement à ce type de travail[507], tandis que d’autres l’effectuent dans le cadre d’un mandat plus large. Cette façon de faire a l’avantage de la simplicité : au lieu de démarches multiples pour nommer des mandataires spéciaux, il n’y aurait qu’une seule formule uniforme pour conférer les autorisations d’exercer. Il peut cependant être déraisonnable d’exiger que des organismes sans but lucratif établis depuis longtemps suivent un processus aussi rigoureux qu’une entité à but lucratif sans antécédents établis de services ou d’expertise. De plus, les besoins et les préoccupations d’un organisme sans but lucratif qui souhaite inclure ce rôle dans le cadre des services d’appui qu’il propose déjà à sa communauté différeront de ceux d’une entité à but lucratif spécialisée. De toute évidence, même si une entité sans but lucratif spécialisée peut pertinemment vouloir obtenir une licence de fiduciaire professionnel, capable de prendre des décisions nécessaires pour les clients, ce processus peut ne pas convenir ou s’imposer dans le cas des organismes communautaires qui peuvent vouloir agir à titre de mandataire spécial dans les décisions quotidiennes et dans le cadre de leur rôle élargi de service. 

De plus, si, comme il a été dit ci-dessus, le rôle de mandataire spécial des organismes communautaires se limite à la prise de décisions quotidiennes et ne concerne pas les grandes décisions sur l’hébergement, les soins de santé ou les investissements, le type et l’ampleur de la supervision différeront de ce qu’il faudra mettre en place pour des entités qui joueront des rôles élargis. 

Les trois options permettant aux organismes communautaires de jouer ce rôle plus limité tout en prévoyant une sélection et une supervision suffisantes sont exposées ci-dessous. 

Une modification législative permettrait de nommer des organismes communautaires dans ce rôle. En Saskatchewan, la Powers of Attorney Act permet de nommer des sociétés autres que les sociétés de fiducie comme procureurs en vertu d’une procuration[508]. Cette disposition a été adoptée en 2002, après que la Commission de réforme du droit de la Saskatchewan a recommandé que la nomination des avocats en droit des affaires soit autorisée en vertu de la loi pour que les groupes de défense des droits et « les organismes sans but lucratif qui aident les adultes vulnérables » soient capables d’agir comme procureur[509]. En Colombie-Britannique, une exemption prévue dans la Financial Institutions Act permet au Bloom Group d’agir comme fiduciaire pour ses clients, comme nous l’avons exposé ci-dessus[510].

Le tuteur public peut déléguer directement des responsabilités à un ou à plusieurs organismes communautaires. La Floride, en plus d’un système de fiduciaires professionnels, possède un programme de tutelle publique pour les personnes qui ne peuvent payer des services de tutelle. Le Statewide Public Guardianship Office (bureau de la tutelle publique de Floride) délègue des responsabilités de tutelle publique à divers organismes sans but lucratif existant à divers endroits. Pour recevoir un contrat, les organismes doivent se conformer à une gamme de critères liés à la formation professionnelle, à l’enregistrement, aux connaissances, à la dotation en personnel et à l’absence de conflits d’intérêts[511]. Un examen du programme de tutelle publique de la Floride, mené en 2009, a conclu qu’il était très économique[512], mais il a également signalé qu’il y avait un conflit d’intérêts inhérent au programme parce que le modèle « met les prestataires de services sociaux en position de consentir à leurs propres services ou de les refuser[513] ».

L’examen des programmes de tutelle publique aux États-Unis dont il a été question précédemment a fait ressortir qu’il est de plus en plus courant « d’impartir » les services de tutelle publique et a exprimé des réserves à l’égard de cette façon de faire :

[traduction] On pourrait dire que la formule « d’impartition » permet aux États d’expérimenter différents modèles de prestation de services de tutelle publique adaptés aux besoins d’une région donnée. Cette façon de faire n’est toutefois pas sans danger et pose un dilemme d’efficience et d’efficacité des services. La littérature de l’administration publique indique que l’impartition des services est convenable lorsque les services publics sont discrétionnaires (ex. : réparer des nids de poule), mais lorsqu’ils sont hautement complexes, comme dans le cas de la tutelle publique, les services sont les mieux assurés par une entité publique. Selon « l’hypothèse de la privatisation », l’impartition de cette nature peut poser une menace importante à la prestation des services de tutelle publique en raison des voies hiérarchiques atténuées et peu claires, par exemple la reddition des comptes[514].

La délégation des pouvoirs décisionnels du tuteur et curateur public soulèverait des questions difficiles de responsabilité juridique, de surveillance et de gestion du risque. Il faudrait également examiner le financement des services à assurer. 

Le gouvernement peut désigner des organismes communautaires comme mandataires spéciaux. En Saskatchewan, l’Adult Guardianship and Co-decision-making Act permet au ministre de désigner des sociétés, des organismes ou des catégories de ceux-ci comme requérants admissibles du rôle de mandataire spécial ou de codécideur et des organismes non gouvernementaux comme la Saskatchewan Association for Community Living, a été nommée codécideur ou tuteur par ce moyen[515]. En pratique, ces nominations sont extrêmement rares[516]. Des organisations peuvent trouver difficile d’accepter ces rôles exigeants sans appui, formation et ressources additionnels. 

L’Angleterre et le Pays de Galles ont adopté une démarche semblable à une plus grande échelle. Dans les deux cas, le tuteur et curateur public n’agit pas comme tuteur (adjoint) de dernier ressort. Il doit plutôt constituer un « groupe » de personnes et d’organisations qui sont prêtes à jouer le rôle d’adjoint au besoin et qui sont à même de le faire. Lorsqu’un adjoint « de dernier ressort » est nécessaire, la Cour de protection peut choisir un adjoint dans ce groupe[517]. Le groupe est en ce moment constitué en grande partie d’avocats, mais il comprend aussi des organismes communautaires. Le tuteur et curateur public a indiqué son engagement à « diversifier » son groupe pour y inclure un éventail plus large de compétences et un ensemble élargi d’options pour répondre à la diversité des besoins individuels[518]. L’Office of the Public Guardian [Bureau du tuteur public] a publié les « normes des adjoints », pour les adjoints professionnels et les adjoints des pouvoirs publics[519]. Ces normes n’ont pas force de loi, mais elles sont fondamentales dans la fonction de surveillance du travail des adjoints du bureau, qui est beaucoup plus poussé que ce qui existe en Ontario. 

PROJET DE RECOMMANDATION 44.            Que le gouvernement ontarien examine la viabilité d’autoriser des organismes communautaires à décider au nom d’autrui pour les décisions quotidiennes à faibles répercussions, par exemple établir un budget de base, payer des factures et accéder à des mécanismes de soutien et à des services, y compris la viabilité de créer pour cette fonction des mécanismes pertinents de sélection, de surveillance, d’établissement de normes et de règlement des conflits d’intérêts.

 

G.   Résumé

Le rôle de mandataire spécial est un rôle exigeant qui nécessite des compétences, de la sensibilité, du dévouement, des connaissances du droit et un solide sens de l’éthique. En raison de la vulnérabilité structurelle des personnes pour qui un mandataire spécial est nommé, les mandataires spéciaux qui ne possèdent pas de compétences, qui manquent de bienveillance ou de sens éthique peuvent avoir un effet dévastateur sur la vie des personnes qu’ils sont nommés pour servir. 

Le système ontarien actuel compte lourdement sur la famille et les amis pour jouer ce rôle par affection et devoir, le TCP constituant une solution de rechange, si cela s’impose. Un grand nombre de personnes sont très bien servies par le système actuel, mais il est également vrai que l’évolution des conditions démographiques et des structures familiales mine les hypothèses sur lesquelles la formule actuelle est fondée. Il existe un bon nombre de lacunes et d’insuffisances. Le besoin croissant exerce des pressions sur les services fournis par le TCP et ce dernier, dans sa constitution actuelle, n’est pas bien placé pour prendre des décisions relatives au soin de la personne. Dans certains cas, les membres de la famille, même s’ils sont disposés à le faire, n’ont pas les compétences nécessaires pour s’acquitter de ce rôle difficile. 

Les organismes communautaires peuvent, dans certaines circonstances, proposer des services liés à la prise de décision s’il s’agit de décisions quotidiennes assez peu risquées concernant les finances et le soin de la personne, dans le cadre d’un ensemble général de services. La CDO est également d’avis qu’il vaut la peine d’explorer la possibilité de réglementer des représentants professionnels pour élargir les options en matière de prise experte de décision au nom d’autrui. Cette façon de faire ne va malheureusement pas sans risques et tout programme devrait être bien réglementé pour réduire les possibilités d’abus.

 

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