Si la Loi doit être conservée, il faut examiner plusieurs questions afin de déterminer les réformes qui sont nécessaires pour que la Loi – ou toute loi qui la remplace – soit aussi juste et efficace que possible. La présente section traite de certaines de ces questions et sollicite une rétroaction sur la meilleure façon de les régler. 

A.           Portée des droits à un privilège

Lorsqu’il s’agit de réformer la Loi, la portée des droits à un privilège est l’une des questions importantes qu’il faut examiner. Plusieurs facteurs s’appliquent à la détermination de la portée des droits à un privilège. La présente section se penche sur les trois plus importants facteurs : le type de travail qui devrait être admissible à un privilège, le type de bien qu’un privilège devrait pouvoir grever, ainsi que l’identité exacte de ceux qui devraient avoir droit à un privilège.

1.                   Travail admissible à un privilège

Comme il a été souligné ci-dessus, la définition du travail admissible à un privilège qui est énoncée dans la Loi est désuète. Elle inclut notamment le travail exécuté par les cuisiniers et les forgerons et les opérations de flottage de billes[97]. De plus, elle n’inclut pas expressément certains types de travail – comme le déchiquetage mobile et le transport par camion – qui font partie intégrante de l’industrie forestière moderne.   

Le point de vue initial de la CDO est que tout travail faisant partie du processus qui consiste à faire passer les billes de la forêt à la scierie devrait créer un droit à un privilège. Ce travail devrait comprendre le déchiquetage et le transport susmentionnés, ainsi que la construction de chemins forestiers. Une telle approche serait compatible avec celle qui a été adoptée dans la FSPPA de la Colombie-Britannique, dont la définition de « services » (l’équivalent de la définition de « travail » énoncée dans la loi ontarienne) vise [TRADUCTION] « les opérations d’abattage, de tronçonnage, de débusquage, de transformation, de déchiquetage, de meulage, d’empilage, de chargement, de halage, de déchargement et de triage sur la terre ferme, la construction et l’entretien de chemins forestiers, ainsi que toute autre activité prescrite »[98]. Un tel changement permettrait à certains travailleurs auxquels l’application de la Loi est incertaine de ne pas se voir refuser injustement des privilèges.

 

2.                   Biens pouvant être assujettis à un privilège

Comme il a été établi au chapitre III, la définition actuelle de « billes ou bois d’œuvre » est désuète. Elle énumère expressément des types de produits du bois qui ne sont plus couramment utilisés (l’écorce à tanin, les billes à bardeaux et les douves de fût), tout en omettant d’inclure expressément d’autres produits sans doute moins transformés, comme les copeaux de bois. Pour que l’utilisation générale de la Loi comme instrument prévoyant un privilège sur les billes puisse être conservée, la définition de « billes ou bois d’œuvre » doit être mise à jour. 

Cependant, il ne s’agit pas là de la seule option. La Loi sur les privilèges miniers du Yukon prévoit qu’un privilège grève non seulement les minéraux ou les minerais à l’égard desquels une personne a exécuté un travail, mais aussi tous les minerais extraits de la mine en question et les actifs de la mine même[99]. Une telle approche permettrait d’éviter le problème de devoir identifier les biens particuliers que grève un privilège; cependant, le privilège forestier s’éloignerait de la notion habituelle de privilège et serait davantage assimilable à une sûreté générale prévue par la LSM. En cas de défaut, cette approche pourrait aussi donner lieu à des différends complexes quant à l’identité exacte des actifs à vendre pour payer les montants dus. Il faudrait prévoir des procédures pour déterminer les billes à vendre ou même pour établir s’il y a lieu de vendre des actifs de la scierie pour rembourser les montants dus. De telles procédures risquent d’être compliquées et d’imposer un fardeau déraisonnable aux titulaires de permis.

 

3.                   Personnes ayant droit à un privilège

À l’heure actuelle, tant les employés que les entrepreneurs ont le droit de déposer une revendication de privilège pour protéger le travail qu’ils ont exécuté relativement à des billes ou du bois d’œuvre. Comme il a été souligné ci-dessus, la situation des sous-traitants n’est pas claire. L’industrie forestière moderne est dominée par des entrepreneurs qui travaillent pour diverses scieries; il est donc évident que ces entrepreneurs doivent être visés par la loi. Par contre, il n’est pas aussi facile de répondre à la question de savoir si les employés et les sous-traitants doivent eux aussi être visés par la loi.

Les employés qui entreprennent des travaux forestiers sont déjà protégés par certaines lois qui n’existaient pas lors de l’adoption de la Loi en 1891. Par exemple, la Loi de 2000 sur les normes d’emploi dispose que les salaires impayés ont priorité sur les créances et droits de tous les autres créanciers non garantis, jusqu’à concurrence de 10 000 $ par employé[100]. De plus, bien que cette disposition ne s’applique pas aux distributions en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, une loi fédérale, celle-ci prévoit elle aussi une priorité améliorée pour les salaires impayés, jusqu’à concurrence de 2 000 $ par employé, en cas de faillite ou de mise sous séquestre[101].  

Étant donné que les salariés jouissent d’une protection relativement élevée, faudrait-il permettre aux employés de revendiquer des privilèges? La British Columbia Law Reform Commission et, plus tard, le gouvernement de la Colombie-Britannique, ont proposé que les privilèges ne s’appliquent qu’aux entrepreneurs. Cependant, lors des débats législatifs sur la FSPPA, il y a eu une grande résistance à la restriction proposée[102]. Le gouvernement n’a donc pas touché à l’ancienne Woodworker Lien Act.

Comme il a été souligné ci-dessus au chapitre III(C)(6) du présent document, les sous-traitants posent un différent problème. Si on ne leur permet pas de revendiquer un privilège, un pourcentage important des travailleurs de l’industrie forestière n’ont pas accès à une protection par voie de privilège. Cependant, si on leur permet de revendiquer un privilège, il se peut qu’un propriétaire de bois règle intégralement un compte avec l’entrepreneur principal et qu’il soit encore vulnérable aux privilèges des sous-traitants, si l’entrepreneur ne les paie pas. 

Les réformes en matière de privilège dans d’autres ressorts ont proposé plusieurs façons de s’attaquer au problème. En vertu des dispositions de la FSPPA (adoptée mais non en vigueur) de la Colombie-Britannique, seuls les entrepreneurs principaux auraient le droit d’obtenir une garantie de la créance qui leur est due sur les biens du propriétaire du bois[103]. Quant à eux, les sous-traitants se verraient accorder une charge générale sur les actifs de l’entrepreneur principal[104]. De cette manière, les intérêts de toutes les parties seraient au moins partiellement protégés. 

L’Alberta Law Reform Institute (« ALRI ») et la British Columbia Law Reform Commission ont recommandé une différente approche dans leurs rapports. Ils ont recommandé qu’un sous-traitant ait le droit d’imposer un privilège sur des billes même s’il n’était pas employé par le propriétaire du bois, mais que le montant de ce privilège soit égal à la somme due à l’entrepreneur ayant engagé le sous-traitant au moment où le propriétaire a été avisé du privilège[105]. Une fois le propriétaire avisé du privilège, tout paiement versé à l’entrepreneur principal n’aurait aucune incidence sur le privilège du sous-traitant jusqu’à la mainlevée du privilège. Autrement dit, une fois avisé du privilège d’un sous-traitant, le propriétaire ne pourrait réduire la somme globale due pour le travail accompli relativement à son bois tant que le sous-traitant n’aurait pas été payé par l’entrepreneur principal et que la mainlevée du privilège n’aurait pas été obtenue. Une telle structure encouragerait tant le propriétaire que l’entrepreneur principal à s’assurer que le sous-traitant a été payé, ce qui permettrait à l’entrepreneur principal d’être payé et au propriétaire d’être pleinement dégagé de toute responsabilité. Cependant, elle compliquerait davantage un régime de privilèges qui est censé être simple et facile à utiliser.

Un problème semblable concerne le traitement des sous-traitants en vertu de la Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction en Ontario. Cette loi règle le problème du paiement des entrepreneurs et des sous-traitants en exigeant une retenue de 10 % sur tous les paiements versés à ceux qui se trouvent plus bas dans la « chaîne » de contrats[106]. Ce montant doit être retenu jusqu’à l’expiration du délai de dépôt des revendications de privilège, après quoi il peut être versé à l’entrepreneur dont il a été retenu[107]. Cependant, si des privilèges sont exercés avant ce moment-là, le montant retenu sert (au moins en partie) à acquitter ces privilèges. Puisqu’un tel processus peut devenir extrêmement compliqué et nuire au contrôle du flux d’argent, l’ALRI et la BC Law Commission ont tous les deux refusé d’utiliser comme modèles les régimes de privilèges de construction de leur province[108].

La CDO sait que, pour des raisons pratiques, une autre approche a été adoptée récemment dans le cadre de plusieurs revendications de privilège en Ontario, même si elle n’est pas prévue par la Loi. Cette approche consiste à permettre à un propriétaire de bois de payer directement au sous-traitant titulaire d’un privilège le montant que ce dernier réclame et de l’imputer sur tout montant dû à l’entrepreneur principal, ou de mettre le montant réclamé en main tierce. Cela a pour avantage de permettre au propriétaire de bois de disposer du bois sans qu’il ne soit grevé d’un privilège, mais le propriétaire doit verser une somme – au moins en main tierce – avant qu’un privilège ne soit établi. Toutefois, il s’agit d’une façon de procéder à la fois simple et rapide dont l’inclusion dans la Loi devrait être prise en considération. 

Un autre problème concerne la façon dont divers termes – employé, entrepreneur, sous-traitant – sont définis dans la Loi. À l’heure actuelle, aucun de ces termes n’est défini, et l’ajout de définitions pourrait éclaircir davantage cette question difficile. Par exemple, une personne qui travaille à son compte sans être constituée en société et qui est engagée par un entrepreneur pour faire des travaux forestiers est-elle un sous-traitant ou un employé de l’entrepreneur? La Loi ne permet pas de répondre clairement à cette question et la jurisprudence n’a apporté aucune précision à cet égard. Les termes susmentionnés doivent donc être définis dans la loi pour que l’on puisse déterminer avec certitude et exactitude l’identité des personnes qui ont droit à un privilège.

 

4.                   Naissance du privilège

En vertu de la common law, les privilèges naissent habituellement lorsque le travail est achevé[109]. Cela peut causer des problèmes si, par exemple, le titulaire de permis qui emploie un travailleur ou entrepreneur forestier devient insolvable en plein milieu des travaux. Dans une telle situation, il semblerait déraisonnable d’exiger qu’un travailleur ou entrepreneur achève son travail avant qu’un privilège ne puisse être revendiqué. Dans l’arrêt Buchanan, le juge Pierce a décidé que le privilège naît au début du travail[110]. La CDO convient qu’il s’agit là d’une position raisonnable qui devrait être clairement énoncée, ce qui n’est pas le cas dans la Loi. Celle-ci devrait donc être modifiée de manière à préciser qu’un privilège naît au début du travail. 

 

5.                   Questions

3).     Selon vous, quel type de travail devrait créer des droits à un privilège?

4).     Selon vous, quels types de produits du bois devraient être grevables de privilèges?

5).     Selon vous, qui devrait être admissible à un privilège? Les employés devraient-ils y être admissibles?

6).     Selon vous, quelle est la meilleure façon de régler la question des privilèges de sous-traitants? 

7).     Êtes-vous d’accord qu’un privilège devrait naître dès que le travail est commencé?

 

B.           Dépôt et enregistrement

Il y a deux grandes questions à examiner lorsque vient le temps de déposer les revendications de privilège et d’enregistrer les privilèges. Premièrement, quel système d’enregistrement (s’il en est) est le plus indiqué pour les privilèges forestiers? Deuxièmement, dans quel délai les travailleurs forestiers doivent-ils déposer leurs revendications de privilège?

1.                   Exigences en matière d’enregistrement 

La Loi ne prévoit aucun système centralisé pour l’enregistrement des privilèges. Les revendications de privilège sont plutôt déposées à la Cour supérieure de justice la plus proche de l’endroit où le travail visé par le privilège a été accompli[111]. On pourrait soutenir que, pour les titulaires de permis et peut-être même pour les acheteurs de bois, l’absence d’un système centralisé rend plus difficile la tâche de déterminer si une revendication de privilège a été déposée contre le bois en question (bien qu’il soit évidemment dans l’intérêt des créanciers privilégiés de remettre un avis aux titulaires de permis pour s’assurer que le bois n’est pas transformé avant que la revendication ne puisse être réalisée). Une telle situation est contraire à la politique qui s’applique à la plupart des autres types de sûreté dans la LSM. Dans le cadre d’une discussion sur les privilèges en Alberta, l’ALRI a précisé ce qui suit :

[TRADUCTION] Plusieurs des politiques qui sous-tendent le droit des privilèges actuel sont en conflit avec les politiques qui sous-tendent la LSM. L’exemple le plus évident est la création par voie législative de privilèges non possessoires qui ne sont pas assujettis à une exigence en matière d’enregistrement. […] Cela va complètement à l’encontre de la philosophie de la LSM selon laquelle les tiers devraient avoir un moyen de découvrir l’existence d’une sûreté[112]. 

Un des autres régimes de privilèges en Ontario – celui que prévoit la Loi sur le privilège des réparateurs et des entreposeurs – s’approprie certains aspects de la LSM pour établir un registre autonome[113]. Il s’agit également de l’approche recommandée dans le rapport sur les privilèges de l’ALRI. Cependant, ces deux régimes de privilèges fonctionnent dans des contextes où un grand nombre de privilèges seront enregistrés – l’ALRI proposait de prévoir un registre pour tous les privilèges commerciaux dans la province, tandis que les privilèges des réparateurs et des entreposeurs sont des privilèges relativement courants. Par contre, les privilèges sur les billes semblent très rares. D’après ce que comprend la CDO, avant la vague d’enregistrements de privilèges associée à l’insolvabilité du groupe Buchanan, les greffes de la Cour supérieure ne constataient souvent qu’un seul dépôt de revendication de privilège par année, et parfois aucun.  

Avec un si petit nombre de revendications de privilège éventuelles, l’établissement d’un registre central pourrait constituer une dépense injustifiée n’ayant guère d’utilité pratique. Voilà ce que le Yukon semble avoir pensé au moment de réviser sa Loi sur les privilèges miniers. Bien qu’un examen détaillé de la Loi sur les privilèges miniers ait été entrepris, aucun registre central n’a été établi. Les revendications de privilège sont encore déposées à l’un des quatre bureaux locaux du registraire minier, comme c’était le cas lorsque la loi a été adoptée au début du 20e siècle[114].   

Un registre central a notamment pour avantage de permettre à une personne d’effectuer facilement des recherches et de découvrir si un bien sur lequel elle veut acquérir un intérêt est grevé d’un privilège. Il s’agit d’une tâche simple dans le cas de biens ou véhicules portant un numéro de série. La tâche est aussi relativement simple dans le cas d’autres biens possédant des caractéristiques distinctives évidentes – des bijoux précieux, par exemple. Les billes et autres produits du bois ne sont pas aussi faciles à identifier. Les travailleurs forestiers marquent les billes sur lesquelles ils ont travaillé; cependant, les billes ne sont pas toutes marquées par la personne qui les a coupées, les marques disparaissent si le bois est déchiqueté, et il se peut que les personnes ne participant pas directement au processus d’abattage n’apposent aucune marque sur les billes. Les produits du bois sur lesquels différentes personnes ont travaillé peuvent aussi être mélangés. Bref, il est extrêmement difficile d’identifier des produits du bois particuliers.  

Il existe une jurisprudence donnant à penser que l’identification du type de bois et du lieu et de la date de coupe constitue une identification suffisante pour revendiquer un privilège[115]. Il s’agit là d’une position raisonnable lorsqu’il est question de déterminer l’admissibilité à un privilège, mais cette position ne permet toujours pas de donner un avis utile aux tiers qui ont affaire avec le bois quelques mois après sa coupe. Il n’est donc pas certain que les avantages d’un registre central s’appliquent pleinement au bois et aux produits du bois. Pour de tels motifs, le statu quo que représente le dépôt des revendications de privilège aux greffes locaux demeure une option qu’il faudrait prendre en considération.

 

2.                   Délais de dépôt/d’enregistrement 

Comme il a été souligné ci-dessus, les règles actuelles concernant les délais de dépôt des revendications de privilège ne sont pas logiques. Selon la date à laquelle le travail est accompli, les délais de dépôt peuvent varier d’un jour à un an après l’achèvement du travail. Un tel système est clairement inadéquat, mais il demeure nécessaire de limiter le temps dont dispose un travailleur forestier pour déposer une revendication de privilège (ou pour enregistrer un privilège, si un registre central est établi). L’absence de limites pourrait créer une grande incertitude pour les propriétaires de bois. D’une certaine façon, toute limite qui s’applique au droit de déposer une revendication de privilège est arbitraire, mais il existe plusieurs exemples dans d’autres ressorts sur lesquels on peut se fonder pour déterminer le délai approprié dans les circonstances. 

Une option – recommandée par l’ALRI – consiste à ne prévoir aucun délai pour le dépôt d’une revendication de privilège ou l’enregistrement d’un privilège, mais à rendre un privilège non enregistré inopposable aux tiers[116]. Cela veut dire que tout transfert de propriété effectué par le propriétaire du bois original avant qu’un travailleur forestier ne dépose une revendication de privilège ou n’enregistre un privilège rendra inopposable tout privilège ultérieur. Dans la même veine, si aucune revendication de privilège n’est déposée ou si aucun privilège n’est enregistré, rien n’empêche un propriétaire de bois de transformer le bois dans une scierie, ce qui pourrait aussi rendre le privilège inopposable. Bien qu’elle ne prévoie pas de délai de dépôt formel, une telle approche encouragerait certainement les travailleurs forestiers à déposer leurs revendications de privilège dans un délai raisonnable.  

Une autre approche, adoptée dans la Loi sur les privilèges miniers du Yukon et la Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction de l’Ontario, consiste à établir le délai dans lequel les revendications de privilège doivent être déposées après l’achèvement du travail[117]. Bien que cette approche puisse sembler simple au départ, le contexte de l’industrie forestière rend son adoption un peu plus difficile que dans le milieu de la construction. 

Les sous-traitants forestiers, notamment ceux qui participent aux premières étapes du processus forestier, ne savent souvent pas exactement quand le bois sur lequel ils ont travaillé sera livré à la scierie. Dans certains cas, des mois peuvent s’écouler entre ce premier travail et la livraison du bois, et la CDO comprend qu’il n’y a pas nécessairement d’attente de paiement avant la livraison du bois. Si le délai de dépôt commençait à courir lors de l’achèvement du travail, les premiers sous-traitants pourraient se retrouver dans une situation où leur droit de déposer une revendication de privilège expire avant même que le propriétaire du bois ne soit en défaut. Une telle situation est contre-intuitive[118]. De plus, une revendication de privilège prématurée attribuable à un délai trop court pourrait nuire à la relation qui existe entre un propriétaire de bois et un entrepreneur. Étant donné que la CDO sait que la plupart des entrepreneurs comptent sur un petit nombre de propriétaires de bois pour leur travail, des tensions continues pourraient avoir une incidence grave sur leur subsistance.

Une autre option consisterait à prévoir un délai qui commence à courir au moment de la livraison du bois à la scierie (c.-à-d., le moment à partir duquel on pourrait raisonnablement s’attendre à un paiement). D’un point de vue technique, cette option permettrait aux entrepreneurs et travailleurs qui participent aux premières étapes du processus forestier, tels que les constructeurs de chemins forestiers et les exploitants d’abatteuses-façonneuses, d’avoir un délai de dépôt plus long que celui dont disposerait, par exemple, l’entrepreneur qui transporte le bois à la scierie. Sur le plan pratique, le désavantage comparatif d’une telle option semble minime pour les derniers entrepreneurs et travailleurs.

 

3.                   Questions

8).     Croyez-vous qu’un registre central pour les privilèges du bois soit une bonne idée? 

9).     Selon vous, quelle devrait être la norme d’identification des produits du bois?

10).   Selon vous, quel délai, s’il y a lieu, devrait s’appliquer au dépôt ou à l’enregistrement d’un privilège?

 

C.            Priorité des privilèges

À l’heure actuelle, les privilèges prévus par la Loi ont priorité sur presque tous les autres intérêts, exception faite des droits de souche du gouvernement. Il n’y a rien de mal à ne pas modifier cette priorité, mais dans sa forme actuelle, la Loi ignore complètement la principale façon de garantir les intérêts financiers sur des biens en Ontario : la Loi sur les sûretés mobilières. Il faut tenter de rapprocher la politique qui sous-tend la Loi de celle qui sous-tend la LSM. Une des questions de politique a été abordée ci-dessus : la question de savoir s’il y a lieu d’exiger l’enregistrement des privilèges afin que les tiers puissent être informés de l’existence de toute sûreté[119].  

Une autre intention de politique générale veut que la priorité des sûretés soit déterminée selon le moment où elles ont été rendues opposables et selon le moment où elles ont été constituées, dans cet ordre-là[120]. La notion d’« opposabilité » est utilisée dans les diverses LSM au Canada pour aider à déterminer la priorité. Une sûreté est généralement rendue opposable par l’enregistrement d’un état financier auprès du registrateur des sûretés mobilières, mais il y a d’autres moyens de le faire (par ex., l’opposabilité par possession)[121]. Ainsi, en vertu de la LSM, la première sûreté inopposable a priorité sur toutes les sûretés inopposables ultérieures, tandis que la première sûreté opposable a priorité sur toutes les sûretés opposables ultérieures et sur toutes les sûretés inopposables, quel que soit le moment où les sûretés inopposables ont été constituées.

La Loi modifie cette position en accordant la première priorité aux titulaires de privilège, quel que soit le moment où le privilège a été constitué relativement aux autres sûretés. Y a-t-il un motif de modifier le cours normal des affaires prévu par la LSM? Celle-ci prévoit que des privilèges peuvent modifier le cours normal des affaires. En effet, l’article 31 se lit comme suit :

31.  Le privilège de la personne qui, dans le cours normal des affaires, fournit des matériaux ou des services relativement à des objets assujettis à une sûreté prime une sûreté opposable, sauf si la loi qui confère le privilège prévoit le contraire.  

Il est clair que les travailleurs et entrepreneurs forestiers fournissent des services relativement au bois d’œuvre dans le cours normal de leurs affaires. Aucune restriction ne s’applique à leur priorité en vertu de la Loi. Aux termes de la LSM, les privilèges sur les billes l’emportent donc actuellement sur toutes les sûretés, opposables ou inopposables. Quoi qu’il en soit, le statu quo ne justifie pas le maintien d’une priorité spéciale. La Loi sur le privilège des réparateurs et des entreposeurs, par exemple, prévoit expressément qu’un privilège en vertu de cette loi n’a pas priorité sur un intérêt d’un tiers qui a été constitué après la naissance du privilège mais avant l’enregistrement de ce dernier[122]. En accord avec le reste du présent projet, nous devons nous demander si le statu quo est justifié. Y a-t-il une justification de principe favorisant le maintien de la priorité améliorée accordée aux privilèges sur les billes?

S’il existe une telle justification, elle est fondée sur les principes fondamentaux des privilèges et de la Loi. Premièrement, comme il a été souligné au chapitre III(A) du présent document, un privilège était traditionnellement accordé à une personne dont le travail avait pour effet d’augmenter ou de préserver la valeur d’un bien. Les travailleurs forestiers répondent à un tel critère, parce que le bois d’œuvre abattu et ébranché (parfois coupé ou déchiqueté) qui est transporté dans une cour de scierie a une plus grande valeur que des arbres sur pied qui se trouvent à des kilomètres de tout. Ce travail supplémentaire profitera à d’autres créanciers, puisque les actifs du débiteur ont désormais une plus grande valeur. Deuxièmement, la Loi a été conçue pour protéger une catégorie de travailleur particulière. Comme il a été mentionné ci-dessus, si l’on considère encore que les travailleurs et entrepreneurs forestiers ont particulièrement besoin d’être protégés et n’ont pas d’autre recours, la modification des règles de priorité ordinaires est logique. 

Par conséquent, il existe des arguments en faveur du maintien d’une priorité accrue pour les privilèges sur les billes. Toutefois, à supposer que ces arguments ne soient pas considérés comme convaincants, deux grandes options de changement sont envisageables. Premièrement, certaines restrictions applicables à la priorité des privilèges peuvent être prescrites, comme dans le cas de la LPRE. Deuxièmement, les privilèges sur les billes pourraient simplement être traités comme des sûretés. Ainsi, ils seraient régis par les règles de priorité ordinaires prévues par la LSM, sans préférence spéciale. Cette deuxième approche est celle qu’adoptera le régime de la Colombie-Britannique qui n’a pas encore été mis en œuvre et qui entrera en vigueur au cours des prochains mois[123].   

Quelle que soit la priorité accordée au privilège, il y a des limites quant à la mesure dans laquelle les provinces peuvent modifier l’ordre de priorité prévu par la LFI. Une province peut certainement accorder aux titulaires de privilège le premier rang parmi les créanciers garantis (parce que la réglementation des biens personnels relève de la compétence provinciale). Les dispositions en matière de priorité de la LFI traitent des créanciers garantis en tant que groupe, tandis que le classement au sein de ce groupe relève de la compétence provinciale. Cependant, toute tentative d’aller plus loin et d’accorder une priorité sur des choses telles que les salaires des employés outrepasse la compétence des provinces (parce qu’elle modifie le classement des créanciers dans le cas d’une faillite, qui relève du fédéral)[124].

 

D.           Procédure de réalisation

Comme il a été souligné ci-dessus, la procédure de réalisation actuelle est compliquée. Tout – de la façon dont les actions sont intentées à la façon dont la mainlevée des privilèges peut être obtenue, en passant par la façon dont la vente est effectuée – manque de clarté. L’intervention des tribunaux est nécessaire lors de plusieurs étapes de la procédure, ce qui entraîne des coûts et des retards supplémentaires. Bien que les tribunaux doivent presque certainement être appelés à intervenir d’une manière ou d’une autre, une plus grande partie de la procédure devrait idéalement ne pas nécessiter le recours aux tribunaux. La présente section traite de certaines des questions importantes que la procédure de réalisation devrait régler.  

1.                   Établissement d’un privilège

Comme il a été mentionné au chapitre III, la procédure actuelle servant à établir un privilège prête à confusion, est désuète et doit faire l’objet d’une réforme[125]. En général, il faut déposer et signifier au propriétaire du bois (et au possesseur, s’il s’agit d’une autre personne) une revendication de privilège, régler rapidement tout différend quant à sa validité et, s’il le faut pour préserver le privilège (par ex., si le bois est sur le point d’être vendu ou transformé), saisir le bois. Une procédure simple permettant au propriétaire du bois d’obtenir la mainlevée du privilège (et, s’il y a lieu, la remise en possession du bois saisi) en versant un cautionnement au tribunal, que le bois ait été saisi ou non, est aussi essentielle. Cela permet au propriétaire du bois de poursuivre  ses activités normales et de s’assurer que le créancier privilégié sera payé pour le travail accompli si le privilège est éventuellement établi. Les détails exacts de la procédure varieront selon que le régime de dépôt décentralisé actuel est conservé ou qu’un registre central de type « LSM » est établi, mais les résultats généraux requis demeurent les mêmes. 

Le privilège sur les billes prévu par la Loi se distingue des autres privilèges non possessoires notamment parce qu’aucun contrat ni aucune reconnaissance de dette ne sont requis dans le cas d’un privilège sur les billes. Il s’agit là d’une différence importante. D’autres régimes de privilèges non possessoires, tels que celui que prévoit la LPRE, exigent qu’une reconnaissance de dette écrite soit obtenue avant qu’un privilège non possessoire ne puisse être enregistré et que des marchandises ne puissent être saisies[126]. Une telle reconnaissance n’est pas concluante – et le propriétaire du bien visé peut encore contester le montant dû dans le cadre des procédures prévues par la loi – mais elle constitue pour le tribunal (et le shérif) un motif de saisie apparemment fondé[127]. Sans une telle reconnaissance de dette ou le contrat de sûreté traditionnel, il faut autre chose. Un affidavit du réclamant indiquant le travail effectué, le montant dû et les circonstances du défaut pourrait servir les mêmes fins, mais n’offrirait qu’une version des faits. Une formule de revendication et un affidavit contenant ce type de renseignements sont exigés en vertu de la Loi, mais les exigences relatives à leur contenu sont plutôt désuètes[128]. Il serait peut-être possible de remédier au problème de l’affidavit intéressé au moyen de la simple procédure de cautionnement et mainlevée décrite ci-dessus, accompagnée de sanctions pécuniaires pour les créanciers privilégiés qui déposent des revendications de privilège mal fondées ou abusives.

 

2.                   Exécution du privilège

Une fois le privilège établi, il doit pouvoir être facilement exécuté. Autrement dit, la vente doit être relativement rapide, les coûts qui épuisent les fonds pouvant être versés aux créanciers privilégiés (par ex., les coûts associés au temps du shérif et les frais d’entreposage) doivent être réduits au minimum et le processus de distribution de fonds aux créanciers privilégiés doit être simple. La rapidité est particulièrement importante dans l’industrie forestière; d’après ce que comprend la CDO, plusieurs entrepreneurs se fondent sur le paiement des montants que leur doivent les propriétaires de bois pour effectuer à temps les paiements de financement se rapportant à leur matériel. Des retards importants pourraient entraîner la perte totale de leurs moyens de subsistance. La Loi n’indique pas clairement si les coûts de la vente peuvent être payés à même le fonds relatif aux privilèges ou s’ils doivent être payés par les réclamants. Même si les dispositions relatives aux dépens permettent aux créanciers privilégiés de recouvrer un certain montant des dépens, ce montant est assujetti à un plafond absolu (décrit plus en détail ci-dessous). En Colombie-Britannique, la nouvelle FSPPA (bien qu’elle ne soit pas encore en vigueur) donne un exemple du type de processus de vente qui pourrait être utilisé. Les parties pertinentes de cette loi sont reproduites à l’annexe A.

 

3.                   Questions

11).   Selon vous, quelles sont les caractéristiques essentielles d’un processus équitable d’établissement d’un privilège?

12).   Selon vous, comment devrait-on traiter la vente de bois visant à exécuter un privilège?

13).   La vente devrait-elle être effectuée par le titulaire du privilège ou par un fonctionnaire judiciaire (comme un shérif)?

 

E.            Fonds d’indemnisation

Comme il a été mentionné ci-dessus, en 2010, la Colombie-Britannique a procédé à une réforme majeure de sa loi sur les privilèges sur les billes, dont la plus grande partie n’a pas encore été mise en œuvre. Cette partie, qui intégrera les privilèges sur les billes à la LSM de la province, limite la priorité accordée au privilège. Pour compenser cette perte de priorité, la nouvelle FSPPA établit un fonds visant à indemniser les entrepreneurs forestiers qui subissent des pertes en raison de l’insolvabilité d’un titulaire de permis forestier.

La partie de la FSPPA autorisant la création du fonds d’indemnisation est entrée en vigueur le 30 mars 2012[129]. Le même jour, le gouvernement de la Colombie-Britannique a établi le fonds par règlement, en lui attribuant un montant initial de cinq millions de dollars[130]. Le ministre était aussi autorisé à engager une autorité chargée d’administrer le fonds. D’après ses discussions avec le ministère des Forêts, des Terres et de l’Exploitation des ressources naturelles de la Colombie-Britannique, la CDO croit comprendre qu’un administrateur provisoire a été engagé et qu’un administrateur permanent sera nommé dans un avenir rapproché. 

Les débats parlementaires ayant précédé la FSPPA donnent à penser que le fonds sera un régime assimilable à un régime d’assurance ou de fiducie, les contributions étant versées par les participants de l’industrie (c.-à-d., les entrepreneurs forestiers ou les titulaires de permis forestier, ou les deux à la fois)[131]. Le fonds s’inspire du fonds  d’assurance voyage de la province, qui est présentement géré en vertu de la Business Practices and Consumer Protection Act de la Colombie-Britannique[132]. Des discussions avec le ministère des Forêts, des Terres et de l’Exploitation des ressources naturelles de la Colombie-Britannique ont confirmé qu’il s’agit là du modèle général. Cependant, l’identité des contributeurs au fonds n’a pas encore été établie, de sorte que le financement de démarrage de cinq millions de dollars du gouvernement demeure l’unique source d’indemnisation du fonds à l’heure actuelle.

Qu’il soit financé par le gouvernement ou par des contributions de l’industrie, ou par les deux à la fois, un fonds d’indemnisation mérite d’être envisagé. Un fonds central pourrait accélérer le processus visant à s’assurer que les entrepreneurs et travailleurs forestiers sont payés pour le travail accompli et pourrait peut-être réduire les coûts d’opération associés au processus un peu difficile de revendication, d’établissement et d’exécution des privilèges par la vente de produits du bois. De plus, la capacité d’un entrepreneur ou travailleur de se faire payer en cas d’insolvabilité d’un propriétaire de bois ne dépendrait pas autant de sa capacité d’obtenir un privilège. Cependant, les redevances exigées pour garnir le fonds auraient pour effet d’augmenter les coûts imposés à tous dans l’industrie forestière, y compris les entrepreneurs et travailleurs forestiers qui n’auraient jamais eu besoin de présenter une revendication, ainsi que les propriétaires de bois qui ne seraient jamais devenus insolvables. Dans la même veine, tout financement du gouvernement créerait un fardeau accru pour les contribuables. 

La CDO n’a pas d’opinion arrêtée sur le bien-fondé d’un fonds d’indemnisation, ni sur quelque autre aspect d’un tel fonds, mais elle aimerait connaître les points de vue des divers acteurs de l’industrie à ce sujet. 

14).   Croyez-vous qu’un fonds d’indemnisation constitue un bon moyen d’aborder le problème des travailleurs et entrepreneurs forestiers vulnérables?

15).   Dans l’affirmative, qui devrait contribuer au fonds? À quelles conditions le fonds devrait-il effectuer des versements?

 

F.            Autres questions

Bien que les questions abordées ci-dessus soient les plus importantes pour l’élaboration d’une nouvelle loi juste et efficace, plusieurs autres questions devraient être examinées. La présente section traite de ces diverses questions.

1.                   Dispositions relatives aux dépens

Comme il a été souligné ci-dessus, les dispositions de la Loi relatives aux dépens sont inadéquates, puisqu’elles permettent de recouvrer tout au plus 10 $ des coûts associés au dépôt d’une revendication de privilège et à l’établissement d’un privilège[133]. Hormis le fait qu’il n’a pas été mis à jour depuis un siècle, ce plafond de coûts extrêmement bas est attribuable à une Loi voulant que la procédure d’établissement d’un privilège se déroule largement sans l’assistance d’un avocat[134]. À supposer qu’une telle position fût réaliste autrefois, elle ne l’est certainement plus. En vertu des dispositions relatives aux dépens actuellement en vigueur, si un privilège est contesté ou si l’établissement du privilège s’avère difficile, il se peut que le créancier privilégié doive payer des coûts importants de sa propre poche. De nouvelles dispositions relatives aux dépens sont nécessaires.

La CDO est d’avis que la question peut être réglée assez simplement. La Loi prévoit déjà que le tarif des dépens du tribunal où le privilège est réalisé s’applique[135], mais elle restreint immédiatement cette application en imposant le plafond des coûts susmentionné. Le problème pourrait être réglé tout simplement par l’abrogation du plafond des coûts.

 

2.                   Couverture géographique

Un peu étrangement, la Loi ne s’applique qu’aux districts territoriaux de l’Ontario et au comté d’Haliburton[136]. Les « districts territoriaux » sont constitués de la partie de la province située au nord des districts de Parry Sound et Nipissing et incluant ces districts[137]. Puisque la vaste majorité des activités forestières commerciales de l’Ontario ont lieu dans cette zone, une telle restriction géographique ne semble pas – dans la pratique – avoir causé trop de problèmes. D’après les rapports des débats, le choix de la couverture semble avoir résulté de la politique de l’époque – ces districts avaient demandé l’adoption de la Loi et avaient été consultés à ce sujet[138]. Le comté d’Haliburton a été ajouté dans le cadre d’une modification ultérieure, apparemment à la demande d’un député provincial[139]. Il ne semble pas y avoir de motif de principe justifiant que l’on n’accorde pas de protection par privilège à ceux qui entreprennent des activités forestières ailleurs dans la province. Ainsi, le point de vue initial de la CDO est que la restriction applicable à la couverture géographique de la Loi devrait être abrogée.

 

3.                   Paiement d’une banque ontarienne

L’article 32 de la Loi n’est pas très clair mais semble ériger en infraction le fait de verser un salaire pour un travail forestier au moyen d’un instrument (c.-à-d., un chèque, un billet à ordre ou un mandat) tiré sur des fonds détenus par une banque à l’extérieur de l’Ontario. L’intention de la disposition avait un certain sens lors de son adoption. Au moment de déposer le projet de loi, l’honorable A. S. Hardy a déclaré que l’intention de la disposition était d’empêcher les acheteurs de billes dont le siège se trouvait au Michigan d’effectuer des paiements au moyen de chèques tirés sur des banques du Michigan[140]. Cette pratique menait à une dépréciation importante de la valeur des chèques en Ontario, en raison de la difficulté – à l’époque – de se rendre aux banques du Michigan pour y encaisser les chèques[141].

Dans le monde bancaire d’aujourd’hui, la crainte d’une telle dépréciation ne semble plus exister. Par conséquent, selon la CDO, l’article 32 ne sert plus aucune fin utile.

 

4.                   Séparation du bois

Pour qu’ils puissent être saisis ou vendus, il faut notamment que les produits du bois visés par un privilège puissent être séparés d’autres produits du bois. En principe, l’article 17 de la Loi autorise un shérif à agir ainsi. Cependant, l’article 17 ne permet au shérif que de « prendre toutes les mesures que pourrait prendre le propriétaire de billes ou de bois d’œuvre en vertu de la afin d’obtenir la séparation des billes ou du bois d’œuvre ». 

Dans sa forme actuelle, la Loi sur l’aménagement des lacs et des rivières ne semble pas accorder de tels droits au propriétaire de billes ou de bois d’œuvre. En effet, le seul pouvoir se rapportant aux billes et au bois d’œuvre semble être celui des personnes autorisées par le ministre à enlever d’un lac ou d’une rivière des billes faisant partie d’un barrage[142]. Même s’il s’agissait d’un pouvoir accordé aux propriétaires, la loi prévoit clairement que les billes doivent être acheminées par flottage plutôt que transportées par la route. La loi est donc clairement désuète et le pouvoir de séparation doit être mis à jour.

 

5.                   Questions

16).   Selon vous, quel processus devrait servir à déterminer les dépens recouvrables par les créanciers privilégiés dont la revendication est acceptée?

17).   Êtes-vous d’accord que toute loi révisée devrait s’appliquer à l’ensemble de la province?

18).   Êtes-vous d’accord qu’il n’est plus nécessaire d’exiger que les travailleurs ou entrepreneurs forestiers soient payés à partir d’un compte bancaire de l’Ontario?

19).   Selon vous, quel genre de pouvoir de séparer les billes un shérif devrait-il se voir accorder?

20).   Y a-t-il d’autres questions que la CDO devrait examiner dans le cadre de la réforme de la Loi?

 

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