A. Un instrument d’épargne à long terme pour les personnes handicapées

Le régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI) est devenu accessible en décembre 2008, après plusieurs années d’activités de défense des droits, dirigées par les familles de personnes handicapées et des organismes associés[21]. Le Planned Lifetime Advocacy Network (PLAN), organisme fondé par les parents d’enfants handicapés, a contribué à la tenue de vastes discussions sur la façon de garantir le bien-être futur des enfants gravement handicapés qui auraient besoin de fonds une fois devenus adultes, lorsque leurs familles ne pourraient plus s’occuper d’eux. Grâce au financement assuré par la Law Foundation of British Columbia (Fondation du droit de la Colombie-Britannique), le PLAN a commandé deux études de recherche afin d’examiner la viabilité d’un régime d’épargne à cette fin[22]. À la suite de la présentation des résultats de ces études au gouvernement fédéral, le ministre des Finances a créé un groupe d’experts qui les a examinés et qui a formulé d’autres recommandations dans son rapport intitulé Un nouveau départ[23]. Ces recommandations ont été adoptées en majeure partie pour la conception du REEI, notamment celle selon laquelle les personnes ayant droit au crédit d’impôt pour personnes handicapées (CIPH) devaient être admissibles à titre de bénéficiaires d’un REEI, qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes âgés de 59 ans ou moins[24].

Figure 1: Le REEI en bref

  • Pour devenir un bénéficiaire, une personne doit être admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées, résider au Canada et être âgée de 59 ans ou moins.
  • La Subvention canadienne pour l’épargne-invalidité équivaut aux cotisations privées à un taux allant jusqu’à 300 %, selon le montant de cotisation et le revenu familial (jusqu’à concurrence de 3 500 $ par année et 70 000 $ sur la durée de vie du bénéficiaire).
  • Au moyen du Bon canadien pour l’épargne-invalidité, le gouvernement offre son soutien à des personnes qui ont un faible revenu, selon le revenu familial, même si elles ne font pas de cotisations privées au régime (jusqu’à concurrence de 1 000 $ par année et 20 000 $ sur la durée de vie du bénéficiaire).
  • Les fonds déposés ou retirés d’un REEI n’empêchent pas les bénéficiaires d’être admissibles à la plupart des programmes provinciaux d’aide aux personnes handicapées et de soutien du revenu, tel que le POSPH ; ces fonds bénéficient d’un traitement spécial aux fins d’impôt.
  • Lorsqu’un bénéficiaire atteint l’âge de 60 ans, il commence à recevoir des paiements périodiques obligatoires provenant du REEI (appelés Paiements viagers pour invalidité ou PVI).
  • Les bénéficiaires peuvent effectuer des retraits ponctuels, selon les règles établies par le gouvernement fédéral (appelés Paiement d’aide à l’invalidité (PAI). Toutefois, les retraits effectués dans les 10 ans qui suivent la réception des contributions du gouvernement réduiront les subventions et les bons à un taux de trois fois (3x) le montant retiré.

Nous décrivons les termes de base du REEI dans les sections qui suivent. Cependant, pour de plus amples renseignements, veuillez consulter le site web d’Emploi et Développement social Canada (EDSC) à l’adresse ci-après : http://www.edsc.gc.ca/fra/invalidite/epargne/index.shtml.


B.  Les objectifs de la politique sur le REEI : réduction de la pauvreté, contribution et autonomie

Le REEI dispose d’objectifs stratégiques distincts, importants pour la compréhension de sa conception et de son administration ainsi que des attentes des adultes qui tentent d’y accéder. Bien que la CDO n’ait pas évalué les objectifs stratégiques du REEI ou leur mise en œuvre, elle en a tenu compte pour fixer les critères de référence pour la réforme.

Le REEI est unique au Canada. Le groupe d’experts du ministre des Finances a mené un sondage dans un certain nombre de ressorts territoriaux, mais celui-ci « n’a pas permis d’établir qu’il existait de régime d’épargne-invalidité donnant droit à une aide fiscale en usage dans d’autres pays[25] ». En l’absence de l’avantage d’un exemple analogue, le REEI a été calqué sur d’autres régimes enregistrés d’épargne offerts au Canada, notamment le régime enregistré d’épargne-retraite (REER) et le régime enregistré d’épargne-études (REEE)[26]. Cette approche concordait avec les propositions antérieures du PLAN, qui avait conclu qu’un régime d’épargne donnant droit à une aide fiscale constituerait le mécanisme de choix pour atteindre plusieurs objectifs stratégiques du REEI[27]. La sécurité financière à long terme des personnes qui supportent les coûts élevés de l’invalidité était l’un des objectifs stratégiques[28]. Les autres objectifs stratégiques consistaient à encourager l’autonomie grâce à une structure axée sur les prestations contributives[29], à promouvoir la citoyenneté active à titre de consommateurs de services financiers traditionnels et à établir un partenariat entre les familles, le gouvernement et le secteur privé de façon qu’ils [traduction] « se partagent la responsabilité de garantir une vie de qualité pour les personnes handicapées[30] ». Ces questions sont abordées brièvement ci-dessous.

Les familles et les gouvernements se partagent souvent la responsabilité de fournir une aide aux personnes handicapées. Les contributions familiales peuvent comprendre la prestation de soins dans le cadre des tâches quotidiennes ainsi que l’aide financière. Ces contributions prennent la forme de mécanismes de soutien informels dans les relations naturellement dynamiques qui caractérisent les unités familiales et elles complètent les prestations gouvernementales[31]. Les gouvernements administrent des programmes spéciaux pour les personnes handicapées, qui comprenant habituellement le soutien du revenu et les services sociaux[32]. Les services sociaux englobent les soins et les autres types d’aide assurés par le gouvernement ainsi que les fournisseurs bénévoles et professionnels dans des domaines tels que les soins à domicile, l’équipement, la thérapie et la formation professionnelle[33].

Au Canada, comme ailleurs, le soutien du revenu et les services sociaux ont grandement évolué au cours des cinquante dernières années, et il y a eu une transition de la façon dont est conceptualisée la « déficience[34] ». Les services fournis conformément aux modèles antérieurs de déficience, qui étaient entièrement médicaux, ont souvent entraîné le placement de personnes handicapées dans des établissements en retrait de la société aux fins du traitement des déficiences perçues ou à des fins de protection[35]. À compter des années 1960, les mouvements sociaux de désinstitutionnalisation des personnes handicapées ont souligné la participation et l’inclusion dans la vie de la collectivité. [traduction] « Plutôt que de juger la déficience inhérente à une personne, ces nouvelles approches la considèrent comme un état découlant d’attitudes et de conditions dans la société[36] ». Progressivement, les fonds publics consacrés aux institutions l’ont été au soutien du revenu et aux services communautaires[37].

Beaucoup de Canadiens handicapés dépendent maintenant du soutien du revenu en tant que principale, voire unique source de revenus[38]. Cependant, le soutien du revenu vise uniquement à couvrir les frais de base de la vie, et les avantages supplémentaires pour les services liés à la déficience sont souvent déterminés à l’avance[39]. De plus, on a constaté que le soutien du revenu au Canada entravait les contributions que les adultes peuvent verser pour atteindre divers niveaux d’autonomie[40]. Le soutien du revenu que les provinces canadiennes administrent aux personnes handicapées est généralement réparti en tant que taux forfaitaire mensuel et il « tient compte des ressources » : l’admissibilité au soutien du revenu exige qu’un adulte ait peu de revenus indépendants et que, pour chaque paiement, il y ait un plafond au-delà duquel les revenus que l’adulte génère, ou la valeur des cadeaux, peuvent être déduits[41]. En 2012, la Commission d’examen du système d’aide sociale de l’Ontario a constaté que les personnes handicapées, en particulier, « n’arrivent plus à sortir du système et voient les possibilités s’amenuiser. […] Ces personnes n’obtiennent pas le niveau de soutien dont elles ont besoin pour stabiliser leur situation et améliorer leur autonomie et leur solidité financière[42] ».

Le REEI a été conçu en tant que moyen de combler le fossé entre le plafond du soutien du revenu et la sécurité financière nécessaire au bien-être d’un adulte, et il est dispensé de l’évaluation des ressources aux termes de la plupart des règlements provinciaux sur le soutien du revenu, y compris celui de l’Ontario. Le bénéficiaire d’un REEI peut recevoir des subventions et des obligations du gouvernement fédéral jusqu’à concurrence de 90 000 $, et accumuler des économies supplémentaires jusqu’à concurrence de 200 000 $, avant les investissements, sans être soumis à des retenues de soutien du revenu[43]. Comme l’expliquent les professeurs Andrew Power et Janet Lord, et Allison De Franco, ce volet [traduction] « est particulièrement important parce que les personnes handicapées peuvent maintenant accumuler des économies sans compromettre leurs prestations d’invalidité[44] ».

Également, le REEI est destiné à renforcer l’autonomie des adultes et l’égalité des citoyens en tant que consommateurs de produits du secteur privé[45]. Les réformes récentes des mécanismes de soutien du gouvernement à l’intention des personnes handicapées ont de plus en plus tendance à privilégier l’établissement de modes de prestations permettant aux adultes de choisir l’aide dont ils ont besoin pour eux-mêmes[46]. Cette « personnalisation du soutien[47] » a pris différentes formes dans les ressorts territoriaux et peut comprendre [traduction] « des budgets individuels, des paiements directs, des soins axés sur les consommateurs, un financement souple et des mécanismes autogérés[48] ». Les objectifs de la politique sur le REEI cadrent bien avec ces réformes récentes : [traduction] « il n’y a pas de restriction quant au moment où les fonds [d’un REEI] peuvent être utilisés ou au but dans lequel ils peuvent l’être[49] ». Les fonds d’un REEI ne se limitent pas à la satisfaction des besoins essentiels ou à la couverture des services préétablis, ce qui peut [traduction] « souvent prendre trop d’importance[50] ». De plus, on incite les bénéficiaires d’un REEI et leurs familles à verser des contributions actives au moyen de la Subvention canadienne pour l’épargne-invalidité (SCEI), qui verse des fonds équivalents aux dépôts privés à un taux allant jusqu’à 300 %, selon le montant du dépôt et le revenu familial du bénéficiaire (jusqu’à concurrence de 3 500 $ par année). Dans le cas des personnes ayant de faibles revenus, le Bon canadien pour l’épargne-invalidité (BCEI) offre un soutien du gouvernement jusqu’à concurrence de 1 000 $ par année, même si aucune contribution n’est apportée au régime. Ces contributions gouvernementales, comme toutes les contributions, peuvent croître si les investissements au REEI sont fructueux.

Dans son étude sur l’administration et l’adoption du REEI, Jeanette Moss résume comme suit les objectifs de la politique :

[traduction] « Le REEI signale une transition importante en s’éloignant d’une approche fondée sur l’aide sociale visant à aider les personnes handicapées pour aller vers une approche axée sur l’investissement. Plutôt que d’augmenter le montant des prestations d’invalidité de courte durée, le REEI a pour but primordial de fournir un instrument d’épargne à l’abri de l’impôt à long terme. Les personnes handicapées jouent un rôle actif sur leur propre génération de revenus et leur stabilité financière future. […] Plutôt que d’imposer une limite ou un plafond à ce que les personnes handicapées peuvent posséder ou épargner, le REEI établit une base ou un point de départ pour que les personnes handicapées économisent de l’argent [51] ».

 

C.  Qui sont les bénéficiaires d’un REEI et comment y ont-ils accès?

Plus de 80 000 Canadiens possèdent un REEI[52]. Les bénéficiaires d’un REEI doivent satisfaire aux exigences d’admissibilité de base énoncées par le gouvernement fédéral, notamment celle selon laquelle ils doivent être des « particuliers admissibles au CIPH[53] ». L’admissibilité au CIPH est déterminée par l’Agence du revenu du Canada, sur base de la certification par un « praticien qualifié » (comme un médecin, un audiologiste et un ergothérapeute, entre autres) que la personne qui demande le CIPH a « une ou plusieurs déficiences graves et prolongées des fonctions physiques ou mentales » qui affectent leur capacité à mener des activités courantes de la vie quotidienne de la manière prescrite[54]. (Les dispositions de la LIR qui définissent l’admissibilité au CIPH figurent à l’annexe C).

Dans les limites de ces exigences, il existe une grande diversité parmi les personnes qui souhaitent participer au REEI. Parmi les bénéficiaires actuels et particuliers identifiés lors des consultations de la CDO ainsi que dans les observations faites au gouvernement fédéral, on compte des personnes ayant une déficience intellectuelle, des problèmes de santé mentale et des troubles neurologiques[55]. Certains bénéficiaires d’un REEI sont depuis leur naissance aux prises avec une déficience, notamment les personnes atteintes d’un ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale (ETCAF), d’autisme ou du syndrome de Down. Dans le cas d’autres personnes, leurs aptitudes peuvent avoir changé plus tard dans la vie; c’est le cas, entre autres, des personnes atteintes de schizophrénie, du VIH/sida, d’une lésion cérébrale acquise ou de la maladie d’Alzheimer. 

Le début de la déficience peut être brusque, ou cette dernière peut se développer progressivement; les aptitudes peuvent être stables ou varier. Le bénéficiaire d’un REEI a fait remarquer à la CDO que non seulement son régime l’aidait à épargner de l’argent pour le jour où sa famille ne serait plus là, mais également qu’il constituait un plan d’urgence dans l’éventualité où il y aurait une modification de ses aptitudes, des services ou des réseaux de soutien; en fait, son REEI représentait un « filet de sécurité » pour les incertitudes qui pourraient avoir un effet « boule de neige » sur sa situation[56]. La CDO a aussi appris que les bénéficiaires ayant une maladie ou une déficience dégénérative, comme le VIH/sida, la sclérose en plaques ou une déficience intellectuelle, pouvaient vieillir à un rythme accéléré et être atteints de déficiences généralement associées aux personnes âgées, dont la démence[57]. Ces récits soulignent la nécessité de prendre en compte l’expérience de vie des bénéficiaires d’un REEI, notamment ceux qui y ont recours pour des raisons autres que l’épargne à long terme, parce qu’ils sont confrontés de façon très différente à des obstacles tout au long de leur vie.

Les répercussions des différences au chapitre des capacités sur les relations, la honte qui s’y rattache et les ressources affectées aux différentes collectivités influent toutes grandement sur la façon dont chaque personne accède à un REEI. Par conséquent, dans le cadre du projet, on a adopté des approches fondées sur le « parcours de vie » et « centrées sur la personne » en vue de l’examen des options relatives à la réforme[58].

À la déficience s’ajoutent d’autres expériences et difficultés communes connues. Les jeunes adultes et les personnes âgées ont actuellement accès au REEI. Les fonds d’un REEI sont destinés à être répartis d’abord et avant tout en tant que paiements viagers pour invalidité (PVI) obligatoires, versés périodiquement dès qu’un bénéficiaire atteint l’âge de 60 ans. Bien que peu de personnes âgées reçoivent actuellement des PVI, cette situation se produira de plus en plus souvent au fil du vieillissement des bénéficiaires. En Ontario, tout comme dans les autres provinces canadiennes, les personnes de plus de 50 ans ont retiré presque quatre fois plus de fonds que les autres, ce qui totalise plus de quatre millions de dollars au cours des cinq années suivant la mise en place du REEI[59]. Les jeunes peuvent eux aussi être confrontés à des difficultés qui leur sont propres au moment où ils passent à l’âge adulte et peuvent prendre des décisions sans en référer à leur père, à leur mère ou à leur tuteur. Le passage à l’âge adulte peut être ressenti avec acuité alors que les jeunes assument de nouvelles responsabilités. Cette situation a entraîné des difficultés particulières dans le cas des enfants confiés à l’État, pour qui un REEI a été ouvert à leur nom et qui ont pu avoir besoin de l’aide d’un représentant légal au moment où ils ont délaissé les services de protection de l’enfance[60].

Les adultes sont informés du REEI dans les établissements financiers et par l’entremise de divers intermédiaires. Ces points d’entrée peuvent comprendre la transmission de renseignements ainsi qu’une aide pour la défense des droits, comme la prestation de conseils financiers professionnels ou l’aide à la préparation de demandes d’admissibilité. Les familles et les amis, dont les soignants, comptent parmi les plus grands points d’entrée du REEI. Les parents, les époux et les conjoints de fait peuvent avoir temporairement le droit d’ouvrir un REEI au nom de leur être cher dans le cadre de processus simplifiés aux termes de la LIR, et ils font souvent participer les bénéficiaires à la prise de décisions partagée et officieuse au sujet des modalités du régime[61]. Les cliniques juridiques donnent habituellement des conseils au sujet du REEI aux clients qui présentent une demande dans le cadre du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH) ou qui en bénéficient, et elles le font à titre individuel et lors d’ateliers d’information[62]. En outre, le personnel chargé du POSPH informe directement les bénéficiaires au sujet du REEI[63]. Les critères d’admissibilité au REEI sont différents de ceux propres au POSPH, et les processus de demande sont distincts l’un de l’autre[64]. Certains adultes peuvent toutefois répondre aux critères d’admissibilité dans les deux cas. De plus, les fiducies d’intérêt privé et les avocats en droit successoral aident leurs clients à ouvrir un REEI pour mettre à l’abri de l’impôt les fonds provenant, par exemple, des règlements pour préjudice personnel, de l’assurance vie ou d’une succession, et pour maintenir leur admissibilité au POSPH grâce aux exemptions relatives aux revenus et aux actifs pour le REEI[65]. Les organismes communautaires et de défense des droits s’emploient activement à mieux faire connaître le REEI auprès des personnes souhaitant y accéder et à les aider à le faire[66]. Enfin, les adultes ont été ciblés par les sociétés dont l’activité principale consiste à produire des demandes de prestations moyennant le paiement de droits[67].

Ces points d’entrée sont tout aussi éloignés les uns des autres que les services auxquels les adultes ont recours dans leur vie de tous les jours et ils sont plus ou moins accessibles, selon le contexte. Dans la mesure où ils facilitent l’accès à un REEI, ils sont primordiaux à son attribution. Les recommandations de la CDO prennent en compte la manière dont on pourrait s’appuyer sur les points d’entrée pour augmenter l’accessibilité au processus de nomination d’un représentant légal REEI. En particulier, nous recommandons que l’information publique sur un processus futur soit distribuée dans des formats et un libellé accessibles pour les individus et les organisations évoqués ci-haut.

 

D.     Ouvrir et gérer un REEI

1.     Déterminer la capacité du bénéficiaire d’être le titulaire du REEI

Chaque REEI nécessite un titulaire de REEI, que ce soit le bénéficiaire ou une autre personne. Ouvrir un REEI exige que le titulaire du régime conclue un contrat avec une institution financière. Si, au moment de l’ouverture d’un REEI pour la toute première fois, le bénéficiaire est un adulte, il doit en être le titulaire. Toutefois, en vertu de la LIR, lorsque le bénéficiaire n’a pas « la capacité de contracter un régime d’épargne-invalidité » avec une institution financière, un « responsable » doit être le titulaire du régime. Un responsable peut être un tuteur ou toute autre personne « qui est légalement autorisée à agir au nom du bénéficiaire » en vertu des lois provinciales[68].

Contracter un REEI avec un bénéficiaire légalement incapable d’ouvrir et de gérer un régime pose un risque à la fois pour le bénéficiaire et pour l’institution financière. En Ontario, les adultes sont présumés être légalement capables de conclure un contrat et chaque partie contractante est en droit de se prévaloir de cette présomption à l’égard de l’autre, « à moins qu’elle ait des motifs raisonnables de croire que l’autre personne est incapable de conclure un contrat[69] ». Un adulte doit être en mesure de comprendre la nature et les effets de la transaction pour conclure un contrat et si une partie a connaissance réelle ou présumée qu’un adulte n’est pas en mesure de satisfaire à ce critère, le contrat pourrait être annulable en vertu de la common law[70]. Dans son Report on Common Law Tests of Capacity, le British Columbia Law Institute explique que la loi sur la capacité dans ce domaine vise à établir un juste équilibre entre la protection de l’intérêt de l’adulte et [traduction] « les intérêts matériels de l’autre partie contractante et l’intérêt social plus large de la sécurité des contrats[71] ».

Des employés d’institutions financières ont refusé de conclure des contrats avec les bénéficiaires qu’ils croyaient ne pas avoir la capacité juridique d’ouvrir et de gérer un REEI. La CDO a également appris que de nombreux bénéficiaires et des personnes intéressées, comme les membres de la famille, auraient eux-mêmes souhaité nommer un titulaire de REEI – avant ou après le contact avec une institution financière – parce qu’ils croyaient que le bénéficiaire n’avait pas la capacité juridique requise pour être le titulaire du régime[72].

La CDO a continuellement entendu répéter, au cours du projet, que la structure du programme de REEI était complexe et que le processus décisionnel du REEI pouvait être exigeant[73]. Le REEI est un véhicule financier qui incite les titulaires à effectuer des choix éclairés parmi les outils d’investissement traditionnels, tels que les fonds communs de placement. Même pour les personnes qui ne sont pas confrontées à des défis en matière de prise de décisions, la littératie financière liée à ces investissements peut nécessiter les conseils spécialisés de professionnels, comme des conseillers en investissements. En outre, le calendrier et le montant des cotisations et des retraits ont sur les droits d’un bénéficiaire des répercussions qui peuvent être difficiles à comprendre. 

Un adulte en désaccord avec l’opinion de l’employé d’une institution financière sur sa capacité à contracter peut désirer la réfuter; nous étudions les recours dont peuvent se prévaloir ces personnes au chapitre IV.C.1, «Évaluer la capacité du bénéficiaire à être titulaire de REEI ». Nous nous attendons cependant à ce que les personnes qui ont plaidé en faveur d’un processus simplifié y incluent les adultes handicapés se croyant incapables de contracter avec une institution financière pour l’ouverture et la gestion d’un REEI, et qui voudraient que quelqu’un d’autre le fasse pour eux.

La détermination de la capacité juridique d’être un titulaire de REEI, ainsi que les autres problèmes abordés dans cette section, sont décrits ci-dessous dans la figure 2 : Comment ouvrir et gérer un REEI en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

2.     Les responsabilités du titulaire de REEI

Le titulaire de REEI est la personne qui ouvre un REEI en concluant un contrat avec une institution financière. Cependant, les responsabilités d’un titulaire de REEI ne s’arrêtent pas une fois le REEI établi : un titulaire de REEI est responsable de la prise de décisions importantes au sujet de la gestion du régime tout au long de son cycle de vie. Selon les modalités énoncées dans l’accord d’un REEI avec une institution financière, les titulaires de REEI ont le pouvoir de prendre les mesures suivantes :

  • ouvrir le REEI;
  • consentir à des contributions de sources privées;
  • déterminer les modalités de l’investissement des épargnes;
  • présenter une demande de subventions et de bons du gouvernement; et
  • établir la disponibilité, le calendrier et le montant des retraits.

Les titulaires de REEI ont le pouvoir de décider comment investir dans le REEI au moment de son ouverture et ils peuvent à n’importe quel moment modifier les investissements qui y sont faits. Ils peuvent également autoriser des contributions privées dans le REEI et présenter une demande de subventions et de bons du gouvernement. Les titulaires de REEI ne peuvent pas prendre la décision initiale de verser des fonds dans un REEI au nom du cotisant. Toutefois, les titulaires de REEI peuvent consentir à ce que des dépôts soient effectués dans le REEI, étant donné que le moment où s’effectuent les contributions est essentiel à l’admissibilité à la Subvention canadienne pour l’épargne-invalidité, octroyée de façon à correspondre aux contributions faites au cours d’une année civile jusqu’à concurrence du montant maximal.

Selon les modalités du régime, les titulaires ont aussi le pouvoir de déterminer si un bénéficiaire peut recevoir des paiements uniques (à savoir des paiements d’aide à l’invalidité ou PAI) et à quel moment il peut les toucher, et si le versement des PVI peut commencer avant la date du début obligatoire. Les règles touchant le calendrier et le calcul des retraits comportent de nombreux détails. Comme celles concernant les contributions, elles entraînent également de graves conséquences : bien que le gouvernement offre des subventions et des bons aux bénéficiaires, dans l’éventualité où les retraits s’effectueraient pendant certaines périodes, ces fonds de soutien du gouvernement devraient être remboursés en triple, ce qui pourrait entraîner une diminution notable des fonds du REEI[74].

Les titulaires de REEI ne sont pas autorisés en vertu de la LIR à recevoir et à gérer les fonds issus d’un REEI au nom du bénéficiaire. Nous discutons des questions entourant la réception et la gestion des fonds issus du REEI dans la section suivante.

Pour plus de renseignements sur les modalités de base du REEI, voir la figure 1 : Le REEI en bref, ci-dessus. Nous vous suggérons également de consulter le site Web de EDSC à : http://www.esdc.gc.ca/fra/disability/savings/index.shtml.

 

3.     Recevoir et gérer les fonds issus d’un REEI

La LIR exige que le REEI « soit administré exclusivement au profit du bénéficiaire » et interdit la cession ou l’abandon de paiements à une personne autre que le bénéficiaire. Les fonds issus d’un REEI doivent être reçus par le bénéficiaire lui-même, et les titulaires de REEI ne sont pas autorisés en vertu de la LIR à les gérer pour le compte d’un bénéficiaire[75].

Les fonds issus du REEI peuvent servir à n’importe quelle fin. Le bénéficiaire peut utiliser les fonds issus du REEI pour satisfaire ses besoins essentiels, acheter un accessoire fonctionnel ou un billet de cinéma. Cette absence de restriction sur l’utilisation des fonds est conforme aux objectifs de la politique qui sous-tend le REEI, dont notamment l’amélioration de l’autonomie de l’adulte, la contribution et l’autodétermination. Cependant, cela signifie également que les fonds issus d’un REEI constituent un bien, comme n’importe quel autre bien, et que l’éventail des décisions susceptibles d’être prises pour la dépense de fonds issu d’un REEI est vaste.

La CDO a appris que tandis que certains bénéficiaires ne peuvent avoir besoin que d’une seule autre personne pour gérer les fonds se trouvant dans le REEI, pour l’achat d’options d’investissement par exemple, d’autres peuvent avoir le même besoin au moment de dépenser l’argent retiré du régime. Le gouvernement fédéral permet aux individus ou aux institutions, comme les tuteurs et les procureurs, de recevoir et de gérer des fonds au nom d’un bénéficiaire, sauf si cela est expressément interdit par les lois provinciales[76]. Le tuteur ou le procureur pourrait être la même personne que le titulaire du régime; cependant, il ou elle aurait un statut différent en vertu de la LIR. 

En recommandant un processus de nomination d’un représentant légal qui peut ouvrir un REEI et décider des modalités du régime, une question clé dans le projet de la CDO a été d’examiner s’il serait opportun d’étendre le champ d’application de l’autorité d’un représentant légal REEI au-delà de l’autorité d’un titulaire de REEI pour inclure également la gestion des fonds issus du REEI (voir chapitre IV.C.5, « Le rôle et les responsabilités du représentant légal REEI »).

 

 

 

 

Précédent Suivant
D’abord Bout
Table des matières