Dans le cadre du présent document, certains termes clés ont une acception plus large que celle qu’ils ont dans le domaine juridique. Il s’agit notamment des termes suivants : « processus de justice familiale », « point d’entrée », « utilisateur » et « travailleur ». On a également recours à des termes imagés tels que « grappe de problèmes » et « cloisonnement ». Les sous-sections qui suivent permettront de mieux comprendre ce que signifient ces termes dans le contexte du projet.

 

A. Processus de justice familiale

Le « processus de justice familiale » peut être défini de multiples façons. Dans une acception étroite, il peut désigner les procédures liées aux tribunaux de la famille. Si on élargit légèrement le concept, on peut inclure les services connexes au fonctionnement des tribunaux tels que les services judiciaires d’information et de médiation, de même que les procédures extrajudiciaires impliquant des avocats, le droit collaboratif par exemple. Cependant, si l’on décide d’adopter une conception très large du processus de justice familiale, on doit inclure toutes les étapes du processus, à commencer par le processus de réflexion qui amène une personne à identifier et à résoudre un conflit ou une question d’ordre familial ayant d’autres répercussions que les seules répercussions juridiques, jusqu’au stade où cette personne a le sentiment qu’une page a été tournée et que la justice a été rendue. Cette définition nous oblige à réfléchir aux réseaux informels, aux liens entre les services sociaux, les services de santé et les services juridiques et aux obstacles limitant l’accès à la justice de façon plus générale. Encore une fois, la CDO concentrera son action sur les « premières étapes » de ce processus, selon sa conception la plus large.

 

B. Points d’entrée

Les « points d’entrée » à ce processus de justice familial au sens large sont nombreux et divers. On entend par point d’entrée toute personne qu’un individu ayant besoin d’aide pour des problèmes familiaux peut être amené à rencontrer, tout service auquel il peut avoir recours et tout lieu dans lequel il peut se rendre. D’autres projets de recherche ont utilisé le terme « point d’accès », terme qui revêt une signification similaire[8]. Voici des exemples des points d’entrée informels les plus précoces : une amie qui connaît un centre communautaire pour femmes, la boîte aux lettres de quelqu’un contenant un document relatif à une procédure judiciaire ou un tableau d’affichage à l’école sur lequel un parent prend connaissance de séances d’information gratuites sur le droit de la famille. Il existe des points d’entrée plus formels : les Centres d’information sur le droit de la famille et les séances d’information pour les parents qui y sont proposées, le service téléphonique d’urgence 9-1-1 et les cabinets d’avocat. Au cours des consultations, la CDO cherchera à savoir quels sont les points d’entrée qui ont été utilisés par les personnes alors qu’elles cherchaient une solution à leurs problèmes familiaux ou qu’elles essayaient de donner un cadre juridique à leurs relations familiales pour éviter de futurs problèmes. Elle voudrait également déterminer quels sont, d’après les utilisateurs, les travailleurs susceptibles d’être des points d’entrée importants dans les domaines où aucun service n’est encore offert. La CDO s’attend à découvrir un vaste éventail de points d’entrée, notamment parce que les points d’entrée sont étroitement liés aux diverses caractéristiques identitaires et relations communautaires.

À titre d’exemple de la question des points d’entrée spécifiques à un groupe culturel, les bureaux de représentants religieux iraniens et les bureaux municipaux de l’Ontario servent actuellement de points d’entrée pour les membres de la communauté iranienne en Ontario. Le bureau d’un représentant religieux iranien est le lieu où une personne se rendrait pour obtenir de l’aide à propos du mariage et du divorce en Iran et au Canada[9]. Pourtant, ce genre de bureau n’est pas nécessairement le point d’entrée initial. La plupart des gens auront entendu parler des bureaux de représentants religieux par l’intermédiaire de leurs réseaux informels. D’autres peuvent, par exemple, se rendre dans un bureau municipal en Ontario et obtenir des renseignements sur le mariage conformément à la loi canadienne. Ils pourront éventuellement demander comment faire pour se marier en vertu de la loi iranienne. Les services municipaux leur fourniront alors une liste de représentants religieux autorisés à célébrer les mariages et leur donneront les coordonnées du représentant religieux choisi par l’utilisateur[10]. Ces deux points d’entrée, le bureau municipal de l’Ontario et le bureau d’un représentant religieux iranien local sont donc directement liés. Les Ontariens d’origine iranienne dépendent de ces deux entités pour formaliser leurs relations.

Une fois que la CDO aura identifié des points d’entrée tels que ceux-là, elle se posera la question de savoir si des services de qualité sont offerts à ces points d’entrée et si ces points d’entrée constituent le meilleur endroit pour joindre ces groupes d’utilisateurs particuliers. Dans le cas des bureaux des représentants religieux iraniens, les recherches menées par la CDO révèlent que les autorités religieuses qui travaillent dans ces structures ont peut-être reçu une formation sur la loi iranienne mais pas nécessairement sur la loi ontarienne ou canadienne[11]. Par conséquent il peut être important pour la province de l’Ontario de réglementer les services offerts à ces points d’entrée de façon à ce que les travailleurs reçoivent une formation adaptée. La CDO a également observé que d’autres lieux pourraient s’avérer plus pertinents pour joindre certains sous-groupes de la population iranienne en Ontario. Les écoles, par exemple, sont peut-être un moyen plus approprié pour rejoindre les femmes iraniennes qui ne sortent pas beaucoup mais qui fréquentent les écoles de leurs enfants[12]. L’analyse d’un vaste éventail de points d’entrée aidera la CDO à identifier des pratiques exemplaires au stade initial du processus de résolution du conflit familial. La CDO invite les participants aux consultations à partager d’autres exemples de points d’entrée du système de justice familiale spécifiques à un groupe culturel.

 

C. Utilisateurs et grappes de problèmes

La population d’utilisateurs ciblée par la présente recherche inclut l’ensemble de la population ontarienne, que les personnes aient déjà utilisé le système ou non. S’agissant de l’accès à la justice, la CDO a conscience de la diversité des besoins à travers l’Ontario et compte élaborer des études de cas qui reflètent les expériences des différents groupes d’utilisateurs. La CDO réalisera une analyse intersectionnelle des propositions remises par les participants aux consultations[13]. Par ailleurs, la CDO cherchera à identifier les « grappes de problèmes » spécifiques rencontrées par chaque groupe d’utilisateurs lors d’un conflit familial.

La notion de grappes de problèmes a été utilisée dans le cadre de précédentes recherches[14]. En résumé, lorsque les utilisateurs traversent une période de conflit familial, leurs problèmes ne sont pas uniquement juridiques. Ils peuvent être confrontés à une série de problèmes de nature différente liés les uns aux autres : des problèmes de santé mentale, financiers et juridiques par exemple. En fonction de leur situation, différents groupes d’utilisateurs seront confrontés à différentes grappes de problèmes et c’est la raison pour laquelle il est important de tenir compte de ces différences avant de réfléchir aux solutions. Ces considérations s’appliquent de la même façon aux travailleurs.

 

D. Travailleurs et problèmes de cloisonnement

Si l’image de la grappe de problèmes peut être utile pour décrire les problèmes des utilisateurs, celle du cloisonnement des services peut aider à réfléchir aux problèmes des travailleurs. Nombre de travailleurs du système de justice familiale font face à de lourdes charges de travail, à des problèmes de gestion du temps et à un manque de ressources, ce qui rend difficile le travail en collaboration avec d’autres professionnels, même si ces travailleurs aspirent à davantage de collaboration[15]. En outre, leurs rôles professionnels et leur culture de travail ne contribuent pas nécessairement à un environnement de travail en collaboration[16]. Par conséquent, nombre d’entre eux travaillent en vase clos. La CDO cherche donc à en savoir plus sur les diverses difficultés rencontrées par les travailleurs qui tentent de répondre aux besoins des utilisateurs. Pour déterminer de quelle manière une documentation juridique destinée au grand public et des services d’orientation de qualité pourraient aider à combler les lacunes entre ces services cloisonnés, par exemple, la CDO tiendra également compte des limites de l’environnement de travail et étudiera quels sont les changements systémiques nécessaires à la mise en œuvre des modifications recommandées. Il se peut que, dans certains cas, les travailleurs aient besoin d’élargir leurs horizons pour pouvoir collaborer avec d’autres travailleurs. Par ailleurs, ils seront peut-être amenés à modifier leurs habitudes et à communiquer plus souvent avec d’autres membres de la collectivité, et ce, afin de proposer un service d’orientation efficace.

 

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