A.    L’élaboration du processus

1.     Notre examen des solutions de rechange

Des efforts de longue date ont été déployés au cours des années afin de réformer les lois sur la prise de décisions au Canada et des changements positifs ont été mis en vigueur dans presque toutes les provinces. Le document de discussion du CDO pour le présent projet examine et analyse les lois existantes, les politiques et programmes du Canada et d’ailleurs comme fondements pour le développement de solutions novatrices basées sur des expériences passées. Nous avons tiré avantage des rapports effectués sur demande, de la littérature spécialisée, des documents de politique et de nos propres consultations qui nous offrent un aperçu des apports des structures existantes. Les recommandations du présent rapport intègrent des caractéristiques de solutions de rechange mises en évidence par les résultats de nos recherches et les critères de référence de la réforme, mentionnés précédemment. 

Le point de départ de notre examen des solutions de rechange est le Plan d’action économique du gouvernement fédéral qui prévoit ce qui suit :

« Quelques provinces et territoires ont déjà mis en place des processus simplifiés permettant de désigner une personne de confiance pour gérer les ressources au nom d’un adulte n’ayant pas la capacité de conclure un contrat, ou ont indiqué que leur régime est déjà assez souple pour régler cette question[129]. »

Nous résumons plus loin les processus qui sont ou pourraient être utilisés pour nommer une personne légalement autorisée à prendre des décisions pour des bénéficiaires de REEI, que le gouvernement fédéral a reconnus. 

Comme pour la LPDNA de l’Ontario, la majorité de ces processus ont été créés à l’origine pour s’appliquer à des secteurs de gestion des biens plus vastes que le REEI. Ils permettent aux adultes de nommer une autre personne pour les assister ou pour gérer leurs finances, au moment où ils atteignent le seuil d’incapacité stipulé. À défaut, un tuteur (ou une personne autorisée à prendre les décisions sous un autre titre) peut être nommé à la suite d’une évaluation de capacité. Les dispositions législatives varient toutefois beaucoup dans ce domaine, d’un ressort territorial à l’autre. Certains gouvernements ont indiqué que la mise en place d’un REEI n’a pas suscité d’inquiétudes dans leur ressort territorial ou n’a pas atteint un niveau qui nécessiterait une réaction politique.

Terre-Neuve-et-Labrador fait exception à ce chapitre; cette province a adopté une modification législative pour créer un nouveau processus qui vise tout particulièrement ce problème, mais elle n’est pas en vigueur. La Saskatchewan a pour sa part édicté des règles de conduite destinées aux membres du public pour les aider dans la rédaction d’une procuration limitée à la nomination d’un titulaire de REEI.

 

Figure 3 : Les processus en place dans les provinces et territoires qui ont été reconnus par le Plan d’action économique 2014

Alberta

L’Alberta permet de faire une demande administrative pour la nomination par un juge d’un tuteur légal (appelé « tuteur, curateur ou fiduciaire »). À l’aide d’une trousse de demande, les demandeurs transmettent leur demande à des agents d’examen spécialisés de l’Office of the Public Guardian qui s’assurent qu’elle est remplie, en plus d’accomplir d’autres tâches, notamment aviser les parties concernées de la présentation de la demande ainsi que rédiger l’ébauche d’un rapport de l’agent d’examen. Les agents d’examen rencontrent habituellement l’adulte visé par la demande pour lui demander ses souhaits avant de transmettre la demande et les documents à l’appui au tribunal[130].  

 

Colombie-Britannique

En Colombie-Britannique, les adultes peuvent accorder une « convention de représentation » (CR) afin d’autoriser une personne à leur venir en aide ou à prendre des décisions en leur faveur. Le seuil de capacité le permettant est basé sur une gamme de facteurs non cognitifs qui sont moins rigoureux et considérablement différents de ceux requis pour une procuration en Colombie-Britannique ou en Ontario. Cela reflète une décision, à caractère politique et social, qui s’étend aux nominations personnelles d’adultes présentant des incapacités marquées, qui ont des modes de communication uniques et qui réussissent à se faire comprendre par des personnes de confiance. Les CR s’appliquent à des secteurs de gestion financière routiniers qui n’incluent pas expressément les REEI. Certains interprètent le libellé législatif comme incluant le REEI et les institutions financières ont accepté les CR dans le cas d’ouverture de comptes[131].  

 

Manitoba

Faisant partie d’un projet global visant à procurer des services aux personnes ayant une déficience intellectuelle, la nomination d’un substitut pour la prise de décisions pour ces personnes se fait à travers un processus administratif qui inclut une vérification initiale par le Bureau du commissaire des personnes vulnérables du Manitoba, suivi d’un examen devant un comité d’audience[132].  

 

Terre-Neuve-et-Labrador

Terre-Neuve-et-Labrador a modifié ses dispositions législatives concernant les procurations pour permettre la nomination de deux personnes comme « désignées » pour le REEI. Ces modifications ne sont pas encore en vigueur. Le seuil de capacité requis pour conclure une entente est moins rigoureux que les exigences pour une procuration à Terre-Neuve-et-Labrador et en Ontario. Il est fondé sur celui des CR de la Colombie-Britannique (voir plus haut). Si un adulte est dans l’incapacité de désigner une personne, certains membres de sa famille peuvent entamer le processus de nomination du Curateur public par l’entremise d’un tribunal de première instance (équivalent de la Cour supérieure de justice de l’Ontario)[133].  

 

Territoires du Nord-Ouest

Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a indiqué qu’il réglera les situations au cas par cas. Peu de cas sont prévus étant donné que la population compte moins de 45 000 résidents[134].

 

Saskatchewan

La Saskatchewan recommande aux adultes d’utiliser une procuration « spéciale limitée » pour nommer un titulaire selon les dispositions législatives provinciales existantes. Ces dernières sont moins rigoureuses à l’égard du seuil de capacité que celles de l’Ontario. Cette province suggère que la portée des pouvoirs de procuration soit limitée à un titulaire qui n’a pas le droit de retirer des fonds du REEI. Ces pouvoirs additionnels ne seraient octroyés qu’en cas de pleine tutelle des biens ou par « prise de décisions conjointe » pour éviter l’exploitation financière[135]. 

En Saskatchewan, un juge peut nommer un co-décideur comme option moins contraignante à la tutelle, si un adulte [traduction] « nécessite une aide lors de prises de décisions afin de prendre des décisions raisonnables… [136] ». Un codécideur partage le pouvoir juridique avec l’adulte et, lorsqu’un contrat exige qu’ils signent conjointement, celui-ci est résiliable s’il est signé seulement par l’une ou l’autre des personnes. Toutefois, un co-décideur doit se plier à la décision de l’adulte si celle-ci est raisonnable. Les demandes pour ce genre de convention doivent être présentées à la Cour du Banc de la Reine (équivalent de la Cour supérieure de justice de l’Ontario)[137].

 

Yukon

Le Yukon permet aux adultes de donner à des amis ou parents dignes de confiance, le pouvoir légal de leur venir en aide lors de prises de décisions à l’aide d’une « convention de prise de décisions soutenue ». La prise de décisions soutenue [traduction] « est destinée aux adultes en mesure de prendre leurs propres décisions lorsqu’ils reçoivent de l’aide[138] ». Les aidants peuvent prendre part à certaines activités, par exemple recevoir des renseignements confidentiels, dispenser des conseils ou communiquer des décisions. Cependant, les aidants ne peuvent prendre de décisions au nom de l’adulte, et la décision prise ou communiquée avec leur aide est réputée être celle de l’adulte[139].

Le Yukon prévoit aussi des « conventions de représentation » qui donnent le pouvoir à une personne de prendre des décisions au nom d’un adulte. Comme les CR de la Colombie-Britannique, elles sont restreintes à la gestion financière routinière et ne visent pas le REEI en particulier. Le seuil de capacité d’une CR est identique à celui d’une procuration dans cette province, mais est moins rigoureux qu’en Ontario. Au Yukon, les CR diffèrent des procurations du fait qu’elles peuvent être rédigées par un bureau du gouvernement plutôt que par un procureur. Elles sont plus accessibles pour cette raison, toutefois, elles viennent à échéance soit trois ans après leur émission, soit au moment où la capacité de l’adulte décline, la date la plus rapprochée étant retenue[140].

En plus des lois liées à la prise de décisions des provinces et territoires mises en évidence par le gouvernement fédéral, notre document de discussion tient compte des lois dans le domaine des fiducies, ainsi que du soutien du revenu et des avantages sociaux. Certains exemples ont déjà été mentionnés dans le présent rapport, tels que la curatelle du RPC, de la SV et du POSPH.

 

2.     Les consultations publiques sur les options de réforme

Le résumé des solutions de rechange décrites à la section précédente suffit à démonter qu’à travers le Canada, les approches face au REEI correspondent au cadre légal des divers ressorts territoriaux. L’objet de notre phase consacrée aux consultations publiques était de recevoir de la rétroaction sur les options de réforme en Ontario.

Plusieurs options de réforme présentées dans le document de discussion ont établi le fondement des consultations. En nous fondant sur notre examen des dispositions existantes, mentionnées ci-dessus, nous avons proposé un processus simplifié qui pourrait être administré par :

  • une nomination personnelle, similaire à une procuration, mais disponible pour les adultes dont l’incapacité correspond à un seuil moins rigoureux que ce qui est requis pour une procuration aux biens selon la LPDNA, la nomination pourrait être autonome ou combinée à
  • une démarche simplifiée à la Cour supérieure de justice, ou devant un tribunal administratif ou un bureau du gouvernement.

La CDO convient que l’engagement des intervenants est impératif pour la recommandation de modifications aux mesures législatives en vigueur et nous avons accordé une attention particulière à la rétroaction reçue à l’égard de ces options. Nous avons aussi encouragé les membres du public à commenter les options supplémentaires qui n’ont pas été proposées dans le document de discussion et qui pourraient raisonnablement atteindre les critères de référence de la réforme.

Parmi les personnes avec lesquelles nous avons communiqué, on compte des avocats et défenseurs des droits qui ont participé aux consultations ayant mené aux rapports préalablement exécutés sur commande, qui ont modelé la LPDNA (appelés communément les rapports Fram, Weisstub and O’Sullivan) et qui ont mis en application la LPDNA à partir des années 1990 jusqu’à présent[141]. Les défenseurs de leurs propres droits et leurs familles et amis ont partagé leurs expériences personnelles avec la LPDNA, les fiducies privées et le POSPH. De plus, les responsables politiques ont abordé les possibilités et contraintes des directions futures en Ontario. (Des informations détaillées sur les personnes consultées et les méthodes de consultation sont présentées à la section I.E.1, « La recherche et les consultations ».)

Nos recommandations, énoncées dans la suite du présent rapport, tentent d’équilibrer les divers points de vue qui nous ont été présentés.

 

B.  Survol des recommandations de la CDO

La Commission du droit de l’Ontario recommande que le gouvernement ontarien mette sur pied un processus qui permettrait aux adultes de nommer eux-mêmes un représentant légal REEI pour ouvrir et gérer les fonds du REEI, lorsque des préoccupations existent à l’égard de leur capacité à conclure les modalités du REEI avec une institution financière.

Le processus serait offert aux adultes qui n’ont pas de procureur ou de tuteur aux biens pouvant les remplacer en tant que titulaire de REEI. Ceci permettrait aux adultes de choisir la personne qu’ils veulent voir les aider dans l’obtention de ce bénéfice social important, en établissant un compte de REEI et en décidant de ses modalités. Toutefois, les pouvoirs du représentant légal REEI n’iraient pas au-delà de ceux d’un titulaire de REEI. Il ne lui serait donc pas permis de gérer les sommes payées à partir du REEI. Par conséquent, quand viendrait le temps de verser des paiements au bénéficiaire du REEI, ce dernier devrait gérer son propre compte ou présenter une demande de tutelle, s’il n’avait pas la capacité juridique de le faire. 

Les bénéficiaires de REEI, comme tous les adultes de l’Ontario, jouissent de la capacité juridique selon la LPDNA s’ils sont en mesure de gérer leurs propres finances avec l’aide de leur famille, leurs amis et leurs fournisseurs de services[142]. Toutefois, la CDO croit que lorsque les adultes sont dans l’incapacité de gérer, même avec de l’aide, les paiements en provenance d’un REEI, on doit mettre en place une solution plus élaborée que les services que peut fournir le représentant légal REEI. Ceci est dû en partie à des préoccupations à l’égard de l’exploitation financière et aussi à la nature des fonds REEI, dont nous discuterons plus loin dans le présent rapport. 

En Ontario, les adultes et leurs aidants peuvent se tourner vers les tuteurs, qui sont une source de conseils exhaustifs en matière de prise de décisions pour la gestion des biens. De plus, le projet continu de la CDO intitulé Capacité juridique, prise de décisions et tutelle prend en considération des solutions de rechange à la tutelle moins restrictives, qui pourraient résoudre les problèmes auxquels peuvent faire face les adultes de capacités variées. Nous avons publié le document de discussion pour ce projet en juin 2014. 

La CDO recommande que les critères personnels sur la nomination soient fondés sur la définition de capacité légale à l’octroi d’une procuration selon la common law. Toutefois, si le gouvernement ontarien croit que ces critères ne sont pas suffisamment flexibles pour améliorer l’accès au REEI, nous recommandons qu’ils soient fondés sur l’article 8(2) du Representation Agreement Act de la Colombie-Britannique. Ces deux seuils de capacité juridique sont moins rigoureux que les exigences en matière de procuration aux biens selon la LPDNA. Puisqu’on reconnaît que le seuil existant pour l’Ontario est inatteignable pour certains adultes souffrant d’une incapacité, nous proposons que cette mesure améliorerait l’accès pour les adultes qui souhaitent nommer un titulaire de REEI. 

Pour parer à l’exploitation financière, nous croyons que de robustes mesures de protection devraient rétablir l’équilibre compte tenu de la facilité avec laquelle les adultes pourront nommer eux-mêmes un représentant légal REEI. Par conséquent, nous recommandons que les adultes aient le droit de bénéficier des dispositions de la LPDNA qui obligent un procureur aux biens à rendre compte des transactions financières et permettent aux membres du public de faire valoir une allégation d’exploitation auprès du BTCP. De plus, nous recommandons que le représentant légal REEI ait le pouvoir d’ouvrir un compte REEI et qu’il puisse décider des modalités du régime, mais pas de la gestion des paiements en provenance du REEI. La Loi de l’impôt sur le revenu intègre plusieurs mesures protectrices sur la gestion des fonds détenus à même un REEI. Le fait de restreindre la portée des pouvoirs du représentant légal REEI, de manière à ce qu’ils ne dépassent pas ceux d’un titulaire de REEI, réduit les occasions de se servir à son avantage ou de faire mauvais usage des fonds tirés du régime. 

Les adultes qui nomment un représentant légal de REEI en utilisant notre processus simplifié pourraient choisir un membre de leur famille, incluant un parent, époux ou épouse, conjoint de fait ou frère ou sœur; un ami proche; ou un organisme communautaire désigné à cette fin par un organisme du gouvernement.

Une fois le représentant légal REEI nommé, nous recommandons qu’il ou elle ait les mêmes responsabilités qu’un procureur aux biens pour un adulte qui a été déclaré légalement incapable selon la LPDNA, tel qu’applicable, et qu’il ou elle soit assujetti(e) aux mêmes normes de diligence. Ceci exigerait, entre autres responsabilités, que les représentants légaux REEI encouragent la participation de l’adulte dans la prise de décisions, au meilleur de ses habiletés, et consultent les aidants de la famille et les amis. Ils seraient de plus des fiduciaires en vertu de la loi, donc leurs responsabilités devront être « exercées diligemment, honnêtement, de façon intègre et de bonne foi au profit de [l’adulte][143] ».

Pour terminer, la CDO recommande que des mesures soient adoptées afin que les tiers soient assurés de la certitude et de l’irrévocabilité des transactions avec le représentant légal REEI, entre autres en prévoyant une exemption de responsabilité lorsque lesdits tiers suivent raisonnablement des instructions données par le représentant légal REEI.

Une liste complète de nos recommandations se trouve au chapitre V. Dans les sections qui suivent, nous détaillerons les modalités précises du processus simplifié :

 

Figure 4 : Les caractéristiques du processus simplifié

  1. Évaluer la capacité du bénéficiaire à être titulaire d’un REEI.
  2. Permettre aux bénéficiaires de nommer eux-mêmes un titulaire de REEI.
  3. Établir les critères de capacité pour permettant une nomination personnelle.
  4. Neutraliser les nouvelles possibilités accrues d’exploitation financière.
  5. Établir le rôle et responsabilité du représentant légal REEI.
  6. Assurer aux tiers la certitude et le caractère définitif des transactions.
  7. Déterminer qui peut être représentant légal REEI.
  8. Mettre fin à la nomination personnelle.

 

C. Les caractéristiques du processus simplifié

1.     Évaluer la capacité du bénéficiaire à être titulaire de REEI

Qui détermine si un bénéficiaire a la capacité juridique nécessaire pour établir un REEI? Comment?

La LIR énonce les conditions applicables à l’ouverture et à la gestion d’un REEI auprès d’une institution financière. Comme nous l’avons vu dans le chapitre II du présent rapport, le titulaire du REEI doit être le bénéficiaire adulte, à moins qu’il n’ait pas « la capacité de contracter un régime d’épargne-invalidité » auprès d’une institution financière, auquel cas, le titulaire doit être une personne légalement autorisée à agir[144]. (Voir la figure 2: Comment ouvrir et gérer un REEI en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu). 

En vertu de la common law, une personne d’âge adulte a la capacité juridique de contracter lorsqu’elle comprend la nature et l’effet de la transaction[145]. Un employé d’une institution financière peut refuser d’ouvrir un REEI pour un bénéficiaire s’il possède des motifs raisonnables de croire que le bénéficiaire n’a pas la capacité minimale requise pour ouvrir un REEI. Des intervenants ont toutefois informé la CDO qu’en pratique, le bénéficiaire et son aidant préfèrent évaluer eux-mêmes la capacité de contracter du bénéficiaire, puis désigner un représentant légal et s’adresser à une institution financière. 

Les bénéficiaires et les employés d’une institution financière ignorent parfois comment déterminer si le bénéficiaire a la capacité d’ouvrir et de gérer un REEI. Les employés des institutions financières sont régulièrement appelés à revoir la capacité juridique de leurs clients pour des transactions qui n’ont rien à voir avec les REEI. Toutefois, lors de leurs témoignages devant la CDO, l’ARCH Disability Law Centre, les organismes communautaires et les institutions financières se sont dits préoccupés par l’implication des institutions financières dans la détermination de la capacité juridique d’un adulte pour ouvrir un REEI[146]. La CDO a constaté que ce ne sont pas toutes les institutions financières qui forment leur personnel en la matière, et que certaines d’entre elles se contentent de s’appuyer sur le bon sens lors de l’ouverture d’un REEI[147]. Parallèlement, bien que les bénéficiaires et leurs aidants aient pu faire l’expérience de situations où la capacité juridique à prendre diverses décisions était remise en question (dans le cas, par exemple, du consentement au traitement ou aux soins personnels), ils peuvent avoir des difficultés à faire des distinctions parmi la foule de définitions de « capacité » qui les touchent. 

Par conséquent, dans le chapitre IV.D du présent rapport, nous recommandons que le gouvernement de l’Ontario diffuse des informations accessibles aux prestataires de services et au public concernant le futur processus simplifié, incluant des instructions sur la détermination de la capacité juridique d’ouvrir et de gérer un REEI. 

 

Comment réfuter l’opinion d’une institution financière voulant qu’un bénéficiaire n’a pas de capacité contractuelle?

Un adulte en désaccord avec l’opinion de l’employé d’une institution financière sur sa capacité à contracter peut désirer la réfuter. En Ontario, cela se fait en demandant une lettre d’opinion d’un évaluateur de la capacité désigné afin de prouver la capacité de l’adulte à comprendre la nature et les conséquences entourant l’ouverture et la gestion d’un REEI. Une telle lettre d’opinion n’est cependant pas toujours suffisante pour établir la capacité d’un adulte à établir un REEI, car elle ne constitue pas une ordonnance contraignante pour l’institution financière. Elle peut toutefois fournir la preuve nécessaire pour réfuter l’avis de l’employé d’une institution financière et permettre de trouver une solution au problème. 

Sur demande, un évaluateur de la capacité désigné peut fournir une lettre d’opinion sur la capacité d’un adulte à prendre certaines décisions en particulier, comme la capacité à ouvrir et gérer un REEI. Cependant, étant donné que l’évaluation de la capacité pourrait servir à d’autres fins, dont la nomination d’un tuteur aux biens en vertu de la LPDNA, l’adulte qui effectue la demande doit s’assurer d’indiquer le type d’opinion recherché. Le BTCP devient automatiquement le tuteur légal de tout adulte trouvé légalement incapable de gérer ses biens en vertu de l’article 6 de la LPDNA lorsque l’évaluateur de la capacité désigné est appelé à émettre un « Certificat d’incapacité[148] ». L’évaluateur de la capacité peut cependant fournir une lettre d’opinion sans avoir à émettre un certificat d’incapacité lorsque le but de la demande est clairement indiqué. L’évaluation de la capacité est un processus volontaire, peu dispendieux, qui a lieu dans la communauté; pour les adultes qui se croient légalement capables, il s’agit d’une option valable. 

La CDO est également consciente que les institutions financières ont, par le passé, eu recours à des médecins pour évaluer la capacité dans le contexte d’un REEI[149]. Dans une brochure du Bureau de l’évaluation de la capacité, le ministère du Procureur général a émis les commentaires suivants :

« Pour une évaluation de la capacité mentale à des fins autres que celles précisées dans la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui, il n’est pas nécessaire de faire appel à un évaluateur de la capacité désigné. Dans les situations non prévues par la Loi, un autre professionnel pourrait être en mesure de fournir l’opinion sur la capacité recherchée. En outre, cette option pourrait s’avérer moins perturbatrice et moins coûteuse.
[…]
Avant de demander une évaluation, que ce soit à des évaluateurs de la capacité ou à d’autres professionnels, il importe de préciser l’objet de l’évaluation de la capacité et de s’assurer qu’une telle évaluation est vraiment nécessaire dans les circonstances[150]. »

 

2.     Permettre aux bénéficiaires de nommer eux-mêmes un titulaire de REEI 

Le processus simplifié en tant que nomination personnelle

Les premières propositions faites à la CDO et au gouvernement fédéral favorisaient un processus permettant aux adultes de choisir leur propre représentant légal REEI. L’enthousiasme pour cette proposition en tant qu’option privilégiée s’est maintenu tout au long du projet[151]. Dans le présent rapport, nous recommandons ce genre de processus, qui, croyons-nous, pourrait être facilement intégré en Ontario, où les procurations sont monnaie courante. 

Les procurations, conventions de représentation et de désignation, ainsi que les autorisations d’aide à la prise de décisions, figurent parmi les types de nominations personnelles utilisées Canada. Ce sont des processus rapides, peu dispendieux, et plusieurs d’entre eux ont été reconnus par le gouvernement canadien comme solutions adéquates pour répondre aux préoccupations des bénéficiaires de REEI (voir la figure 3 : Les processus en place dans les provinces et territoires qui ont été reconnus par le Plan d’action économique 2014). 

Les nominations personnelles puisent leurs sources dans les valeurs d’autonomie, de dignité humaine et d’autodétermination, car elles permettent aux adultes de choisir de manière proactive qui ils souhaiteraient avoir comme aidant, et dans quelle mesure. Aussi, les exigences procédurales des nominations personnelles sont largement perçues comme étant moins envahissantes que les nominations publiques, qui, elles, sont administrées sous la surveillance de la Cour, d’un tribunal ou d’un bureau gouvernemental[152]. Contrairement aux demandes de tutelle, les nominations personnelles n’engendrent pas de détermination officielle d’incapacité. De plus, des dispositions peuvent être prises avec l’aide d’un avocat ou chez soi. 

Lors des consultations de la CDO, nous avons demandé aux participants si les adultes devraient être en mesure de choisir leur propre représentant légal REEI. La plupart des répondants ont répondu que oui, ils le devraient. Les déclarations qui suivent témoignent des réponses obtenues : 

Représentant d’une clinique juridique :

[traduction] Je suggérerais d’abaisser le seuil de la capacité et d’inclure le maximum d’accommodements nécessaires afin d’augmenter la capacité de prises de décisions d’une personne pour que celle-ci puisse choisir son propre représentant, le cas échéant[153]. 

Mère d’un adulte handicapé :

Oui, moi je pense qu’effectivement… ceux qui ont la capacité devraient pouvoir choisir [leur représentant légal REEI][154]. 

Défenseur de ses propres droits : 

[traduction] Croyez-vous que les adultes doivent être en mesure de choisir, par eux-mêmes, qui devrait les représenter?…Je crois qu’ils devraient pouvoir choisir par eux-mêmes et ne pas se voir imposer ce choix[155].

La CDO est d’accord avec les déclarations des intervenants voulant que cette option de réforme est souhaitable : nous constatons qu’elle correspond aux critères de réforme ainsi qu’aux aspirations précises concernant la vie privée, l’absence de formalisme et la simplicité. 

Il y a cependant des caractéristiques que les nominations personnelles doivent posséder pour améliorer l’accès aux REEI pour les adultes ontariens. Entre autres, elles doivent s’appuyer sur des critères moins stricts que le seuil de la capacité applicable à la procuration relative aux biens en vertu de la LPDNA, car ce seuil a été inatteignable pour certains adultes voulant ouvrir un REEI. De plus, il faudra qu’elles soient accompagnées de garanties renforcées, étant donné que plus les formalités seront assouplies, plus le risque d’exploitation financière sera élevé. Enfin, elles doivent répondre aux préoccupations des tiers. Ces caractéristiques sont davantage traitées ici-bas, tout comme d’autres éléments importants qui, selon nous, devraient faire partie d’un processus simplifié pour les bénéficiaires d’un REEI.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande que:

1.      Le gouvernement de l’Ontario établisse un processus qui permettrait aux adultes de nommer personnellement un représentant légal REEI, lorsque des préoccupations existent quant à leur capacité de conclure un contrat de REEI avec une institution financière, et qu’ils n’ont pas de procureur ou de tuteur aux biens.

 

Que faire si un adulte est incapable de choisir : soumettre une demande pour devenir représentant légal REEI

Certains adultes ne pourront profiter d’une nomination personnelle, peu importe la flexibilité des critères de capacité, car ils n’ont pas accès à une personne pouvant comprendre leurs désirs. Les nominations personnelles pourraient également ne pas s’avérer pratiques pour tous les adultes en mesure de les assigner. Par exemple, l’adulte qui présente une invalidité épisodique, comme un trouble bipolaire, avec des symptômes changeants, pourrait révoquer le document alors qu’il présente des symptômes[156]. Le document de discussion de la CDO a donc examiné les processus de nominations personnelles publiques permettant à un parent, frère, sœur, ami ou tout autre candidat, de soumettre une demande pour être un représentant légal REEI dans les cas où l’adulte ne peut nommer quelqu’un lui-même. 

En Ontario, un processus de nomination publique peut être administré par la Cour supérieure de justice, un tribunal administratif, c.-à-d. la Commission du consentement et de la capacité, ou un bureau gouvernemental. Les adultes handicapés, les membres de la famille et les amis contactés par la CDO étaient réticents à manifester une préférence pour un des processus de nomination publique, car ils les trouvaient en général perturbants et démoralisants. Les processus des cours et des tribunaux administratifs ont été caractérisés comme [traduction] « empiétant trop sur l’autonomie et l’accès à la justice des personnes handicapées[157] ». De plus, les commentaires reçus de la part des différents intervenants étaient à l’effet que [traduction] « les procédés judiciaires accélérés ont peu de chances de réussir compte tenu des ressources limitées du gouvernement, du fait que les procédures sont inaccessibles, et de l’expertise limitée des tribunaux disponibles[158] ».

En somme, les participants qui connaissent les tutelles POSPH favorisent un processus pouvant être livré par un organisme gouvernemental, comme le BTCP, le ministère des Services sociaux et communautaires (MSSC), ou un ministère indépendant. Selon eux, ces processus peuvent être établis spécifiquement pour venir en aide aux bénéficiaires de REEI[159]. Cependant, l’expérience reliée aux processus administrés par des organismes gouvernementaux au Canada et à l’étranger démontre que ces processus sont gourmands en ressources et pourraient être impossibles dans de pareilles circonstances. Les processus servant à nommer un représentant pour les prestataires d’aide financière et d’aide sociale exigent qu’un travailleur social du gouvernement supervise la nomination, révise les comptes rendus périodiques et réponde aux plaintes[160]. La CDO redoute que les options de réforme dans ce secteur de la loi entraînent inévitablement un besoin accru en financement dont les provinces ne disposent pas en ce moment. En l’absence de financement pour prévoir des mécanismes de supervision adéquats, l’exploitation financière pourrait passer inaperçue[161]. 

La CDO a reçu une proposition novatrice au cours de la phase finale de notre projet, voulant qu’un processus comparable puisse être administré d’une manière plus privée et moins gourmande en termes de ressources grâce à l’appui d’un professionnel comme un médecin de famille, un avocat ou un travailleur social. Selon l’ACIC, ICO et PooranLaw, le processus permettrait à un individu de s’autonommer le représentant légal REEI, lorsqu’un professionnel qui connaît le demandeur ou le bénéficiaire depuis une période de temps stipulée atteste que leurs rapports sont caractérisés par la confiance[162].

Au premier abord, ce processus pourrait être conforme aux aspirations des adultes handicapés et de leurs familles et amis, car il leur permettrait d’établir un titulaire du REEI en communiquant avec les fournisseurs de services qui opèrent dans leur réseau communautaire. De plus, l’Association des banquiers canadiens soutient que : [traduction] « Nous croyons qu’un processus qui amène un professionnel privé, par exemple un médecin ou un avocat, à fournir le niveau requis de supervision lorsqu’un formulaire approuvé par le gouvernement est rempli afin de ‘qualifier’ le titulaire, facilitera l’ouverture et la gestion des REEI…[163] »

Cependant, les universitaires spécialisés dans les lois touchant la capacité juridique et les prises de décisions, les organisations de défense des droits, les représentants du gouvernement et les juristes ne connaissaient pas de lois analogues canadiennes ou étrangères permettant à un représentant légal de s’autonommer sous la supervision d’une entité non gouvernementale[164]. L’Ontario Medical Association a déclaré que les professionnels, comme les médecins, peuvent se sentir sous-qualifiés pour prendre part à un tel processus. Les répondants ont aussi soulevé des questions quant aux critères qui seraient utilisés durant l’évaluation, et afin de savoir si le niveau de supervision serait suffisant pour protéger les bénéficiaires contre l’exploitation financière, et comment les professionnels impliqués dans le processus seraient protégés contre toute responsabilité[165]. Résoudre ces questions exigerait une recherche plus approfondie, ce que notre projet ne peut permettre à cette étape-ci.

Les adultes qui ne peuvent nommer personnellement un titulaire du REEI ne sont toutefois pas entièrement sans recours. Ils peuvent toujours recourir au processus en place en Ontario pour demander une ordonnance de tutelle conditionnelle auprès de la Cour supérieure de justice. Cette option est également conforme aux approches mises en place en Colombie-Britannique, à Terre-Neuve-et-Labrador et en Saskatchewan, où la demande peut être soumise devant un tribunal de première instance pour un adulte incapable d’accorder une nomination personnelle.


3.     Les critères de capacité pour l’octroi ou la révocation d’une nomination personnelle

Comme mentionné ci-dessus, les nominations personnelles ne donnent pas lieu à une détermination formelle de la capacité d’un adulte. Ces nominations dépendent cependant de la capacité du mandant de répondre aux critères stipulés, en corrélation avec la capacité. Ces critères sont habituellement formulés d’une façon positive et indiquent qu’un adulte possède la capacité, entre autres, d’octroyer une procuration ou une autorisation de prise de décisions soutenue au moment de la nomination. Le seuil de capacité pour la révocation d’une nomination personnelle est généralement le même que celui de l’octroi d’une telle nomination. 

La définition de capacité varie d’un endroit à l’autre et selon les différents secteurs de prise de décisions. Dans d’autres ressorts territoriaux, les critères concernant les nominations personnelles relatives aux questions financières sont moins stricts; en Ontario, c’est le cas en ce qui concerne le soin de la personne. De plus, hormis ce que prévoit la LPDNA, l’Ontario reconnaît la validité de diverses normes concernant, par exemple, la création d’une fiducie, la rédaction d’un testament et le recours à un conseiller juridique[166]. 

Dans la présente section, nous déterminerons quels sont les critères suffisamment flexibles pour améliorer l’accès des bénéficiaires au REEI, mais qui, à la fois, sont conformes aux caractéristiques fondamentales des nominations personnelles, y compris la protection contre l’exploitation et le rôle du mandant. 

Dans la section 4, Neutraliser les possibilités accrues d’exploitation financière, nous suggérons également un certain nombre de modes de protection ciblés que l’on pourrait mettre en œuvre dans le but de créer un équilibre face aux critères moins rigoureux qui s’appliqueraient aux nominations personnelles. 

 

Mandat, flexibilité et protection

En vertu de la common law, les procurations donnent essentiellement lieu à une relation mandant-mandataire entre le mandant et le mandataire (le procureur). Les mandataires sont tenus de respecter les instructions du mandant. En effet, les procurations en vigueur conformément à la common law prennent fin si l’adulte n’est plus capable d’orienter le procureur et que la décision du mandataire est traitée comme étant celle du mandant[167]. 

Les lois concernant la procuration perpétuelle ont été édictées pour faire en sorte que la portée des procurations touche également l’incapacité juridique d’un adulte. Les procurations perpétuelles n’établissent pas nécessairement une relation mandant-mandataire, car, bien que les procureurs doivent, entre autres, encourager la participation de l’adulte[168], leurs décisions remplacent celles d’une personne ayant été déclarée légalement incapable. Néanmoins, en soi, l’action d’octroyer une procuration constitue en partie un mandat, car il s’agit d’un outil conçu pour que se réalisent les souhaits d’un adulte, dont celui qu’un procureur prenne des décisions à sa place. 

Il est important que la nomination personnelle soit conditionnelle à la capacité de démontrer une certaine forme de mandat; ainsi, on assure la réalisation des souhaits de l’adulte[169]. Si l’octroi d’une procuration avait pour seul critère le fait que le mandant soit âgé de plus de 18 ans, il serait impossible de déterminer qu’une procuration est réellement souhaitée. 

Dans le cadre de nos consultations, des parents ont fait part à la CDO de cas où un membre de la famille s’était vu octroyer une procuration ou une convention de représentation au nom d’une personne incapable de consentir. Certains ont confié avoir accepté une telle situation et que cela créait une source de malaise, alors que d’autres, préférant suivre un processus juridique qui répondait aux besoins de l’être cher, ont affirmé l’avoir refusée. Par ailleurs, la CDO a aussi été informée que, selon certaines propositions novatrices, il serait préférable de ne pas se fonder sur les critères de capacité, car la capacité d’une personne peut prendre forme grâce à des méthodes d’interprétation utilisées par le réseau communautaire et non officiel de cette personne[170].

Dans le cadre du présent projet, nous avons conçu des propositions assez flexibles pour que la loi vise les différentes circonstances où des adultes handicapés cherchent à prendre part au REEI, y compris des adultes qui ont besoin d’aide pour prendre des décisions et les communiquer. Néanmoins, la CDO maintient que les adultes doivent être en mesure de prendre les décisions qui touchent leur vie et de le faire eux-mêmes autant que possible, et que la contribution active d’un mandant relative à une nomination personnelle, telle qu’une procuration, est essentielle. 

C’est pourquoi, bien qu’ils soient moins stricts, les critères concernant les nominations personnelles doivent être conçus de sorte qu’ils indiquent si l’adulte signe un document de façon volontaire et sans abus d’autorité, et qu’ils puissent déterminer si le représentant légal REEI convient dans les circonstances. Sinon, il faudra superviser davantage et entamer un processus externe au cadre de la nomination personnelle.

 

Capacité de choisir un représentant légal REEI : l’approche de la Colombie-Britannique

En matière de nomination personnelle, l’évaluation de la capacité la plus flexible est celle que prévoit la Representation Agreement Act de la Colombie-Britannique. Les conventions de représentation s’appliquent à des secteurs prescrits de la gestion financière habituelle qui n’incluent pas explicitement le REEI. Cependant, selon l’interprétation d’adultes handicapés, elles l’incluent, et, dans cette province, on a recours à des conventions de représentation afin de nommer des titulaires de REEI[171]. À Terre-Neuve-et-Labrador, on a également adopté une évaluation semblable pour des adultes cherchant à accéder au REEI. Dans le cadre du présent rapport, la CDO recommande que le critère de capacité pour octroyer une procuration dans notre ressort territorial soit fondé sur celui de la Representation Agreement Act, mais seulement si le gouvernement de l’Ontario souhaite adopter l’option la plus souple en vigueur au Canada. Les motifs de cette recommandation figurent plus bas, tout comme plusieurs réserves qui nous ont poussés à proposer au gouvernement de l’Ontario de, tout d’abord, envisager une évaluation cognitive différente qui correspondrait davantage au cadre actuel de la province. 

La Representation Agreement Act est entrée en vigueur en 2001 après des années de [traduction] « collaboration sans précédent entre communautés et gouvernement[172] ». Fondée sur les renseignements reçus du public et ses objectifs quant à de nouvelles modalités sur la prise de décisions, cette loi faisait partie d’un ensemble de dispositions législatives décisionnelles interliées et on prévoyait qu’elle remplacerait les procurations. Toutefois, les lois de la Colombie-Britannique concernant les procurations sont restées en vigueur et, après un examen des deux régimes effectué sur commande par le procureur général, les régimes fonctionnent maintenant en parallèle[173]. 

Néanmoins, les conventions de représentation diffèrent des procurations. Comme nous l’avons déjà mentionné, ces conventions se limitent aux affaires financières habituelles. De plus, le seuil de capacité pour l’octroi d’une procuration est fondé sur des critères cognitifs, ce qui s’apparente au seuil de l’Ontario, mais les adultes peuvent conclure une convention de représentation s’ils présentent des facteurs non cognitifs moins stricts et considérablement différents. 

Les facteurs exigés relativement à une convention de représentation reflètent une décision de politique sociale visant à élargir la portée des nominations personnelles pour y inclure les adultes handicapés qui [traduction] « s’expriment de façon unique » et qui peuvent se faire comprendre par une personne de confiance qui les connaît personnellement et qui sait [traduction] « ce à quoi l’adulte accorde de l’importance, ce qu’il n’aime pas et ce qu’il rejette[174] ». Bien que cela tienne compte de la manière dont une convention de représentation peut toucher l’adulte, cela n’exige pas que l’adulte ait une connaissance particulière des circonstances, y compris les types de décisions que peut prendre un représentant. À cet égard, voici ce que prévoit la Representation Agreement Act.

[traduction] «Afin de déterminer si un adulte est incapable de conclure une convention de représentation… il faut tenir compte de tous les facteurs pertinents, tels que :

a)      l’adulte fait part ou non du désir qu’un représentant prenne des décisions, l’aide à en prendre ou cesse d’en prendre;

b)      l’adulte fait part ou non de choix ou de préférences et peut exprimer ou non un sentiment d’approbation ou de désapprobation d’autrui;

c)      l’adulte est conscient ou non que la conclusion d’une convention de représentation ou la modification ou révocation de toute disposition signifie que le représentant peut prendre des décisions et faire des choix qui touchent l’adulte ou cesser d’en prendre et d’en faire;

d)      l’adulte entretient ou non avec le représentant une relation caractérisée par la confiance[175]. »

Pour l’ensemble des personnes handicapées, cette façon d’encadrer la notion de capacité afin de reconnaître [traduction] « la capacité dans toutes ses nuances » est la meilleure[176]. Dans un rapport de recherche commandé par la CDO, le CCEL (Canadian Centre for Elder Law) fournit l’explication suivante :

[traduction] « Pour ceux qui appuient le nouveau système, le transfert vers une évaluation de la capacité fonctionnelle présentant des termes subjectifs comme « sentiment d’approbation » ou « relation caractérisée par la confiance » intègre le système législatif aux cercles de soutien et à la réalité des échanges avec des personnes ayant une déficience intellectuelle[177]. »

Selon les écrits du professeur Robert Gordon, les conventions de représentation sont d’une [traduction] « très grande importance pour les adultes ayant une déficience intellectuelle, surtout pour ceux qui ont vu des membres de leur famille prendre soin d’eux tout au long de leur jeunesse et qui, adulte, ont encore besoin d’aide[178] ». Robert Gordon a informé la CDO que les critères en matière de capacité ont permis à des adultes ayant une déficience intellectuelle ou un traumatisme cérébral d’accéder à des outils de planification financière. D’après lui, les tiers, comme les institutions financières, connaissent de mieux en mieux les conventions de représentation grâce à l’éducation du public à cet égard[179]. De 2006 à 2009, des adultes de tous les âges ont déposé, à l’aide du registre volontaire et service de soutien Nidus Personal Planning Resource Centre and Registry, environ 1 000 conventions de représentation[180].

Des adultes ayant une déficience, des membres de la famille et des organismes de défense des droits ont encouragé la CDO à adopter un processus fondé sur la Representation Agreement Act. Par exemple, un défenseur de ses propres droits nous a confié que le cadre de la Colombie-Britannique [traduction] « facilitait le processus d’ouverture [d’un REEI][181] ». De plus, des représentants d’institution financière nous ont dit qu’ils seraient en faveur d’une telle solution tant que le pouvoir du représentant de prendre des décisions concertant le REEI serait reconnu de façon expresse[182]. 

Les renseignements obtenus dans le cadre de nos consultations nous portent à croire que les critères non cognitifs modelés selon la Representation Agreement Act permettraient aux adultes qui, autrement, seraient incapables de nommer personnellement un titulaire de REEI. Par contre, si l’on met en œuvre cette option en Ontario, il faudra tenir compte des réserves considérables au sujet de ces critères qui ont été portées à notre attention. La première réserve concerne l’exploitation financière et la seconde, les incertitudes relatives à la manière dont les critères seraient appliqués en pratique.

En ce qui a trait à l’exploitation financière, des intervenants ont informé la CDO que l’approche non cognitive augmenterait dans un premier temps les risques d’abus d’autorité et d’action fautive après la nomination, étant donné que les adultes ne sont pas tenus d’être en mesure de comprendre la nature de la nomination ni les conséquences qui s’y rattachent. À titre d’exemple, l’ACE a indiqué ce qui suit à la CDO :

[traduction] « Fondamentalement, nous comprenons que, selon le seuil de capacité non cognitive, il n’est pas nécessaire qu’un preneur de décisions adulte ait la capacité de comprendre la nature et les conséquences d’une décision afin que cette dernière ait un effet juridique contraignant. Bien que, en principe, notre opinion quant à l’approche diffère de la vôtre, nous croyons, tout comme vous, que le risque d’exploitation financière est accru[183]. »

L’ensemble des personnes handicapées reconnaît que la Representation Agreement Act présente des risques accrus; cependant, les lois renferment également des méthodes de protection améliorées que les adultes doivent utiliser pour contrer ces risques[184]. La mesure qui se distingue le plus des modalités des autres ressorts territoriaux est celle exigeant qu’un adulte nomme un surveillant, sauf si le représentant légal REEI est le conjoint, le tuteur et curateur public, une société de fiducie ou une coopérative d’épargne et de crédit. L’adulte n’est pas tenu de nommer un surveillant s’il reçoit l’aide d’au moins deux représentants qui doivent agir de façon unanime dans l’exercice de leur pouvoir[185].

D’après le tuteur et curateur public de la Colombie-Britannique, les plaintes relatives aux conventions de représentation ne sont pas plus fréquentes que celles concernant les procurations, et il n’y a eu aucun [traduction] « cas majeur devant les tribunaux au sujet d’une exploitation financière perpétrée par un représentant légal REEI[186] ». Par ailleurs, dans le cadre du présent projet, nous mettons de l’avant des mesures de protection des bénéficiaires contre ce type d’exploitation, lesquelles peuvent être efficaces, peu importe que les critères en matière de capacité soient ou non de nature cognitive. Cela s’explique par le fait que chacune de nos recommandations se fonde sur un processus plus facile à entreprendre dès le départ.

Toutefois, d’autres préoccupations formulées par l’ACE et par certains intervenants sont propres au processus qui s’appuie sur l’approche non cognitive et concernent l’application pratique des critères, qualifiés par l’ACE comme étant [traduction] « tellement vagues qu’ils sont potentiellement inutiles et si complexes qu’ils ne sont pas pratiques[187] ». La CDO a reçu de nombreux commentaires selon lesquels ces critères constituent une source de tension en Colombie-Britannique. Entre autres, des avocats spécialisés en immobilier et en fiducies qui ont aidé des adultes à utiliser des outils de planification d’avenir sont réticents face aux conventions de représentation, car [traduction] « la collectivité juridique s’inquiète du fait que l’évaluation relative aux conventions de représentation soit vague[188] ».

Déterminer les « préférences » communicationnelles d’un adulte, l’expression du sentiment d’approbation et l’existence d’une relation « caractérisée par la confiance » constitue des facteurs difficiles à évaluer. En pratique, un soignant proche de l’adulte, possédant des connaissances personnelles concernant la manière dont ce dernier communique habituellement aura tendance à servir de médiateur dans le processus de conclusion d’une convention de représentation. Il se peut cependant qu’aux yeux de tiers (avocats, témoins, etc.), les instructions de l’adulte soient ambiguës. L’ACE fait remarquer que [traduction] « bien qu’il soit vrai que les soignants acquièrent une certaine capacité d’interprétation, [nous] craignons que, encore une fois, cette proposition entraînera des risques d’exploitation financière dont nous ne pourrons pas faire l’examen[189] ».

La CDO partage ces inquiétudes, surtout en ce qui a trait à la remise en question du mandat de l’adulte d’entreprendre une nomination personnelle authentique représentative de ses souhaits. Des intervenants ont proposé que les critères en matière de capacité énoncés dans la Representation Agreement Act soient peaufinés avant d’être adoptés en Ontario, de sorte qu’ils fournissent plus de clarté aux tiers. À titre d’exemple, une « relation caractérisée par la confiance » pourrait être qualifiée par le fait qu’elle existe de façon continue depuis un certain nombre minimal d’années[190]. Nous croyons que de telles modifications pourraient être apportées étant donné l’opinion prédominante selon laquelle les conventions de représentation sont avantageuses pour les adultes handicapés cherchant à adhérer à un REEI. Toutefois, nous recommandons d’abord et avant tout que le gouvernement de l’Ontario se penche, en vue d’élaborer les critères de capacité pour un processus simplifié, sur une approche qui s’harmonise davantage aux normes cognitives auxquelles on se réfère déjà dans notre province (voir plus bas).

 

La capacité de choisir un représentant légal REEI : l’évaluation de capacité selon la common law

Malgré la popularité du modèle de la Colombie-Britannique dans la communauté des personnes handicapées, la CDO propose que le gouvernement de l’Ontario envisage en premier lieu l’établissement d’un seuil de capacité correspondant davantage aux normes cognitives existant dans la province. Plus précisément, nous proposons qu’une norme adaptée au seuil de la common law en ce qui a trait aux procurations soit accessible aux bénéficiaires d’un REEI. 

La norme cognitive répondant le mieux aux besoins des bénéficiaires d’un REEI sera celle qui touchera le plus grand nombre de personnes ayant vécu l’expérience de divers handicaps. Dans le document de discussion de la CDO, on examine un certain nombre de normes cognitives utilisées à des fins de nomination personnelle dans les provinces et les territoires du Canada, p. ex. autorisations de prise de décisions soutenue, fiducies autodésignées et procurations perpétuelles. Dans la plupart des cas, elles se conforment à la définition que donne la common law à la capacité d’octroyer une procuration, selon laquelle il suffit que le mandant soit en mesure de comprendre et de reconnaître la nature et les conséquences de la nomination. 

Par contre, le seuil de la capacité pour conclure des ententes de prises de décisions de types différents en fonction de la norme de la common law est plus ou moins strict, car [traduction] « la capacité requise pour conclure des actes juridiques varie selon le type d’acte[191] ». Ce qu’un adulte doit être en mesure de comprendre et de reconnaître dépend de bien des facteurs, dont l’autorité accordée au représentant légal, le niveau relatif de complexité des décisions et le secteur de prise de décisions (p. ex., traitement médical, immobilier, REEI). 

Les autorisations de prise de décisions soutenue peuvent servir d’exemple. Les représentants gouvernementaux du Yukon et de l’Alberta, où ce type d’autorisation est possible, ont indiqué que ces ententes ont été créées afin de contrer les préoccupations de nature idéologique concernant les définitions du terme « capacité » formulées par des personnes handicapées[192]. Les aidants peuvent participer en recevant de l’information confidentielle, en donnant des conseils et en communiquant des décisions. Dans un contexte de soins de santé, une telle démarche se révèle particulièrement bénéfique pour les adultes qui veulent qu’un conjoint, un parent ou toute autre personne prenne part à la prise de décisions délicates[193].

Cependant, il est interdit aux aidants de prendre des décisions à la place des adultes, et une décision prise ou communiquée avec leur aide est considérée comme étant une décision prise par l’adulte[194]. C’est pourquoi les exigences en matière de capacité relatives aux autorisations de prise de décisions soutenue sont élevées – elles s’appliquent seulement aux [traduction] « adultes qui, avec un peu d’aide, peuvent prendre des décisions eux-mêmes[195] ». En ce qui concerne le REEI, le soutien d’un aidant devrait suffire pour permettre à un adulte de conclure, par lui-même, un contrat avec une institution financière.

Des membres de la famille et des groupes de défense de personnes ayant un trouble psychosocial, comme la schizophrénie, ont affirmé que la capacité d’un adulte de prendre des décisions soutenues au sujet du REEI peut varier au fil du temps. Tout comme les parents d’adulte ayant une déficience intellectuelle, ils manifestaient une certaine ambivalence à l’égard de la capacité de l’être cher d’atteindre le seuil requis pour octroyer ce type de nomination[196]. De plus, la CDO a rencontré d’autres adultes ayant une déficience importante ou a entendu parler de tels adultes qui ne seraient probablement pas en mesure de comprendre ni de reconnaître les modalités de base du REEI – une exigence de l’évaluation de la common law[197]. 

Il demeure néanmoins possible d’ajuster l’évaluation de base de la common law de sorte qu’elle soit plus accessible aux bénéficiaires d’un REEI. Selon la commission de réforme du droit de la Nouvelle‑Écosse, [traduction] « s’il s’agit d’une procuration persistante limitée, l’évaluation de la capacité vise à déterminer si le donneur saisit la nature et les répercussions des pouvoirs plus limités qui sont accordés[198] ». En Saskatchewan, s’il s’agit d’un REEI, on recommande que les adultes optent pour une procuration « limitée spéciale » en vue de nommer un titulaire de REEI conformément aux lois en vigueur dans la province qui prévoient un seuil de capacité reflétant la simplicité de la common law. Pour leur part, le ministère de la Justice et le procureur général ont suggéré qu’en vertu d’une procuration limitée spéciale, la portée des pouvoirs du procureur soit la même que celle d’un titulaire de REEI, qui peut ouvrir un REEI, consentir à des contributions et investir, mais ne peut pas retirer de fonds du REEI[199]. Dans une brochure rendue publique, le ministère fournit l’explication suivante au sujet de l’évaluation de la capacité :

[traduction] « L’évaluation de la capacité établit un seuil bas. Autrement dit, si une personne comprend qu’elle signe un document nommant un parent à titre de procureur dans le but d’établir un régime d’épargne, elle comprend le concept du droit de signer relatif à la procuration[200]. »

Le tuteur et curateur public de la Saskatchewan a informé la CDO que les conseils qu’il transmet au public visent à rendre les procurations plus facilement accessibles aux adultes handicapés. De plus, la restriction du pouvoir du procureur a pour but de limiter les risques d’exploitation dans des situations où le bénéficiaire n’est pas en mesure de reconnaître les actions fautives[201]. 

La définition de la capacité d’accorder une procuration relative au soin de la personne prévalant en Ontario constitue un autre exemple de variation de l’évaluation selon la common law. Voilà des critères flexibles qui établissent un lien entre la nomination personnelle et l’existence d’une relation de confiance entre le mandant et le mandataire. Dans le présent rapport, plus haut à la page [x], nous comparons les dispositions de la LPDNA concernant les procurations relatives aux biens et au soin de la personne. Le seuil de capacité pour octroyer une procuration relative au soin de la personne est formulé comme suit :

« Capacité de donner une procuration relative au soin de la personne

47. (1)    Une personne est capable de donner une procuration relative au soin de la personne si elle remplit les conditions suivantes :

a)      elle est en mesure de comprendre si le procureur s’intéresse réellement à son bien-être;

b)      elle se rend compte qu’elle peut avoir besoin que le procureur prenne des décisions pour elle[202]. »

Intégration communautaire Ontario, un organisme qui défend les droits des personnes ayant une déficience intellectuelle, a informé la CDO qu’il encourage sans relâche le recours aux critères de l’Ontario dans le but qu’un de ses membres puisse donner une procuration relative au soin de la personne et que dans les circonstances en question, ces critères sont appropriés[203]. L’ACIC a quant à elle affirmé que, grâce aux mêmes dispositions, on a étendu le droit de choisir un substitut pour la prise de décisions [traduction] « à des personnes qui, jadis, n’auraient probablement pas été considérées comme étant capables de donner une procuration[204] ». L’ACE a par ailleurs indiqué à la CDO, par écrit, que le libellé des nominations personnelles de bénéficiaires de REEI devrait être semblable[205].

L’approche de la Saskatchewan et la définition de la capacité d’octroyer une procuration relative au soin de la personne de l’Ontario offrent deux adaptations éventuelles de l’évaluation de la common law concernant l’octroi d’une procuration en vue de faciliter le processus pour les adultes souhaitant nommer personnellement quelqu’un dans le but d’ouvrir un REEI. Possiblement, en raison du fait qu’elles sont fondées sur des critères cognitifs, il se peut que l’accès qu’elles assurent à des adultes handicapés s’exprimant de façon unique, par exemple, soit plus restreint que l’accès qu’assure la Representation Agreement Act. Cependant, un seuil de capacité qui s’harmonise davantage avec les normes cognitives existant dans la province constituerait une possibilité de changements progressifs, qui, selon la CDO, permettrait également aux adultes de participer de façon beaucoup plus importante au REEI.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande que : 

2.      Les critères pour l’octroi et la révocation d’une nomination personnelle cernés à la Recommandation 1 doivent être fondés sur la définition de capacité juridique d’octroyer et de révoquer une procuration en vertu de la common law, selon laquelle il est nécessaire que le mandant soit en mesure de comprendre la nature et les répercussions de la nomination.

3.      Si le gouvernement de l’Ontario croit que les critères pour l’octroi et la révocation d’une nomination personnelle proposés à la Recommandation 2 ne sont pas suffisamment flexibles pour faciliter l’accès au REEI, les critères devront être fondés sur la définition de la capacité juridique de conclure une convention de représentation en vertu du paragraphe 8(2) de la Representation Agreement Act de la Colombie-Britannique, qui comprend plusieurs facteurs dont la communication du désir d’être représenté, l’expression d’approbation et l’existence d’une relation caractérisée par la confiance avec le représentant.  

 

4.     Neutraliser les possibilités accrues d’exploitation financière

[traduction]  « Moins le test pour déterminer la capacité d’une personne à nommer un représentant ou une personne de soutien à la prise de décisions est strict, plus il deviendra nécessaire d’adopter des mesures de protection pour veiller à ce que le représentant apporte à la personne une aide appropriée à la prise de décisions et qu’en aucun cas il n’abuse de son pouvoir[206]. »

Le fait d’autoriser une personne à en aider une autre à prendre des décisions, ou à le faire à sa place entraîne un risque d’exploitation parce que [traduction] « la confiance et le pouvoir ont toujours pour conséquence le risque d’exploitation[207] ». Malheureusement, dans le secteur financier, la plupart des outils présentés pour promouvoir la sécurité des personnes handicapées peuvent également être utilisés à leur désavantage. L’exploitation financière peut se produire à travers un large éventail de pratiques telles que : la retenue de fonds, l’encaissement sans consentement d’investissements, le fait d’exercer des pressions sur l’adulte pour qu’il fasse des dépenses et, d’une façon générale, la prise de décisions ayant des conséquences négatives[208].

Le REEI peut représenter des montants considérables. Avant les revenus d’investissement, les contributions privées à un REEI peuvent atteindre 200 000 $ et les subventions et les obligations du gouvernement fédéral, 70 000 $ et 20 000 $ par bénéficiaire, respectivement, selon des facteurs comme le revenu et les cotisations. Il y a une perception générale parmi les intervenants selon laquelle les montants épargnés dans le REEI peuvent être attrayants aux individus égoïstes qui pourraient tromper, menacer ou persuader les bénéficiaires afin que ces derniers les nomment représentants légaux REEI. 

Par conséquent, même si les participants que nous avons consultés estiment que les adultes devraient être en mesure de choisir leur propre représentant légal REEI, beaucoup étaient mal à l’aise face aux risques accrus qui résultent de l’adoption de critères moins stricts en matière de nomination personnelle. La mère d’un adulte handicapé l’a expliqué en ces termes :

« Et ce n’est pas qu’on veut leur enlever la possibilité de choisir, c’est qu’on veut, dans une certaine mesure, les protéger pour que, quand ça va être le temps qu’ils vont avoir besoin de cet argent-là, qu’ils aient accès à cet argent[209] ».

La CDO s’est efforcée de recommander des critères, en matière de nomination personnelle, qui indiquent que les adultes signent le document volontairement et qu’ils sont en mesure de déterminer si un représentant légal REEI leur convient. Toutefois, dans la mesure où les critères sont moins stricts que les exigences actuelles de l’Ontario en vertu de la LPDNA, nous convenons que des mesures de protection renforcées sont indispensables pour garantir le droit des bénéficiaires de REEI de vivre en toute sécurité. 

Dans la présente section, nous recommandons que les mesures de protection contre l’exploitation financière qu’on trouve actuellement dans la LPDNA soient appliquées à un processus simplifié pour les bénéficiaires de REEI, de même que la mise en place d’une mesure de protection supplémentaire qui consiste à restreindre la portée du pouvoir d’un représentant légal REEI.

 

Mesures de protection existantes contre l’exploitation financière en vertu de la LPDNA

Les mesures de protection actuelles de l’Ontario visant à prévenir l’exploitation financière sont relativement exhaustives comparativement à celles des autres ressorts territoriaux du Canada. La LPDNA prévoit des mesures de protection durables, à partir des formalités dans l’exécution d’une nomination jusqu’aux interventions du gouvernement lorsqu’il y a allégations de préjudices. 

Un adulte qui nomme un représentant légal REEI doit se voir accorder au moins les mêmes mesures de protection qu’une personne qui a mandaté un procureur d’agir en vertu d’une procuration aux biens. Par conséquent, nous recommandons que le gouvernement de l’Ontario songe à incorporer les dispositions suivantes, stipulées dans le cadre des procurations, dans le processus simplifié destiné au REEI : 

1.   Effectuer une nomination : Le processus d’octroi d’une procuration se fait de manière privée. En l’absence de la surveillance du BTCP ou des tribunaux, la LPDNA exige que deux témoins signent la procuration. La LPDNA interdit à certaines personnes d’agir à titre de témoins. Il s’agit notamment des personnes mineures, de l’enfant, du conjoint ou du partenaire de l’adulte ou du procureur[210].

Un adulte peut nommer une ou plusieurs personnes comme procureurs. Lorsque plusieurs personnes sont nommées procureurs, elles doivent prendre conjointement des décisions, à moins que la procuration stipule qu’elles peuvent agir séparément. Le fait d’accorder aux procureurs la possibilité de prendre des décisions séparément prévient les interruptions que pourrait entraîner une absence temporaire due, par exemple, à une maladie, à des vacances ou à un autre empêchement[211]. Il est également possible de nommer un procureur suppléant afin d’éviter qu’un adulte n’ait « personne le moment venu pour gérer [ses] affaires financières[212] » si les procureurs principaux ne sont pas disponibles. Le fait de nommer plusieurs procureurs ou un suppléant permet d’éviter que la procuration prenne fin automatiquement lorsqu’un procureur décède, devient incapable de gérer les biens ou démissionne[213]. En outre, un adulte peut accorder plusieurs procurations qui entreraient en vigueur au cas où une autre procuration prendrait fin[214].

2.   Responsabilités découlant d’une nomination : Le procureur est un fiduciaire « qui exerce ses pouvoirs et s’acquitte de ses obligations avec diligence, avec honnêteté et intégrité et de bonne foi, dans l’intérêt de l’incapable[215] ». Selon le Bureau du Tuteur et curateur public de l’Ontario, « [l]’objectif le plus important à poursuivre [à titre de substitut pour la prise de décisions] est de maximiser la qualité de vie de la personne incapable[216] ».

Les procureurs ont la responsabilité de prendre en considération le confort et le bien-être de l’adulte et à gérer ses finances d’une façon compatible avec les décisions sur les soins personnels[217]. Le choix de résidence de l’adulte, sa volonté d’acheter des vêtements ou des aliments ou même son désir de prendre des vacances sont des exemples de décisions sur les soins personnels. Le rôle d’un procureur consiste à réaliser ces préférences personnelles de l’adulte en prenant les dispositions financières en conséquence[218].

Les procureurs doivent encourager l’adulte à participer de son mieux à la prise de décisions et favoriser les contacts réguliers entre l’adulte et les membres de la famille et les amis qui le soutiennent. Ils doivent aussi consulter régulièrement les membres de la famille, les amis et les soignants de l’adulte[219].

3.   Responsabilité et intervention : Les procureurs doivent conserver des comptes à propos de toutes les opérations concernant les biens de l’adulte[220]. Il est possible de demander aux tribunaux la reddition des comptes afin que les personnes préoccupées par l’administration des biens de l’adulte puissent les faire examiner par un arbitre externe[221]. Le tribunal dispose de pouvoirs étendus lors de la reddition des comptes et peut notamment nommer le BTCP ou une autre personne en attendant le règlement de la demande, et ordonner que la procuration prenne fin[222].

Le BTCP est tenu de faire enquête sur toute allégation selon laquelle un adulte est incapable de gérer ses biens et selon laquelle découlent ou risquent de découler des conséquences préjudiciables graves[223]. De telles allégations peuvent être faîtes par un particulier, un employé de banque, un organisme gouvernemental, ou toute autre personne ou organisation. Si les résultats de l’enquête démontrent qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un adulte est incapable et qu’il est nécessaire de nommer un tuteur aux biens temporaire pour prévenir des conséquences préjudiciables graves, le BTCP doit présenter au tribunal une demande pour être nommé tuteur temporaire[224]. La LPDNA accorde au BTCP des pouvoirs discrétionnaires importants lui permettant de prendre des mesures pour mener son enquête. Au cours de l’enquête, le BTCP a le droit d’accéder à tout dossier concernant l’adulte et qui se trouve sous le contrôle d’un éventail de particuliers ou d’organismes, y compris des banques, des caisses populaires ou d’autres établissements financiers[225].

4.   Révocation d’une nomination: Un adulte peut unilatéralement révoquer une procuration en vertu de la LPDNA, s’il est capable d’atteindre le même seuil de capacité juridique requis pour procéder à une nomination[226]. Dans le cadre du processus simplifié, la CDO suggère que soit adopté un équivalent du seuil de capacité de la common law pour établir une procuration. Si le gouvernement de l’Ontario estime que l’article 8 (2) de la Representation Agreement Act décrit le seuil de capacité juridique approprié pour procéder à une nomination personnelle, ce devrait être également le seuil indiqué pour révoquer la nomination personnelle.

 

Une mesure de protection supplémentaire : restreindre la portée du pouvoir d’un représentant légal REEI

La CDO constate qu’il existe un fort désir que des mesures de protection viennent compléter le cadre actuel de l’Ontario. Au cours de nos consultations, nous avons reçu des commentaires de professionnels du droit, d’organisations de défense des droits et de représentants du gouvernement selon lesquels les moyens les plus efficaces pour atteindre cet objectif seraient de limiter la portée du pouvoir du représentant légal REEI[227]. La CDO croit que le fait de confiner le pouvoir d’un représentant légal REEI à des zones de vulnérabilité minimale préserverait l’autonomie de l’adulte dans l’établissement d’un REEI et offrirait également des mesures de protection contre l’exploitation financière. 

Les secteurs les plus vulnérables des opérations relatives au REEI sont la gestion de fonds versés aux bénéficiaires de REEI et, dans une moindre mesure, les demandes de retraits uniques. Comme nous l’avons déjà mentionné, les fonds issus d’un REEI peuvent être utilisés à toutes fins. Si la portée des pouvoirs d’un représentant légal REEI était élargie au-delà des pouvoirs du titulaire du REEI de gérer ces fonds, les risques d’exploitation financière et d’abus de pouvoir seraient importants. En outre, le retrait de fonds d’un REEI avant le début des paiements obligatoires est assorti de pénalités pouvant réduire le droit de l’adulte aux subventions et aux obligations du gouvernement dans ce régime. En fonction des règles applicables aux termes de la LIR, les retraits uniques pourraient également épuiser les économies d’un adulte avant même que ses paiements viagers pour invalidité ne soient tous utilisés[228].

Dans notre document de discussion pour le projet, nous avons examiné une série de mesures novatrices en vue de réduire au minimum les risques d’exploitation financière dans ces principaux secteurs de vulnérabilité. Il s’agissait notamment de mesures telles que l’utilisation de formulaires et de renseignements obligatoires, les limites sur les retraits après un montant déterminé et la nomination d’un surveillant privé pour défendre les intérêts d’un adulte. Il y a cependant de sérieuses lacunes dans la littérature consacrée à l’évaluation des alternatives que nous avons examinées. En outre, nos propres consultations avec des experts au Canada et à l’étranger n’ont pas été concluantes quant à savoir si elles auraient l’effet escompté d’amélioration du cadre actuel de l’Ontario. Le projet de plus grande envergure de la CDO intitulé La capacité juridique, la prise de décisions et la tutelle examinera les questions relatives aux mesures de protection en vertu de la LPDNA, y compris la sensibilisation à l’égard de la loi, les mécanismes de surveillance et les recours. Cependant, dans le cadre du projet de REEI, nous pensons que la réponse la plus appropriée est de réduire les secteurs vulnérables que les individus égoïstes pourraient exploiter.

Plus précisément, nous recommandons que le représentant légal REEI nommé en vertu de la procédure simplifiée soit autorisé à ouvrir et à gérer des fonds d’un REEI, mais pas à recevoir ou à gérer les fonds issus d’un REEI. Les adultes qui nomment un représentant légal REEI auraient donc un titulaire de régime qui pourrait mettre en place le régime, consentir à des cotisations, faire la demande de subventions et de bons du gouvernement, décider des investissements et solliciter des retraits au nom du bénéficiaire.

Bien que nous reconnaissions que la demande de retrait, à titre de domaine de la prise de décisions, soit un secteur de vulnérabilité accrue, nous nous demandons si le pouvoir d’un titulaire de régime à cet égard doit être limité, parce que cela ne servirait pas la cause des adultes qui utilisent le REEI comme plan d’urgence tout au long de leur vie, plutôt que comme moyen de réaliser des économies à long terme. En outre, les institutions financières ont expliqué à la CDO que cela pourrait entrer en conflit avec leurs contraintes opérationnelles et, par conséquent, limiter le choix du bénéficiaire de REEI en ce qui concerne le fournisseur de services. La plupart, sinon la totalité, des institutions financières incluent les retraits uniques parmi les clauses types d’un contrat. Proposer deux types de contrats nécessiterait une formation supplémentaire, des frais et un suivi interne du personnel pour confirmer que le bon contrat est offert. Plusieurs représentants d’institutions financières ont informé la CDO que limiter le pouvoir d’un titulaire de régime de solliciter des retraits serait impraticable[229].

La CDO croit néanmoins que des mesures de protection supplémentaires sont nécessaires lorsqu’un représentant légal REEI désire demander un retrait au nom d’un bénéficiaire. Étant donné que les pouvoirs du représentant REEI seraient restreints à ceux du titulaire de REEI, le représentant légal REEI ne pourrait agir au nom du bénéficiaire si ce dernier n’a pas la capacité requise pour gérer le retrait. Ce serait le régime existant en vertu de la LPDNA qui s’appliquerait dans un tel cas. Tenir compte de la capacité du bénéficiaire de gérer le retrait est donc d’une grande importance. Autrement, si un représentant légal REEI demande un paiement dans un cas où la capacité du bénéficiaire à le gérer est douteuse, l’adulte éprouvera des difficultés à dépenser prudemment ou pourrait être victime d’exploitation financière.

Conséquemment, nous recommandons que le représentant légal REEI ait le devoir de formuler une opinion en ce qui concerne la capacité de l’adulte de gérer ses propres fonds avant de demander des retraits. Si le représentant légal a des motifs raisonnables de croire que l’adulte a la capacité de gérer les paiements tirés du REEI, il devra fournir à l’institution financière une déclaration signée attestant de cette opinion au moment de la demande. D’autre part, si le représentant légal REEI a des motifs raisonnables de croire que l’adulte est incapable de gérer les paiements, il aura le devoir, soit de s’abstenir de demander un paiement, soit, de prendre en considération toutes les possibilités offertes par la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui, selon ce qui est indiqué.

On compte, parmi les possibilités offertes par la LPDNA, la demande d’évaluation de la capacité, la demande de tutelle et en dernier recours, le dépôt d’une allégation au BTCP en vertu de l’article 27 de la LPDNA. Selon cet article, le BTCP doit faire enquête à la suite de toute allégation qu’une personne est incapable de gérer ses biens et que des conséquences préjudiciables, ou pouvant l’être, en découleront. Le BTCP devra également demander une ordonnance d’un tribunal afin de devenir le tuteur temporaire aux biens de l’adulte si, aux termes de l’enquête, le BTCP a des motifs raisonnables de croire que l’adulte est incapable de gérer ses biens et que la nomination urgente d’un tuteur temporaire est requise pour éviter des conséquences préjudiciables[230].

Nous suggérons qu’imposer au représentant légal REEI l’obligation d’examiner la capacité de l’adulte de gérer des fonds avant de demander un retrait, et d’agir en respectant les possibilités offertes par la LPDNA pourrait assurer aux bénéficiaires une plus grande sécurité au moyen d’une mesure qui peut aisément être mise en œuvre. 

Il est également important de noter que tous les bénéficiaires ont la pleine jouissance des mesures de protection que le gouvernement fédéral a intégrées dans la conception du programme de REEI et qui s’appliquent à la gestion des fonds du REEI. Il s’agit notamment des exigences suivantes en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu :

1.     Paiements obligatoires : Les paiements issus d’un REEI sont obligatoires à partir de 60 ans. Le groupe d’experts du ministre des Finances a recommandé que les PVI commencent à un certain moment en raison de la « préoccupation légitime à savoir qu’il n’y ait pas utilisation abusive de l’avantage du report de l’impôt si l’on accorde le transfert entre générations de revenu à impôt différé[231] ». Cela pourrait se produire si le titulaire du régime limitait les paiements ou si le bénéficiaire y renonçait, de sorte qu’une autre personne recevrait un remboursement des cotisations à la mort du bénéficiaire. Il est aussi interdit de retourner les cotisations privées une fois qu’elles ont été déposées dans un REEI[232].

2.     Calcul du montant des paiements : Les PVI sont calculés au moyen d’une formule précise qui vise à répartir en parts égales les fonds du bénéficiaire au cours du reste de sa vie[233]. Lorsqu’il a fait cette recommandation, le groupe d’experts a explicitement pris en considération que « le fait de permettre au bénéficiaire ou au tuteur d’avoir un accès illimité au régime d’épargne-invalidité pourrait entraîner l’épuisement du régime longtemps avant que les besoins à vie du bénéficiaire aient été satisfaits[234]». En fonction des termes du REEI, les titulaires de régimes peuvent solliciter des retraits uniques avant ou après le commencement des PVI. Les bénéficiaires peuvent également demander des retraits uniques à partir de 27 ans et jusqu’à 58 ans inclusivement, à condition que le total des cotisations gouvernementales dépasse les cotisations privées. Le montant de ces retraits uniques est également limité en vertu de la LIR, même si dans certaines circonstances, il se peut qu’il n’y ait aucun montant maximum[235].

3.     Désignation d’un bénéficiaire à la suite d’un décès : Au moment du décès du bénéficiaire d’un REEI, l’ensemble des subventions et des bons du gouvernement versés dans le régime au cours des 10 années précédentes doit être remboursé et tous les fonds restants doivent être versés conformément aux directives du testament du bénéficiaire ou aux règles de succession ab intestat[236]. À l’instar des paiements obligatoires, ceci crée un effet dissuasif contre la retenue de fonds durant la vie du bénéficiaire, car la succession ne revient pas automatiquement au titulaire du REEI. 

4.   Mesures de conformité : Les établissements financiers doivent informer EDSC et l’ARC s’ils constatent qu’un REEI est non conforme ou risque de le devenir[237]. Un REEI n’est pas conforme aux conditions s’il n’est pas « administré exclusivement au profit de son bénéficiaire » ou s’il n’est pas administré conformément à ses modalités[238]. La Division de l’observation de la Direction des régimes enregistrés de l’ARC effectue des vérifications au hasard et des suivis auprès des établissements financiers afin de régler toute divergence constatée ou signalée. Toutefois, elle ne dispose pas des ressources requises pour surveiller toutes les opérations relatives à un REEI, et une telle surveillance ne fait pas partie de son mandat[239].

Les participants aux consultations de la CDO qui ont fait valoir que le pouvoir d’un représentant légal REEI devrait être limité à celui d’un titulaire de REEI aux termes d’une nomination personnelle font partie de la communauté de particuliers et d’organisations qui défendent les droits des adultes handicapés, dont notamment le Centre juridique pour les personnes ayant un handicap, ARCH, ICO, CACI, PooranLaw, ACE et les Agences ontariennes de soutien pour les personnes ayant des besoins spéciaux (OASIS). Il convient également de rappeler que le ministère de la Justice et Procureur général de la Saskatchewan a adopté une approche similaire (voir page [x], ci-dessus, « Capacité de choisir un Représentant légal REEI : Le critère de common law sur la capacité »). Dans ses observations écrites à la CDO, l’ACE résume succinctement la raison d’être des recommandations de la CDO :

[traduction] « Les titulaires de REEI n’ont pas le pouvoir de gérer l’argent lorsqu’il est retiré du REEI et versé au bénéficiaire. Puisque les titulaires de REEI ne peuvent ni accéder à ni gérer les fonds issus du REEI, il y a peu de risque de délit d’initiés ou d’exploitation financière. Il est très avantageux que les mandants permettent aux titulaires de régimes d’établir un REEI et de demander des fonds publics. Dans ces conditions, l’équilibre entre l’autonomie et la prévention d’abus favorise manifestement les nominations personnelles des titulaires de régime à un seuil de capacité cognitive inférieure…[240] »

Nous abordons les autres raisons soutenant notre recommandation dans la section qui suit, consacrée à des questions entourant le rôle et les responsabilités du représentant légal REEI.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande que :

4.      Le processus de nomination personnelle cerné dans la Recommandation 1 intègre les caractéristiques suivantes :

a.        Les exigences pour effectuer une nomination personnelle soient identiques à celles qui s’appliquent à la procuration aux biens en vertu de l’article 10 de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui, laquelle exige que le document soit signé en présence de deux témoins qui doivent le signer eux aussi. Il serait interdit aux personnes suivantes d’être des témoins : le représentant légal REEI, le conjoint ou le conjoint de fait du mandant, l’enfant du mandant, les personnes dont les biens sont sous tutelle et les mineurs.

b.      Que le mandant jouisse des mêmes protections contre les abus financiers trouvées dans les articles 7, 8, 27, 32, 33, 39, 42, 83 de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui. Ces protections comprennent : permettre à l’adulte de nommer plus d’un représentant légal REEI ou un substitut, dans le cas où le représentant légal principal ne serait pas disponible; imposer au représentant légal REEI l’obligation de tenir des comptes d’opérations; permettre qu’une demande de reddition de comptes soit présentée à la Cour supérieure de justice; imposer au Bureau du Tuteur et curateur public l’obligation d’enquêter sur toute allégation selon laquelle une personne est incapable de gérer ses biens et de graves préjudices sont subis ou peuvent être subis en conséquence. En outre, tous les bénéficiaires jouissent de la protection des dispositions de la LIR qui régissent la gestion des fonds dans un REEI, comme les paiements viagers obligatoires, le calcul des montants de paiement et les mesures de conformité.

c.       Que le représentant légal REEI ait le pouvoir d’ouvrir et de gérer des fonds d’un REEI, y compris : consentir à des cotisations, décider des investissements, faire des demandes de subventions et de bons et demander que des paiements soient effectués à l’adulte; toutefois, qu’il lui soit interdit de recevoir et de gérer les fonds issus du REEI au nom de l’adulte.

d.      Le représentant légal REEI doit formuler une opinion concernant la capacité légale de l’adulte de gérer les paiements, avant de demander qu’ils soient faits à l’adulte. Ainsi, si le représentant légal REEI a des motifs raisonnables de croire que l’adulte a la capacité de gérer les paiements tirés du REEI, il doit remettre à l’institution financière une déclaration signée attestant cette opinion au moment où la demande de paiement est faite. Si le représentant légal REEI a des motifs raisonnables de croire que l’adulte n’est pas capable de gérer les paiements,  il doit, soit, s’abstenir de demander quelque paiement, soit, prendre en considération les possibilités offertes par la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui, selon ce qui est approprié. 

 

5.     Les rôles et les responsabilités du représentant légal REEI

Ouverture et gestion des fonds d’un REEI

Les titulaires de régimes sont les principaux décideurs pour un REEI. Ils sont responsables de l’ouverture du REEI et de la prise de décisions sur la manière dont les fonds du régime seront gérés avant qu’ils ne soient reçus par le bénéficiaire. Notre projet vise à améliorer l’accès des adultes handicapés qui n’ont pas pu participer au REEI en raison des préoccupations relatives à leur capacité juridique de conclure un contrat avec une institution financière. Cette capacité juridique est requise pour établir un régime. En conséquence, nous recommandons que le représentant légal REEI désigné en vertu d’un processus simplifié pour les bénéficiaires de l’Ontario s’acquitte du rôle et des responsabilités d’un titulaire de régime, sous réserve des conditions prévues dans chaque régime (voir la figure 2 : Comment ouvrir et gérer un REEI en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu).

Certains intervenants préféreraient cependant voir les pouvoirs d’un représentant légal REEI limités à ceux d’un titulaire partiel de régime, tandis que d’autres aimeraient les voir élargis pour inclure la gestion des fonds issus d’un REEI. Dans la section précédente, nous avons brièvement expliqué les raisons qui nous ont conduits à recommander que les pouvoirs d’un représentant légal REEI correspondent à ceux d’un titulaire de régime en guise de rempart contre l’exploitation financière. Dans la présente section, nous abordons d’autres raisons pour lesquelles, selon nous, ces pouvoirs ne doivent pas être élargis au-delà de ceux d’un titulaire de régime. Ces raisons se rapportent à la nature des fonds du REEI après qu’ils aient été payés à même le régime.

La prise de décisions concernant les fonds d’un REEI se distingue de la gestion financière au jour le jour. Les adultes incapables de choisir les fonds communs de placement pour le REEI peuvent ne pas être confrontés au même défi pour l’achat de la nourriture, d’appareils fonctionnels ou pour payer le loyer. Tout au long du présent rapport, nous avons rapporté les récits dont les adultes handicapés, les membres de leurs familles et leurs amis nous ont fait part sur le caractère unique du REEI à cet égard et, en particulier, sur la façon dont ils ont été en mesure de « se débrouiller » pour prendre des décisions ensemble sans demander une tutelle, avant de connaître le REEI. Des organisations de défense des droits et des avocats ont affirmé à la CDO que la nomination d’un représentant légal REEI doté de pouvoirs au-delà de ceux d’un titulaire de régime allait de manière indue empiéter sur l’autonomie et l’autodétermination du bénéficiaire[241].

Cependant, la CDO a appris que certains bénéficiaires seront incapables de gérer les fonds issus du REEI. Si un représentant légal REEI ne peut gérer des fonds que pendant qu’ils demeurent dans le régime, les bénéficiaires incapables de prendre leurs propres décisions, même avec assistance, devront faire une demande de tutelle à travers le processus même qu’ils ont refusé de suivre à ce jour. Cela pourrait aboutir à une solution partielle, disent-ils, qui ne répond pas aux besoins des bénéficiaires et pourrait accroître la vulnérabilité à l’exploitation financière, si un tuteur n’est pas nommé[242].

Puisque les institutions financières n’ont pas les moyens de retracer l’utilisation des fonds une fois qu’ils sont payés à même le REEI – et elles ne se sentent pas dans l’obligation de le faire – elles aussi aimeraient voir la portée des pouvoirs du représentant légal REEI inclure la capacité de fournir récépissé et quittance lorsque les fonds sont libérés. Tout comme dans le cas de l’ouverture et de la détermination des modalités du régime, le paiement de fonds à un bénéficiaire de REEI est un type de transaction qui suscite des préoccupations quant à la responsabilité des institutions financières. Afin d’assurer la conformité aux conditions du régime, ce dont elles sont responsables en vertu de la LIR, les institutions financières doivent diriger des paiements de REEI au bénéficiaire ou à une personne légalement autorisée[243].

La CDO a appris des institutions financières que lorsqu’elles ont des raisons de croire qu’un adulte n’a pas la capacité juridique suffisante pour gérer ses fonds, elles vont retenir le paiement jusqu’à ce qu’une personne légalement autorisée puisse le recevoir et émettre une décharge exécutoire. Par conséquent, étendre la portée des pouvoirs d’un représentant légal REEI au-delà des pouvoirs d’un titulaire de régime pourrait exempter les institutions financières d’évaluer la capacité du bénéficiaire à plusieurs moments, lors du versement des paiements ponctuels et des PVI[244]. Dans une observation écrite présentée à la CDO, l’Association des banquiers canadiens fournit une explication utile de sa position :

[traduction] « La Loi de l’impôt sur le revenu prévoit que les paiements provenant du REEI pendant que le bénéficiaire est en vie ne peuvent être versés qu’au bénéficiaire. Pour un bénéficiaire qui n’a pas la capacité de contracter, cela signifie qu’il doit y avoir un représentant légal qui puisse émettre récépissé et quittance pour les paiements. Étendre la catégorie de personnes qui peuvent être titulaires de REEI en faveur des bénéficiaires à un plus grand nombre de personnes qui ne sont pas représentants légaux du bénéficiaire ne fera que retarder les problèmes auxquels devront faire face les émetteurs au moment d’effectuer des paiements sur les REEI. Toute extension de la loi provinciale en vue de déterminer qui peut ouvrir un REEI pour un bénéficiaire qui n’est pas capable de contracter devrait également faire de cette personne le représentant légal pour les fonds de REEI une fois qu’ils sortent du régime et sont en cours d’utilisation. Il sera pratiquement impossible de retracer les fonds une fois qu’ils seront sortis d’un REEI. Cela signifie donc que le représentant légal qui peut ouvrir et gérer un REEI devrait être également le représentant légal du bénéficiaire à toutes fins liées à la propriété[245]. »

La CDO reconnaît qu’il existe des raisons légitimes pour étendre la portée des pouvoirs d’un représentant légal REEI au-delà des pouvoirs d’un titulaire de régime. Cependant, nous croyons que les adultes qui ont besoin de plus qu’un soutien informel pour gérer leurs paiements pourraient aussi avoir besoin d’un accord global sur la gestion des biens qui va au-delà de la portée du présent projet sur le REEI. 

Étendre les pouvoirs d’un représentant légal REEI pourrait créer une disparité entre les régimes ontariens de prise de décisions qui traitent des biens. Ces régimes sont essentiellement semblables les uns aux autres. Dès que les fonds quittent un REEI, ils deviennent des biens comme tout autre bien. Ils peuvent être utilisés pour les petites dépenses, réinvestis ou servir à l’achat de biens assez importants. Normalement, les adultes doivent accorder une procuration en vertu de la LPDNA pour autoriser une personne à gérer ces affaires, et ceux qui sont incapables de le faire doivent présenter ou faire l’objet d’une demande de tutelle. Étendre la portée des pouvoirs d’un représentant légal REEI reviendrait à donner aux bénéficiaires le droit de nommer personnellement ce qui est, en fait, un procureur à la gestion des biens en général, à travers un processus moins rigoureux[246].

Dans la mesure où l’établissement d’un REEI a une durée critique, nous croyons raisonnable de rendre moins rigoureux les critères pour la nomination personnelle en vue d’améliorer l’accès au début du processus : avoir un titulaire de régime permettrait aux adultes de commencer à épargner et de présenter des demandes de subventions et de bons auprès du gouvernement. Cependant, en toute équité, nous ne croyons pas qu’il existe de principes soutenant l’extension d’un processus simplifié à l’étape de la gestion des biens en général. Les adultes qui ne sont pas bénéficiaires de REEI éprouvent eux aussi des difficultés, dans le cadre en vigueur en Ontario, lorsqu’ils accordent une procuration ou présentent une demande de tutelle. Il peut s’agir de personnes handicapées ou âgées ayant elles aussi besoin d’une autre personne pour gérer leurs biens. De tels adultes n’ont pas accès à un processus simplifié, tout simplement parce qu’ils n’ont pas de REEI. Le projet de plus grande envergure de la CDO, intitulé La capacité juridique, la prise de décisions et la tutelle, examine les questions entourant l’accessibilité des processus de nomination en vertu de la LPDNA pour ces personnes et pour tous les Ontariens, ce qui pourrait être avantageux également pour les bénéficiaires qui reçoivent des paiements d’un REEI. 

Compte tenu de la liberté entourant l’utilisation des fonds d’un REEI, la CDO ne sait pas précisément où s’arrêterait le rôle d’un représentant légal REEI. Prenons l’exemple de l’achat d’une maison. Après l’achat de la maison, qui aurait le pouvoir de gérer les coûts connexes? Le représentant légal REEI serait-il obligé de gérer les impôts de l’adulte? Aurait-il le pouvoir de vendre la maison? Le cas échéant, qui gérerait les produits de la vente? Si ce n’est pas le représentant légal REEI, l’adulte sera-t-il laissé à lui-même? Les situations soulevant des incertitudes quant à la portée des pouvoirs d’un représentant légal REEI sont innombrables (par ex. les investissements, les véhicules à moteur), et la CDO estime que dissiper ces incertitudes aurait, sur le plan des politiques, des incidences dépassant de loin le cadre du REEI. 

Ce qui est encore plus important cependant, c’est que ces incertitudes révèlent que les adultes dont les besoins dépassent le soutien informel en ce qui concerne la gestion de biens pourraient réellement avoir besoin d’un accord global. Contrairement aux prestations gouvernementales telles que le POSPH, les fonds provenant d’un REEI constituent vraisemblablement une source de revenus supplémentaire pour les adultes handicapés. On peut soutenir qu’un représentant légal pourrait être autorisé à gérer des fonds au nom d’un adulte en vertu des procédures qui s’appliquent aux diverses sources de revenus. Cependant, cette approche forcerait les adultes handicapés à se débattre au milieu de multiples règles qui pourraient sembler très différentes dans chaque cas. Cela pourrait également provoquer des conflits sur le traçage et le regroupement des fonds. 

En conséquence, la CDO croit que l’extension de la portée des pouvoirs d’un représentant légal REEI en Ontario pourrait entraîner de la confusion et de l’inefficacité qui peuvent autrement être évitées grâce à la nomination d’un tuteur. Les tuteurs permettent la prise de décisions globale pour la gestion des biens. Les adultes et leurs aidants peuvent recourir aux tuteurs en cas de besoin et ils sont présentement les décideurs les plus appropriés pour les bénéficiaires incapables de gérer leurs fonds, même avec assistance. Les commentaires qui suivent, du Centre juridique pour les personnes ayant un handicap ARCH, résument notre point de vue :

[traduction] « Il y a deux scénarios possibles. Dans le premier, l’individu est capable de gérer ses dépenses quotidiennes, mais il a besoin d’aide pour gérer son REEI. Dans de tels cas, même si un représentant peut être appelé à offrir de l’aide dans la prise de décisions quand il s’agit de la gestion du REEI, la personne doit être en mesure de continuer à gérer ses fonds privés, sauf s’il est évident qu’elle est incapable de le faire. Dans le deuxième exemple, l’individu est incapable de gérer ses finances. Dans une telle situation, la personne aurait déjà un tuteur qui exercerait un contrôle sur les paiements du REEI, ou un tuteur pourrait être désigné à travers les processus existants si cela était jugé nécessaire[247]. »

La séparation du rôle et des responsabilités d’un représentant légal en ce qui concerne, d’une part la demande d’une prestation sociale et la détermination de ses modalités, et, d’autre part, la réception et la gestion des paiements, a des précédents dans un certain nombre de programmes, notamment le programme de financement individualisé du Régime de pensions du Canada, du National Disability Insurance Scheme (Australie) et de Community Living British Columbia[248]. Tel qu’indiqué ci-dessus, la CDO a également appris des représentants du gouvernement, des cliniques juridiques et de la communauté des personnes handicapées qu’ils préféraient cette solution[249]. Nous sommes d’accord, en particulier, avec les remarques des parties prenantes selon lesquelles [traduction] « il y aura généralement une période de temps suffisamment longue entre l’ouverture d’un REEI et le premier paiement pour que d’autres modalités de prise de décisions relatives aux biens soient arrêtées, si nécessaire[250] ».

Pour terminer, il convient de réitérer que notre projet de plus grande envergure intitulé La capacité juridique, la prise de décisions et la tutelle enquête sur une série d’alternatives à la tutelle pour les Ontariens, que les bénéficiaires pourraient éventuellement utiliser en ce qui concerne les paiements issus d’un REEI. Il s’agit notamment des processus simplifiés pour la demande de tutelle, des modèles de prise de décisions soutenue et conjointe, et des réseaux communautaires officialisés. Nos recherches et consultations sur ces questions sont en cours et nous prévoyons que notre rapport final sur le grand projet sera publié en 2016 avant que les mesures temporaires du gouvernement fédéral arrivent à échéance à la fin de décembre 2016 (voir le chapitre I.C.2, L’examen de 2011 du REEI par le gouvernement fédéral et les activités subséquentes). Entre temps, la CDO recueillera les commentaires des membres du public sur un document de travail lié au projet de plus grande envergure, qui a été publié en juin 2014.

 

Tâches et normes de diligence

Les critères de référence pour la réforme liés au présent projet reconnaissent que l’étendue des aptitudes varie d’une personne à l’autre et que la capacité de prise de décisions est à la fois sociale et dynamique. Inclure les adultes dans des activités de prise de décisions qui les concernent, après qu’un représentant légal REEI soit nommé, peut avoir un effet positif sur leur identité individuelle, leur dignité humaine et la qualité de leur vie. Par conséquent, la CDO recommande que les représentants légaux REEI soient tenus de remplir des fonctions fixes dans l’exercice de leurs rôles et responsabilités et de se plier à des normes de diligence. 

Aux termes de la LIR, un REEI doit être « administré exclusivement au profit de son bénéficiaire » et les titulaires de régimes doivent gérer les fonds du REEI selon des règles spécifiques concernant le montant et le calendrier des paiements au bénéficiaire[251]. Au chapitre IV.C.4 du présent rapport, nous avons examiné ces dispositions parallèlement aux fonctions de procureur aux biens en vertu de la LPDNA, à savoir, encourager l’adulte à participer à la prise de décisions, au meilleur de ses capacités; tenir compte du confort et du bien-être de l’adulte; tenir les comptes et gérer les finances d’un adulte d’une manière conforme aux décisions à l’égard des soins personnels. Les procureurs aux biens doivent « exercer le degré de soin, de diligence et de compétence qu’une personne d’une prudence normale exercerait dans la conduite de ses propres affaires[252] ». Ils peuvent être tenus responsables de la violation d’une obligation, mais peuvent être dégagés de tout ou partie de la responsabilité s’ils ont « agi honnêtement, raisonnablement et avec diligence[253] ».

La CDO a recommandé qu’un représentant légal REEI ait les fonctions d’un procureur aux biens en vertu de la LPDNA, si applicable, et qu’il se plie aux mêmes normes de diligence. En réponse à l’insatisfaction exprimée par les organisations de défense des droits face aux exigences actuelles concernant l’engagement des adultes dans les activités de prise de décisions, notre document de discussion lié au projet a analysé les dispositions de la LPDNA par rapport aux dispositions législatives en vigueur dans d’autres ressorts territoriaux. Tout comme certains autres intervenants, ces organisations proposent que les lois sur la prise de décisions comprennent différentes obligations qui pourraient rendre plus significative la participation de l’adulte. Plus précisément, ils favorisent un changement dans l’orientation du rôle d’un représentant légal, qui passerait de celui de substitut pour la prise de décisions à celui de soutien et de défenseur des droits[254].

En Ontario, les substituts pour la prise de décisions des adultes déclarés incapables dans les secteurs des soins personnels et des soins de santé doivent tenir compte d’une série de facteurs, selon certaines priorités, lors de la prise de décisions, à commencer par les souhaits ou les instructions exprimés par l’adulte lorsqu’il en avait la capacité[255]. Dans d’autres ressorts territoriaux, les représentants légaux doivent consulter l’adulte et respecter ses directives s’il est raisonnable de le faire. Lorsqu’il est impossible de confirmer les souhaits de l’adulte, le représentant légal est obligé de prendre d’autres facteurs en considération, notamment les souhaits exprimés antérieurement par l’adulte. Ce n’est qu’en dernier recours qu’un représentant légal peut prendre des décisions en fonction de la norme « intérêt supérieur » de l’adulte, c’est-à-dire qu’il doit se demander ce que ferait une personne raisonnable à la place de ce dernier[256].

Cependant, il existe peu de données probantes sur l’incidence de ces autres façons d’encadrer les tâches d’un représentant légal sur le bien-être de l’adulte[257]. La CDO estime qu’en raison des renseignements limités concernant ces modalités, il lui est impossible de déterminer avec certitude si elles constitueraient une amélioration par rapport aux normes actuelles en Ontario, particulièrement en ce qui concerne le rôle d’un titulaire de REEI. En outre, nos recherches sur ces questions se poursuivent dans le projet intitulé La capacité juridique, la prise de décisions et la tutelle, où nous pensons qu’elles seront mieux traitées compte tenu de la portée du projet et de l’échéancier généreux dont nous disposons. 

En ce qui concerne les bénéficiaires de REEI, nous considérons que nos recommandations établissent des normes élevées, ce qui oblige les représentants légaux REEI à prendre conscience des préférences de l’adulte en matière de soins personnels dans la prise de décisions financières. Décrivant les fonctions de substitut pour la prise de décisions des adultes jugés juridiquement incapables de gérer des biens en vertu de la LPDNA, le BTCP s’est exprimé comme suit :

« L’objectif le plus important à poursuivre dans vos fonctions est de maximiser la qualité de vie de la personne incapable. Vous devez administrer les biens de manière à exécuter les décisions portant sur le soin à la personne incapable… Vous pouvez prendre une décision financière l’emportant sur une décision touchant le soin à la personne seulement si le fait de faire autrement entraînerait des conséquences négatives relativement aux biens lesquelles l’emportent sensiblement sur les avantages de la décision relative aux soins de la personne[258]. »

Pour de plus amples renseignements, nous vous invitons à consulter la brochure d’information du BTCP sur les devoirs des tuteurs et des procureurs pour les adultes qui ont été jugés être juridiquement incapables, en suivant le lien suivant : http://www.attorneygeneral.jus.gov.on.ca/french/family/pgt/guardianduties.pdf.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande que : 

4.      Le processus de nomination cerné dans la Recommandation 1 intègre les caractéristiques suivantes :

e. Le représentant légal REEI remplisse les fonctions d’un procureur aux biens en vertu de l’article 32 de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui, selon le cas, et se plie aux mêmes normes de diligence. Ces fonctions comprennent : encourager l’adulte à participer aux décisions, au meilleur de ses capacités; consulter périodiquement la famille et les amis de l’adulte; et prendre des décisions d’une manière qui est compatible avec les décisions sur les soins personnels de l’adulte. Les normes de diligence exigent des représentants légaux REEI qu’ils exercent le degré de soin, de diligence et de compétence qu’une personne d’une prudence normale exercerait dans la conduite de ses propres affaires.

 

6.     Offrir la certitude et l’irrévocabilité aux tierces parties

Comme il en a été fait mention précédemment, participer à la prise de décisions à la suite de la nomination d’un représentant légal REEI est un processus social qui devrait favoriser la participation d’un adulte, au mieux de ses capacités. Le représentant légal doit communiquer avec différentes personnes afin de cerner les préférences de l’adulte de manière à ce que ce dernier puisse véritablement participer à l’activité de prise de décisions. Le fait que de multiples personnes participent au processus décisionnel risque toutefois de créer de la confusion auprès des tierces parties qui doivent être en mesure d’établir facilement l’identité des personnes autorisées à conclure des opérations juridiquement contraignantes. En outre, les tiers peuvent souhaiter des protections contre la responsabilité dans le cas où ils se fient de bonne foi sur des modalités de prise de décisions, telles que la procuration, alors que la modalité a été résiliée ou modifiée, ou qu’elle est invalide[259].

Les institutions financières qui émettent le REEI ont informé la CDO qu’elles désirent la certitude et l’irrévocabilité qu’offre un processus simplifié. Elles aimeraient pouvoir raisonnablement tenir pour acquis qu’une nomination personnelle est valable en vertu de la loi et être en mesure de recevoir les instructions contraignantes d’un représentant légal REEI qui les protégeraient en cas de perte ou de litige. Selon l’Association des banquiers canadiens :

[traduction « Les émetteurs ont besoin de savoir avec certitude si une personne est le véritable représentant légal du bénéficiaire en vertu de la loi et si, lorsqu’ils interagissent avec cette personne, ils reçoivent des instructions irrévocables et sont libérés de toute responsabilité pour les paiements versés à partir du régime. [Les institutions financières] devraient être en mesure d’obtenir la preuve objective qu’une personne est le représentant légal du bénéficiaire, et pouvoir s’y fier[260]. »

La CDO a appris que deux mesures pourraient rassurer les institutions financières en ce qui concerne les nominations personnelles[261]. La première serait l’utilisation d’un document identifiable et normalisé qu’utiliserait le personnel interagissant avec le représentant légal REEI. Un employé de banque décrit cette mesure comme suit : [traduction] « Vous voulez être en mesure de dire : si j’ai ce document, tout est en ordre[262] ». Dans la section D.1 ci-dessous, « Des renseignements accessibles pour les utilisateurs du processus », nous suggérons que la fourniture d’un modèle de formulaire non obligatoire pourrait être utile aux consommateurs d’un processus simplifié ainsi qu’aux tiers. Ici, nous recommandons que le gouvernement de l’Ontario examine la seconde mesure proposée par les institutions financières, à savoir l’adoption d’exemptions claires de la responsabilité des tiers lorsqu’ils se fient raisonnablement aux instructions d’un représentant légal REEI nommé grâce à un processus simplifié[263].

La plupart des provinces et des territoires au Canada prévoient des mesures de protection pour les tiers lorsqu’ils ignorent ou n’auraient pu raisonnablement savoir qu’une procuration est inactive ou expirée. Ainsi, en vertu de la LPDNA, lorsqu’une procuration est annulée ou devient invalide, toute opération conclue par un procureur avec un tiers est considérée comme contraignante si le tiers a agi de bonne foi et ignorait que la procuration n’était plus valide. Cette protection s’applique également lorsqu’une procuration n’est pas valide du fait qu’une personne non autorisée a agi à titre de témoin[264]. La Colombie-Britannique, la Saskatchewan et des ressorts territoriaux hors du Canada protègent également les tiers dans les situations où une procuration n’est pas valide, de manière plus générale [traduction] « pour ne pas avoir répondu aux exigences des lois, y compris le fait que le donateur n’avait pas la capacité de prendre des décisions lorsqu’on lui a accordé pour la première fois [la procuration][265] ».

La CDO convient qu’une protection comparable dans le cas de la résiliation, de la modification et de l’invalidité pourrait être avantageuse dans le contexte du REEI, afin que le personnel de l’institution financière se sente à l’aise de recevoir les instructions d’un représentant légal REEI, lorsque le document semble être valide[266]. Toutefois, la responsabilité des tiers pourrait être retenue s’ils ont agi de façon déraisonnable en se fiant à une nomination personnelle. La Cour suprême du Canada a statué que les banques peuvent être tenues responsables des dommages si elles savent ou soupçonnent qu’un procureur détourne des fonds ou s’il outrepasse les pouvoirs accordés en vertu d’une procuration[267]. Par conséquent, la CDO recommande que des exonérations de responsabilité dans le cadre d’un processus simplifié protègent les tiers lorsqu’ils se fient raisonnablement à une nomination personnelle. Suivant les dispositions de la LPDNA, la personne devra avoir agi « de bonne foi et ignorer que la procuration avait pris fin ou était devenue nulle[268] ».

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande que :

5.      Le gouvernement de l’Ontario accord aux tiers des exonérations de responsabilité claires lorsqu’ils se fient, de bonne foi, à une nomination personnelle accordée conformément à la Recommandation 1, alors qu’ils ignorent qu’elle n’est pas valide au moment où elle a été accordée ou qu’elle a été résiliée, qu’elle a été modifiée ou qu’elle est devenue invalide par la suite.

 

7. Qui peut agir en tant que représentant légal REEI?

Un représentant légal REEI doit être admissible à cette fonction, disponible, et aussi disposé à assumer les tâches de titulaire de REEI. Au cours des consultations de la CDO, les participants ont déclaré que les restrictions existantes sur la personne qui peut agir en tant que titulaire de REEI en Ontario constituaient un obstacle important à l’accès au REEI. On nous a affirmé que les critères d’admissibilité pour les représentants légaux REEI, dans le cadre d’un processus simplifié, devraient être aussi inclusifs que possible tout en continuant de protéger les adultes contre les risques d’exploitation financière.

Presque tous les participants avec qui nous avons parlé ont affirmé que les bénéficiaires devraient être autorisés à choisir une « personne de confiance » comme représentant légal REEI, y compris un membre de la famille, par exemple un parent, un conjoint ou un frère ou une sœur; un ami proche; ou un organisme communautaire[269]. Dans la section qui suit, nous discutons de la façon dont cela pourrait être réalisé. Nous recommandons plus précisément que les critères d’admissibilité en vertu de la LPDNA, qui autorisent la nomination de membres de la famille et d’amis, soient étendus pour inclure les organismes communautaires.

 

Qui peut être un titulaire de REEI en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu et de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui?

Les modifications temporaires du gouvernement fédéral à la LIR permettent à un « membre de la famille admissible » de devenir un titulaire de REEI dans le cas où, selon l’avis d’une institution financière, la capacité juridique d’un bénéficiaire de conclure un contrat est « mise en doute ». Les membres de la famille admissibles sont limités à une catégorie restreinte de personnes comprenant les parents, les conjoints et les conjoints de fait. Si un titulaire de REEI est nommé en vertu des critères d’admissibilité ordinaires de la LIR — qui persisteront après l’échéance des mesures temporaires —, il peut provenir d’autres sources : un titulaire de REEI peut être toute personne ou institution légalement autorisée en vertu de la loi provinciale[270].

En Ontario, un adulte peut nommer n’importe qui à titre de procureur en vertu de la LPDNA. Bien que la LPDNA ne stipule pas que le substitut pour la prise de décisions doive être une personne physique, il est généralement admis que cela doit être le cas, sauf dans les cas où le décideur est le BTCP ou une société de fiducie[271]. Par conséquent, un membre de confiance de la famille ou un ami peut être un procureur, mais une institution, par exemple un organisme communautaire, ne le peut pas.

Le REEI est cependant à la disposition d’un éventail de personnes handicapées, dont certaines isolées socialement, qui comptent sur un réseau de prestataires de services communautaires. Les participants aux consultations de la CDO ont recensé les personnes âgées, les immigrants et les personnes adultes souffrant de handicaps psychosociaux comme ayant un accès anormalement bas à des membres de leur famille et à des amis, et comme ayant besoin d’un éventail plus large de représentants légaux REEI[272].

La CDO a également appris que même lorsque disponible, il peut arriver que le soutien des membres de la famille ne puisse durer à long terme. À mesure que les bénéficiaires d’un REEI vieillissent et deviennent des bénéficiaires de prestations permanentes, leurs amis et leur famille vieillissent aussi. Bien que l’âge ne soit pas directement lié aux difficultés que les adultes éprouvent relativement à la prise de décisions, l’incidence de déficiences cognitives, telles que la maladie d’Alzheimer et la démence, augmente avec l’âge[273]. Les parents d’un bénéficiaire de REEI peuvent être confrontés à des défis quand vient le temps de prendre leurs propres décisions en matière financière ou ils peuvent décéder avant que les paiements du bénéficiaire soient épuisés. Après tout, le REEI a été conçu comme un moyen d’assurer la sécurité financière en l’absence du soutien des membres de la famille.

Un adulte peut nommer le Bureau du Tuteur et curateur public à titre de procureur, au moyen d’une procuration basée sur le consentement[274]. Toutefois, le mandat du BTCP vise strictement la prise de décisions au nom des adultes légalement déclarés incapables de gérer leurs biens. En se fondant sur son mandat, le BTCP peut donc refuser de représenter des adultes légalement capables de donner une procuration, mais qui n’ont pas de personne de confiance pour agir en tant que procureur[275]. En outre, les adultes peuvent ne pas souhaiter s’appuyer sur le BTCP pour gérer leurs affaires et il est concevable que certains puissent tout simplement refuser d’ouvrir un REEI.

 

Permettre aux bénéficiaires de nommer un organisme communautaire comme représentant légal REEI

La CDO estime qu’il n’est pas souhaitable que les adultes qui souffrent d’isolement social soient marginalisés encore davantage par l’indisponibilité de la famille et des amis. Nous sommes donc d’accord avec les intervenants qui affirment que les bénéficiaires d’un REEI devraient avoir le droit de nommer un organisme communautaire à titre de représentant légal REEI.

Il est fréquent que des organismes soient nommés comme fiduciaires pour le POSPH, le RPC et la SV, y compris les organismes communautaires, les organismes religieux et les maisons de soins de longue durée[276]. En Saskatchewan, la Loi sur les procurations permet la nomination de sociétés, autres que des sociétés de fiducie, comme procureurs en vertu d’une procuration. Cette disposition a été adoptée en 2002, après que la Law Reform Commission of Saskatchewan ait recommandé que la nomination de conseillers juridiques d’entreprise soit autorisée, de sorte que les groupes de revendication et les [traduction] « organismes à but non lucratif qui aident les adultes vulnérables » puissent agir comme procureurs[277]. En outre, les programmes de financement individualisé, comme Community Living British Columbia, autorisent habituellement des organismes à gérer les paiements directs d’un adulte[278].

Au cours d’une consultation avec les Agences ontariennes de soutien pour les personnes ayant des besoins spéciaux, les organismes qui fournissent des services institutionnels et de jour aux adultes handicapés partout en Ontario ont affirmé à la CDO qu’ils seraient disposés à devenir titulaires du REEI pour les populations qu’ils desservent. Certains de ces organismes agissent déjà comme fiduciaires du POSPH et sont payés par le gouvernement pour administrer un ensemble de services aux clients. Ils ont informé la CDO qu’ils voient le REEI dans le cadre d’une « approche globale » pour aider les personnes qui « n’ont personne d’autre »[279]. Un membre du personnel a signalé que parmi les 1 700 personnes que dessert une agence, [traduction] « la grande majorité serait des personnes qui n’auraient pas de famille ou d’amis de longue date[280] ». Pour ces adultes, [traduction] « c’est vraiment une question de relation avec les membres du personnel de leur agence »[281].

La nomination d’un organisme comme représentant légal REEI est, cependant, plus complexe que celle d’une personne. Les organismes peuvent représenter plus d’un adulte à la fois, ce qui les oblige à tenir des dossiers séparés pour chaque personne. Ils doivent développer des politiques pour faire face à la délégation du pouvoir de signer aux membres du personnel qui interagissent avec les institutions financières, y compris des procédures pour les informer s’il y a un transfert de pouvoir à un autre membre du personnel[282]. En outre, des conflits d’intérêts peuvent surgir lorsqu’un organisme est indemnisé pour la nourriture et le logement d’un adulte ou d’autres services, et doit aussi contrôler ses fonds[283].

Dans la mesure où la CDO recommande que les représentants légaux REEI n’aient pas le pouvoir de recevoir et de gérer les paiements au nom d’un adulte, les conflits d’intérêts concernant les dépenses seront réduits au minimum. Néanmoins, en tant que première mesure de dépistage, nous recommandons que seuls les organismes communautaires préapprouvés par les ministères désignés pour fournir des services et du soutien aux adultes handicapés soient admissibles à devenir représentants légaux REEI pour les bénéficiaires. Les ministères gouvernementaux ont déjà pour tâche d’approuver les organismes dispensant des services aux adultes handicapés en vertu de certains autres programmes d’avantages. Par exemple, les programmes offerts par l’entremise du MSSC, tels que le POSPH et les Services pour les personnes ayant une déficience intellectuelle, contiennent des politiques d’assurance-qualité détaillées pour régir les organismes[284]. Ceux qui ont déjà été approuvés en tant que fiduciaires du POSPH et organismes aux fins des Services pour les personnes ayant une déficience intellectuelle devraient bien connaître ces politiques et ces exigences élevées en matière de responsabilité, telle que la tenue de dossiers séparés.

La CDO recommande que les organismes communautaires déjà approuvés pour dispenser des services aux adultes handicapés par un ministère du gouvernement pourvu de politiques d’assurance-qualité pertinentes soient déclarés admissibles à agir à titre de représentants légaux REEI. Il est possible que certains adultes souhaitent nommer un organisme communautaire qui n’a jamais cherché à obtenir une telle attestation auparavant. La CDO recommande donc que des procédures pour qu’un ministère désigné puisse déterminer si une organisation communautaire serait un candidat approprié soient élaborées. À titre d’exemple, si un adulte désirait nommer une organisation religieuse qui ne fournit pas de services par le truchement du POSPH ou des Services pour les personnes ayant une déficience intellectuelle, le ministère pourrait entamer l’évaluation de ses titres de compétences en se fondant sur des critères d’évaluation précis. De plus, le ministère en question pourrait conserver une liste en évolution des organismes communautaires approuvés auxquels les adultes pourraient accéder afin d’établir si celui qu’ils désirent nommer a été approuvé, ou s’il doit faire l’objet d’une demande pour l’être. 

La CDO a reçu des suggestions à savoir qu’une limite supplémentaire devrait être imposée, c’est-à-dire que les adultes soient tenus de nommer un organisme communautaire avec lequel ils ont établi une relation. Toutefois, la CDO est d’avis que les adultes devraient pouvoir choisir leur représentant légal REEI à partir d’un groupe plus large, car certains n’ont peut-être pas établi de relation avec un organisme communautaire, mais souhaitent toujours en nommer un. En outre, bien qu’un adulte n’ait peut-être pas un lien personnel avec un organisme communautaire, nous pensons que les organismes communautaires sélectionnés pour fournir des services aux personnes handicapées ont une expérience précieuse qui peut être appliquée dans ce contexte.

Une fois qu’un organisme communautaire a été nommé comme représentant légal REEI, nous pensons qu’il devrait également être tenu d’élaborer et de mettre en œuvre une politique de gestion interne contenant des mesures similaires à ce qui est requis en vertu des Directives du POSPH et du Règlement sur les mesures de l’assurance de la qualité applicables aux Services pour les personnes ayant une déficience intellectuelle. Une telle politique porterait sur des procédures pour maintenir les dossiers de transactions séparés qui respectent le REEI du bénéficiaire; pour procéder à un examen périodique des dossiers et pour veiller à ce qu’un employé désigné jouisse clairement du pouvoir de signer, en tout temps, au nom de l’organisme communautaire lors de transactions avec une institution financière.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande que :

6.    Le gouvernement de l’Ontario reconnaisse que les organismes communautaires sont admissibles à agir comme représentants légaux REEI dans les cas où ils ont été approuvés pour dispenser des services aux adultes handicapés par l’intermédiaire de ministères de l’Ontario.

7.    Le gouvernement de l’Ontario élabore et mette en œuvre un processus destiné aux ministères désignés pour qu’ils puissent approuver l’admissibilité d’un organisme communautaire à agir comme représentant légal REEI, s’il n’est pas approuvé tel qu’indiqué à la Recommandation 6. Le ministère désigné aura aussi pour tâche de conserver une liste des organismes communautaires approuvés.

8.    Le gouvernement de l’Ontario exige que les organismes communautaires nommés comme représentants légaux REEI en vertu de la Recommandations 6 et 7 élaborent et mettent en œuvre une politique de gestion assortie de procédures afin d’effectuer les opérations suivantes :

a.       tenir des dossiers de transactions séparés à l’égard des REEI de chacun des bénéficiaires;
b.       procéder à un examen périodique des dossiers de chaque bénéficiaire; et 
c.        s’assurer qu’un employé désigné jouisse clairement du pouvoir de signer, en tout temps, au nom de l’organisme communautaire lors de transactions avec une institution financière.

 

8.     Annuler la nomination personnelle

La CDO recommande qu’une nomination personnelle faite en vertu d’un processus simplifié soit annulée dans les mêmes circonstances que le serait une procuration perpétuelle en vertu de la LPDNA, ou la nomination d’un tuteur sous régime législatif, ou la nomination d’un procureur aux biens. La LPDNA prévoit qu’une procuration perpétuelle est résiliée comme suit :

« Annulation

12. (1)    Une procuration perpétuelle est annulée,

a)     lorsque le procureur décède, devient incapable de gérer ses biens ou démissionne, à moins que,

(I)   un autre procureur est autorisé à agir en vertu du paragraphe 7 (5), ou

(II)  le pouvoir du procureur prévoit la substitution d’une autre personne et que cette personne est capable et disposée à agir.

b)     Abrogée.

c)     lorsque le tribunal nomme un tuteur aux biens pour le mandant en vertu de l’article 22;

d)     lorsque le mandant exécute une nouvelle procuration perpétuelle, à moins que le mandant prévoie qu’il doit y avoir plusieurs procurations perpétuelles;

e)     lorsque la procuration est révoquée;

f)      lorsque le mandant décède.

(2)  La révocation doit être faite par écrit et doit être exécutée de la même façon qu’une procuration perpétuelle[285]. »

Plus tôt dans le présent rapport, nous avons recommandé qu’un adulte ait le droit de révoquer une nomination personnelle dans le cas où il a la capacité juridique requise pour accorder la nomination personnelle. L’article 12(2) de la LPDNA ci-dessus, qui porte sur la résiliation, indique que la révocation doit être faite par écrit et exécutée de la même façon que le document d’origine[286].

Une nomination personnelle sera automatiquement résiliée en vertu de la disposition ci-dessus si l’adulte en accorde une nouvelle, à moins qu’il stipule explicitement qu’il doit y avoir plusieurs nominations. Dans le cas où le représentant légal REEI n’est plus en mesure ou disposé à agir, une nomination personnelle pourrait continuer à être efficace si un autre représentant légal REEI était autorisé à agir conjointement selon le document, sauf disposition contraire. Elle pourrait également se poursuivre si un substitut a été nommé[287].

Dans le cas où le représentant légal REEI démissionne, la CDO recommande que les procédures en vertu de l’article 11 de la LPDNA soient appliquées, y compris la livraison d’une copie de la lettre de démission à l’adulte, au substitut nommé et aux procureurs qui, par exemple, agissent en vertu d’une procuration pour les soins personnels. Le représentant légal REEI aurait aussi le devoir de fournir une copie de la lettre de démission au conjoint ou au partenaire de l’adulte ainsi qu’à sa famille résidant en Ontario, si le représentant légal REEI estime que l’adulte est incapable de gérer ses biens et qu’aucun substitut capable d’agir et disposé à le faire n’a été nommé. En outre, le représentant légal REEI devra déployer des efforts raisonnables pour informer les tiers avec qui il a effectué des transactions au nom de l’adulte, si d’autres transactions sont susceptibles d’être nécessaires[288].

En plus des circonstances énumérées à l’article 12 de la LPDNA, la CDO recommande que si un tuteur de la gestion de propriété est nommé au nom d’un adulte ou qu’un adulte accorde une procuration après avoir retrouvé sa capacité juridique de le faire, l’autorité d’un représentant légal REEI d’être un titulaire de REEI soit annulée[289]. La CDO recommande que le processus simplifié 


La Commission du droit de l’Ontario recommande que :

4.      Le processus de nomination personnelle cerné dans la Recommandation 1 comprenne les caractéristiques suivantes :

f. La nomination personnelle peut être résiliée dans des circonstances identiques à celles prévalant en vertu des articles 11 et 12 de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui. Ces circonstances comprennent : le décès d’un représentant légal REEI, son incapacité ou sa démission (sauf si un autre représentant légal REEI ou un substitut est autorisé à agir); l’octroi par l’adulte d’une nouvelle nomination personnelle, sauf s’il est stipulé qu’il peut y avoir plusieurs nominations; la révocation de la nomination personnelle; le décès de l’adulte. La nomination personnelle est également annulée lorsqu’un tuteur aux biens est nommé au nom de l’adulte par un tribunal ou au moyen de processus relatifs à la tutelle légale, ou lorsqu’un adulte exécute une procuration pour les biens valide.

 

pour les bénéficiaires d’un REEI soit offert uniquement aux adultes n’ayant pas de tuteur ou de procureur pouvant être titulaire de REEI. Si un tuteur ou un procureur pour gérer les biens est nommé, il a le pouvoir de prendre des décisions au sujet des biens de l’adulte, y compris du REEI. Par conséquent, il serait approprié que la nomination personnelle soit annulée automatiquement.

 

D. Les autres problèmes particuliers

1.     Des renseignements accessibles pour les utilisateurs du processus

Pour que le processus simplifié soit couronné de succès, il est essentiel que des renseignements soient rendus accessibles en un format, en des langues et sur les sites appropriés. L’étude du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce sur le REEI notait que les faibles taux de participation pourraient être dus en partie aux questions liées à la capacité juridique et à la représentation soulevées par le projet de la CDO. Cette étude concluait cependant : « Une autre explication du peu d’intérêt serait le manque de connaissances et de compréhension du programme REEI chez les personnes handicapées et celles qui les aident à prendre leurs décisions financières[290] ». Les adultes handicapés, ainsi que leurs familles et amis, ont répété à maintes reprises à la CDO qu’il existait trop peu de renseignements faciles à comprendre sur le REEI[291]. En conséquence, bien que les questions de sensibilisation et de compréhension ne soient pas expressément couvertes par la portée de notre projet, nous croyons que les utilisateurs d’un processus simplifié devraient pouvoir accéder en toute équité à un niveau minimal d’éducation sur le processus lui-même. 

C’est auprès des institutions financières et au moyen de divers intermédiaires que les adultes se renseignent au sujet du REEI. Nous discutons de ces points d’entrée au chapitre II. Ils comprennent les familles et amis, les soignants, les cliniques d’aide juridique, les avocats pratiquant le droit des fiducies privées et des successions, le personnel du POSPH et les organismes communautaires. Le projet de la CDO intitulé L’amélioration de l’accès à la justice familiale grâce à des points d’entrée globaux et à l’inclusivité est centré sur la manière dont les points d’entrée dans le système de droit de la famille « peuvent contribuer de façon importante à informer les familles au sujet des options qui s’offrent à elles, à orienter celles-ci vers les services pertinents et à les conseiller sur la meilleure façon d’aborder les problèmes juridiques et les différends familiaux de manière à considérer leur religion, leur culture, leur situation économique et tout autre facteur ou besoin[292] ». Tout comme dans une situation liée au système de droit familial, les adultes qui cherchent un représentant légal REEI sont plus susceptibles d’entamer leur quête de renseignements en discutant avec leurs aidants et fournisseurs de services. Nous suggérons donc que les renseignements sur le processus simplifié soient diffusés au moyen de points d’entrée situés au sein même des réseaux communautaires auxquels les adultes handicapés ont fréquemment accès.

Nous avons mentionné précédemment dans le présent rapport qu’en ce qui concerne le contenu des renseignements, plusieurs aspects du processus simplifié méritent qu’on s’y attarde. À titre d’exemple : puisque les bénéficiaires et les institutions financières ignorent parfois comment déterminer si un bénéficiaire jouit de la capacité requise pour ouvrir et gérer un REEI, nous suggérons que le gouvernement de l’Ontario diffuse des directives sur les critères à rencontrer en matière de capacité contractuelle (voir le chapitre IV.C.1, « Déterminer la capacité d’un bénéficiaire d’être titulaire du REEI »). Les renseignements supplémentaires pourraient porter sur la manière de réfuter l’opinion d’une institution financière selon laquelle un bénéficiaire est incapable de mettre en place un REEI, ainsi que sur les critères liés à la capacité requis pour effectuer une nomination personnelle. Au cours des consultations de la CDO, les participants ont demandé à recevoir davantage de renseignements sur les rôles et responsabilités des représentants légaux REEI, ainsi que sur les mesures de protection contre l’exploitation financière. Nous croyons qu’il serait avantageux que des instructions sur ces sujets soient fournies[293]. 

Afin de rendre ces renseignements aussi clairs que possible, nous suggérons que le gouvernement de l’Ontario publie une brochure destinée aux bénéficiaires, aux représentants légaux REEI potentiels et aux tiers. Le ministère de la Justice et le procureur général de la Saskatchewan ont publié une brochure intitulée [traduction] Les REEI et les adultes handicapés mentaux, qui recommande aux bénéficiaires de REEI l’utilisation d’une procuration spéciale limitée. Un échantillon de formulaire de procuration spéciale limitée est joint au verso de la brochure[294]. En Ontario, le BTCP a diffusé une trousse de procuration, qui rassemble des renseignements fondamentaux sur la procuration et un échantillon de formulaire que les mandants peuvent utiliser comme modèle[295].

Les juristes et membres d’organismes de défense des droits ont suggéré que le gouvernement rédige un formulaire contenant une introduction et des notes explicatives, qui serait remis aux bénéficiaires du REEI[296]. Les employés d’institutions financières entendus par la CDO ont renchéri : ils aimeraient pouvoir avoir recours, en toute objectivité, à un document identifiable tel un formulaire émis par le gouvernement (voir le chapitre IV.C.6, « 6.   Offrir la certitude et l’irrévocabilité aux tierces parties[297] »). Dans le cadre de son projet de plus grande envergure intitulé La capacité juridique, la prise de décisions et la tutelle, la CDO étudie les possibilités liées aux formulaires et renseignements obligatoires en Ontario. Or, nous ne recommandons pas l’adoption d’une trousse obligatoire dans le cadre de ce projet. Nous croyons néanmoins que des renseignements normalisés, mais non obligatoires, comportant un échantillon de formulaire pourraient aider les utilisateurs d’un processus simplifié pour le REEI, ainsi que les tiers.

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande que : 

9.     Le gouvernement de l’Ontario diffuse publiquement, en divers  formats et langues accessibles, des renseignements éducatifs juridiques aux utilisateurs potentiels du processus simplifié cernés dans la Recommandation 1. Entre autres sujets, ces renseignements éducatifs juridiques pourraient contenir des explications sur : la façon de déterminer si un bénéficiaire jouit de la capacité requise pour conclure un contrat lié au REEI avec une institution financière; la façon de réfuter l’opinion d’un employé d’une institution financière, selon laquelle un bénéficiaire n’a pas la capacité de conclure un contrat lié au REEI; les critères pour effectuer une nomination personnelle; et le rôle et les responsabilités des représentants légaux.

 

2.     Encourager la cohérence à travers le Canada

La dernière question que nous aborderons dans le présent rapport est de recommander que le gouvernement du Canada songe à adopter une disposition sur les conflits de lois, de manière à encourager la cohérence, à travers le Canada, dans les processus de nomination d’un représentant légal REEI pour les bénéficiaires. 

Depuis l’étude du gouvernement fédéral sur le REEI de 2011, certains intervenants demandent qu’une modification permanente soit apportée à la LIR pour régler la question visée par le présent rapport. Ils allèguent qu’à titre de bénéfice fédéral, le REEI devrait être traité uniformément à travers le pays. La CDO est une agence provinciale de réforme du droit. À ce titre, son mandat ne s’applique qu’aux lois, politiques et pratiques de l’Ontario. Nous ne faisons pas de recommandations au gouvernement fédéral ni aux autres ressorts territoriaux dans le présent rapport (voir chapitre 1.D, « La portée du projet »). 

Nous avons cependant tenu compte des approches des autres provinces et territoires pour formuler nos recommandations à l’égard d’un processus simplifié en Ontario. Plus particulièrement, nous avons recommandé que le processus simplifié soit établi comme l’est une nomination personnelle fondée sur des critères de capacité moins stricts que les exigences existantes de la LPDNA pour l’octroi d’une procuration. La même approche a été approuvée par le gouvernement fédéral pour la Colombie-Britannique, Terre-Neuve-et-Labrador et la Saskatchewan. 

L’adoption d’une disposition relative aux conflits de lois, en ce qui concerne le processus simplifié, soutiendrait ces efforts en favorisant la cohérence à travers le pays. Une telle disposition sur les conflits de lois permettrait aux adultes voyageant à l’extérieur de l’Ontario d’être représentés par un titulaire de REEI nommé préalablement au moyen d’un arrangement valide. Cela s’appliquerait tout au long de la vie de l’adulte, qu’il soit en visite temporaire, qu’il déménage pour une longue période ou qu’il s’établisse auprès de parents et d’amis. La LPDNA contient des dispositions validant les procurations et ordonnances de tutelle émises dans d’autres ressorts territoriaux. Elles pourraient être utilisées comme modèle. À titre d’exemple, voici les dispositions sur les procurations :

« Conflit de lois, formalités

85. (1)      En ce qui concerne la manière dont la procuration perpétuelle ou la procuration relative au soin de la personne est passée ainsi que les formalités requises, la procuration est valable si, au moment où elle a été passée, elle était conforme à la loi interne du lieu, selon le cas :

a) où elle a été passée;

b) où le mandant avait alors son domicile;

c) où le mandant avait alors sa résidence habituelle[298]. »

Nous proposons qu’une disposition adaptée sur le conflit de lois reconnaisse les approches adoptées dans d’autres provinces et territoires face aux questions de capacité juridique et de représentation en ce qui concerne le REEI, incluant les ententes de représentation et de désignation, et les procurations spéciales limitées.                  

 

La Commission du droit de l’Ontario recommande que : 

10. Le gouvernement de l’Ontario adopte des dispositions sur les conflits de loi aux fins du processus simplifié cerné dans la Recommandation 1, en se fondant sur les articles 85 et 86 de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui, afin de favoriser la cohérence dans les processus de nomination de représentants légaux REEI pour les bénéficiaires à travers le Canada. Ces dispositions permettraient aux adultes voyageant hors de l’Ontario de continuer à être représentés par un titulaire de REEI nommé antérieurement au moyen d’un arrangement valide.

 

 

 

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