Le gouvernement de l’Ontario a demandé à la Commission du droit de l’Ontario (CDO) d’examiner de quelle façon les adultes handicapés pourraient avoir un meilleur accès au Régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI). Le Conseil des gouverneurs de la CDO a approuvé en avril 2013 ce projet sur La capacité et la représentation légale aux fins du REEI fédéral. Le gouvernement de l’Ontario a rendu publique sa demande, ainsi que l’accord de la CDO d’exécuter le projet, dans le budget provincial de 2013, Un Ontario prospère et équitable, en mai 2013. 

L’objectif que poursuit le projet de la CDO est de recommander la création d’un processus simplifié prévoyant la nomination d’un représentant légal pour les adultes admissibles au REEI, mais qui ne peuvent mettre le régime en place à cause d’inquiétudes quant à leur capacité juridique. En ce moment, la CDO prend part à un projet de grande envergure, étalé sur plusieurs années, qui examine exhaustivement les lois de l’Ontario liées à la capacité juridique, à la prise de décisions et à la tutelle. C’est dans le contexte de ce projet plus vaste que le gouvernement nous a demandé d’entreprendre le présent projet sur le REEI, à titre d’examen distinct assorti d’une échéance prioritaire. 

Le chapitre introductif du rapport discute du lien entre ces deux projets. Il explique comment nous avons modelé notre recherche, notre analyse et nos recommandations dans les cas où des sujets importants faisaient double emploi, de manière à respecter les développements constants survenant dans le cadre du projet plus vaste, et pour que soit atteint le résultat le plus approprié possible pour les bénéficiaires de REEI. 

Le chapitre introductif décrit également la façon dont notre projet sur le REEI est né. Le REEI est un instrument d’épargne à long terme créé par le gouvernement fédéral pour aider les personnes handicapées à accéder à la sécurité financière. En 2011, le gouvernement fédéral a entrepris un examen du programme de REEI. Au cours de cet examen, des adultes et leurs familles ont cerné les barrières empêchant l’accès au REEI, soit la capacité juridique et la représentation. 

En vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), un adulte peut établir un REEI en son nom et décider, à titre de « titulaire de REEI », des modalités du régime. La LIR prévoit cependant que, lorsqu’un adulte « n’a pas la capacité de contracter un régime d’épargne-invalidité » avec une institution financière, un autre « responsable » doit agir en son nom à titre de titulaire du REEI. Une institution financière peut donc refuser de conclure un REEI avec un bénéficiaire qui ne satisfait pas au critère de la common law sur la capacité juridique de conclure un contrat. En outre, un adulte ou une autre personne intéressée, par exemple un membre de la famille, peut estimer qu’un adulte n’a pas la capacité requise pour établir un REEI et souhaiter nommer un titulaire de REEI avant de s’adresser à une institution financière. 

Le programme de REEI ne prévoit pas de moyen pour nommer un titulaire de REEI. Le titulaire de REEI doit plutôt être nommé en vertu de lois provinciales distinctes. Cependant, les lois provinciales existantes qui s’appliquent à de telles circonstances tendent à viser également des domaines de gestion des biens plus vastes que le REEI, par exemple le paiement de factures, la vente et l’achat de propriétés foncières et la gestion des dépenses quotidiennes. À quelques exceptions près, ces lois sont fortement centrées sur la protection des adultes contre d’importants préjudices pouvant leur être causés lorsqu’ils sont incapables de prendre leurs propres décisions, plutôt que sur l’accès à un programme d’avantages comme le REEI. Le gouvernement fédéral a constaté que dans certaines provinces, le temps et les dépenses requis pour ouvrir un REEI sont considérables et peuvent avoir d’importantes répercussions sur le bénéficiaire. 

À la suite de notre présentation de l’information essentielle au contexte du REEI, au chapitre II, le chapitre III expose la justification pour un processus simplifié de nomination de titulaire du REEI, précisément en Ontario. La CDO a effectué des recherches et tenu des consultations exhaustives pour comprendre les intérêts des personnes et organismes visés dans le contexte de l’Ontario. Pendant nos consultations, nous avons été informés de situations personnelles qui confirmaient les préoccupations liées à la nécessité qu’un titulaire de REEI en Ontario soit un procureur ou un tuteur nommé en vertu de la Loi sur la prise de décisions au nom d’autrui, 1992 (LPDNA), une loi destinée à une application plus vaste de la gestion des biens. 

La CDO a appris que des adultes avaient été incapables de nommer un titulaire de REEI au moyen d’une procuration, car ils n’atteignaient pas le seuil de capacité prévu par la LPDNA qui leur aurait permis de le faire. De plus, les exigences d’application pour la tutelle sont perçues comme hors de proportion avec la nomination d’un titulaire de REEI à cause des coûts, du temps et des répercussions possibles sur le bien-être de l’adulte y étant associé. 

L’objectif des recommandations de la CDO est de combler les aspirations des intervenants qui désirent un processus simplifié abordable, facile d’utilisation et étroitement centré sur le REEI. Nos recommandations sont consignées au Chapitre IV. En plus de recommander un processus simplifié, nous discutons des façons de le mettre en œuvre. Nous nous penchons sur les mesures de protection des bénéficiaires contre l’exploitation financière; sur la question de savoir si les organismes communautaires devraient être admissibles pour agir comme représentants légaux REEI; sur le rôle des représentants légaux REEI et sur la fourniture de renseignements accessibles aux membres du public, entre autres questions. 

La Commission du droit de l’Ontario recommande que le gouvernement de l’Ontario mette en œuvre un processus qui permettra aux adultes de nommer personnellement un « représentant légal REEI » pour ouvrir un REEI et en gérer les fonds, lorsque des inquiétudes existent au sujet de leur capacité de conclure les modalités du REEI avec une institution financière. Les adultes qui n’ont pas de procureur ou de tuteur aux biens pouvant agir comme titulaire du REEI pourront accéder au processus. Le processus permettrait aux adultes de choisir la personne qui les aiderait à accéder à un avantage social important. 

La CDO recommande que les critères pour octroyer une nomination personnelle soient fondés sur la définition de capacité juridique pour octroyer une procuration selon la common law. Cependant, si le gouvernement de l’Ontario croit que ces critères ne sont pas suffisamment souples pour améliorer l’accès au REEI, nous recommandons qu’ils soient fondés sur l’article 8(2) de la Representation Agreement Act, une loi de la Colombie-Britannique. Ces deux seuils relatifs à la capacité juridique sont moins rigoureux que les exigences d’octroi d’une procuration aux biens en vertu de la LPDNA. La CDO croit que le seuil existant en Ontario est impossible à atteindre pour certains adultes handicapés, et que la mesure qu’elle propose pourrait améliorer leur accès à la nomination d’un titulaire de REEI. 

Afin de contrer l’exploitation financière, nous recommandons que tout en étant facile d’accès, le processus de nomination personnelle d’un représentant légal REEI soit entouré de solides mesures de protection. Ainsi, entre autres mesures, nous recommandons que les adultes puissent recourir aux dispositions de la LPDNA qui prévoient que les procureurs nommés aux biens doivent rendre compte des transactions financières, et que les membres du public puissent déposer des allégations d’exploitation auprès du Bureau du tuteur et du curateur public. 

De plus, nous recommandons qu’un représentant légal REEI ait le pouvoir d’ouvrir un régime et de décider de ses modalités, mais non pas de gérer les fonds payés à partir du REEI. La LIR est pourvue de plusieurs mesures de protection s’appliquant à la gestion de fonds retenus dans un REEI. Ces restrictions sur la portée des pouvoirs du représentant légal REEI, qui ne s’étendraient pas au-delà de celles d’un titulaire de REEI, réduiraient les occasions de délit d’initié et de mauvaise gestion après que les fonds aient quitté le régime. Cela apporterait une solution aux enjeux particuliers qui surviennent à cause de la nature des fonds REEI; nous en discuterons dans le rapport.

Lorsque viendra le moment où les bénéficiaires recevront des paiements tirés du REEI, ils devront gérer leurs propres fonds ou demander une tutelle, s’ils ne jouissent pas de la capacité juridique pour le faire eux-mêmes. En Ontario, les tuteurs offrent des services exhaustifs liés à la prise de décisions pour la gestion de biens en général. Les adultes et leurs aidants peuvent y recourir lorsque nécessaire. De plus, le projet plus vaste de la CDO intitulé La capacité juridique, la prise de décisions et la tutelle examine des solutions de rechange moins restrictives que la tutelle, qui pourraient possiblement aider à surmonter les défis auxquels les bénéficiaires de REEI pourraient faire face à cet égard.

Les adultes qui, à l’aide du processus simplifié que nous suggérons, nomment un représentant légal REEI peuvent choisir un parent, un époux ou une épouse, un conjoint ou une conjointe de fait ou un frère ou une sœur; un ami ou une amie proche; ou un organisme communautaire qui a été approuvé par un organisme gouvernemental désigné. 

Nous recommandons qu’une fois nommé, un représentant légal REEI jouisse des mêmes pouvoirs qu’un procureur aux biens d’un adulte ayant été déclaré incapable en vertu de la LPDNA, si applicable, et qu’il soit tenu à la même obligation de diligence. Cela exigerait que les représentants légaux REEI encouragent l’adulte à prendre part à la prise de décisions au meilleur de ses capacités, et qu’une consultation avec les aidants familiaux et les amis soit tenue. Les représentants légaux seraient également des fiduciaires en vertu de la loi. Leurs responsabilités devront être assumées avec diligence, honnêteté et intégrité et en toute bonne foi, au bénéfice de l’adulte visé.

Pour terminer, la CDO recommande que des mesures soient adoptées pour permettre aux tiers et aux représentants légaux REEI d’effectuer des transactions en toute certitude et de manière irrévocable, et qu’elles comprennent des exemptions de responsabilité pour les tiers lorsqu’ils s’appuient raisonnablement sur les instructions du représentant légal REEI.

Les recommandations qui précèdent, tout comme d’autres représentations précises faites par la Commission du droit de l’Ontario, sont énoncées au chapitre V dans une liste sommaire. Ladite liste indique les parties de ce rapport dans lesquelles les recommandations sont analysées en profondeur. Les lecteurs peuvent ainsi obtenir facilement de plus amples renseignements. 

Le Conseil des gouverneurs de la CDO a approuvé le présent rapport en juin 2014.

 

 

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