A.    Introduction

La présente section dresse un aperçu du système de justice familiale et aborde les obstacles que doivent surmonter les personnes aux prises avec l’éclatement de leur famille lorsqu’elles tentent d’accéder aux services dont elles ont besoin. Nous avons essentiellement mis l’accent sur l’information concernant le système de droit de la famille, les outils d’autoapprentissage, les conseils juridiques et la représentation; le règlement des conflits familiaux en ayant recours aux tribunaux ou non; les services de consultation et autres services de soutien; et les services pour les enfants. Nous ne décrivons pas en détail le système dans son intégralité, mais plutôt de façon générale, de manière à illustrer les liens entre les points d’entrée et le reste du système. Nous établissons des liens (encore là, de façon générale) entre certains aspects du système et les critères de référence mentionnés dans l’Introduction à la première et à la seconde parties du présent rapport (voir p. ?). Cette description correspond aux réformes apportées au système depuis 2010, plus particulièrement celles associées aux piliers de la réforme mise en œuvre par le ministère du Procureur général entre 2009 et 2011 :

  • Pilier 1 : prodiguer de l’information dès le départ aux conjoints qui se séparent et aux enfants;
  • Pilier 2 : offrir des occasions de délimiter les problèmes et d’orienter les parties vers des services appropriés et proportionnels;
  • Pilier 3 : faciliter l’augmentation de l’accès à des renseignements et à des conseils juridiques et à des méthodes de règlement extrajudiciaire des différends;
  • Pilier 4 : élaborer une procédure de la cour de la famille rationalisée et simplifiée[53].

La description suivante du système de droit de la famille suit la voie « habituelle » de la personne qui veut que son problème familial soit réglé par le système juridique : les tentatives d’obtenir des renseignements de base et ensuite plus poussés, les efforts d’autoassistance ou la demande d’aide d’experts juridiques ou autres, les tentatives de régler le ou les différends sans se présenter devant le tribunal et, dans certains cas, le recours au tribunal pour obtenir un règlement définitif de l’ensemble ou d’une partie du litige. Cette façon de décrire le système est quelque peu théorique, puisque les gens recherchent vraisemblablement de l’information à toutes les étapes, peuvent éviter les formes extrajudiciaires de règlement des différends et peuvent non seulement se présenter devant le tribunal, mais y retourner. De même, les parties non représentées sont plus susceptibles d’utiliser des outils d’autoassistance que celles qui ont la possibilité d’obtenir de l’aide juridique.

En outre, il est essentiel de comprendre que, comme l’ont démontré les consultations de la CDO dans le cadre du présent projet, la nature du problème ou le milieu dans lequel se retrouvent les gens peut influer sur la façon dont ils sont pris en charge par le système de justice familiale[54]. Si un couple veut sauver son mariage et considère que le problème est de nature spirituelle, il peut demander l’aide d’un conseiller religieux; l’importance des ressources financières d’une personne peut la décider à ignorer certaines méthodes d’obtenir de l’information en consultant directement un avocat au début de ses tentatives de règlement; une femme victime de violence familiale peut avoir recours à des services destinés aux femmes battues; une personne déprimée peut contacter une ligne d’écoute téléphonique; si la famille compte des enfants, les parents peuvent avoir accès à de l’information sur des services juridiques, de santé ou sociaux par l’intermédiaire de l’école de leur enfant, ou encore ce dernier pourrait s’adresser à un enseignant en qui il a confiance. Une personne fait ses « choix » en fonction de la mesure dans laquelle elle se sent isolée, de sa confiance envers le système juridique, du stade de sa relation ou du fait qu’elle se soit retrouvée dans le système juridique par l’intervention d’autrui, notamment l’assistant juridique de son partenaire ou de son enfant, par exemple.

Dans certains cas, ces conversations peuvent confirmer à une personne qu’elle est en mesure de surmonter ses difficultés par elle-même ou, au contraire, qu’elle a besoin d’aide informelle. Dans d’autres cas, toutefois, elles ne sont qu’une étape conduisant au contact avec le système juridique. C’est ainsi que les personnes entament leur périple dans le système. Cependant, nous devons nous souvenir de l’importance de ces premiers contacts et, dans la mesure du possible, maintenir les liens entre eux et le système officiel.

 

B.    Points d’entrée au système

1.     Information juridique et outils d’autoapprentissage

Comme nous l’avons déjà mentionné, il est très probable que les personnes vivant un conflit familial commencent à chercher de l’information en parlant avec des amis ou des membres de leur famille au sujet du différend. Elles pourraient également s’adresser à des conseillers de confiance, par exemple à un conseiller religieux; elles pourraient parler de leurs préoccupations à leur médecin; ou encore, elles pourraient demander l’aide d’une personne rencontrée lors d’une affaire juridique antérieure (par exemple, un interprète judiciaire[55]). Toutes ces personnes ne connaissent pas nécessairement le système juridique ni ne conseilleront à la personne de chercher des sources plus fiables. Certains conseillers professionnels peuvent aiguiller une personne vers une autre source d’information, qu’il s’agisse de documents écrits ou d’une rencontre. Par conséquent, il est important de fournir des renseignements là où les personnes recherchant de l’aide peuvent les voir (par exemple, lorsqu’elles songent à leurs problèmes familiaux, alors qu’elles font leur épicerie hebdomadaire), et de veiller à ce qu’ils soient faciles à comprendre ou à ce qu’une assistance connexe soit fournie.

Les personnes à la recherche de renseignements sur le système juridique constateront qu’il existe beaucoup de renseignements juridiques publics provenant de différentes sources pour aider les familles en crise. Il est possible d’obtenir ces renseignements en ligne, par écrit ou en personne, et leur niveau de détail varie. Même si plusieurs publications figurant sur les sites Web des gouvernements fédéral et ontarien n’ont pas été élaborées à l’intention des utilisateurs en ligne, des renseignements plus récents ont été expressément conçus aux fins d’un usage interactif sur Internet. Au début de 2011, la Commission du droit de l’Ontario a compté près de 700 pages de renseignements publics en Ontario, disponibles par l’intermédiaire de plus de dix sites Internet. Il est possible d’accéder à bon nombre de ces publications grâce à des liens affichés sur le site Web d’Éducation juridique communautaire Ontario (CLEO)[56].

Le site Web du ministère du Procureur général fonctionne, dans une certaine mesure, à titre de point central d’information sur le droit de la famille en Ontario et concerne essentiellement les tribunaux. En 2012, le Guide des procédures à la Cour de la famille du Ministère a été en grande partie révisé[57]. La publication en ligne du Ministère intitulée Ce que vous devez savoir sur le Droit de la famille en Ontario, disponible en plusieurs langues, explique le système en langage simple et emploie des exemples faciles à comprendre[58]. Il est possible de trouver rapidement de l’information sur des sujets particuliers. Par exemple, le site Web « Droit de la famille » du ministère du Procureur général fournit de l’information sur différents aspects du droit de la famille grâce à des questions et réponses, avec quelques liens menant à d’autres sites. En outre, certains documents fédéraux sont accessibles en ligne. L’initiative Soutien des familles[59] du ministère de la Justice contient de l’information à l’intention des parents et des enfants, tandis que le site Prestations du Canada comprend une section sur le divorce ou la séparation, de même qu’une trousse de demande[60].

En mars 2011, Aide juridique Ontario (AJO) a lancé son Programme d’information sur le droit de la famille (PIDF), dont il existe deux versions. Il est possible de participer à l’une d’elles plutôt qu’au Programme d’information obligatoire (voir ci-dessous), et elles sont disponibles par écrit ou en format audio[61]. Le programme est facile à parcourir et donne aux participants des options quant à la quantité de renseignements dont ils ont besoin.

Le portail d’information du Barreau du Haut-Canada, conçu en collaboration avec le ministère du Procureur général, Aide juridique Ontario et CLEO, est en service depuis le 12 juin 2012[62]. Il s’agit d’un effort louable qui exprime la volonté du Barreau d’aider les gens à accéder au système juridique. Ce portail a pour objet de fournir [traduction] « un accès en ligne facile à utiliser à des renseignements et à des conseils généraux à l’intention des parents et des enfants vivant un différend en droit de la famille[63] ». Cependant, une personne aux prises avec des problèmes familiaux qui effectue une recherche en ligne en utilisant des termes pertinents ne trouvera pas le portail (par contre, elle trouvera le site Web sur le droit de la famille du ministère du Procureur général). Le portail fournit de l’information et des liens vers des renseignements pour les parents et les enfants. Il s’avère particulièrement utile pour les personnes qui ont déjà eu des discussions sur certains points. Par exemple, un utilisateur cliquant sur « I’m separating or thinking of separating » sera aussitôt invité à indiquer si les parents s’entendent ou non sur ce qui arrivera aux enfants. Le portail concerne essentiellement l’utilisation des services juridiques et le fait de se présenter devant le tribunal, mais présente aussi d’autres renseignements, notamment sur la violence au foyer. Si un utilisateur effectue une recherche pour obtenir de l’aide juridique, il sera mené à un lien vers le site Web d’Aide juridique Ontario, tandis que s’il cherche un avocat, il accédera en un seul clic au site Web du Barreau et à de l’information pour trouver un avocat. Le programme est disponible uniquement en anglais.

CLEO[64] et Femmes ontariennes et droit de la famille (FODF)[65] diffusent des publications sur le droit de la famille en langage simple, en plusieurs langues et dans différents formats. En outre, ils fournissent des renseignements particuliers à l’intention des victimes de violence familiale ou en cas de violence envers les enfants. FODF présente de l’information conçue pour les femmes immigrantes, réfugiées et sans statut, les femmes autochtones ou francophones, les immigrantes qui font du travail ménager ou agissent en qualité de soignante, les Juives, les femmes musulmanes, les femmes de confessions chrétiennes et les femmes handicapées. Les brochures et les renseignements disponibles sur le site Web de FODF ainsi que certains des renseignements du CLEO sont disponibles en 14 et 8 langues, respectivement. CLEO a publié en anglais et en français de l’information sur plusieurs sujets du droit substantiel de la famille (en date de février 2012). CLEO nous a informés que plus de 2 000 organismes lui envoient chaque année des demandes concernant ses brochures sur le droit de la famille[66]. En 2011, CLEO a distribué plus de 130 000 brochures à de nombreux organismes communautaires, bureaux gouvernementaux, cliniques d’aide juridique, hôpitaux et médecins, fournisseurs de logement et établissements d’enseignement[67]. En plus de ces sources, bon nombre d’autres organisations, y compris des sociétés d’avocats, fournissent des renseignements sur le droit de la famille.

Bien que les renseignements écrits, audio ou autres de différentes sources puissent répondre aux besoins de certains groupes d’utilisateurs, ils font partie, lorsqu’ils sont présentés en ligne, d’un grand volume d’information auquel il peut être difficile d’accéder en l’absence d’un point d’entrée clair. L’examen de la CDO des différents sites Web présentant des renseignements sur le droit de la famille a révélé que ces derniers étaient souvent complexes et détaillés et utilisaient beaucoup, en fin de compte, le jargon juridique, ce qui serait peut-être inévitable. Cela a soulevé des préoccupations selon lesquelles une bonne partie des renseignements ne seraient pas « accessibles », ou compréhensibles, pour bon nombre de personnes cherchant de l’information durant les premiers stades d’un conflit familial.

Il est également possible d’obtenir des renseignements en personne, notamment par l’intermédiaire des Centres d’information sur le droit de la famille (CIDF)[68] et du Programme d’information obligatoire (PIO)[69], tous deux accessibles aux palais de justice. Il n’est pas nécessaire de remplir une demande relative à une question de droit de la famille pour y accéder. Les CIDF fournissent des dépliants sur la séparation, le divorce et la protection des enfants, ainsi que le Guide des procédures à la Cour de la famille du ministère du Procureur général et de l’information sur les services juridiques, le processus judiciaire et les formulaires judiciaires. Ils permettent en outre d’avoir un accès limité à un avocat-conseil de l’Aide juridique ainsi qu’à un coordonnateur des services d’information et d’orientation (CSIO), qui fourniront des renseignements sur les différentes formes de règlement des différends et sur les ressources pertinentes, et aiguilleront les personnes vers les services de médiation familiale des tribunaux. Jusqu’à l’automne 2011, des services de médiation et d’information étaient offerts à 17 palais de justice en Ontario; aujourd’hui, ils sont disponibles dans tous les tribunaux de la famille. Le gouvernement a conclu avec les fournisseurs de services des contrats prévoyant la prestation de ces services, et « la Direction des politiques et des programmes en matière de droit de la famille supervise les fournisseurs de service, offre du soutien stratégique et applique des mesures de responsabilité financière dans le cadre de ces contrats[70] ».

Une étude des CIDF de 2003 à 2006 a soulevé des préoccupations concernant un manque d’uniformité et, parfois, l’absence d’installations essentielles[71]. Ainsi, au moment de l’étude, les heures d’ouverture et les locaux différaient considérablement. La plupart des CIDF ne comprenaient aucun coin réservé aux enfants. Le personnel travaillait à temps partiel et la collaboration avec les organismes communautaires était restreinte. Il n’y avait pas toujours de terminaux d’ordinateur. Les travailleurs interrogés dans le cadre du rapport Mamo ont exprimé des doutes quant à l’efficacité des documents d’information disponibles aux CIDF. Même si la qualité des documents n’est pas remise en question et que certaines publications étaient prisées des utilisateurs, le rapport a conclu que [traduction] « l’utilité et l’efficacité potentielle des dépliants et des brochures devraient être examinées en fonction de leur coût de production afin de s’assurer que les ressources sont utilisées de façon efficace[72] ». Le rapport Mamo recommandait que les CIDF deviennent [traduction] « le principal point d’entrée dans le système », une recommandation qu’a adoptée le Procureur général lorsque les CIDF ont été étendus à l’ensemble des tribunaux[73].

Les consultations de la CDO en 2010 (avant que chaque palais de justice ne dispose d’un CIDF) ont démontré qu’il y avait toujours un manque d’uniformité des services fournis par les CIDF et que les expériences des utilisateurs étaient partagées[74]. Ainsi, un CIDF comprenait un travailleur social sur place, un vaste réseau d’organismes communautaires vers lesquels les utilisateurs pouvaient être aiguillés, un mécanisme de contrôle de la qualité et la capacité d’aider environ 48 utilisateurs par jour. D’un autre côté, certains CIDF étaient ouverts pendant un nombre très restreint d’heures et n’étaient aucunement liés aux autres services juridiques pertinents. Il a été mentionné qu’un CIDF mettait davantage l’accent sur le processus judiciaire que sur les procédures de collaboration[75]. La capacité des employés des CIDF à s’exprimer en français variait également[76]. Aujourd’hui, l’ensemble des CIDF compte des avocats-conseils, avec lesquels toute personne admissible peut discuter pendant 20 minutes, ainsi que des CSO, bien qu’ils ne travaillent pas nécessairement à temps plein dans les centres de moindre importance[77].

En 2010, Brenda Jacobs et Lesley Jacobs ont pris note des préoccupations des professionnels, selon lesquelles les CIDF mettaient certains utilisateurs mal à l’aise. En outre, des professionnels ont également soutenu que l’aiguillage de clients vers un CIDF faisait partie d’une approche accusatoire, tandis que d’autres n’étaient pas convaincus de l’utilité des services fournis par ces centres par rapport aux besoins particuliers de leur clientèle[78]. Dans les plus petites villes, les gens ont mentionné qu’ils éprouvaient de l’anxiété en raison de la visibilité publique d’une visite au palais de justice, où sont situés les CIDF[79]. Les répondants aux consultations de la CDO ont soulevé des préoccupations similaires relativement à la vie privée lorsqu’ils se rendent à des CIDF[80].

Bien que ces études aient été effectuées avant les réformes de 2010-2011 ou peu de temps après, bon nombre de préoccupations formulées n’avaient aucun lien avec le nombre de CIDF ou leur présence dans seulement certains palais de justice, comme c’était le cas précédemment. Par conséquent, on ne sait pas si toutes ces préoccupations sont toujours applicables. L’obtention de renseignements sur les CIDF n’est pas nécessairement aisée. Un utilisateur qui clique sur la liste figurant sur le site Web du ministère du Procureur général dans le but d’obtenir de l’information sur les CIDF atteindra une liste de collectivités; le nom des services de médiation et le numéro de téléphone du CIDF apparaissent lorsque l’utilisateur clique sur l’une de ces collectivités[81]. Cependant, il existe une autre liste des CIDF avec les adresses et les numéros de téléphone[82]. Il est également possible d’obtenir de plus amples renseignements sur les CIDF et sur les services qu’ils proposent à condition que l’utilisateur précise un CIDF en particulier[83].

La Cour supérieure de justice de Toronto exige que toutes les parties à un litige assistent à une séance du PIO avant que l’affaire soit soumise à un juge. Ces séances sont animées par des avocats bénévoles ainsi que par des experts non juridiques qui lisent un texte normalisé, mais apparemment sans répondre aux questions posées. Depuis septembre 2011, le PIO a été étendu à l’ensemble de la province. Il est possible d’assister à une séance en ligne[84] ou sans présenter une demande à cet effet[85]. Dans la plupart des centres, les séances ne sont pas offertes après 17 h 30, tandis qu’à Toronto, elles ont lieu durant la soirée. Bien qu’il n’existe actuellement que la version anglaise et française du texte, la traduction dans d’autres langues est prévue. L’honorable juge en chef de la Cour supérieure de justice Heather F. Smith nous a indiqué dans sa réponse au rapport préliminaire que, depuis le printemps 2011, 20 000 personnes de plus avaient profité de l’élargissement du PIO; ce nombre serait encore plus élevé depuis. De surcroît, [traduction] « le taux de satisfaction de la clientèle envers ces programmes a atteint 75 %, ce qui est remarquable, » et [traduction] « le taux des règlements par médiation atteint un taux exceptionnel de 80 % ».

Le PIO fournit des renseignements complets sur le système et, surtout, sur les moyens de résoudre les conflits familiaux autrement que par l’intermédiaire des tribunaux, ainsi que des façons d’aborder d’autres problèmes familiaux. L’emplacement du PIO dans les palais de justice fait en sorte que les parties à un litige peuvent trouver facilement les services, comme les services judiciaires de médiation. Dans sa réponse au rapport préliminaire de la CDO, le ministère du Procureur général a expliqué que le PIO offert dans les tribunaux [traduction] « constitue le véhicule utilisé par le Ministère pour s’assurer que les parties prises en charge par le système juridique obtiennent des renseignements de base à propos de leurs droits, de leurs responsabilités et des possibilités de règlement ». Le fait de présenter des renseignements de base constitue un avantage, mais peut ne pas convenir à tout le monde. Ainsi, nous avons appris que les clients ayant un seul problème sont d’avis que le cours magistral de trois heures ne répond pas à leurs besoins particuliers[86]. Un avocat a laissé entendre, dans le cadre d’une soumission personnelle à la CDO, que le PIO pourrait être utile aux parties non représentées, mais pas à celles représentées par un avocat qui leur expliquera les procédures fondamentales[87].

Malgré l’abondance de renseignements disponibles, leur pertinence varie d’une personne à une autre. Par exemple, d’après l’étude menée par Rachel Birnbaum et Nicholas Bala en 2011-2012 sur les expériences des parties à un litige avec le système de droit de la famille, environ 45 % des répondants se sont servis du site Web du ministère du Procureur général, que 24 % ont jugé « très utile », tandis que 73 % l’ont trouvé « quelque peu utile »[88]. Un répondant a indiqué : [traduction] « Grâce à tous les renseignements qui se trouvent en ligne et à la possibilité de parler à quelqu’un au palais de justice afin de comprendre comment parcourir le système juridique, il est plus facile de régler des conflits sans avocat. » Un autre répondant a estimé quant à lui qu’il était [traduction] « difficile de trouver une réponse concrète à une question ». Un grand nombre de personnes parmi les 40 % de répondants qui ont utilisé les brochures et les dépliants disponibles au CIDF les ont trouvés utiles. Néanmoins, certains ont indiqué qu’ils avaient eu de la difficulté à les comprendre. Notamment, un répondant a expliqué [traduction] « que certains mots sont trop complexes, surtout pour des personnes aux prises avec une incapacité[89] ». Un « utilisateur » du système a répondu ceci dans le cadre du rapport préliminaire : [traduction] « Vous mentionnez de nombreuses ressources en ligne, mais certaines personnes n’ont pas accès à Internet, et les ressources auxquelles elles ont accès ne sont ni conviviales ni faciles à comprendre par les gens ordinaires sans formation juridique. »

Il a été établi dans À l’écoute de l’Ontario que la plupart des répondants ignorent la présence de ressources publiques en ligne[90]. Seule une personne sondée sur huit avait entendu parler de l’un ou l’autre des sites gouvernementaux mentionnés. Nous avons également constaté, dans le cadre de nos consultations, que de nombreuses personnes ignoraient l’existence des différentes sources de renseignements. Avant mars 2011, moment du lancement du CIDF d’Aide juridique Ontario, seul un nombre très restreint d’utilisateurs avaient accédé aux renseignements écrits fournis ou financés par le gouvernement ou par Aide juridique Ontario. Lors des consultations de la CDO, il a tout de même été mentionné que les sites Web des gouvernements fédéral et provincial demeuraient les sources de renseignements les mieux connues. Les utilisateurs ont recommandé que les pages Web soient plus sobres et mettent mieux en évidence les liens correspondant aux besoins des personnes qui les consultent, ce qui pourrait laisser entendre que l’information ne répondait pas aux besoins des utilisateurs à cet égard[91].

Les défis liés à la prestation de renseignements publics en ligne en Ontario n’ont rien d’exceptionnel. Le rapport de 2012 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), The Future of the Family to 2030, décrit l’échec du gouvernement électronique envers les familles : [traduction] « La plupart des sites Web du gouvernement électronique contiennent beaucoup de renseignements en ligne, la “vitrine”, peut-être même trop[92]. »

Les personnes qui utilisent l’information, peu importe comment elles l’ont obtenue, doivent être capables de la lire, de la comprendre et de l’appliquer à leur propre situation. Ces tâches exigent un niveau de littératie de plus en plus élevé. Or, une minorité non négligeable de personnes ne possède pas le niveau de littératie requis pour comprendre l’information, d’autant plus qu’elle devient rapidement complexe ou peut comprendre l’emploi du jargon juridique. Une étude sur la littératie[93] révèle que le niveau de compréhension de textes suivis se situe au niveau 1 (le plus bas) pour environ 20 % et au niveau 2 pour approximativement 25 % des Ontariens[94]. L’application de l’information exige une compréhension de niveau 3 au minimum, selon le contexte de l’information. Les résultats concernant la compréhension de textes schématiques sont similaires[95]. Le niveau de compréhension de textes suivis est sensiblement plus élevé chez les femmes, tandis que les hommes ont tendance à mieux comprendre les textes schématiques[96]. Comme nous le verrons en détail ci-après, certains groupes éprouvent davantage de difficulté à comprendre l’information.

Même les gens qui n’ont pas à surmonter de difficultés en matière de littératie ne comprennent pas aisément les renseignements de nature juridique. Nombreux sont ceux pour qui les efforts déployés pour explorer le système les mèneront en territoire étranger : le système et le jargon juridiques leur sont peu familiers; ils peuvent tenir pour acquis qu’ils doivent retenir les services d’un avocat et s’inquiéter du fait qu’ils n’en ont pas les moyens; ils peuvent craindre la façon dont leur conjoint réagira à leurs efforts pour régler leurs problèmes en se tournant vers une ressource externe; ils peuvent être déchirés par un conflit entre leurs besoins et ceux de leurs enfants. Bref, ils ont besoin de renseignements leur expliquant chaque étape individuellement, auxquels ils peuvent se fier et qu’ils peuvent comprendre et utiliser.

En raison de ces difficultés, bien des gens préfèrent parler avec quelqu’un afin d’obtenir de l’information et de pouvoir la mettre en corrélation avec leur propre situation. Le PIO fournit des renseignements de base, mais ne rend pas possible cette approche individuelle. D’autres personnes hésitent à se rendre à un palais de justice. Certaines personnes peuvent préférer, au moins au début du processus, s’adresser à des membres de leur propre collectivité qui travaillent ou agissent à titre de bénévoles pour des organismes communautaires, des bureaux de conseil de bande ou des refuges. Ces travailleurs ou bénévoles peuvent être qualifiés de « travailleurs de transition » ou d’« intermédiaires de confiance ». Pour les personnes qui éprouvent des problèmes de littératie ou qui ne sont pas habituées à prendre part à un processus juridique, ces intermédiaires de confiance « traduisent » souvent en langage simple les renseignements publics en ligne et écrits disponibles. Les intermédiaires de confiance peuvent également les aider à déterminer ce dont elles ont besoin pour régler leur problème et à communiquer avec des spécialistes en mesure de leur fournir des renseignements et des conseils. Toutefois, l’apport de ces intermédiaires peut être limité par leur manque de formation et d’éducation en droit, ainsi que par le fait qu’ils n’ont pas accès à des conseils d’experts.

Bref, les premiers efforts visant à obtenir des renseignements peuvent se heurter à des obstacles de taille, notamment la langue, la littératie, l’accès à un ordinateur et le manque de familiarité avec le système dans son ensemble. Les renseignements en ligne ne sont pas passagers, et sont en fait de plus en plus utilisés du fait du manque de conseils juridiques abordables. La disponibilité de la prestation de renseignements en personne est limitée et exige souvent une visite à un palais de justice. Des efforts considérables ont été accomplis afin de fournir de l’information aux personnes vivant des conflits familiaux. À cette fin, différentes formules, y compris les renseignements écrits, ont été utilisées. À cet égard, les renseignements respectent les critères de référence. Pour beaucoup de gens, les renseignements de base ne remplissent pas ces critères : ils ne leur sont pas toujours facilement accessibles dans la vie de tous les jours; ils sont difficiles à comprendre – même lorsqu’ils semblent faciles au début, ils deviennent inévitablement plus difficiles à suivre et encore plus difficiles à appliquer à des situations particulières. Plus grave encore, à ce stade, l’assistance personnelle susceptible d’aider les gens à décider s’ils souhaitent être pris en charge par le système juridique est insuffisante. Nous nous penchons de façon plus approfondie sur la question ci-dessous lorsque nous abordons les conseils juridiques et la représentation.

Les préoccupations au sujet de l’application de l’information à une situation personnelle sont particulièrement pertinentes en ce qui a trait aux outils d’autoassistance. Ces derniers sont des programmes ou des systèmes conçus pour permettre aux gens de préparer des documents juridiques qui sont habituellement préparés par des avocats. Ils comprennent des formulaires judiciaires interactifs et des générateurs de documents fondés sur des entrevues.

Avant 2009, il n’existait en Ontario pratiquement aucun outil d’autoassistance en matière de droit de la famille. En mai 2010, le ministère du Procureur général a lancé un outil Web, l’Assistant aux formulaires de la Cour de l’Ontario, qui oriente les parties à un litige en leur posant une série de questions en langage simple, un peu comme un logiciel tel ImpôtRapide. Au moment de l’approbation du présent rapport, le 28 février 2013, le site avait reçu plus de 160 000 visiteurs, et environ 66 000 formulaires de droit de la famille avaient été remplis en tout ou partie au moyen de l’Assistant aux formulaires. L’outil comprend huit formulaires concernant le droit de la famille, y compris les formulaires de Requête, de Défense et d’État financier et l’Affidavit à l’appui d’une demande de garde ou de droit de visite, entre autres[97]. L’augmentation de la disponibilité des outils d’autoassistance correspond à l’hypothèse selon laquelle de nombreuses personnes trouveront elles-mêmes leur chemin dans le système juridique familial.

Si l’affaire est relativement simple et que les personnes n’éprouvent aucune des difficultés susmentionnées, par exemple un faible niveau de littératie, une méconnaissance de l’informatique, un problème de langue ou simplement un manque d’expérience avec le système juridique, ces outils peuvent être pertinents. Ils peuvent, dans une telle situation, respecter le critère de référence qui consiste à passer à l’étape suivante de la résolution du problème. Cependant, il se peut que d’autres personnes aient besoin d’aide pour remplir les formulaires et en comprendre la pertinence dans le contexte du système dans son ensemble.

 

2.     Représentation et conseils juridiques

Les besoins en matière d’information changent au fur et à mesure que les personnes parcourent le système. Même si l’information de base qu’elles reçoivent dans un premier temps leur permet de faire des choix pour résoudre leurs problèmes, elles auront ensuite besoin de renseignements plus approfondis sur la façon d’explorer l’option retenue. À ce stade, l’information sera plus complexe et ne pourra probablement être interprétée qu’avec l’aide d’un professionnel qualifié. Avant, il s’agissait normalement d’une représentation juridique. Aujourd’hui, la représentation juridique se limite essentiellement aux personnes ayant un revenu relativement élevé ou très pauvres, tandis qu’une représentation juridique complète n’est possible que si une personne a des ressources discrétionnaires considérables. Cependant, le système repose toujours, en grande partie, sur la nécessité d’avoir un avocat. Il n’est pas surprenant que la plupart des sites d’information recommandent de demander conseil à un avocat.

L’absence de services juridiques abordables constitue un important facteur pour le nombre croissant de parties non représentées, comme nous l’avons vu précédemment. On estime que, dans des affaires de justice familiale, entre 50 et 70 % des parties ne sont pas représentées[98].

Il émerge des recherches et des sondages effectués en Ontario et dans des administrations analogues un portrait général des parties non représentées qui, malgré le fait qu’elles ont souvent fait des études supérieures, ont [traduction] « grand besoin de conseils en matière de procédure[99] ». De tels conseils et un soutien à cet égard peuvent inclure de l’information à propos des formulaires et des procédures judiciaires et des règles de la preuve. Or, la recherche démontre que les personnes vulnérables du fait de leurs multiples problèmes savent rarement où trouver conseil et qu’elles ont besoin d’aide aux points d’entrée du système de justice civile.

Selon le sondage effectué en 2005 par Anne-Marie Langan auprès de 35 utilisateurs non représentés à la Cour de la famille de Kingston, les utilisateurs estiment que les mesures suivantes causaient le plus de problèmes : « remplir les formulaires » (60 %), « connaître mes garanties juridiques » (57 %) et « négocier avec des avocats et parler à des avocats » (37 %)[100]. Soixante‐cinq pour cent des utilisateurs estimaient qu’il fallait plus de temps pour régler une affaire lorsqu’une partie était autoreprésentée. Dans 57 % des affaires, les parties autoreprésentées n’ont pas pu parvenir à un règlement[101]. Nous ignorons si les parties représentées par un avocat seraient plus enclines à régler l’affaire, quoiqu’il y ait des indications que tel serait effectivement le cas[102]. L’Ontario Association of Interval and Transition Houses (OAITH), dans sa réponse à notre rapport préliminaire, signale que des hommes qui sont accusés de violence et qui ne sont pas représentés peuvent utiliser ou tenter d’utiliser les procédures [traduction] « afin d’intimider et de harceler leurs anciennes conjointes », et indique que [traduction] « les tribunaux doivent ouvrir l’œil, et intervenir » lorsque de telles situations se produisent. Ce point est tout aussi valide durant les premières étapes du processus, sur lesquelles nous avons mis l’accent.

L’Étude sur les expériences des femmes victimes de violence ayant recours au tribunal de la famille dans huit régions de l’Ontario, menée en 2008 et commandée par Luke’s Place, indiquait que parmi les femmes recensées, 48 % estimaient qu’il n’y avait pas suffisamment de ressources et de services de soutien dans le système de justice familiale, quoique le sondage précisait qu’elles étaient très satisfaites des services auxquels elles avaient eu accès. Ces femmes ont éprouvé de la difficulté à remplir les documents, à comprendre la procédure ainsi que les réponses du tribunal et du personnel, à déterminer les éléments de preuve à présenter, à savoir comment se comporter à la cour et à interagir avec leur ancien conjoint ou son avocat[103]. Les agents de soutien dans le contexte de la cour de la famille (sur lesquels nous nous penchons ultérieurement) et l’élargissement des CIDF ont pu régler certaines de ces préoccupations.

L’étude menée par Rachel Birnbaum et Nicholas Bala sur les attitudes des avocats envers les parties non représentées a révélé que, selon les avocats qui y ont répondu, il n’est pas rare que les parties non représentées s’adressent à l’avocat de la partie adverse afin d’obtenir de l’information et des conseils[104]. Les avocats ont également dit des parties non représentées qu’elles [traduction] « n’ont aucune idée des éléments de preuve susceptibles de les aider ». Ils ont ajouté qu’il est plus difficile de parvenir à un règlement extrajudiciaire des différends familiaux lorsque l’une des parties n’est pas représentée, étant donné que, selon eux, celles-ci ont souvent des attentes irréalistes.

Dans leur étude sur les parties à un litige, Rachel Birnbaum et Nicholas Bala se sont penchés sur les expériences et les perceptions des parties représentées et non représentées. Voici leur conclusion :

[Traduction]
Le principal motif expliquant l’absence de représentation est l’incapacité des parties à un litige familial de payer un avocat et l’inadmissibilité à l’aide juridique. Bon nombre de personnes non représentées obtiennent l’aide d’un éventail croissant de services gouvernementaux, et certaines se sentent raisonnablement à l’aise pour entrer dans le système de justice familiale sans retenir les services d’un avocat. Dans le cas d’une affaire à faible niveau de conflit, si la personne a une éducation et un niveau de littératie appropriés et une situation financière relativement simple, l’absence de représentation peut ne pas constituer un problème important, du moins en ce qui concerne les parties au litige. Compte tenu du coût des services juridiques et de la disponibilité de services « gratuits » ou subventionnés par le gouvernement, pour certaines personnes, la décision de ne pas engager un avocat afin de régler des questions d’ordre familial peut bien être rationnelle (même si ces plaideurs imposent des coûts au système judiciaire et au gouvernement et, souvent, à l’autre partie). Cependant, dans un nombre considérable de cas, des parties à un litige familial autoreprésentées n’ont pas les moyens d’engager un avocat, alors qu’il existe de graves préoccupations quant à l’incidence de l’absence de représentation sur les parties et leurs enfants. Nos résultats préliminaires indiquent que pour environ la moitié des parties non représentées, la principale raison pour laquelle elles n’avaient pas d’avocat est qu’elles n’en avaient pas les moyens et n’étaient pas admissibles à l’aide juridique. Bon nombre des personnes sans avocat s’attendent à un résultat moins favorable et à une protection moins efficace du fait qu’elles ne sont pas représentées[105].

Plusieurs études récentes se sont penchées sur le phénomène des personnes non représentées. Addressing the Needs of Self Represented Litigants in the Canadian Justice System classe les parties autoreprésentées en sept catégories de base :

[traduction]

  • le principal groupe de parties autoreprésentées, qui comprend les personnes ne disposant pas des ressources sociales nécessaires (faible revenu, niveau d’éducation ou de littératie peu élevé, etc.);
  • les parties autoreprésentées avec quelques ressources sociales (des personnes qui n’ont pas les moyens de payer un avocat, mais qui ont les ressources sociales et une éducation suffisantes pour chercher les services disponibles);
  • les parties autoreprésentées ayant des obstacles de nature sociale qui nuisent à leur accès à la justice (c’est-à-dire des personnes qui doivent surmonter des difficultés découlant de leurs différences physiques ou mentales ou des obstacles linguistiques et culturels, ou encore qui vivent dans des régions éloignées, etc.);
  • les parties autoreprésentées qui ne parviennent pas à trouver un avocat (il s’agit habituellement de personnes qui vivent dans des petites villes ou dans des régions éloignées);
  • les parties qui étaient représentées, mais qui ne le sont plus (normalement dans de longues affaires sans solution permanente);
  • les parties autoreprésentées dans les affaires où une représentation n’est pas nécessaire (par exemple, la cour des petites créances ou celle des infractions routières, etc.);
  • les parties qui pourraient être représentées par un avocat, mais qui préfèrent se représenter elles-mêmes (il s’agit souvent de personnes qui ont un niveau élevé d’éducation et qui ne font pas confiance aux professionnels juridiques). Les parties autoreprésentées dans cette catégorie constituent une minorité non négligeable[106].

Peu importe la raison pour laquelle une personne n’est pas représentée par un avocat, le phénomène des parties sans avocat est pénible pour le système juridique et les parties. Le système repose sur la présence d’avocats. L’absence de représentation menace le système juridique ainsi que le bien-être des familles de l’Ontario de plusieurs façons :

  • certains Ontariens pourraient ne pas être en mesure d’accéder du tout au système juridique, ce qui pourrait avoir de graves conséquences sur les parties et leurs enfants. Par exemple, l’une des parties pourrait ne pas se prévaloir de son droit d’obtenir le soutien financier de l’un des parents et se retrouver ainsi dans une situation financière moins enviable. Les sondages effectués en lien avec À l’écoute de l’Ontario ont révélé que les trois quarts des personnes qui ont signalé la présence de problèmes ont indiqué avoir subi au moins quelques bouleversements dans leur quotidien en raison de leurs problèmes juridiques. Un nombre élevé des personnes sondées a signalé avoir subi des séquelles liées au stress, des troubles de santé, la perte d’un emploi ou de revenus ou des disputes conjugales[107];
  • l’autoreprésentation est stressante et touchera en particulier les familles monoparentales, qui vivent déjà du stress sur les plans financier et personnel. Par exemple, selon une femme de Colombie-Britannique qui n’était pas représentée dans le cadre de son différend en droit de la famille :
    [traduction]
    Lorsque j’ai commencé à m’autoreprésenter, j’ai dû préparer mes propres documents juridiques[…] Je devais effectuer mes recherches et présenter moi-même les éléments de preuve[…] Cette affaire est devenue un véritable emploi à temps partiel[…] J’ai dû travailler à des heures tardives pour que mes enfants n’aient pas à s’inquiéter de ce qui se passait. En raison du temps que j’ai consacré à cette affaire, j’ai perdu mon emploi[…] parce que je n’avais plus le temps de travailler et de préparer mes comparutions en cours[108];
  • les parties autoreprésentées portent leur affaire devant les tribunaux puisqu’il s’agit de l’unique ressource qu’elles ne doivent pas payer de leur poche. Ainsi, des affaires qui auraient pu être réglées sans l’intervention du tribunal le sont en utilisant nos ressources les plus coûteuses. L’égalité des parties à un litige devant la loi et la symétrie du processus peuvent être menacées si une seule des parties a accès à l’aide juridique ou si une personne a accès à des services juridiques plus vastes que la partie adverse;
  • l’asymétrie entre une partie non représentée et une partie représentée peut aussi toucher cette dernière. Dans de telles situations, la partie représentée doit payer des honoraires supplémentaires à son avocat étant donné qu’il faut plus de temps pour régler l’affaire. De nombreux avocats sondés par Rachel Birnbaum et Nicholas Bala dans leur étude en 2011 estimaient que leurs clients étaient désavantagés d’une façon ou d’une autre lorsque l’autre partie n’avait pas d’avocat[109];
  • les parties autoreprésentées (sans avocat) imposent au système et à ses travailleurs de la pression, car elles ont davantage besoin de renseignements et sont plus susceptibles de commettre des erreurs procédurales. Malgré les orientations données aux juges, en réalité, l’attitude de ceux-ci à l’égard des parties non représentées peut différer d’une personne à l’autre. Les juges qui ont participé aux consultations de la CDO ont mentionné qu’ils trouvaient parfois difficile de s’occuper des parties non représentées. Alfred A. Mamo, Peter G. Jaffe et Debbie G. Chiodo décrivent la frustration qu’éprouvent les juges au sujet des parties non représentées qui n’ont pas bénéficié de renseignements de la part d’un avocat de service[110];
  • lorsqu’au moins une des parties n’est pas représentée, les affaires présentées au tribunal peuvent prendre un retard considérable;
  • le personnel de la cour est soumis à des pressions supplémentaires parce qu’il doit s’occuper de parties non représentées, qui peuvent être impatientes;
  • les avocats ont signalé des pressions en matière de communication en raison des parties non représentées déraisonnables avec lesquelles ils font affaire;
  • lorsque les utilisateurs ont un accès limité à un avocat en raison des coûts ou de la disponibilité, d’autres travailleurs hors du système judiciaire peuvent se voir imposer un fardeau. C’est le cas des travailleurs de soutien juridiques et des travailleurs de soutien transitoires qui ne sont pas des avocats, mais qui ont une certaine connaissance juridique et qui travaillent généralement dans des cliniques d’aide juridique ou des refuges pour femmes battues.

À ce jour, les réformes n’ont pas abordé le manque de représentation légale pour une grande partie des personnes aux prises avec un problème de droit de la famille. Par conséquent, bien des personnes faisant face à un éclatement familial se retrouvent sans personne et sans ressource pour les aider à appliquer les renseignements juridiques à leur situation. Si elles optent de ne pas se lancer, il se peut que leurs besoins juridiques ne soient jamais satisfaits. Ainsi, selon une étude sur la justice au Royaume-Uni, une proposition visant à réduire l’aide juridique britannique pourrait avoir pour conséquence [traduction] « que certains parents abandonneraient, ce qui ferait en sorte que leurs enfants pourraient perdre contact avec leur père ou leur mère[111] ». Les besoins juridiques non satisfaits ont de graves conséquences sur les plans social, économique et de la santé[112].

Même si les données sur les personnes qui ne sont pas représentées par un avocat ne sont pas abondantes, il est raisonnable de conclure que la faible admissibilité aux services d’aide juridique et les coûts élevés découlant d’une représentation complète dans le cadre d’une affaire de droit de la famille signifient qu’il existe, sur le plan économique, un large éventail de personnes qui ne sont pas représentées. À l’écoute de l’Ontario mettait l’accent sur l’importance de faire la distinction entre les besoins des Ontariens à faible revenu et ceux des Ontariens à revenu moyen : « Bien que tous [les besoins] importent grandement en matière d’accès à l’appareil judiciaire, les programmes élaborés à l’intention d’un groupe pourraient ne pas convenir aux besoins de l’autre[113]. » À ce jour, on n’a adopté aucune approche systématique pour résoudre les questions soulevées par les nombreuses personnes qui n’ont aucune représentation juridique, et encore moins une approche nuancée qui tiendrait compte des diverses circonstances socioéconomiques des personnes sans avocat.

On s’attend à ce que, lors des premières étapes, la représentation et les autres formes d’aide rendent le recours au litige moins indispensable, et puissent s’avérer moins coûteuses, non seulement pour les personnes, mais aussi, à long terme, pour le système juridique. Les procès coûtent cher. En 2009, les frais judiciaires moyens liés à un divorce contesté en Ontario s’élevaient à environ 12 000 $ par partie[114]. Les frais juridiques moyens d’une affaire menant à un procès, en Ontario, sont bien plus élevés : plus de 45 000 $ par partie[115]. L’embauche d’autres professionnels du secteur privé, comme des médiateurs ou des assesseurs, peut accroître davantage les coûts d’un divorce ou d’une séparation en Ontario[116]. Afin d’obtenir un certificat d’aide juridique, le revenu d’une personne seule doit être inférieur à 10 800 $. Une personne peut toutefois obtenir un certificat assujetti à une entente de contribution si son revenu se situe entre 10 800 $ et 12 500 $[117]. Pour avoir droit aux services offerts par les avocats de service, le salaire d’une personne seule doit être inférieur à 18 000 $[118].

Habituellement, le modèle de prestation de services d’AJO présupposait que le procès constituait le cadre principal de résolution de conflits familiaux. Les blocs d’heures accordés au tarif d’AJO pour les certificats servent essentiellement à entamer des poursuites ou à se défendre en cas de poursuite. Le tarif assure un nombre d’heures limité pour les négociations ou la participation à des méthodes de règlement extrajudiciaire. Auparavant, AJO fournissait peu de renseignements préalables et ne s’occupait guère de l’évaluation des affaires. Une fois qu’il était établi qu’un client était admissible sur le plan financier, on l’aiguillait vers un avocat de service (lorsqu’il était jugé que la question était simple) ou on lui fournissait un certificat lui permettant de retenir les services d’un avocat du secteur privé.

Cependant, à la suite des recommandations formulées dans l’examen du système d’aide juridique effectuée par Michael Trebilcock en 2008[119], AJO a apporté des changements importants à la prestation de ses services de droit de la famille. L’organisme a pris des mesures dans le but d’améliorer son modèle de prestation de services de manière à appuyer un système de justice familiale aux étapes initiales chargées qui propose d’autres solutions que le recours au litige. En janvier 2010, le gouvernement provincial a investi 150 millions de dollars dans le système d’aide juridique de l’Ontario, y compris 60 millions pour le financement de base continu. Ainsi, AJO a été en mesure d’apporter quelques modifications à son modèle de prestation de services, y compris : services téléphoniques qui évaluent l’admissibilité financière et juridique de clients potentiels à d’autres services et qui relient aussi les clients potentiels dans le domaine du droit de la famille à des services d’aide en cas d’éclatement familial (comme la consultation) et à des méthodes de règlement extrajudiciaire (les affaires à risque élevé ou urgentes sont orientées vers les services de contentieux); une ligne téléphonique de conseils juridiques sommaires; la présence d’avocats-conseils aux CIDF et dans les centres de services de droit de la famille à sept emplacements, offrant une gamme complète de services[120]; des services d’avocats de service dans les centres de justice familiale pour les victimes de violence familiale à Kitchener et à Peel; et des services de médiation. Ainsi, AJO a su adapter ses services en fonction des besoins du client, des conseils juridiques sommaires à la représentation complète en passant par la rédaction. Les services téléphoniques offerts par la ligne sans frais d’AJO sont disponibles en 200 langues, dont 18 langues et dialectes autochtones [121].

Dans le but de fournir des services aux personnes qui n’ont pas les moyens de payer une représentation complète, certains avocats ont commencé à fournir des services de mandat limité (appelés communément « services dégroupés »), que le Barreau du Haut-Canada définit ainsi dans son Code de déontologie : « S’entend de la prestation de services juridiques par un avocat pour une partie, et non toute l’affaire d’un client, selon une entente convenue avec celui-ci[122]. »

Plusieurs préoccupations ont été exprimées quant au dégroupement des services juridiques. Selon l’une de celles-ci, des personnes pourraient être incapables de prendre des décisions saines au sujet des services à obtenir à la pièce. Parmi les autres préoccupations, mentionnons le non‐respect des délais de prescription et l’oubli d’éléments essentiels au litige par l’avocat et le client. Le fait de diviser les responsabilités pour les parties du dossier renforcerait donc la perception selon laquelle personne ne voit l’ensemble de la situation. LAWPRO, l’assureur de la profession juridique en Ontario, a exprimé des préoccupations selon lesquelles [traduction] « les causes fondamentales des fautes professionnelles les plus courantes que constate LAWPRO sont au moins également, voire même davantage, susceptibles de se produire au cours de la prestation de services juridiques dégroupés[123] ». LAWPRO a expliqué que, aux États-Unis, des avocats avaient été tenus responsables de faute professionnelle parce qu’ils avaient [traduction] « omis d’avertir le client d’importantes questions ou réclamations juridiques, même si celles‐ci n’étaient pas visées par la convention de représentation limitée[124] ».

Le Barreau a modifié son code de déontologie afin de reconnaître que les mandats limités constituent un moyen d’améliorer l’accès à la justice, en particulier pour les personnes qui ne sont pas en mesure de s’offrir les services d’un avocat pour toute la durée de leur affaire et qui ne sont pas admissibles à l’aide juridique. Les modifications apportées en septembre 2011 au code de déontologie visent à régler certaines des préoccupations relatives aux mandats limités[125], et les connaissances des mandats limités constituent l’une des habiletés évaluées dans les examens menant à l’assermentation[126].

Les étudiants en droit fournissent également certains services de droit de la famille. Downtown Legal Services, de la Faculté de droit de l’Université de Toronto, est l’unique clinique étudiante d’aide juridique de l’Ontario qui offre des services de droit de la famille[127]. Ses critères d’admissibilité financière sont un peu plus généreux que ceux d’AJO. Les étudiants sont encadrés par un avocat qui agit à titre d’avocat superviseur. Jusqu’à présent, ils n’ont reçu droit de plaider qu’à la Cour de justice de l’Ontario au 47, avenue Sheppard Est, à Toronto[128].

Le Réseau national d’étudiant(e)s pro bono (PBSC) fournit des services de droit de la famille depuis 1997 et administre actuellement le Projet en droit de la famille (PDF) dans quatre facultés de droit de l’Ontario et dans huit palais de justice, de même qu’ailleurs au pays. Le PDF de l’Ontario est réalisé en partenariat avec Aide juridique Ontario. Selon la description du PDF de PBSC, [traduction] « en 2011-2012, 169 étudiants bénévoles ont aidé plus de 2 200 clients en Ontario à remplir leurs formulaires judiciaires et à parcourir le complexe système juridique ». Grâce au financement du Fonds d’accès à la justice de la Fondation du droit de l’Ontario (FDO), PBSC étend le projet en Ontario et dans d’autres endroits au pays[129].

En outre, de nombreux étudiants de première année participent à un nouveau projet pilote du PDF à l’Osgoode Hall Law School et à la Faculté de droit de l’Université de Toronto. Dans le cadre de ce projet, les étudiants suivent des avocats en droit de la famille et d’autres juristes (comme des médiateurs), ainsi que des juges, à la North Toronto Family Court, en plus de fournir du soutien aux avocats plaidants ou de préparer des ateliers publics de formation juridique à l’intention des survivantes de violence familiale[130].

Il est possible d’apprendre quelque chose à cet égard des autres administrations, comme le JusticeCorps Program en Californie, dans le cadre duquel les étudiants offrent des services aux parties à un litige autoreprésentés devant un tribunal[131]. Grâce à ce programme, des étudiants de premier cycle (et non des étudiants en droit), supervisés par des membres du personnel du tribunal, agissent à titre de bénévoles dans des centres d’entraide et proposent trois types de services : 1) ils fournissent de l’information aux parties à un litige à propos des options et des renvois aux services offerts dans les tribunaux et en dehors de ceux-ci; 2) ils aident les parties à trouver et à remplir des formulaires et à engager les procédures, grâce à des séances d’aide en tête-à-tête ou à des ateliers de groupe; 3) ils observent les audiences devant les tribunaux et donnent ensuite des renseignements aux parties[132]. Grâce à la participation des étudiants, les avocats ont été en mesure de se concentrer sur les affaires complexes et les centres ont été en mesure de fournir des services à un plus grand nombre de clients. Les fonctionnaires judiciaires ont constaté une amélioration dans la qualité des audiences et des ordonnances lorsque les parties à un litige ont reçu l’aide des membres de JusticeCorps[133]. En outre, 68 % des services fournis par les bénévoles de JusticeCorps l’ont été dans une langue autre que l’anglais[134].

Comme en Californie, il est important que les cours participent à l’intégration des services d’étudiants au tribunal. Selon Nikki Gershbain, coordinatrice nationale de PBSC, les commentaires des juges à propos des services de rédaction fournis par l’intermédiaire du PDF ont été extrêmement positifs. La possibilité que les étudiants représentent des clients devant le tribunal a reçu un accueil plus mitigé. Toutefois, si les étudiants sont adéquatement encadrés par les avocats superviseurs et que les dossiers dont ils s’occupent correspondent à leur niveau de compétence et à leurs besoins en matière de perfectionnement professionnel, leur participation constitue une possibilité intéressante pour fournir de l’aide à des personnes qui ne seraient, autrement, pas représentées[135]. La Cour de justice de l’Ontario, située au 47, avenue Sheppard Est, permet aux étudiants qui répondent à ces critères de se présenter devant un juge.

La Fondation du droit de l’Ontario et Aide juridique Ontario ont indiqué que les stagiaires en droit permettent d’accroître l’accès à la justice et ont lancé des initiatives visant à tirer profit de la capacité de ceux-ci à fournir des services aux personnes à faible revenu. En 2008, la Fondation du droit de l’Ontario a créé les Bourses de stage – Communiquer et sollicité des propositions de divers organismes, y compris les cliniques d’aide juridique communautaires et Aide juridique Ontario, relativement à l’hébergement des étudiants qui pourraient fournir des services dans les collectivités rurales et éloignées ainsi qu’aux minorités linguistiques[136]. En 2011, AJO a conclu qu’il était possible de déployer les stagiaires en droit pour aider les avocats salariés et que, dans certains cas, ils pouvaient travailler temporairement pour les juristes du secteur privé qui offrent des services aux termes de certificats et pour les cliniques communautaires d’aide juridique. L’objectif est de faciliter la création d’un service additionnel pour aider les clients et fournir aux étudiants en droit qui le souhaitent la possibilité de travailler dans le domaine de la justice sociale et la possibilité d’être engagé de nouveau à titre d’avocat par Aide juridique Ontario[137]. Dans le cadre des deux programmes, des étudiants pourraient être affectés à des questions de droit familial. Les élèves qui optent pour le stage d’éducation coopérative dans le cadre des nouveaux programmes d’accès à la profession du Barreau du Haut-Canada pourraient être placés avec des avocats en droit de la famille[138].

D’autres programmes de stage qui pourraient contribuer de façon limitée au droit de la famille comprennent le stage Osgoode Public Interest Requirement de l’Osgoode Hall Law School. La mise en place à Osgoode Hall d’un bureau d’apprentissage expérientiel (Office of Experiential Learning) dans le but de coordonner les différentes possibilités d’expérience à la faculté de droit permet aux étudiants de participer à un large éventail de domaines du droit, y compris le droit de la famille[139].

 

3.         Règlement des différends

Malgré les efforts visant à favoriser, dans les cas appropriés, la médiation et d’autres moyens pour aider les gens à résoudre leurs différends familiaux, les tribunaux demeurent à bien des égards au centre du règlement familial en droit de la famille. Toutefois, comme nous l’avons fait remarquer, les tribunaux eux-mêmes ont tenté de simplifier le processus pour les parties à un différend, notamment en mettant en œuvre des processus nouveaux ou élargis, comme le PIO (que nous avons mentionné précédemment; nous abordons d’autres initiatives ci-dessous). Malgré cela, la procédure judiciaire reste compliquée, car il est difficile de présenter une affaire au tribunal sans être représenté. Nous mettons l’accent sur les points d’entrée au système de droit de la famille. Toutefois, il est crucial que ceux-ci soient intégrés au système judiciaire de façon harmonieuse lorsque l’arbitrage ou l’assistance judiciaire s’avèrent nécessaires et que les couples peuvent régler leurs différends devant les tribunaux, alors que les autres méthodes ont échoué, que la situation est, pour une raison ou une autre, juridiquement complexe ou que le niveau de conflit est élevé.

D’après une soumission au ministère du Procureur général de l’Ontario datée de 2009, [traduction] « le tribunal doit être la solution par défaut lorsqu’une approche moins accusatoire n’est pas appropriée[140] ». Le rapport recommande de charger les étapes initiales du système afin de renseigner les gens, d’évaluer leurs besoins et de leur éviter de subir un litige si les circonstances le permettent. Ainsi, le système judiciaire serait réservé aux questions urgentes, ainsi qu’aux affaires de violence familiale, à niveau de conflit élevé ou susceptibles d’établir un précédent. Les réformes (voir ci-dessous) mises en œuvre par le ministère du Procureur général en 2010 et 2011, ainsi que les réformes en cours entamées par les tribunaux eux-mêmes, ont été conçues de manière à répondre à cet objectif de « charger » les étapes initiales du système[141].

Les évaluations du système mettent les difficultés en évidence. Par exemple, selon À l’écoute de l’Ontario, quatre personnes sur dix (44 %) aux prises avec un problème familial ne l’avaient pas réglé après trois ans[142]. Au Canada, environ 50 % de toutes les affaires demeurent dans le système pendant plus d’un an, et parfois pendant considérablement plus longtemps[143]. Le temps nécessaire pour traiter une affaire peut dépendre des difficultés souvent éprouvées par les parties pour régler les différends familiaux, par exemple, même avec l’aide des tribunaux, mais il est également lié à la capacité des tribunaux à traiter le volume d’affaires[144]. Il y a eu une diminution du nombre de nouvelles procédures, y compris à la Cour de la famille, à la Cour supérieure de justice (diminution de 3 %) et à la Cour de justice de l’Ontario (diminution de 9 %), depuis 2007-2008[145].

La garde, le droit de visite et la pension alimentaire sont non seulement les affaires les plus souvent portées en justice à la Cour de justice de l’Ontario, mais aussi celles qui ont tendance à demeurer le plus longtemps dans le système de justice familiale[146]. En 2009-2010, les affaires concernant le droit de visite et la pension alimentaire versée à un enfant ou à un époux représentaient la proportion la plus élevée d’affaires qui demeuraient dans le système[147]. Entre la pension alimentaire et le droit de visite, cette dernière question était la plus contestée[148].

Trois types différents de tribunaux s’occupent d’affaires familiales : les cours de la famille (qui constituent une filiale de la Cour supérieure), la Cour supérieure de justice normale et la Cour de justice de l’Ontario. Il y a 38 ans, après avoir constaté que [traduction] « en règle générale, l’approche accusatoire favorise une réponse rituelle et irréaliste aux problèmes familiaux[149] » et que les conflits familiaux nécessitaient des procédures de règlement et d’assistance au besoin, la Commission de réforme du droit du Canada (CRDC) a recommandé la mise en place d’une Cour unifiée de la famille (CUF, aussi appelées tribunaux unifiés de la famille, ou TUF, à l’échelle nationale) afin de créer un guichet unique pour les services de droit de la famille en combinant les compétences des gouvernements fédéral et provincial en un seul tribunal. Depuis lors, le système a connu de nombreux changements, y compris la création de la première CUF à Hamilton et de la cour de la famille de la Cour supérieure de justice dans 17 palais de justice, avec des réformes relatives à la prestation de renseignements, la mise en place de services de médiation et d’autres initiatives qui ressemblent à celles envisagées pour la CUF. On peut dire que l’objet de ces cours de la famille consiste à unifier le système sans la formalité liée à la création de CUF. L’Ontario souhaite élargir la Cour unifiée de la famille[150]. Dans les autres palais de justice, de nombreuses affaires familiales sont soumises à la Cour supérieure, qui n’entend toutefois pas celles relevant de la compétence provinciale. Celles-ci sont plutôt entendues par la Cour de justice de l’Ontario[151].

En 2009, le ministère de la Justice a évalué les tribunaux de la famille et est parvenu à la conclusion suivante :

  • Dans l’ensemble, les TUF permettent un meilleur accès à des juges spécialisés et à des services de règlement des différends et de justice familiale sur place que les autres tribunaux.
  • La présence de juges spécialisés est considérée comme un facteur très important en ce qui concerne l’atteinte globale des objectifs des TUF.
  • Certaines données laissent croire que [le modèle de TUF] permet de régler les différends plus efficacement[152].

Il est indiqué dans le rapport final que l’on s’attendait à ce que des procédures simplifiées, la présence de juges spécialisés et « une gamme complète de services professionnels et de soutien communautaire » rendent possibles « le règlement plus rapide des différends familiaux, la réduction du risque de conflits, un accès plus facile des familles au tribunal et à des services appropriés à leurs besoins et de meilleurs résultats durables pour les enfants et leurs familles[153] ». Dans une certaine mesure, ces avantages ont été intégrés dans le processus juridique.

Par exemple, les Règles en matière de droit de la famille (les Règles) sont entrées en vigueur en 1999 aussi bien à la Cour supérieure de justice qu’à la Cour de justice de l’Ontario. Elles ont remplacé les Règles des procédures civiles (à la Cour supérieure) et les Règles de la Cour de l’Ontario (division provinciale) à la Cour de justice de l’Ontario en ce qui concerne les affaires familiales[154]. Les Règles devaient soutenir l’efficacité et l’efficience des tribunaux saisis d’affaires concernant le droit de la famille. Depuis juillet 2004, elles s’appliquent à l’ensemble des tribunaux de la Cour supérieure de justice. Les Règles et les formulaires emploient un langage simple afin d’aider les clients à mieux comprendre le processus judiciaire.

Ces Règles prévoient un système de traitement des affaires, dont les caractéristiques principales comprennent l’obligation de gérer les cas rapidement et équitablement au moyen d’au moins une conférence. Le système de traitement des affaires aux termes des Règles a été décrit comme un « système aux étapes initiales chargées » qui [traduction] « crée un système d’intervention judiciaire précoce au sein duquel on tente d’éviter aux parties le recours aux méthodes accusatoires de résolution des conflits au profit des méthodes axées sur la conciliation[155] ».

L’objectif des Règles concorde avec l’amélioration du processus pour les parties à un litige familial. Il a toutefois été établi que chaque tribunal suit les étapes prévues par les Règles de façon légèrement différente, ce qui crée une certaine confusion. Des avocats en droit de la famille individuels ou de l’Advocates’ Society ont indiqué dans leurs réponses aux consultations du rapport préliminaire de la CDO que la mise en œuvre des Règles en matière de droit de la famille avait entraîné un retard. Un avocat avec plus de vingt ans d’expérience en droit de la famille a soutenu que l’obligation d’avoir recours à des conférences [traduction] « accroît énormément le coût des conflits familiaux et a placé des familles dans l’incertitude ». Selon lui, les couples qui se séparent [traduction] « ont besoin par-dessus tout d’une chose bien précise… une décision claire et exécutoire à propos de la garde, des droits de visite, des pensions alimentaires versées aux enfants et au conjoint, de la résidence et de la communication de renseignements », et ce, le plus rapidement possible. Un autre avocat a formulé le commentaire suivant : [traduction] « Le système actuel impose une tension considérable sur nos clients étant donné qu’il ne leur donne pas les moyens de s’assurer qu’ils sont en mesure de payer leurs factures. » Les paragraphes (2) et (4.2) de la règle 14 en particulier soulèvent des préoccupations. Ils prévoient que les parties doivent prendre part à une conférence préparatoire avant de présenter une motion provisoire, sauf dans une situation d’urgence ou de graves difficultés. Selon la réponse de l’Advocates’ Society à notre rapport préliminaire :

[traduction]
Cette règle a entraîné des retards considérables ainsi que de nombreux problèmes intérimaires insolubles pour certaines familles. Le temps d’attente pour une conférence préparatoire varie d’une administration à l’autre, mais se situe normalement entre trois et six mois à compter de la date de début des procédures.

La Cour de justice de l’Ontario a mis en place le traitement d’affaires à juge unique; cependant, la cour de la famille et d’autres palais de justice de la Cour supérieure n’utilisent pas toujours cette façon de procéder[156]. Les juges de la Cour supérieure ne sont pas spécialisés, mais ils font tous partie de la cour de la famille. Bien que ce point ait fait l’objet de critiques, nous avons appris que les juges de la Cour supérieure doivent être en mesure de présider toutes les affaires présentées devant la Cour supérieure. En effet, celle-ci est une cour généraliste et elle s’occupe des questions de droit civil, de la famille et criminel. Ainsi, la mise en œuvre du traitement d’affaires à juge unique n’est pas efficace ni efficiente. En outre, même si les Règles visent à aider les plaideurs et les tribunaux à régler les affaires de façon plus efficace et efficiente, le nombre d’affaires soumises aux tribunaux a une incidence sur leur capacité à cet égard.

En avril 2009, la Cour supérieure de justice a publié son Plan stratégique du droit de la famille, dont voici l’un des objectifs :

Collaborer avec tous les échelons du gouvernement, les partenaires de la justice et les parties prenantes pour garantir la disponibilité de services de première ligne complets en droit de la famille pour tous les plaideurs, qu’ils soient représentés ou non. Les services suivants, au moins, doivent être disponibles dans toute la province et les ressources nécessaires doivent leur être allouées : centres d’information sur le droit de la famille, séances d’information obligatoires, médiation, services d’aide juridique, centres de visites surveillées, services de re-calcul des pensions alimentaires[157].

L’un des principes de base de la cour de la famille est son engagement d’intervenir rapidement et de régler les différends familiaux de façon non accusatoire. À cette fin, les représentants de la Cour supérieure de justice ont travaillé en étroite collaboration avec le ministère du Procureur général et AJO dans le but de lancer les services décrits ci-dessus, d’organiser les coordonnateurs des services d’information et d’orientation[158] et de veiller à l’élargissement dans d’autres secteurs de la province du Programme destiné aux agents de règlement des différends, mis en œuvre dans un premier temps par la Cour supérieure de justice à Toronto[159]. Dans le cadre d’une demande de modification d’une ordonnance, les agents de règlement des différends (ARD) organisent une conférence préparatoire dans le but de faciliter le règlement et de circonscrire les questions, puis ils peuvent demander aux parties (selon l’emplacement) de participer à une conférence de cas. Le processus de sélection des ARD est ardu. Il s’agit de bénévoles (qui reçoivent une faible rétribution), tandis que l’avocat le plus ancien participant est responsable du programme[160]. Selon le ministère de la Justice du Canada, qui a fourni des fonds au programme d’ARD, le taux de réussite s’élève à 63 %[161], bien que nous ayons été informés qu’il pourrait atteindre 80 %. Les parties sont en mesure de rencontrer un ARD dans un délai de dix jours.

Ces tentatives de régler un différend avant qu’il soit soumis à un juge ou avant qu’un juge adopte un rôle décisionnel concordent avec l’avis selon lequel le règlement judiciaire d’un différend est parfois approprié, mais que bien souvent, ce n’est pas le cas.

Certains tribunaux ont entamé des processus pour accélérer le règlement des affaires. Par exemple, le projet pilote de gestion des affaires en matière familiale d’Ottawa a été lancé en 2007 en raison des préoccupations exprimées dans le rapport The Family Court in Crisis[162]. Ce projet repose sur la nomination de gestionnaires des affaires familiales; il s’agit de protonotaires qui ont la compétence nécessaire pour régler les questions de procédure dont est saisie la cour de la famille[163]. Ce programme semble avoir considérablement réduit les retards et accru l’efficacité de l’utilisation des ressources judiciaires[164].

Les victimes de violence familiale aux prises avec un différend soumis au système de justice familiale doivent surmonter des difficultés particulières. En 2008, la Loi sur le droit de la famille et la Loi portant réforme du droit de l’enfance ont été modifiées dans le but de régler certaines de ces difficultés[165]. En juin 2011, le tribunal intégré pour l’instruction des causes de violence familiale (tribunal ICVF) a ouvert ses portes au 311, rue Jarvis à Toronto. Il s’agit d’un projet pilote dans le cadre duquel un même juge sera saisi à la fois du volet pénal et du volet relatif au droit familial (exception faite des affaires de divorce, de bien familial et de protection de la jeunesse) d’une même affaire lorsque la question sous-jacente en est une de violence familiale. Ce tribunal vise à proposer une approche plus intégrée et globale aux familles vivant une situation de violence familiale, à accroître l’uniformité entre les ordonnances de la cour de la famille et du tribunal pénal et à apporter un règlement plus rapide aux procédures judiciaires. Aujourd’hui, il existe un programme de tribunal ICVF dans chacun des 54 districts judiciaires de la province. Un coordonnateur des ressources communautaires aide les parties à trouver des ressources et des services communautaires. Le recours à ce tribunal est facultatif. En effet, toutes les parties doivent consentir au transfert des affaires de droit pénal et de la famille[166].

Au printemps 2012, le ministère du Procureur général a mis en œuvre son Programme des agents de soutien dans le contexte de la cour de la famille afin de fournir un soutien direct aux victimes de violence familiale qui se retrouvent devant la cour de la famille[167]. Les agents de soutien fournissent des renseignements sur le processus, aident les victimes à se préparer aux procédures de la cour de la famille et les aiguillent vers du soutien et d’autres services, participent à la « planification de la sécurité » (y compris le transport pour se rendre au tribunal et en revenir) et accompagnent des victimes au tribunal, s’il y a lieu. Ils travaillent dans des collectivités partout dans la province, dans des centres qui fournissent des services aux victimes de violence familiale. À l’instar des CIDF (y compris les CSIO), de la médiation et du PIO, le Programme des agents de soutien dans le contexte de la cour de la famille est exécuté par des fournisseurs de services contractuels.

Au fil des ans, les difficultés liées au recours aux tribunaux, qu’elles soient inhérentes au système accusatoire ou résultant de retards et d’autres problèmes, à résoudre les conflits familiaux ont donné lieu à un certain nombre de méthodes extrajudiciaires de règlement des différends. Certaines de ces méthodes de règlement des différends sont destinées à remplacer les tribunaux, tandis que d’autres font désormais partie des processus des tribunaux; enfin, d’autres encore peuvent être à la fois autonomes et liées aux procédures judiciaires. Il peut s’agir de règlement informel des différends, par exemple par l’intermédiaire d’organismes religieux, ou encore de méthodes pointues faisant intervenir des spécialistes, notamment le droit collaboratif, la coordination parentale, la médiation, l’arbitrage et la médiation-arbitrage (méthode faisant intervenir une personne agissant à titre de médiateur et d’arbitre).

Les clients peuvent aussi opter pour le droit familial collaboratif, pratiqué par des avocats formés à cette fin qui doivent veiller à ce que leurs clients divulguent tous les renseignements pertinents en temps opportun et qui doivent les encourager à parvenir à un règlement. Concrètement, après la première rencontre entre chaque client et son avocat respectif, le droit collaboratif mène généralement à une série de rencontres entre les deux clients et les deux avocats. Dans d’autres affaires, on peut constituer des équipes collaboratives interdisciplinaires comprenant des spécialistes de la santé mentale qui agissent en qualité de guides en matière de divorce, un spécialiste de l’enfance et un spécialiste financier. Dans le cadre du processus collaboratif, il est particulièrement important que le client reconnaisse qu’il doit retenir les services d’un autre avocat en cas d’échec du processus collaboratif afin de porter l’affaire en justice. Bien qu’elle ait besoin des fonds nécessaires pour engager des avocats et d’autres spécialistes, l’Ontario Collaborative Law Federation a fait remarquer ce qui suit dans sa réponse au rapport préliminaire de la CDO au sujet des coûts du droit collaboratif :

[traduction]
De nombreux clients qui adoptent la méthode collaborative ont des moyens modestes et cherchent une façon d’éviter d’accumuler une dette considérable et de dépenser l’argent de leur retraite pour une bataille juridique, qu’elle ait lieu devant les tribunaux ou non. À notre connaissance, aucune étude n’a conclu que l’approche collaborative coûtait plus cher que l’approche accusatoire habituelle.

De nombreux avocats vont encourager leurs clients à essayer une méthode extrajudiciaire avant d’entamer une action en justice, à moins d’une situation d’urgence ou que la santé ou la sécurité de l’une des parties ou de leurs enfants ne soit en jeu. Plus particulièrement, en ce qui concerne les parties plus aisés, la médiation privée, l’arbitrage et la médiation-arbitrage peuvent constituer des méthodes de règlement plus rapides et plus prévisibles; elles représentent également l’avantage d’être plus confidentielles qu’un recours aux tribunaux.

Le coût et la qualité afférents au règlement extrajudiciaire des différends peuvent varier, et il existe peu de recherches ou de renseignements sur l’un ou l’autre. Dans certains cas, les coûts peuvent être considérables, particulièrement lorsque plusieurs experts et avocats sont en cause. La médiation visant à avoir un « effet fondamental » afin de mener à une entente parentale constructive peut nécessiter relativement beaucoup de ressources.

Les méthodes extrajudiciaires de résolution des différends peuvent toujours s’avérer difficiles ou prohibitives pour les parties à un conflit familial aux moyens financiers limités. Par le passé, Aide juridique Ontario ne fournissait pas de services juridiques appuyant les clients lors du processus de médiation. L’organisme fournit toutefois de l’aide relativement aux conférences en vue d’un règlement[168]. Les centres de services de droit de la famille gérés par Aide juridique Ontario peuvent proposer des services de médiation[169].

Bien que la médiation ait été disponible pendant de nombreuses années[170], dernièrement, on tente davantage d’aiguiller les clients non représentés vers des services judiciaires de médiation soit gratuits, soit abordables[171]. Les médiateurs peuvent être des avocats ou d’autres professionnels possédant des compétences appropriées pour les différends familiaux. Toutefois, ces processus ne sont pas toujours faciles pour les parties à un litige non représentées, qui peuvent ne pas être satisfaites de ce qu’elles concèdent dans un règlement. En fait, le site Web du ministère du Procureur général indique qu’une personne doit consulter un avocat avant de participer à la médiation afin de connaître ses droits[172]. Un participant aux consultations de la CDO, qui n’avait pas reçu d’avis juridique avant le début du processus de médiation, abonde dans le même sens[173]. Comme nous l’avons déjà mentionné, en Ontario, il existe des services de médiation gratuits ou abordables dans les palais de justice[174]. Jusqu’à récemment, les services de médiation sur place n’étaient offerts qu’aux 17 CUF et à la Cour de justice de l’Ontario située à Toronto. Ils sont maintenant offerts partout dans la province. On peut aussi avoir accès à cette médiation subventionnée avant l’ouverture d’un dossier judiciaire.

Les fournisseurs de services de médiation subventionnée liés aux tribunaux doivent respecter les normes professionnelles en matière de médiation familiale[175]. Néanmoins, il est à craindre que le financement pour les services de médiation subventionnée liés aux tribunaux ne permette pas d’attirer les médiateurs les plus expérimentés. Selon le rapport Mamo, dans certains cas, les juges ne faisaient pas confiance aux médiateurs et n’aiguillaient donc pas les parties vers les services de médiation, bien que ceux-ci occupent depuis une plus grande place dans le système. Les participants aux consultations de la CDO ont également remis en question l’expertise et les qualifications des médiateurs, tout en reconnaissant que l’Ontario compte beaucoup de médiateurs compétents. Les participants estimaient que les autres professions réglementées avaient des codes déontologiques plus stricts, même s’ils n’ont pas mentionné la raison pour laquelle ils étaient parvenus à cette conclusion[176].

La médiation soulève deux préoccupations en particulier : il doit y avoir une présélection appropriée pour s’assurer que des victimes de violence familiale ne participent pas indûment à une séance de médiation avec l’agresseur, et les personnes concernées ne doivent pas se sentir forcées d’avoir recours à la médiation. En ce qui a trait à la question visant à déterminer s’il convient que les victimes de violence familiale participent à la médiation, le site Web du ministère du Procureur général précise ce qui suit : « La médiation ne convient pas à tous, notamment dans les cas de violence ou de mauvais traitements[177]. » Il y a différents points de vue en ce qui a trait à la pertinence de la médiation dans des affaires de violence familiale. Dernièrement, on a tendance à penser que la façon idéale de procéder consiste à mettre au point un processus qui tient compte des préoccupations avant, pendant et après la médiation[178].

Même si le fait d’insister sur la médiation est une bonne chose, cette approche peut comporter certains risques si le processus judiciaire lui-même est considéré comme inabordable ou intimidant. Pour certains, la promotion de la médiation dans le cadre des renseignements et des conseils sommaires donnés peut être perçue comme si on insistait pour que les utilisateurs évitent d’aller en cour. Dans le contexte du processus judiciaire, le juge en chef Warren Winkler a mentionné ce qui suit :

[traduction]
Les tribunaux peuvent rendre un grand service aux parties à une médiation si : premièrement, en cas d’échec de la médiation, les juges sont disponibles pour entendre la cause; et deuxièmement si les procès sont aussi abordables que possible. Nul ne devrait être forcé d’accepter un règlement inéquitable en médiation simplement parce que la partie adverse pourra l’épuiser et prolonger l’affaire[179].

Les conseils juridiques indépendants constituent un élément important de la prestation de services de médiation, autant pour la personne qui est défavorisée par l’entente conclue que pour celle qui semble avoir été avantagée. Aussi bien le ministère du Procureur général que le Barreau du Haut-Canada fournissent de l’information à propos des conseils juridiques indépendants[180]. Dans sa réponse au rapport préliminaire, l’Advocates’ Society a soulevé des préoccupations au sujet de la médiation de différends en l’absence de conseils juridiques indépendants et a appuyé la mise en place d’un processus confidentiel de services de conseils juridiques indépendants à l’intention des personnes qui concluent une entente lors de la médiation :

[traduction]
À cet égard, les avocats doivent être protégés contre les questions de responsabilité. Il importe que les parties comprennent et acceptent les lacunes inhérentes aux conseils juridiques indépendants limités. Une entente à mandat limité, de format standard, pourrait accomplir ces deux objectifs. La disponibilité d’avocats fournissant des conseils juridiques indépendants permettrait aux parties de conclure sans hésiter une entente négociée équitablement et fournirait une mesure importante pour rétablir l’équilibre entre les parties et s’assurer qu’elles ont accepté l’entente volontairement.

Or, bien des avocats sont réticents à fournir de tels conseils à cause des risques liés à la responsabilité. Dans ses ressources pour la pratique du droit, LawPRO souligne ces risques et conseille vivement aux avocats de prendre des notes détaillées et d’utiliser des listes de vérification. Une liste de vérification sur les conseils juridiques indépendants se trouve sur le site Web de LawPRO[181]. En outre, les tribunaux ont imposé des obligations très strictes aux avocats qui fournissent des conseils juridiques indépendants[182].

 

4.         Consultation et autres services de soutien

Nous avons conclu que la disponibilité des services dans des secteurs autres que le droit constitue un important élément du règlement des problèmes juridiques familiaux au cours des premières étapes, ainsi que par la suite. Ainsi, les experts en droit sont bien conscients que les services de consultation représentent une forme essentielle d’intervention extrajudiciaire dans les affaires relatives au droit de la famille, tout particulièrement lorsqu’il est question de divorce dans des familles à niveau de conflit élevé[183].

L’une des plus grandes difficultés que pose la réinvention du système juridique familial est la discordance entre le système et la situation des familles en crise. La complexité des questions touchant le droit de la famille est due à des causes et à des conséquences auxquelles le droit de la famille ou une audience devant le tribunal ne peuvent trouver de solutions. Les récentes réformes contribuent à résoudre les problèmes par l’intermédiaire des coordonnateurs des services d’information et d’orientation, sans toutefois constituer une réponse intégrée à l’éclatement des familles. Des centres axés sur des questions en particulier, par exemple la violence envers les femmes ou les besoins d’une collectivité d’immigrants, peuvent avoir des liens avec divers organismes sociaux. Ces derniers ne fournissent pas nécessairement de conseils juridiques, ou bien il s’agit alors de services secondaires.

Le rapport Trebilcock a mis en évidence la tendance des problèmes socioéconomiques à ne pas survenir seuls[184]. Karen Cohl et George Thomson abondent dans ce sens dans leur étude sur les obstacles géographiques et linguistiques à la justice[185]. En outre, À l’écoute de l’Ontario souligne que l’agglomération des problèmes a d’importantes conséquences sur l’élaboration et la prestation des services, étant donné que « le modèle traditionnel des services juridiques (privé, financé à partir des deniers publics ou même gratuit) marginalise et confine les besoins juridiques dans des catégories subtiles et définies par la loi » et ignore donc trop souvent les ramifications[186].

Les conséquences émotionnelles de l’éclatement de la famille font souvent obstacle au règlement de l’affaire. Il arrive fréquemment que la peine et la colère fassent croître l’hostilité et provoquent l’intensification des problèmes juridiques. Les questions de droit de la famille se caractérisent par la prise de décisions irrationnelles et par de l’intransigeance. Lorsque l’on ne s’occupe pas suffisamment de ces conséquences, elles peuvent se traduire par des difficultés considérables sur le plan juridique. Les avocats n’ont pas la formation pour faire face aux conséquences émotionnelles d’un échec du mariage, et ils peuvent trouver ardu de devoir représenter une personne qui tente d’encaisser sans assistance le contrecoup émotionnel.

Les consultations de la CDO ont révélé à quel point il est difficile de devoir vivre simultanément avec le processus juridique et la peine émotionnelle. La plupart des professionnels à qui la CDO s’est adressée estimaient que les efforts visant à favoriser un processus collaboratif, si possible, ainsi que les efforts visant à utiliser le système juridique afin de créer une distance entre les parties aux prises avec un différend familial et à fournir un soutien en santé mentale séparé aux deux parties, au besoin, sont des éléments essentiels à l’amélioration du système de justice familiale. Les participants au processus de consultation de la CDO ont indiqué que la thérapie ou le travail social étaient des éléments cruciaux pour régler les problèmes familiaux :

Si l’on en croit certains participants au processus de consultation, ces facteurs sont encore plus importants quand le processus implique des enfants. Ils rappellent que le rôle parental est une responsabilité à long terme, et que le partage de cette responsabilité à l’issue d’une séparation est un véritable défi, notamment pour les parents qui ne participaient pas auparavant au soin des enfants. Les parents sont obligés d’avoir une interaction minimale avec leurs enfants et leur ancien conjoint après la séparation. Les conseillers et les travailleurs sociaux possèdent les compétences qui permettront aux parents de mieux comprendre leur rôle vis-à-vis de leurs enfants, et de passer d’une situation où l’art d’être parent était une affaire de couple à une situation où l’éducation des enfants se fait dans deux foyers. Dans les affaires très conflictuelles, les travailleurs sociaux peuvent également faire office de coordinateurs parentaux. Autrement dit, ils peuvent aider les parents à élaborer des plans parentaux, et agir en tant que médiateur et arbitre dans des disputes intervenant lors de la mise à exécution du plan parental. Dans les scénarios qui impliquent une violence familiale, il est essentiel qu’intervienne une séparation franche entre les personnes impliquées afin de les protéger. En bref, les personnes ayant participé au processus de consultation sont convaincues que la coordination des services sociaux et juridiques est un aspect essentiel de la réforme du système de justice familiale[187].

Les problèmes de droit de la famille peuvent également se traduire par de graves problèmes économiques, étant donné que le revenu qui subvenait aux besoins d’un ménage doit maintenant en soutenir deux. Le stress éprouvé par les membres de la famille peut avoir diverses conséquences émotionnelles qui dépassent le contexte du différend en droit de la famille. Brenda Jacobs et Lesley Jacobs ont fait l’observation suivante :

[traduction]
Souvent, les problèmes et les défis que doivent surmonter les familles ontariennes ne sont ni simples ni unidimensionnels. Les questions liées à l’emploi peuvent se traduire par des difficultés à payer le loyer, voire par des problèmes de santé. Les problèmes conjugaux peuvent avoir une incidence sur le rendement à l’école. La violence familiale peut nuire aux rapports avec des membres de sa famille élargie qui pourraient autrement apporter du soutien. Comme certains l’ont fait remarquer, les familles en crise vivent divers problèmes de nature différente, mais qui sont néanmoins interreliés[188].

Brenda Jacobs et Lesley Jacobs précisent également que [traduction] « en s’attaquant plus rapidement aux problèmes, ou encore en prévenant l’émergence de nouveaux problèmes, […] des équipes de fournisseurs de services peuvent réaliser des économies considérables […] et il est moins probable que les solutions et les recours se chevauchent et soient superflus[189] ».

Tandis que les CSIO sont responsables de définir les problèmes et de l’aiguillage, ils ne remplissent aucune fonction exhaustive de « tri » et, par conséquent, peuvent ne pas être en mesure d’établir adéquatement les services dont une famille a besoin et de la guider vers les services pertinents.

C’est pourquoi de nombreuses personnes reçoivent peu d’assistance (voire aucune) pour cerner leurs problèmes et recevoir des conseils quant à la démarche à adopter, et pour explorer le réseau de services dont elles pourraient avoir besoin. Il arrive souvent que des personnes qui vivent d’intenses bouleversements sur le plan personnel soient laissées à elles-mêmes afin d’accéder à l’ensemble des services dont leurs enfants et elles-mêmes ont besoin. Même si elles sont en mesure d’accéder aux services, ceux-ci sont actuellement fournis de façon fragmentée, ce qui oblige les personnes à se rendre à plusieurs endroits pour obtenir les services dont elles ont besoin et raconter leur histoire encore et encore.

On recommande dans Supporting Families que les CIDF deviennent multifonctionnels et, à certains égards, multidisciplinaires[190]. Nous abordons ce concept de façon plus approfondie dans la deuxième partie du présent rapport.

Penchons-nous maintenant rapidement sur les types de services qui existent déjà et auquel on peut avoir recours en tout temps durant un différend familial. Des services de consultation familiale sont offerts à de nombreux endroits en Ontario, y compris dans les centres de services familiaux[191], les hôpitaux, les centres culturels et les centres de santé mentale. Les frais pour ces services varient d’un centre à l’autre. Cependant, nombreux sont les organismes subventionnés par le gouvernement qui fournissent leurs services gratuitement ou en fonction d’une échelle mobile[192]. Habituellement, les services de consultation sont communautaires et sont fournis par divers types de spécialistes de la santé mentale, y compris des psychiatres, des travailleurs sociaux, des psychologues et des conseillers pastoraux[193]. D’autres centres fournissent de l’assistance relativement à des questions pertinentes comme l’emploi ou le règlement, sans établir explicitement de liens avec le règlement de différends en droit de la famille[194].

On recommande fréquemment les services de consultation dans des affaires à faible niveau de conflit ou à niveau de conflit moyen, mais peu de gens y font appel[195]. Selon un auteur, les consultations et les services thérapeutiques constituent les « services communautaires auxquels ont le plus fréquemment recours les familles qui divorcent ». Il précise également qu’il existe un important chevauchement entre les services juridiques et thérapeutiques[196]. Étant donné que les parents et les enfants se tournent souvent vers les services de consultation pour la première fois au moment de la séparation et du divorce, il s’agit d’un autre point d’entrée dans le système de justice familiale. Si les services de consultation sont utilisés assez rapidement lors d’un conflit familial, ils peuvent même faire en sorte que le divorce se déroule de façon plus conciliante[197].

Family Service Ontario (FSO) est une association de 42 organismes qui offrent des services relativement aux problèmes conjugaux, familiaux et financiers ainsi qu’aux compétences parentales. Ces organismes ont également des programmes destinés aux victimes de violence familiale, aux gais et lesbiennes, aux personnes ayant une déficience développementale et aux nouveaux arrivants. En Ontario, 27 villes comptent au moins un organisme de services familiaux. Bon nombre d’entre eux ont un lien avec une culture ou une religion en particulier, tout en offrant des services à l’ensemble des membres de la collectivité[198]. Par exemple, Family Service Toronto offre des services de consultation familiale à cinq emplacements de la Région du Grand Toronto. Il est aussi possible d’obtenir ces services au téléphone ou à partir d’un site Web sécurisé. Les frais varient selon une échelle mobile reposant sur le revenu du ménage, mais les services ne sont jamais refusés à une personne qui n’a pas les moyens de payer. Ces services sont à la disposition des personnes qui vivent ou qui travaillent à Toronto et sont proposés dans plusieurs langues, y compris l’anglais, l’espagnol et le persan. Un programme de consultation pour les GLBTTQ (LGBTQ Counselling Program) est disponible, de même qu’un programme pour les familles en transition (Families in Transition) qui fournit de la médiation en ce qui a trait aux responsabilités de parent et un programme de soutien aux aînés et aux fournisseurs de soins (Seniors and Caregivers Support Program)[199].

Les services de conseil en matière de crédit constituent un autre service aux familles qui est souvent important à la suite de l’éclatement d’une famille. Plusieurs organismes membres de FSO sont également membre de l’Ontario Association of Credit Counselling Services (OACCS) et sont agréés pour fournir des services familiaux et de conseil en matière de crédit[200]. Les conseillers en crédit travaillent avec les clients pour évaluer leurs finances et leur fournir des options de crédit et de gestion de leurs dettes. Les frais des services de conseil en matière de crédit varient. Bon nombre d’organismes accrédités proposent une première consultation à prix réduit ou gratuite. À la place d’une consultation en tête-à-tête, les clients peuvent demander des ressources (par exemple, des dépliants ou des vidéos) aux organismes ou participer à des séminaires dans leur collectivité, s’il y a lieu. Les conseillers de l’OACCS peuvent intervenir au nom d’un client lors d’une procédure judiciaire et auprès d’autres fournisseurs de services communautaires, en plus d’aiguiller leurs clients vers d’autres services.

Brenda Jacobs et Lesley Jacobs ont constaté que plusieurs centres multidisciplinaires de l’Ontario mettaient l’accent sur les services familiaux de nature autre que juridique, tout en offrant quelques services juridiques[201]. Les services peuvent être axés sur différents aspects des problèmes des gens : un volet violence familiale, un volet santé mentale, un volet santé et un volet famille. Les modèles multidisciplinaires sont les plus courants pour les victimes de violence familiale, comme le projet de lutte contre la violence familiale de la région de Waterloo, l’Intimate Relationship Violence Empowerment Network (DRIVEN) de la région de Durham et la Barbra Schlifer Commemorative Clinic[202]. Ces modèles de service ont connu un succès retentissant en répondant aux besoins des collectivités autochtones grâce à la prestation de services culturels qui respectent les valeurs autochtones[203]. Certains de ces centres sont étudiés plus en détail dans la deuxième partie du présent rapport.


5.         Services pour les enfants

Précédemment, nous avons mentionné l’expérience défavorable des enfants avec le système de justice familiale et l’incidence qu’a l’éclatement de leur famille. Dans certains cas, les dommages peuvent être irréparables, dans d’autres, très bouleversants. Lorsque les parents sont conscients des répercussions sur leurs enfants et sont en mesure de mettre leur propre peine de côté, les enfants peuvent récupérer et entretenir de saines relations avec leurs deux parents, même s’ils seront malgré cela touchés par ce qui arrive à leur famille. Parfois, il ne fait aucun doute que les conséquences seront néfastes et durables[204]. Nous ne proposons pas de changements au système actuel quant à la façon dont il répond aux besoins des enfants. En effet, nous estimons que cela exigerait une analyse plus approfondie que le permet le présent projet. Dans le cadre de nos consultations, certains jeunes nous ont fait part de leurs préoccupations quant à la mesure dans laquelle leurs points de vue étaient pris sérieusement en considération et ont formulé des doutes à propos de l’efficacité du système. Par exemple :

Il est apparu que tous les enfants voyaient les avocats sous un angle négatif. Ils ont indiqué qu’ils s’étaient sentis particulièrement frustrés par le fait que les avocats ne leur avaient pas demandé leur opinion, ou au contraire, leur avaient demandé leur avis, mais sans donner l’impression d’y prêter attention. L’une des jeunes, qui était représentée par son propre avocat, précise que lorsque son avocat lui posait une question telle que « Veux-tu voir ton père? » et qu’elle répondait par un « Non » très clair, l’avocat tentait alors de reformuler la phrase (en demandant par exemple : « Si tel ou tel événement survenait, voudrais-tu voir ton père? »), ce qui n’empêchait pas la jeune fille de continuer à répondre par la négative. La jeune fille a déclaré que son avocat ne cessait de reformuler ce qu’elle disait, et qu’il n’avait jamais accepté sa réponse. Elle a eu l’impression qu’aucun avocat ne faisait attention à son discours et qu’il lui était impossible de se faire entendre. Un jeune a déclaré : « Pourquoi ma mère devrait-elle payer cent dollars pour un courriel d’une ligne? » Une autre s’est exprimée sur les délais d’attente. Selon elle, le système judiciaire ne fonctionne pas et doit être entièrement revu[205].

Le système juridique veille à ce que les enfants soient représentés par l’intermédiaire du Bureau de l’avocat des enfants (BAE) du ministère du Procureur général. Ce bureau est responsable de la prestation de programmes relatifs à l’administration de la justice au nom des enfants, plus particulièrement en ce qui concerne leurs droits personnels et de propriété, de représenter les enfants dans différents secteurs du droit, y compris la garde et les droits de visite, la protection de la jeunesse et les litiges civils. Les avocats peuvent être des employés du BAE ou inscrits sur sa liste des membres, un groupe d’avocats du secteur privé qui fournissent des services en vertu d’un contrat avec le Bureau. De plus, le BAE emploie (directement ou en les inscrivant sur la liste des membres) des enquêteurs cliniques, essentiellement des travailleurs sociaux, qui préparent des rapports pour le tribunal lors des procédures concernant la garde et le droit de visite. Ils peuvent aussi aider les avocats qui représentent des enfants dans de telles affaires. Dans sa réponse au rapport préliminaire, le ministère du Procureur général a indiqué que, à tout moment, le BAE fournit des services à environ 20 000 enfants dans toute la province. En 2010-2011, le BAE a participé à 2 650 nouvelles affaires de garde et de droit de visite. Celles-ci répondaient presque toutes à la définition d’affaire à niveau de conflit élevé.

Si un différend sur la garde ou le droit de visite est porté devant un tribunal, celui-ci peut exiger la nomination d’un avocat des enfants, conformément à la Loi sur les tribunaux judiciaires, lorsqu’il a besoin de renseignements indépendants et que les intérêts, les besoins et les souhaits de l’enfant faisant l’objet de la procédure judiciaire doivent être représentés[206]. Le BAE ne s’implique que dans les affaires où une demande de nature judiciaire a déjà été présentée. Bien souvent, les parents ne sont pas représentés, et l’avocat des enfants est l’unique avocat engagé dans l’affaire. De plus, dans environ 25 % des renvois relatifs à la garde et au droit d’accès, aucune des parties n’est représentée[207]. Une fois que l’avocat des enfants a terminé ses rencontres avec les enfants ou que l’enquêteur clinique a terminé son enquête, l’avocat des enfants peut inviter les parties à une rencontre de communication de renseignements. Au cours de celle-ci, le BAE expliquera sa position et tentera de favoriser un règlement entre les parties.

Même si nous ne nous attardons pas sur les façons dont le système pourrait être amélioré afin de mieux servir les enfants, il importe de comprendre que les services à l’intention des familles doivent inclure des services pour les enfants et qu’il faut déployer tous les efforts possibles pour atténuer la confusion, la peine et la colère qu’ils ressentent fréquemment. Dans une certaine mesure, plus le système est en mesure d’aider les parents, plus ces derniers seront capables d’accorder une priorité élevée aux préoccupations de leurs enfants.

 

 

C.              Évaluation du système actuel en fonction des critères de référence

Aux fins de commodité, voici les critères de référence mentionnés dans l’Introduction à la première et à la seconde parties.

Un point d’entrée efficace dans le système de droit de la famille répond aux critères de référence suivants :

  • il fournit aux gens des renseignements de base accessibles au quotidien, y compris des renseignements sur les prochaines étapes à suivre éventuellement en vue de régler leur différend;
  • dans la mesure où ces renseignements sont fournis en ligne, il communique ces renseignements par le truchement d’un « point central d’information »;
  • il fournit des renseignements écrits accessibles aux personnes qui n’ont pas un accès convenable à Internet;
  • il fournit de l’aide aux gens susceptibles d’avoir de la difficulté à accéder aux renseignements, à les lire, à les comprendre ou à les utiliser ;
  • il aide les gens à déterminer rapidement et efficacement la nature de leurs problèmes familiaux, notamment à déterminer si le différend en question est « effectivement » un différend juridique ;
  • il aide les gens à trouver une façon de résoudre leur problème qui soit aussi simple et rapide que possible, tout en évitant autant que possible les chevauchements ou le double emploi des institutions ou des personnes avec qui ces gens doivent traiter; et il facilite la communication et la collaboration entre les différents intervenants du système (cela concerne un système de « tri » qui permet d’affecter des ressources en fonction des priorités);
  • il permet de tenir compte de divers niveaux d’études ou de littératie; de l’existence de violences familiales; et de facteurs comme les normes culturelles, le statut d’autochtone, le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge, la langue, l’incapacité, l’emplacement géographique et d’autres caractéristiques majeures;
  • il élabore des politiques et des programmes en collaboration avec les collectivités touchées;
  • il tient compte de la capacité financière des gens tout en assurant la qualité de la prestation des services;
  • il prend en considération les nombreux problèmes qui sont liés à des problèmes familiaux, comme les problèmes d’ordre financier ou de santé mentale qui peuvent occasionner des problèmes familiaux ou qui risquent de les aggraver;
  • il fait appel à un processus « uniforme » du début au règlement définitif;
  • il repose sur un modèle durable.

Comme nous l’avons déjà mentionné, le système de justice familiale a connu de nombreuses réformes au cours des quelques dernières années. Nous avons constaté qu’il existait une grande quantité de renseignements sur Internet provenant de diverses sources comme le ministère du Procureur général de l’Ontario, Aide juridique Ontario, le Barreau du Haut-Canada, CLEO et des organismes communautaires, dont certains sont généraux tandis que d’autres sont axés sur des collectivités en particulier. Nombreux sont les sites fournissant des renseignements portant sur la violence familiale. La difficulté au point d’entrée est la quantité et la complexité de l’information, ainsi que l’endroit où les gens qui commencent à penser à prendre des mesures relativement à leurs problèmes familiaux pourraient trouver les renseignements pertinents. Une bonne partie de l’information devient rapidement plus « technique », et les personnes ayant un faible niveau de littératie ou ne maîtrisant pas l’anglais ou le français ne sont pas susceptibles de la comprendre.

Il peut ne pas être facile de déterminer les prochaines étapes, étant donné que bien des personnes risquent d’éprouver de la difficulté à appliquer l’information à leur propre situation afin de déterminer la nature de leurs problèmes familiaux de façon rapide et efficace. On accorde de plus en plus d’importance à l’information en ligne. Bien que cela n’ait rien de surprenant et soit utile pour de nombreuses personnes, cela peut constituer un obstacle pour les personnes qui, pour une raison ou pour une autre, n’ont pas encore un accès facile à Internet[208].

Bon nombre des réformes, comme les CIDF et le PIO, ont été conçues de manière à aller de pair avec les tribunaux. Au-delà du problème que cela représente pour les personnes qui ne connaissent pas les tribunaux ou celles qui souhaitent éviter d’y avoir recours, les interactions en personne demeurent limitées. Les personnes qui n’ont pas les moyens d’engager un avocat auront de la difficulté à aller plus loin que leur interaction initiale avec la prestation d’information afin de décider comment régler leurs problèmes familiaux ou de déterminer s’il s’agit véritablement de problèmes juridiques. Cette situation complique le passage du point d’entrée au règlement, que ce soit avec les tribunaux ou non. De surcroît, malgré les récentes réformes apportées aux tribunaux, le processus prend du temps et est difficile pour les personnes sans avocats. Les différents aspects du système doivent être liés aux points d’entrée de manière à répondre aux besoins des parties à un litige.

En outre, nous constatons qu’il existe de nombreux organismes qui fournissent de l’assistance de plusieurs façons, en général ou aux membres de collectivités particulières, qui peuvent, ou non, être liées au système de justice familiale de manière à permettre aux personnes d’évaluer leurs problèmes globalement ou intégralement.

Ainsi, même si les réformes ont contribué au respect des critères de référence relatifs à la prestation de l’information ou à la simplification du système, il est possible d’en faire plus encore. Dans la prochaine section, nous décrivons plus en détail les lacunes, en commençant par la façon dont le pluralisme de l’Ontario touche l’interaction des gens avec le système de justice familiale.

 

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