I.          EN QUOI CONSISTE LE PROJET DU DROIT DE LA FAMILLE DE LA CDO?

A.    Placer le projet dans le contexte de la réforme du droit de la famille

En 2010, le juge en chef Warren Winkler a décrit le système de justice familiale comme un « système en crise »[1]. Dans le rapport intitulé À l’écoute de l’Ontario, on suggère ce qui suit : « L’accès aux ressources du droit de la famille sous la forme d’information, d’assistance juridique et sociale à l’intention des personnes à faible revenu et à revenu moyen et le règlement de problèmes de ce domaine constituent des enjeux prioritaires de l’appareil judiciaire civil en Ontario[2]. » Dans le cadre de notre processus de consultation à l’appui du présent projet, les utilisateurs et les travailleurs ont confirmé qu’ils percevaient également que le système était en crise. Apporter des changements dans le but d’améliorer l’accès était considéré comme une priorité[3].

De nombreux intervenants ont répondu aux demandes de réformer le système de justice familiale. Peu après les débuts du projet de la CDO en 2009, le ministère du Procureur général, Aide juridique Ontario et d’autres intervenants ont déployé des efforts considérables pour réformer le système de justice familiale. Plus particulièrement, le ministère du Procureur général a entrepris un certain nombre de réformes sur le thème des « quatre piliers » au cours de 2010-2011, que nous abordons plus loin dans le présent rapport, avec comme objectif d’offrir le même éventail de services à l’ensemble des tribunaux qui instruisent des causes en droit familial et d’améliorer l’expérience et les résultats des clients qui participent au processus judiciaire familial. D’autres études et organismes ont joué un rôle majeur dans la détermination de la nécessité d’une réforme du droit de la famille et de la réponse à cette nécessité, notamment les suivants, et nous les remercions de nous avoir fait part de leurs idées :

  • Recapturing and Renewing the Vision of the Family Court (« le rapport Mamo »)[4];
  • The Home Court Advantage project [5];
  • Le Plan stratégique du droit de la famille de la Cour supérieure de justice[6];
  • L’énoncé de vision en droit de la famille de la Cour de justice de l’Ontario[7];
  • La Middle Income Access to Civil Justice Initiative de l’Université de Toronto[8].

Pour la CDO, il était important d’ajouter une valeur au travail d’une myriade de partisans des réformes du droit de la famille, y compris tout particulièrement le gouvernement. Non seulement nous nous sommes inspirés de ces initiatives et les avons complétées, mais nous avons également tenté de paver une voie nouvelle dans le cadre de notre analyse et de nos recommandations. Nous avons concentré notre analyse sur la nécessité d’accroître l’inclusivité au sein du système de justice de façon à reconnaître le pluralisme grandissant de la société ontarienne et l’hétérogénéité de la population, les problèmes continus en ce qui a trait à la capacité de payer les services de même que les problèmes à volets multiples que doivent surmonter les familles en crise, et à en tenir compte[9].

Malgré un certain nombre de réformes importantes réalisées au cours des dernières années, dont nous discutons plus bas, les parties à un différend familial en Ontario continuent d’être confrontées à des difficultés, notamment les lacunes dans la capacité à tenir compte de la population diversifiée de l’Ontario, les difficultés à comprendre et à utiliser les renseignements, la pénurie de services de représentation abordables et la réponse inadéquate à la nature multidisciplinaire des enjeux familiaux. Une étude récente a relevé que les parties non représentées trouvent le système [traduction] « peu accueillant, hostile et dénigrant »[10]. De plus, bon nombre des réformes se sont concentrées sur le rôle des tribunaux, alors que les gens ont besoin d’aide très tôt dans le processus lorsqu’ils souhaitent régler leurs problèmes juridiques familiaux. En gardant ces préoccupations à l’esprit, nous avons posé la question suivante : « À quels problèmes les personnes qui tentent d’accéder au régime législatif du droit de la famille sont-elles toujours confrontées? » Nous avons recensé ce qui, à notre avis, constitue les difficultés persistantes les plus importantes pour les personnes aux prises avec des problèmes juridiques familiaux, tout particulièrement pour celles qui n’ont pas les moyens de retenir les services d’un avocat, et nous énonçons les solutions possibles pour réduire leurs répercussions.

Pour que le droit se révèle efficace pour les personnes qui y sont assujetties, l’accès aux connaissances en matière de droit et la capacité à s’y retrouver avec ou sans aide sont tout aussi importants que « le droit » en soi. Un « bon » texte législatif a une valeur limitée s’il est difficile à comprendre et si l’accès aux droits qu’il procure représente un effort phénoménal. Le projet de la CDO sur le droit de la famille vise à rendre l’accès aux droits plus aisé et plus efficace. Nous croyons que cela exige une mise en valeur accrue de la prestation de renseignements plus accessibles et de services abordables d’une façon qui tient compte de la diversité de la population ontarienne. Le projet reconnaît également que les problèmes juridiques familiaux sont souvent inextricablement liés à d’autres types de problèmes familiaux, comme des préoccupations financières ou des problèmes de santé mentale. Une solution satisfaisante aux questions d’ordre juridique comprend donc l’intégration d’autres problèmes pertinents dans les étapes initiales du processus visant à aborder les questions de droit. Par conséquent, aux fins du présent rapport, la définition du système de justice familiale est vaste et elle englobe non seulement les avocats, les médiateurs et le système judiciaire, mais également d’autres professionnels, services et organismes chargés d’aider les gens, que ce soit officiellement ou non, à régler les problèmes découlant de l’éclatement de la famille.

 

B.    Défis permanents

Au Canada, on estime qu’environ 40 % des mariages ou des unions libres se terminent par une séparation[11], et celle-ci est la plupart du temps non contestée[12]. L’éclatement de la famille constitue un problème social profond qui peut avoir des effets négatifs, bien que ce ne soit pas toujours le cas, principalement sur les membres de la famille qui le vivent, mais également sur l’ensemble de la collectivité.

Une étude a révélé que plus de 41 % des répondants considéraient que l’éclatement de leur famille avait perturbé énormément ou beaucoup leur vie, tandis que 44 % d’entre eux disaient que cela avait un peu perturbé leur vie[13]. Bien que les défis qui se posent dans le cadre d’une relation intime puissent être réglés à l’amiable, l’éclatement de la famille peut néanmoins s’accompagner d’une certaine tristesse ou difficulté pour ceux qui le vivent, comme c’est le cas lors de tout autre événement négatif important de la vie. La plupart du temps, cependant, l’éclatement entraîne davantage d’effets et peut correspondre à une période de stress, d’instabilité, de solitude, de souffrance émotive et parfois d’hostilité. C’est particulièrement le cas pour les familles avec enfants où ceux-ci peuvent être profondément touchés par la dissolution de la relation de leurs parents. Dans le cadre des consultations de la CDO, des enfants de 8 à 13 ans ont parlé de l’incidence qu’avait eue la séparation de leurs parents sur leur propre vie.

« Un garçon a dit qu’il avait été réveillé en pleine nuit par les échanges acrimonieux de ses parents. Deux fillettes ont déclaré qu’elles avaient dû appeler la police elles-mêmes parce qu’elles avaient peur que leur père étrangle ou blesse grièvement leur mère. Une autre jeune fille a précisé qu’elle avait dû vivre dans un refuge avec sa mère pendant un certain temps après la séparation de ses parents. Une autre a mentionné qu’elle n’avait pas été surprise que ses parents se séparent, et qu’elle avait éprouvé un sentiment de soulagement quand son père a quitté le domicile familial. Pour chacun de ces enfants, la séparation ou le divorce de leurs parents a constitué une épreuve extrêmement difficile[14]. »

Il existe également un risque plus élevé de problèmes de santé physique et mentale lors d’un conflit conjugal[15]. De plus, l’échec du mariage peut avoir une incidence sur les membres de la famille élargie, comme les grands-parents lorsque l’un des parents empêche tout contact avec les petits-enfants[16].

L’éclatement de la famille peut accroître la vulnérabilité existante. Des immigrants arrivés récemment peuvent être confrontés à des problèmes comme la crainte d’être expulsés en raison de leur séparation avec leur parrain ou la pression que leur communauté exerce pour qu’ils restent mariés[17]. Les personnes handicapées peuvent être isolées et éprouver des difficultés à accéder aux services et à communiquer maintenant que la personne qui les aidait n’est plus là.

Il n’est pas inhabituel que les personnes qui se séparent doivent surmonter des défis qui ne sont pas uniquement juridiques. Comme le souligne Noel Semple, un divorce (ou une séparation) signifie la perte des économies liées à la cohabitation[18]. Puisque de nombreuses familles canadiennes sont vulnérables sur le plan économique en raison de l’accroissement du ratio de la dette au revenu du ménage, l’éclatement d’une famille peut avoir de graves conséquences[19]. Des facteurs tels que l’accessibilité aux services de garde d’enfants peuvent avoir des répercussions sur la capacité du parent ayant la garde à travailler à l’extérieur du foyer[20]. Une étude sur les femmes victimes de violence qui quittent leur conjoint a révélé que bon nombre d’entre elles avaient de la difficulté à se trouver un logement convenable[21]. Les personnes qui se séparent ou qui divorcent peuvent avoir à surmonter des défis non seulement de nature juridique et financière, mais également des défis liés à la sécurité, à la santé et au bien-être général. Ces défis peuvent être interreliés et ils le sont d’ailleurs souvent. Ils peuvent comprendre d’autres problèmes liés au droit de la famille, notamment les problèmes relatifs aux enfants (la prise en charge des enfants ou l’enlèvement d’enfants), les problèmes financiers et ceux qui découlent d’une dette à la consommation, de l’emploi et de l’aide sociale[22].

Une étude indique qu’environ 50 % des répondants en Ontario ont signalé au moins un problème justiciable (qui n’est pas nécessairement d’ordre familial ou lié à des problèmes juridiques familiaux), et le nombre moyen de problèmes signalés dans la province était d’un peu plus de trois[23]. L’étude a révélé qu’« il existe un lien entre le fait d’être un parent seul et des problèmes multiples. Les parents seuls constituent 6 % des répondants ayant signalé un seul problème, mais 22,1 % des répondants en ayant signalé plus de six[24]. »

Dans le cadre de son examen du régime d’aide juridique en Ontario, Michael Trebilcock mentionne le phénomène des problèmes en cascade et fait l’observation suivante :

Le premier problème peut être d’ordre juridique mais, faute d’intervenir rapidement, il peut en déclencher d’autres, juridiques ou pas, dont demandes accrues d’autres programmes de bien-être social, programmes de logements sociaux, programmes de santé physique ou mentale, etc. En fait, sur un plan financier général, une intervention rapide permet de réduire les coûts, car elle empêche cette cascade d’évènements. Plus important encore, il faut que les institutions réagissent de façon plus holiste et cohérente pour ne pas soumettre les personnes aux prises à une série de problèmes connexes à des processus d’aiguillage interminables dans des organismes particuliers (approche en silo) au lieu de répondre à leurs besoins particuliers. Ce renvoi constant d’un service à un autre mène souvent à une grande lassitude et, par conséquent, au non-règlement de beaucoup de problèmes[25].

En effet, un problème juridique peut être exacerbé par la présence d’autres difficultés. Nos recommandations dans la seconde partie en ce qui a trait aux services complets ou encore aux centres multidisciplinaires et multifonctionnels reflètent la nécessité de tenir compte, au sein de notre système de justice familiale, de ces causes et conséquences multiples dès le début du processus.

De plus, il est possible qu’un des conjoints doive surmonter de plus grandes difficultés au moment de la séparation. Par exemple, les femmes subissent encore les effets économiques négatifs de l’échec du mariage de façon disproportionnée en raison des différences entre les hommes et les femmes au chapitre de leur participation sur le marché du travail et des soins aux membres de la famille, y compris après la séparation ou le divorce[26]. La dissolution d’un mariage ou d’une union de fait n’entraîne pas toujours la fin des problèmes. Bien souvent, les difficultés que doivent surmonter les conjoints sont toujours là, et il est d’autant plus important qu’elles soient abordées le plus tôt possible dans le processus. Le fait que la violence familiale ne cesse pas en même temps que l’union revêt une importance particulière. Entre 2000 et 2009, même si « la plupart des homicides entre conjoints ont été commis par un conjoint ou une conjointe actuel plutôt que par un ex-conjoint ou une ex-conjointe », environ un quart de ces homicides a eu lieu après la séparation et la victime était plus susceptible d’être une femme[27].

L’un des plus grands défis du système est le nombre de parties non représentées. Une étude menée par Julie Macfarlane sur les parties non représentées, toujours en cours, confirme que les utilisateurs du système finissent généralement par se sentir [traduction] « dépassés et traumatisés »[28]. On estime que le nombre de parties à un litige familial qui sont non représentées (qu’elles aient choisi ou non cette situation) varie de 50 % à 80 %[29]. Même si plus de 50 % des participants à l’étude de Mme Macfarlane détenaient un diplôme universitaire, cela ne les a pas empêchés d’éprouver des difficultés à naviguer dans le système. Mme Macfarlane de dire : [traduction] « Il s’agit d’un système qui donnent l’impression aux gens intelligents qu’ils sont stupides », et de souligner que même les gens qui ont suivi une formation juridique sont incapables de naviguer adéquatement dans le système pour leur propre compte. En effet, les avocats qui se représentent eux-mêmes disent qu’ils n’en reviennent tout simplement pas de la manière négative dont ils sont traités. Bien que les travailleurs soient aussi utiles que possible, Mme Macfarlane décrit ses entrevues comme un [traduction] « récit truffé de lamentations et de malheurs ». Malgré le fait que les parties à un différend familial se font dire de « prendre un avocat », nombreuses sont celles qui n’en ont pas les moyens, sont trop « découragées » ou ne connaissent pas le travail des avocats. Il convient en particulier de préciser que les participants à l’étude de Mme Macfarlane ne souhaitaient pas parler de l’issue de leur litige, mais bien des difficultés liées au processus. Mme Macfarlane fait remarquer que ces utilisateurs non représentés du système de droit de la famille sont dans un état émotionnel difficile et ont besoin d’un contact humain pendant qu’ils naviguent dans le système. Les parties non représentées créent également des difficultés aux avocats qui représentent les autres parties, et ce, de différentes façons, comme de s’attendre à ce que l’avocat leur donne des conseils ou de faire subir leur colère à celui-ci. De plus, les clients des avocats peuvent ne pas comprendre pourquoi il peut coûter plus cher de se défendre contre des parties non représentées[30].

Il est primordial que les familles en crise aient accès à un système efficace pour résoudre leurs différends. Pourtant, à la fois les utilisateurs et les travailleurs du système de justice familiale y ont relevé bon nombre de difficultés, de défis et de frustrations malgré les réformes mises en place au fil des dernières années. Dans le cadre de notre projet sur le droit de la famille, nous ne tentons pas d’aborder les questions en suspens de l’ensemble du système de droit de la famille. Nous nous concentrons plutôt sur les points d’entrée du système avec la conviction que des points d’entrée efficaces où l’on retrouve des renseignements et une aide appropriés peuvent avoir un effet bénéfique sur l’interaction entre les parties à un conflit et les intervenants du reste du système. Nous intégrons aussi à la discussion la prise en compte plus globale de l’importance de la diversité et de la nécessité d’offrir des services intégrés au sein du système de justice familiale. Bien s’adapter à la nature pluraliste et changeante de la société ontarienne est conforme à la promotion d’une égalité réelle en Ontario. En intégrant les services, nous reconnaissons que les problèmes juridiques familiaux ne sont pas à l’abri des autres tensions et difficultés que les gens vivent, et qu’aborder les problèmes juridiques en fonction d’un contexte élargi permet de les régler de façon plus satisfaisante.

 

C.    Historique du projet

Le projet La loi et la famille a été conçu après de vastes consultations préliminaires. Même avant que la CDO ne commence ses activités, sa demande initiale de propositions a engendré diverses propositions en droit de la famille[31], et elle a reçu des propositions supplémentaires depuis. La CDO a entrepris une étude du partage des régimes de retraite à la rupture du mariage dans l’un de ses premiers projets en vue de déterminer « la » règle applicable au moment de l’évaluation des régimes[32]. Ses recommandations dans le rapport final ont été adoptées en grande partie par le gouvernement ontarien dans sa réforme du droit de la famille en 2009[33]. Étant donné le nombre imposant de propositions fort différentes en droit de la famille, nous avons tenu une table ronde sur le droit de la famille en septembre 2008 afin d’évaluer ce qui, selon les travailleurs du système du droit de la famille, constitue les questions les plus urgentes à régler. On retrouvait parmi les participants des travailleurs de cliniques, des avocats du secteur privé, des universitaires et des représentants d’organismes communautaires, le gouvernement de l’Ontario ainsi que la magistrature. Nous avons par la suite publié un document énonçant deux options pour un projet de droit de la famille, soit l’un sur la procédure et l’autre sur la résidence matrimoniale[34]. Bien que les deux projets potentiels aient reçu des appuis, nous avons déterminé que, dans l’ensemble, nous pouvions contribuer plus efficacement au domaine en élaborant un projet lié au processus. Par conséquent, en avril 2009, le Conseil des gouverneurs a approuvé un projet d’analyse des points d’entrée, officiels ou non, du système de droit de la famille. En septembre 2009, nous avons publié un document de consultation[35]. À la suite des consultations, nous avons publié les résultats; le présent document ne vise pas l’analyse des résultats, mais simplement leur déclaration[36]. Dans l’élaboration des critères de référence figurant dans le présent rapport final, nous avons tenu compte de ces résultats. Nous avons aussi pris en compte les réformes entreprises depuis que les consultations ont eu lieu, les commentaires des utilisateurs et des travailleurs, la recherche documentaire, les recherches commandées[37] et les autres commentaires reçus jusqu’à l’approbation du présent rapport pour orienter notre analyse et nos recommandations.

Le projet a bénéficié considérablement des observations du Groupe consultatif du projet ad hoc qui était composé d’universitaires, d’avocats du secteur privé, de représentants gouvernementaux, de juges et de travailleurs des cliniques juridiques et des organismes communautaires (voir la page iv du présent rapport pour la liste complète des membres).

 

D.   Centre d’intérêt du projet : points d’entrée au système

Comme nous l’avons mentionné, notre projet s’est concentré sur des « points d’entrée » au système de droit de la famille. Comment les gens entrent-ils dans le système? De quoi ont-ils besoin pour que cette navigation soit simplifiée au début du processus? Nous n’abordons pas les étapes ultérieures du processus ni le droit substantiel de la famille. Les « points d’entrée » constituent la première démarche qu’une personne peut entamer à l’extérieur de sa famille immédiate afin de régler un différend familial. Certains de ces points d’entrée ne sont pas associés au système de justice officiel (un médecin ou un conseiller spirituel, par exemple), tandis que d’autres s’inscrivent dans le système officiel (ce que nous entendons par l’ensemble des services gouvernementaux, comme les Centres d’information sur le droit de la famille aux tribunaux de la famille, et les services privés rémunérés, comme les services d’un avocat ou d’un médiateur qui peuvent contribuer au règlement officiel d’un différend familial). Dans la prise en compte des points d’entrée, nous utilisons comme valeur prédominante l’inclusivité ou la reconnaissance des différentes expériences. Nous tenons aussi compte du fait que les personnes arrivent dans le système de justice familiale avec tous les autres problèmes desquels découle leur différend juridique familial ou qui ont aggravé celui-ci.

Les points d’entrée sont essentiels, puisque la manière dont on aborde les premières étapes d’un problème juridique familial détermine souvent la façon dont le différend sera réglé. Les points d’entrée peuvent contribuer de façon importante à informer les familles au sujet des options qui s’offrent à elles, à orienter celles-ci vers les services pertinents et à les conseiller sur la meilleure façon d’aborder les problèmes juridiques et les différends familiaux de sorte à considérer leur religion, leur culture, leur situation économique et tout autre facteur ou besoin. Une intervention rapide conduit souvent à un règlement avant même de devoir recourir au litige et aux tribunaux pour régler un problème juridique familial et, dans certains cas, elle peut entraîner un meilleur résultat pour la famille ainsi qu’une utilisation plus efficace des ressources publiques limitées. Nous reconnaissons néanmoins que les parties à un litige familial peuvent avoir besoin d’une aide que seuls les tribunaux peuvent offrir et que, dans ces cas-là, elles doivent pouvoir disposer du système judiciaire en temps opportun. Comme nous le mentionnons plus loin, il s’agissait là d’un des objectifs des réformes du gouvernement et des tribunaux eux-mêmes, à savoir libérer du temps au sein des tribunaux ainsi que des ressources afin de régler les affaires familiales très conflictuelles ou difficiles.

En raison de l’accent mis sur les points d’accès ou d’entrée, nous ne tenons pas compte des tribunaux, sauf pour expliquer brièvement le lien entre les points d’entrée aux tribunaux et pour décrire les réformes qui ont eu lieu en ce qui concerne les processus des tribunaux. Ces réformes ont été mises au point non seulement pour rendre les tribunaux plus accessibles aux parties à un litige familial, mais également pour aider celles-ci à régler leurs différends plus tôt dans le processus. De plus, nous abordons uniquement les méthodes d’entrée dans le système applicables aux parties à un différend familial qui veulent se séparer ou divorcer. À titre d’exemple, nous n’examinons pas les procédures ou les questions relatives à la protection de la jeunesse qui découlent du fait qu’un conjoint ou qu’un parent a été accusé d’une infraction criminelle en lien avec l’autre conjoint ou des enfants.

Nous n’abordons pas non plus les situations où l’État contraint une personne à entrer dans le système. Par exemple, Ontario au travail[38] et le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées[39] peuvent exiger des parents ayant la garde d’obtenir l’aide de l’autre parent. Ces interventions de l’État peuvent exercer une pression supplémentaire sur le système de justice familiale, tout particulièrement lors de situations conflictuelles. Bien que cet aspect des points d’entrée puisse nécessiter des recherches supplémentaires, nous ne l’avons pas inclus dans le cadre de notre recherche et de nos consultations, et nous ne l’abordons pas dans le présent rapport. Nous n’abordons pas non plus en détail les enjeux associés aux enfants, bien que nous reconnaissions que ceux-ci sont extrêmement importants et qu’ils jouent un rôle actif aux points d’entrée au système[40]. Une définition adéquate des droits de l’enfant et de la manière de s’en prévaloir mérite de faire l’objet d’une étude distincte. Dans le cadre de ce rapport, nous abordons brièvement certaines des principales préoccupations liées aux renseignements offerts aux enfants qui se sentent souvent tenus à l’écart du processus du droit de la famille[41].

Parmi les réformes possibles que nous mentionnons, certaines s’inspirent d’activités existantes alors que d’autres examinent de nouvelles activités. Bien que certaines de nos suggestions reflètent les propositions d’autres intervenants, nous croyons qu’il est important d’appuyer ces initiatives si elles n’ont pas encore été mises en œuvre. Nous proposons également de nouvelles initiatives, tout en étant conscients que celles-ci dépendent de l’obtention du financement. Nous apportons des éléments complémentaires à ceux proposés antérieurement par d’autres intervenants ou à des initiatives déjà mises en place notamment par le gouvernement, Aide juridique Ontario et le Barreau du Haut-Canada. À cet égard, la réponse du ministère du Procureur général au rapport préliminaire nous encourageait [traduction] « à prendre en considération les propositions qui maximisent l’infrastructure existante et l’utilisation de la technologie dans la plus grande mesure du possible[42] ».

 

II.          La création de critères de référence

Nous avons créé des « critères de référence » auxquels doivent répondre les services offerts aux points d’entrée du système de droit de la famille afin d’être efficaces. Nous évaluons brièvement le système par rapport aux critères de référence et montrons en quoi les changements, qu’ils soient à court terme ou à long terme, pourraient satisfaire aux critères plus efficacement. Bien qu’il soit possible d’apporter des changements plus immédiats séparément et de façon utile, ceux-ci ont été élaborés en vue de définir une approche cohérente à long terme pour réformer considérablement les points d’entrée et en arriver à une nouvelle conception de la manière dont les membres d’une famille qui cherchent à obtenir une aide juridique entreraient dans le système. Les critères de référence concordent avec les mesures que la plupart des gens sont susceptibles de prendre pour régler leur différend familial[43]. Ils reflètent les caractéristiques du système qui sont nécessaires pour tenir compte des différences entre les familles et leurs membres, de même que les qualités nécessaires pour parvenir à un règlement pratique de leurs différends, comme l’accès à une aide personnelle abordable et efficace.

Un point d’entrée efficace dans le système de droit de la famille répond aux critères de référence suivants :

  • il fournit aux gens des renseignements de base accessibles au quotidien, y compris des renseignements sur les prochaines étapes à suivre éventuellement en vue de régler leur différend;
  • dans la mesure où ces renseignements sont fournis en ligne, il communique ces renseignements par le truchement d’un « point central d’information »;
  • il fournit des renseignements écrits accessibles aux personnes qui n’ont pas un accès convenable à Internet;
  • il fournit de l’aide aux gens susceptibles d’avoir de la difficulté à accéder aux renseignements, à les lire, à les comprendre ou à les utiliser;
  • il aide les gens à déterminer rapidement et efficacement la nature de leurs problèmes familiaux, notamment à déterminer si le différend en question est « effectivement » un différend juridique;
  • il aide les gens à trouver une façon de résoudre leur problème qui soit aussi simple et rapide que possible, tout en évitant autant que possible les chevauchements ou le double emploi des institutions ou des personnes avec qui ces gens doivent traiter; et il facilite la communication et la collaboration entre les différents intervenants du système (cela concerne un système de « tri » qui permet d’affecter des ressources en fonction des priorités);
  • il permet de tenir compte de divers niveaux d’études ou de littératie; de l’existence de violences familiales; et de facteurs comme les normes culturelles, le statut d’autochtone, le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge, la langue, l’incapacité, l’emplacement géographique et d’autres caractéristiques majeures;
  • il élabore des politiques et des programmes en collaboration avec les collectivités touchées;
  • il tient compte de la capacité financière des gens tout en assurant la qualité de la prestation des services;
  • il prend en considération et règle les nombreux problèmes qui sont liés à des problèmes familiaux, comme les problèmes d’ordre financier ou de santé mentale qui peuvent occasionner des problèmes familiaux ou qui risquent de les aggraver;
  • il fait appel à un processus « uniforme » des premières étapes jusqu’au règlement final;
  • il repose sur un modèle durable[44].

III.          La structure du rapport

Pour faciliter la compréhension, le présent rapport comprend deux parties ainsi qu’une introduction commune.

Dans la première partie, nous établissons le contexte. Entre autres, nous évaluons les points forts et les points faibles du système actuel dans l’optique de l’« accès à la justice », en particulier la question de savoir si, et de quelle façon, le système aborde la difficulté que représente la diversité, facilite l’accès rapide et efficace à l’information et répond à la hausse constante des coûts des services juridiques ainsi qu’aux interrelations entre les problèmes juridiques et les autres problèmes des personnes qui vivent un éclatement familial potentiel. Dans la seconde partie, nous proposons des moyens d’améliorer les points d’entrée actuels afin de faciliter l’accès aux services de justice familiale par un plus grand nombre d’Ontariens, plus particulièrement la prestation de renseignements, les conseils juridiques et l’aide juridique. Les changements proposés dans la présente sont nécessaires pour la mise en place de la prestation générale des services (« centres » multidisciplinaires et multifonctionnels) que nous recommandons à la fin de la seconde partie. Dans le quatrième chapitre de la seconde partie, nous utilisons le terme « centres » en faisant référence à une manière de concevoir la prestation des services et pas nécessairement « aux briques et au mortier ».

Les changements apportés au système depuis que nous avons commencé ce projet revêtent une importance toute particulière. Nous avons pris soin de nous assurer que nous mettions l’accent sur des aspects complémentaires à ces réformes et que nos suggestions de changement et nos recommandations précises répondent aux lacunes qui existent toujours dans le système et qui n’ont pas été visées par la plupart des réformes.

Les modifications au rapport entre sa version préliminaire et sa version finale (à la fois en ce qui concerne la forme et le contenu) tiennent compte des présentations reçues en réponse au rapport préliminaire ainsi que des recherches approfondies et d’autres consultations réalisées auprès des intervenants. Le 28 février 2013, le Conseil a approuvé le rapport final, et ce dernier a été largement diffusé en plus d’être publié sur le site Web[45] de la CDO.

 

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