En raison des changements du cadre légal et commercial entourant la Loi, la réglementation de l’industrie de l’exploitation forestière au moyen d’un régime de privilège n’est plus une option appropriée. Ce chapitre explore quelques questions juridiques particulières soulevées par la Loi et qu’il convient de régler dans le cadre des efforts de réforme.

 

A.   Déterminer qui a droit au privilège

Il semble que le manque de clarté de la portée de la Loi est l’une des principales raisons pour laquelle elle n’est pas souvent invoquée. Dans le cadre de ses consultations, la CDO a appris que des travailleurs se faisaient parfois dire que leur travail n’était pas visé par la Loi. Ils ne se soucient donc pas de revendiquer leur privilège, étant donné qu’ils n’ont pas, pour la plupart, les ressources pour présenter une demande de nature judiciaire afin de déterminer s’ils sont protégés.

La définition de la portée d’un régime de privilège des travailleurs forestiers comporte des difficultés inhérentes. Qui doit être protégé? Les bûcherons font partie d’une chaîne d’approvisionnement qui mène à des produits finis issus du bois. Chaque membre de la chaîne d’approvisionnement ajoute de la valeur au produit éventuel. Il est difficile d’établir des limites à la protection accordée par un régime de privilège sans faire une distinction arbitraire entre les bûcherons et les autres petites entreprises qui contribuent au processus de récolte. La portée d’un régime de privilège peut aussi être définie selon les fonctions remplies par les bûcherons. Dans l’affaire Buchanan, la Cour a adopté une approche libérale, avançant que la Loi devait protéger l’ensemble des fonctions [traduction] « de la chaîne de production, de la coupe des arbres jusqu’à leur livraison à la scierie[154] ». Cependant, cela ne règle pas le problème lié à l’établissement de limites raisonnables à ce concept.

Il faut peser le pour et le contre de la précision de la portée de la Loi par rapport à la valeur d’employer un langage souple, de manière à inclure de futures fonctions de l’exploitation forestière découlant des progrès technologiques. Malgré l’interprétation progressive dans l’affaire Buchanan, les définitions de la Loi constituent essentiellement une liste fermée d’activités particulières et de produits bruts issus du bois, laissant relativement peu de place à l’interprétation judiciaire.

Un autre problème de définition lié à la Loi est son application continue aux employés forestiers, aussi bien les quelques bûcherons directement employés par les entreprises de produits forestiers que les employés des sous-traitants et des entrepreneurs forestiers. Les employés directs des entreprises de produits forestiers sont clairement protégés par la Loi actuelle. La question, comme cela a été mentionné ci-dessus, est de déterminer s’ils doivent continuer de bénéficier d’un privilège, compte tenu des autres protections juridiques du salaire en vigueur. Cette question est plus compliquée dans le cas des employés indirects, c’est-à-dire les employés des sous-traitants et des entrepreneurs forestiers. La Loi est formulée de telle sorte qu’il semble que ces employés indirects aient également droit à un privilège contre le propriétaire du bois, indépendamment de tout privilège revendiqué par leur employeur. Les revendications de ces employés doivent-elles être permises, ou bien ceux-ci doivent-ils compter sur leur employeur direct pour recevoir leur salaire? Une fois encore, la nature de l’industrie forestière fait en sorte qu’il est difficile d’établir des limites appropriées à un régime de privilège des travailleurs forestiers.


B.   Le problème des sous-traitants

L’une des principales lacunes de la Loi est le fait qu’elle ne tient pas compte de la sous-traitance des opérations de récolte, une pratique contemporaine. Habituellement, les titulaires de permis engagent des entrepreneurs pour toutes les étapes de l’exploitation forestière, qui engagent ensuite des sous-traitants qui accomplissent diverses fonctions, comme la récolte, le débusquage ou le transport par camion. Ces sous-traitants peuvent engager d’autres sous-traitants chargés d’effectuer des tâches plus spécialisées.

Les entrepreneurs et les sous-traitants ajoutent de la valeur aux billes ou au bois d’œuvre le long de la chaîne d’approvisionnement de la forêt jusqu’à la scierie. Leurs positions économiques respectives ne comportent aucune différence fonctionnelle justifiant l’accord d’un privilège aux entrepreneurs, mais pas aux sous-traitants. En outre, à moins que les sous-traitants soient protégés au même titre que les entrepreneurs, les entreprises de produits forestiers pourraient éviter leurs responsabilités à cet égard en créant des filiales pour mener les opérations de récolte. Ce problème est reconnu depuis longtemps par les tribunaux. En 1911, un juge du Nouveau-Brunswick a estimé qu’un sous-traitant avait droit au privilège des travailleurs forestiers en tenant le raisonnement suivant :

[traduction]
L’objet de la Loi était de protéger les ouvriers effectuant des travaux ou des services, et aucune de ses dispositions ne faisait de distinction entre le cas d’un bûcheron travaillant directement pour le propriétaire du bois et celui d’un bûcheron séparé par un intermédiaire et travaillant pour un entrepreneur engagé par le propriétaire. L’adoption d’une interprétation autre que celle du savant juge irait à l’encontre de l’objet de la Loi, c’est-à-dire protéger les salariés. En effet, il serait peu probable qu’un propriétaire de billes ou de bois d’œuvre accepte volontiers d’assumer la responsabilité des salaires des travailleurs forestiers engagés directement s’il pouvait y échapper en engageant une tierce partie, surtout s’il pouvait, par la même occasion, faire en sorte que ses billes ne soient pas sujettes au privilège des travailleurs forestiers[155].

Même s’il ne fait aucun doute que les sous-traitants doivent être inclus dans un régime de privilège des travailleurs forestiers, cela complique les choses, puisqu’il peut y avoir plusieurs paliers de séparation entre le titulaire de permis et un sous-traitant particulier. Le fait qu’une entreprise de produits forestiers qui paie l’entrepreneur général puisse néanmoins être assujettie au privilège d’un sous-traitant du fait que l’entrepreneur a manqué à ses paiements soulève une préoccupation. Il n’est pas clair si, aux termes de la Loi actuelle, un sous-traitant a le droit de revendiquer un privilège contre un propriétaire avec lequel il n’a aucune relation contractuelle. Le libellé clair de la Loi semble inclure les sous-traitants. Cependant, il en va autrement selon une ancienne décision de la Cour suprême du Canada, au motif qu’il serait injuste, pour le propriétaire, d’être assujetti à une revendication de privilège alors qu’il a déjà payé le prix contractuel[156].

La Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction est le meilleur exemple d’un régime de privilège au sein d’une industrie très fragmentée[157]. Dans l’industrie de la construction, les sous-traitants sont protégés par un complexe système de retenues. Essentiellement, le propriétaire retient 10 % du montant à payer à l’entrepreneur afin de couvrir les privilèges des sous-traitants. Ce système s’étend à l’ensemble de la pyramide de sous-traitance : les sous-traitants retiennent 10 % du montant payable aux sous-sous-traitants, et ainsi de suite. Un tel système permet aux sous-traitants de revendiquer un privilège, tout en limitant l’exposition au risque du propriétaire. Il s’agit cependant d’un système complexe nécessitant l’appui de l’industrie. Il serait difficile et coûteux de le mettre en place au sein d’une industrie moins importante, aux pratiques contractuelles informelles, comme celle de l’exploitation forestière.

 

C.   Identifier le bien auquel se rattache le privilège

Actuellement, aux termes de la Loi, un privilège se rattache aux « billes ou bois d’œuvre », dont la définition est une liste de produits incluant des poteaux télégraphiques, des traverses de chemin de fer, de l’écorce à tanin, du bois à pâte, des billes à bardeaux et des douves. Il ne fait aucun doute que cette définition est désuète. Elle comprend des produits obsolètes, comme l’écorce à tanin, et omet de nouveaux produits comme la biomasse. À l’instar de la définition de « travail », les tribunaux ont peu de marge de manœuvre pour interpréter la définition afin de tenir compte des changements technologiques[158].

Peu importe la définition adoptée, il n’en demeure pas moins qu’il faut s’assurer qu’une tierce partie ayant un intérêt potentiel dans les biens auxquels est rattaché le privilège puisse les identifier. Les privilèges commerciaux sont souvent revendiqués dans le cas d’articles qui sont suffisamment uniques pour être identifiables, par exemple des voitures. Cela est particulièrement important en ce qui a trait aux privilèges non possessoires, afin qu’il soit possible de retracer l’article lorsqu’il n’est plus entre les mains du créancier privilégié. Les billes et le bois d’œuvre ne sont pas des articles facilement identifiables. En vertu de la Loi actuelle, le privilège se rattache précisément au bois sur lequel le bûcheron a travaillé. Cependant, les billes sont généralement mélangées avec d’autres bois, ce qui fait en sorte qu’il est difficile de les reconnaître. Ce problème est aggravé par le fait que le bois est, de nos jours, transformé très rapidement. Il peut n’y avoir aucun point précis à partir duquel le bois « cesse » d’être du bois [159].

La question de savoir ce qui se passe lorsque le bois est transformé ou vendu à une tierce partie est étroitement liée au problème de l’identification. Actuellement, aux termes de la Loi, le privilège est applicable contre une tierce partie qui a acheté le bois[160]. Or, comme susmentionné, cela va à l’encontre des normes contemporaines du droit commercial, qui donnent la priorité au libre transfert des biens[161].

 

D.   Viabilité d’un registre

Le registre permettant aux tierces parties d’être informées des sûretés est un élément essentiel de la LSM. La plupart des régimes de privilège commercial non possessoire ont adopté ce registre, comme cela est indiqué ci-dessous. Il serait logique qu’un régime réformé de privilège des travailleurs forestiers emploie le registre des sûretés mobilières. Celui-ci présente l’avantage particulier que les recherches et les enregistrements peuvent être effectués par voie électronique. Ainsi, les bûcherons travaillant dans le nord de l’Ontario seraient en mesure d’enregistrer des privilèges sans avoir à parcourir de grandes distances pour se rendre au greffe le plus près.

Un régime de privilège des travailleurs forestiers peut être intégré au système du registre des sûretés mobilières de deux façons. Il serait possible de mettre en place un processus parallèle, mais distinct, d’enregistrement afin de tenir compte de la nature unique des privilèges des travailleurs forestiers. Prenons par exemple la Loi sur le privilège des réparateurs et des entreposeurs (LPRE), adoptée en Ontario en 1989 alors que la LSM faisait l’objet d’une importante réforme[162]. Le gouvernement a profité de l’occasion pour créer un processus d’enregistrement propre aux réclamations déposées aux termes de la LPRE, tout en utilisant le registre. Autrement, les revendications de privilège des travailleurs forestiers pourraient être enregistrées au moyen d’un état de financement, tout comme les sûretés de la LSM. Cette dernière prévoit expressément que le registre peut être utilisé pour enregistrer d’autres types de sûreté juridique[163]. D’autres privilèges établis par la loi en Ontario, notamment ceux utilisés pour le recouvrement de la pension alimentaire en vertu d’une ordonnance d’exécution, sont actuellement enregistrés de cette façon[164]. Compte tenu des coûts liés aux technologies de l’information pour que le registre des sûretés mobilières reconnaisse les réclamations présentées en vertu d’une autre loi ainsi que du nombre relativement restreint de revendications de privilège déposées actuellement par les travailleurs forestiers, cette seconde option serait la plus pertinente en ce qui concerne l’exploitation forestière.

Cependant, il n’est pas certain qu’un registre serait fructueux dans le cadre de l’industrie de l’exploitation forestière. L’un des principaux problèmes consisterait à garantir l’exactitude des états financiers, plus particulièrement l’identification du débiteur. Aux termes de la LSM, le débiteur est « tenu au paiement ou à l’exécution de l’obligation garantie » et est « propriétaire du bien grevé ou a des droits sur celui-ci », selon le contexte[165]. Aux fins de l’enregistrement d’un privilège des travailleurs forestiers, le débiteur serait le titulaire de permis, même dans les cas où le bûcheron a plutôt une relation contractuelle directe avec un entrepreneur ou un sous-traitant[166]. Cette ambiguïté entourant le concept de débiteur complique l’emploi du registre des sûretés mobilières dans le cadre de l’exploitation forestière, où les bûcherons font souvent affaire avec des personnes autres que le propriétaire du bois et où le régime de permis dissimule la propriété.

Lorsqu’un bûcheron a été en mesure d’identifier correctement le « débiteur » aux fins de dépôt d’un état de financement, il devrait ensuite en inscrire exactement le nom. Puisqu’il s’agit d’un registre électronique, une petite divergence dans la façon d’écrire le nom du débiteur ou l’emploi d’abréviations peut entraîner des résultats de recherche différents. Le règlement relatif à la LSM fournit des exigences détaillées sur la façon dont il faut inscrire le nom du débiteur dans un état de financement[167]. Dans les faits, de petites erreurs dans le nom des débiteurs sont suffisamment fréquentes pour entraîner régulièrement des litiges, et il n’est pas certain que les bûcherons seraient en mesure d’utiliser le Registre efficacement sans l’aide d’un avocat[168]. Cette préoccupation nous ramène à la question de l’accès à la justice qui est à l’origine du présent projet de réforme.

Il convient de noter qu’un projet récent de la Commission manitobaine de réforme du droit sur la Loi sur les tenanciers d’écurie a recommandé de ne pas élargir la portée de la Loi de manière à inclure les privilèges non possessoires :

[traduction]
La Commission est d’avis qu’un privilège non possessoire, compte tenu de l’exigence connexe concernant la reconnaissance écrite de dette et l’enregistrement du privilège, n’est pas pratique dans le contexte de l’industrie de l’élevage du Manitoba[169].

Bien que la Commission n’entre pas dans les détails, il se peut que l’industrie manitobaine de l’élevage, à l’instar de l’industrie de l’exploitation forestière de l’Ontario, fonctionne de façon informelle, ce qui ne cadre pas avec les formalités d’un système de registre des transactions garanties. La CDO s’inquiète qu’un système de registre au sein de l’industrie de l’exploitation forestière ontarienne se révélerait peu efficace.

 

E.   Écarts de la valeur des revendications de privilège

Un autre aspect des pratiques opérationnelles de l’exploitation forestière qui complique le régime de privilège est l’important écart de la valeur des créances payables à un entrepreneur ou à un sous-traitant. Dans l’affaire Buchanan, les montants des revendications de privilège des travailleurs forestiers allaient d’un peu moins de 20 000 $ à près d’un million de dollars. Cet écart découle de la pratique dans l’industrie selon laquelle les entreprises de produits forestiers ne font les paiements contractuels que lorsque la scierie reçoit le bois. Bien qu’il se puisse que l’entrepreneur général soit payé rapidement, il peut s’écouler considérablement plus de temps avant que le paiement soit versé aux sous-sous-traitants, et pendant ce temps, ils peuvent continuer à générer des créances additionnelles.

Un tel écart de la valeur des revendications de privilège des travailleurs forestiers a au moins deux conséquences. Premièrement, il soulève des questions quant au mécanisme d’application approprié dans les circonstances. Une procédure sommaire d’application peut convenir dans le cas de montants peu élevés, alors que des protections procédurales additionnelles peuvent être préférables lorsqu’ils sont plus élevés. Deuxièmement, ces écarts créent de l’incertitude. Les tiers prêteurs ne sont pas en mesure d’évaluer le risque de crédit, à moins d’avoir une idée raisonnablement précise de leur exposition potentielle aux risques.

 

F.    Fondement probatoire pour les revendications de privilège

Le registre des sûretés mobilières sert à fournir des renseignements sur une sûreté potentielle à l’égard d’un bien, mais pas à servir de preuve de cette sûreté. Un créancier potentiel effectuant une recherche dans le système et trouvant une sûreté enregistrée doit en confirmer la validité auprès du débiteur ou du créancier enregistré[170]. Ce système ne convient pas au régime de la LSM, puisqu’un contrat de sûreté consensuel sert de preuve de la sûreté.

Cependant, dans un régime de privilège établi par la loi, une preuve concernant la validité d’un privilège peut être plus difficile à obtenir. Étant donné que de tels privilèges sont créés par action d’une loi, il peut n’y avoir aucune preuve documentaire de la transaction donnant lieu à une revendication de privilège. Par conséquent, il peut être plus difficile pour une tierce partie d’en déterminer la légitimité. Dans le cadre de certains régimes de privilège, on a réglé ce problème en exigeant que, pour appliquer un privilège non possessoire, le créancier privilégié doive obtenir une reconnaissance de dette signée par le débiteur[171]. Les créanciers privilégiés, comme les réparateurs ou les entreposeurs aux termes de la LPRE, sont habituellement bien placés pour demander une telle reconnaissance signée lorsqu’ils prennent possession des biens assujettis à un privilège, puisqu’ils peuvent ensuite exiger cette reconnaissance avant de rendre les biens en question à leur propriétaire[172].

Par contraste, il peut être impossible, dans le cadre du régime de privilège des travailleurs forestiers, d’exiger une reconnaissance de dette signée à titre de preuve[173]. L’industrie de l’exploitation forestière fonctionne plutôt de façon informelle, en s’appuyant sur des relations à long terme, souvent en l’absence de contrats écrits. En outre, les bûcherons ne possèdent normalement pas le bois récolté et peuvent ne pas être bien placés pour exiger une reconnaissance de dette écrite au titulaire de permis ou à l’entrepreneur.

 

G.  Équité du régime des priorités

Le niveau approprié de priorité à accorder aux privilèges des travailleurs forestiers est étroitement lié à la justification sous-jacente à la Loi. Dans les cas d’insolvabilité, la priorité accordée par la loi à une sûreté fait très souvent la différence entre le recouvrement et le non-recouvrement. Un régime réformé de privilège des travailleurs forestiers n’aurait qu’une faible incidence, à moins qu’il ne lui soit accordé une priorité suffisamment élevée pour garantir aux bûcherons, en fin de compte, le recouvrement.

Actuellement, les privilèges en vertu de la Loi l’emportent sur toutes les autres réclamations, exception faite de celles de la Couronne et de celles relatives aux droits de péage d’une « compagnie de glissage du bois » ou d’« un propriétaire de glissoir ou d’estacade flottante[174] ». Il y a des raisons de se demander si cette priorité absolue doit continuer. Tout d’abord, elle est sans doute exagérée par rapport à la priorité accordée à la plupart des autres créanciers garantis, assujettis à la règle de la première garantie aux termes de la LSM. En règle générale, les privilèges non possessoires des réparateurs et des entreposeurs enregistrés dans le registre des sûretés mobilières ont la priorité absolue sur les sûretés établies en vertu de la LSM. Cependant, même ces privilèges ont été compromis dans une certaine mesure afin d’en faciliter l’intégration dans le registre des sûretés mobilières[175].

Une deuxième raison de réévaluer la priorité absolue traditionnelle des privilèges des travailleurs forestiers est celle de la disponibilité continue du crédit au sein de l’industrie. Au cours de ses consultations, la CDO a appris que des institutions financières refusent parfois de prêter des sommes à des entreprises de produits forestiers lorsque leurs sûretés ne l’emportent pas sur les privilèges des travailleurs forestiers. Cela se distingue des privilèges des réparateurs et des entreposeurs, car il semble que l’industrie financière en a accepté la priorité absolue.

Une solution de rechange à la priorité absolue des privilèges des travailleurs forestiers serait de s’orienter vers une intégration considérable à la LSM. Aux termes de celle-ci, les garanties consensuelles sont généralement classées selon la date à laquelle elles sont rendues opposables (soit par prise de possession ou enregistrement au registre des sûretés mobilières[176]). Cependant, lorsque des contrats garantissent des avances, celles-ci se voient accorder la même priorité que la sûreté originale, ce qui leur permet d’ignorer les sûretés enregistrées dans l’intervalle [177] . Étant donné que le financement bancaire est normalement garanti avant la naissance des privilèges des travailleurs forestiers, il serait peu probable, dans une telle situation, que les bûcherons recouvrent les sommes payables.

Cet examen de la Loi dans le contexte plus large du droit commercial ontarien révèle un certain nombre de particularités du régime de privilège des travailleurs forestiers pouvant compliquer une réforme efficace. Dans le chapitre suivant, nous nous pencherons sur la façon dont d’autres régimes de privilège commercial établis par la loi ont réglé des problèmes semblables et évaluerons dans quelle mesure ces régimes peuvent servir de modèle pour réformer la Loi.

 

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