A. Les raisons justifiant la mise en place d’un processus simplifié en Ontario
Les recommandations de la CDO destinées à simplifier le processus de nomination d’un représentant légal pour les bénéficiaires d’un REEI répondent principalement aux aspirations des adultes handicapés, ainsi qu’aux familles, aux amis et aux fournisseurs de services qui veulent les aider à établir un REEI.
Lorsque le gouvernement fédéral a mené des consultations publiques au cours de son examen des REEI, il a reçu des centaines de mémoires; plusieurs exposaient des préoccupations quant au processus actuel de nomination d’un titulaire de REEI. Comme il a été mentionné précédemment, les REEI ne prévoient pas de processus de nomination d’un titulaire de REEI pour un bénéficiaire jugé incapable de conclure un contrat avec une institution financière. Ce régime diffère de ceux gérés par l’État, dans lesquels est intégrée une procédure pour désigner un aidant ou un substitut pour la prise de décisions.
Par exemple, un membre de la famille, un soignant ou toute autre personne peut déposer une demande auprès des Services pour les personnes ayant une déficience intellectuelle au nom d’une personne déficiente qui souhaite recevoir du financement individualisé pour des services et du soutien[77]. Le RPC, la SV et le POSPH permettent également aux bénéficiaires et aux personnes intéressées de demander que soit désigné un « fiduciaire » informel pour gérer les paiements mensuels[78].
Dans le cas des REEI, un titulaire de REEI doit être nommé à titre de tuteur ou à titre de personne « légalement autorisée » en vertu de lois provinciales distinctes[79]. Toutefois, les lois provinciales actuellement en vigueur et ciblant ces circonstances ont tendance à aborder des domaines de la gestion des biens plus larges que les REEI, comme le paiement des factures, l’achat et la vente de biens immobiliers, ainsi que les dépenses courantes. À quelques exceptions près, ces lois se concentrent principalement sur la protection des adultes contre des préjudices graves qui pourraient être subis quand ils sont incapables de décider par eux-mêmes, plutôt que de faciliter l’accès à un programme de prestations comme les REEI. Par conséquent, ces processus de nomination peuvent se révéler rigides selon le cadre de chaque province.
Le gouvernement fédéral a indiqué que, dans certaines provinces, établir un REEI est « une démarche à laquelle les proches de la personne handicapée peuvent devoir consacrer beaucoup de temps et d’argent et qui peut avoir des répercussions importantes sur cette personne[80] ». Au cours des consultations tenues auprès des Ontariens et des Ontariennes, la CDO a entendu des témoignages reflétant ces préoccupations, en ce qui concerne notamment la nécessité que le titulaire de REEI soit un procureur ou un tuteur nommé en vertu de la Loi sur la prise de décisions au nom d’autrui (LPDNA), une loi destinée à une application plus générale sur la gestion des biens.
Nous avons entendu le témoignage d’un adulte handicapé qui voulait donner procuration à l’égard des biens, mais qui a été informé par son avocat qu’il ne pouvait le faire parce qu’il n’en démontrait pas la capacité suffisante en vertu de la LPDNA[81]. Des parents, des frères et des sœurs ont refusé de présenter une demande de tutelle pour devenir les titulaires du REEI afin d’éviter à leur proche qu’il soit déclaré « incapable » de gérer ses biens[82]. D’autres membres de la famille ont été accueillis à la banque, de façon informelle dans un premier temps, mais ont par la suite rencontré des difficultés dans la gestion du REEI et dans leurs communications avec les administrateurs gouvernementaux parce qu’ils n’étaient pas légalement habilités en vertu de la LPDNA[83]. Un parent a décidé d’obtenir une ordonnance de tutelle du tribunal afin d’établir un REEI; toutefois, il s’est dévoué à cette tâche pendant plus de six mois, sans succès, en plus de prendre en charge des frais juridiques substantiels tout au long de ce processus[84].
Comme ces quelques exemples le démontrent, aucun des témoignages livrés par les participants aux consultations de la CDO n’est identique à un autre. Néanmoins, on peut dégager des thèmes communs concernant les types d’obstacles rencontrés par les personnes en Ontario. Ces personnes ont exprimé le désir de voir un autre processus être spécifiquement conçu pour les bénéficiaires de REEI. Ces questions seront abordées successivement ci-dessous.
1. Il existe des bénéficiaires qui sont incapables d’octroyer une procuration pour désigner un titulaire de REEI
L’octroi d’une procuration découle d’un processus privé, rapide et autodéterminé qui devrait former le premier recours des adultes souhaitant désigner une personne à titre de titulaire de REEI. En Ontario, un adulte peut exécuter une procuration afin d’autoriser une autre personne à « faire, au nom du mandant, tout ce que pourrait faire ce dernier relativement à ses biens s’il était capable, à l’exception de son testament[85] ». Une procuration entre en vigueur immédiatement ou dès que se produit un événement que le mandant est en mesure de préciser lui-même, et, s’il s’agit d’une procuration « perpétuelle », elle restera en vigueur lorsque l’adulte sera déclaré incapable de gérer ses biens[86].
Les institutions financières ont signifié à la CDO que l’utilisation des procurations pour désigner les titulaires de REEI donne de bons résultats. Avec les procurations, il n’est pas toujours nécessaire qu’un adulte ait été déclaré formellement « incapable »; le personnel de l’institution peut être disposé à collaborer avec le procureur et le client, même après la nomination[87]. Une employée d’une banque a résumé comme suit sa pensée sur les procurations :
[traduction] « […] nous tentons d’expliquer à nos clients titulaires la différence entre une personne donnant procuration et une personne qui doit être déclarée incapable […] Il y a des clients qui donnent procuration quand ils voyagent à l’étranger. La procuration est un instrument très commun; en fait, c’est un outil informel de prise de décisions soutenue. Si vous [êtes un procureur et que vous] êtes en mesure de faire participer la personne qui a donné procuration à l’égard de la prise de décisions, c’est plus facile pour l’institution financière d’engager la discussion avec les deux membres du groupe […] Je pense qu’on peut renseigner les familles en leur disant que “la procuration est souvent un outil très précieux. Le processus de mise en place en consultant un avocat est simple et relativement peu coûteux.”[88] »
Certes, des critiques à l’égard du cadre ontarien des procurations dans les institutions bancaires et dans d’autres contextes peuvent être formulées. Nous avons soulevé certaines d’entre elles dans notre projet intitulé : Capacité juridique, prise de décisions et tutelle. Toutefois, le défi majeur qui a été évoqué à l’égard des procurations lors des consultations publiques de la CDO réside dans le fait que les adultes aux prises avec des problèmes majeurs quant à la prise de décisions ont été incapables de satisfaire aux exigences de la LPDNA qui leur permettraient de donner procuration[89].
Le critère de capacité pour donner procuration à l’égard des biens en Ontario est plus strict que dans de nombreuses provinces canadiennes. Le critère correspond à une liste détaillée d’exigences qui [traduction] « impliquent une connaissance réelle de la nature du bien du mandant et de sa valeur approximative, ainsi que la connaissance des risques et des fonctions spécifiques d’un procureur à l’égard des biens[90] ». La LPDNA se lit comme suit :