L’accès à la justice a été défini simplement comme l’accès aux avocats et aux tribunaux, ou de façon plus complexe, comme [traduction] « un droit égal de participer à toute institution au sein de laquelle le droit est discuté, créé, trouvé, organisé, administré, interprété ou appliqué[46] ». D’une façon générale, il a été décrit comme [traduction] « une partie intégrante de la primauté du droit dans les démocraties constitutionnelles[47] ». Ces définitions ont beau être très valables, elles ne permettent pas de déterminer le contenu de l’accès à la justice. Ainsi, « augmenter l’accès à la justice » pourrait signifier qu’il faut assurer l’accessibilité physique au palais de justice, simplifier les règles de procédure, rédiger les lois en langage simple, expliquer la signification d’une loi sur Internet, prendre des dispositions relatives à la traduction, rendre possible le règlement des conflits autrement que par l’intermédiaire des tribunaux, fournir de l’aide juridique ou mettre en place d’autres moyens similaires visant à éliminer toutes sortes d’obstacles. Or, plus globalement, la notion d’accès à la justice va au-delà du système juridique et inclut les mesures pour évaluer les façons dont le droit entrave ou favorise la justice sociale ou économique, par exemple, en reconnaissant les relations entre ces systèmes, ainsi que pour réagir en conséquence. Bref, l’accès à la justice peut comprendre des mesures visant à rectifier des injustices majeures dans l’ensemble de la société.

Il y a eu de nombreuses initiatives d’« accès à la justice » au Canada au cours des dix dernières années, plusieurs mettant l’accent sur le système juridique familial, dont certaines mises en œuvre par les universitaires et les tribunaux, entre autres. Par exemple, il y a plusieurs années, dans le cadre de son Middle Income Access to Civil Justice Initiative, la Faculté de droit de l’Université de Toronto a indiqué que [traduction] « l’accès à la justice civile pour le Canadien moyen constitue l’un des plus importants défis actuels des juristes » et que [traduction] « un nombre saisissant d’Ontariens tentent de se frayer un chemin à travers le complexe système de justice sans représentation juridique adéquate, voire sans être représenté du tout[48] ». Le colloque sur l’initiative, qui a eu lieu en février 2011, a conduit à la rédaction d’un livre concernant l’absence de justice et d’approches visant à accroître la justice au sein du droit familial, du droit de la consommation et du droit du travail[49]. Le Conseil canadien de la magistrature, l’Association du Barreau canadien, la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, le ministère de la Justice et d’autres font partie du Comité d’action sur l’accès à la justice en matière civile et familiale, présidé par le juge Thomas Cromwell de la Cour suprême du Canada[50]. Selon le site Web du Conseil canadien de la magistrature, le Comité d’action « s’applique surtout à promouvoir l’engagement, à suivre une démarche stratégique en matière de réforme et à coordonner les efforts de tous les intervenants qui s’intéressent à la justice civile[51] ».

Ce rapport final du projet de justice familiale de la CDO a mis l’accent sur l’accès à la justice en ce qui a trait à la disponibilité de renseignements suffisants et de l’aide nécessaire afin que les membres de la famille vivant un conflit familial puissent décider s’ils souhaitent, ou non, être pris en charge par le système juridique familial et, dans l’affirmative, prendre les mesures subséquentes à cette fin. Bien qu’il s’agisse, dans un sens, d’une interprétation de la procédure de l’accès à la justice, elle est liée à la justice fondamentale par l’application des droits, ce qui nécessite des points d’entrée efficaces. Elle est également liée à une interprétation plus large de l’accès à la justice du fait qu’elle repose sur la notion selon laquelle le système juridique et d’autres aspects de la société, comme l’augmentation du pluralisme de la société ontarienne et la nature interdisciplinaire des conflits familiaux, s’influencent mutuellement. L’accès à la justice est lié à la promotion de l’égalité réelle. Comme nous l’avons souligné dans le rapport final de notre projet sur les personnes âgées :

Pour entamer une démarche de promotion d’une égalité réelle pour les personnes âgées dans le domaine du droit, il faut d’abord reconnaître que ces dernières forment un groupe dont les besoins et les expériences peuvent différer, sur certains aspects, de ceux des membres des générations plus jeunes, que ce soit en raison de leurs parcours de vie, des structures sociales ou de la marginalisation et des stéréotypes dont elles sont victimes, et tenir compte des besoins et des réalités qui leur sont propres dans l’élaboration des lois, des politiques et des programmes[52].

Ce principe s’applique à d’autres formes de diversité, par exemple l’identité ethnoraciale, le statut d’Autochtone, le sexe, l’orientation sexuelle, l’incapacité, le statut économique et le lieu de résidence, entre autres, lorsque ces différences ont une incidence sur la capacité des personnes à bénéficier du système et que la reconnaissance concorde avec l’engagement à l’égard de l’égalité. L’éclatement des familles peut avoir des conséquences en matière de justice économique, puisque les membres d’une famille éclatée subissent une diminution de leur soutien financier et doivent vivre séparément plutôt qu’ensemble, ainsi que sur le bon fonctionnement de la société, du fait que les enfants doivent faire face à cet important changement dans leur vie. Ces conséquences ne sont pas inévitables, et elles ne vont pas nécessairement de pair avec la dissolution d’un mariage ou d’une union de fait. Nous ne pouvons néanmoins pas prétendre que l’éclatement des familles ou le droit familial sont isolés et n’ont aucun lien avec d’autres ramifications personnelles ou sociétales ou avec d’autres secteurs du droit.

Autrement dit, nous sommes d’avis qu’un système de justice familiale accessible doit être abordable et qu’il doit être facile de s’y retrouver, mais nous croyons aussi que, pour assurer l’accès à la justice dans le domaine du droit de la famille, il faut s’attarder sur d’autres facteurs qui font obstacle à l’accès à la justice, à savoir l’incidence de l’éducation, de l’origine ethnique, de l’orientation sexuelle, de la capacité, du niveau de littératie, du lieu de résidence, du statut d’Autochtone, du sexe ou de l’identité sexuelle d’une personne et de la confluence de problèmes juridiques avec d’autres types de problèmes qui découlent de l’éclatement des familles.

 

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