A.              Introduction

L’exposé qui précède montre que les intervenants du système de justice familiale, petits et grands, ont consacré beaucoup de temps et de ressources pour rendre ce système plus accessible, plus efficace et plus abordable pour les familles vivant une rupture. De très nombreux services ont été élaborés pour aider les familles, puisque différents intervenants du système de justice ayant divers mandats ont tenté de régler les problèmes au sein de leur administration ou d’élaborer des services pour aider leurs citoyens. Plusieurs initiatives importantes visant à aider les familles ont vu le jour récemment, particulièrement au cours des deux ou trois dernières années. Nous souscrivons aux commentaires de la juge en chef de la Cour supérieure de justice qu’elle a formulés en réponse à notre rapport préliminaire. La juge en chef a insisté sur l’importance et la réussite de ces initiatives jusqu’à maintenant, en soulignant particulièrement l’importance des réformes dans les périodes de difficultés économiques ainsi que [traduction] « le dévouement et l’engagement du personnel du [ministère du Procureur général] », « le soutien indéfectible de la magistrature » et le « bénévolat altruiste de nombreux membres du Barreau ».

Il ne fait aucun doute que la volonté d’engager et de mettre en œuvre les réformes des dernières années s’est révélée un préalable essentiel à la capacité de faire face aux défis du système juridique familial. Malgré ces réformes prometteuses, il reste tout de même plusieurs questions à régler. En particulier, les obstacles les plus importants à l’accès au système de justice familiale demeurent l’absence d’une approche systémique à l’égard de la diversité que les réformes, y compris les plus récentes, ne prennent pas en considération explicitement; l’absence d’une approche cohérente à l’égard de la communication d’information; l’absence d’une aide abordable; et le besoin de nouveaux moyens pour tenir compte des points communs des problèmes familiaux d’ordre juridique et non juridique liés à l’éclatement de la famille. La seconde partie du présent rapport traite des façons d’améliorer ces aspects particuliers du système.

Dans ce chapitre, nous présentons un portrait de la société ontarienne moderne et illustrons l’importance d’établir l’objectif de l’inclusivité comme valeur prédominante devant être prise en considération pour apporter des changements plus précis et coordonner les initiatives disparates actuelles. En songeant aux caractéristiques particulières dont il sera question plus loin, il est important de reconnaître que nous ne correspondons pas à une seule « catégorie » et que nous ne pouvons pas être définis par une caractéristique particulière. Nos identités sont plutôt fluides, et certaines caractéristiques peuvent être prédominantes, selon le contexte. De plus, l’inclusivité n’équivaut pas à enfermer les gens dans des carcans d’identité, mais plutôt à leur fournir les conditions nécessaires pour mettre en œuvre l’engagement de l’Ontario envers le pluralisme.

 

B.              Le pluralisme de l’Ontario et le caractère évolutif des circonstances

1.               Introduction

Nous admettons que le système juridique familial ontarien et le système juridique en général ont élaboré des programmes et des approches visant à tenir compte des diverses populations de la province et à les inclure. Par exemple, le ministère du Procureur général a préparé de l’information sur le droit de la famille à l’intention des Autochtones. Éducation juridique communautaire Ontario (CLEO) et d’autres intervenants ont fourni des renseignements sur le droit familial ou général en plusieurs langues. Le système juridique ontarien est « dualiste » et est censé fournir des services en français et en anglais. Des efforts sont déployés pour améliorer l’accès à ces services. De manière plus générale, les tribunaux ont tenu compte des besoins des personnes handicapées.

Ces tentatives d’inclusivité n’ont pas encore été entièrement mises en œuvre. Pour ne citer que deux exemples très différents, mentionnons le fait que les Centres d’information sur le droit de la famille (CIDF) semblent ne pas avoir la même capacité à fournir des services en français (dans le même ordre d’idées, nous avons été informés lors des consultations dans le cadre de notre projet sur la modernisation de la Loi sur les infractions provinciales que les défendeurs francophones n’avaient pas toujours droit en temps opportun à un procès en français)[209]; et le fait que l’information sur le droit familial fournie en ligne n’est pas facile d’accès pour les personnes vivant dans des régions de la province où Internet à haute vitesse n’est pas accessible ou pour les personnes ayant un faible niveau de littératie. Ces initiatives témoignent toutefois de la reconnaissance d’un besoin. De plus, la province a pris des mesures pour s’assurer que ses lois et ses politiques prennent en considération les besoins en matière de diversité. Comme il en sera fait mention plus loin, la fonction publique de l’Ontario (FPO) a élaboré une approche pour évaluer les lois et les politiques par rapport à différents types de caractéristiques.

Nous croyons non pas que le système et les intervenants pertinents n’ont pas tenu compte de diverses façons du pluralisme de l’Ontario et que l’inclusivité est un projet continu, mais plutôt qu’il convient d’adopter une approche systémique. Nous sommes également conscients que les meilleures intentions sont confrontées à des défis financiers. Dans les cadres que nous avons élaborés respectivement pour les personnes âgées et les personnes handicapées, nous reconnaissons le principe de « réalisation progressive » : bien qu’il soit impossible de tout faire en même temps, il est important de connaître les objectifs, les écarts entre l’aspiration et la réalisation ainsi que les mesures requises pour atteindre les objectifs[210]. La même affirmation pourrait s’appliquer au système de droit de la famille. Lorsque les ressources sont limitées, la mise en œuvre de nouveaux systèmes et de nouvelles approches peut être réalisée au fil du temps lorsque les ressources sont accessibles ou lorsqu’il a été établi que les ressources à l’appui des approches dépassées peuvent être réattribuées aux programmes qui amélioreront le système. Il est toutefois également important de déterminer les objectifs finaux et de prendre des mesures progressives pour les atteindre.

Dans la prochaine section, nous nous penchons sur certaines façons dont la société ontarienne et les relations familiales ont été transformées. Nous traitons ensuite de questions précises ayant une incidence sur l’accès à la justice lorsque les gens envisagent d’entrer ou entrent dans le système, y compris la pertinence de la diversité en lien avec ces questions. Nous terminons le troisième chapitre de la première partie en insistant de nouveau sur l’importance de l’inclusivité pour promouvoir l’égalité réelle, notamment en ce qui concerne les points d’entrée au système de justice familiale.

 

2.               Dresser un portrait

La diversité au sein des familles ontariennes reflète la diversité de la population ontarienne en général. Par exemple, parmi les faits nouveaux, on constate que les changements relatifs aux tendances de l’immigration ont modifié la composition ethnique et religieuse de la province. Bien que les femmes au Canada aient acquis davantage de droits sur le plan social et économique au cours des deux ou trois dernières décennies, il serait possible de croire que les croyances de certains groupes minent l’engagement envers l’égalité entre les hommes et les femmes qui a été reconnue dans la Charte canadienne des droits et libertés[211] et le Code des droits de la personne[212] de l’Ontario. Les pères participent de plus en plus activement à l’éducation de leurs enfants, et on s’attend à ce qu’ils entretiennent les relations avec leurs enfants après une séparation. Même si certains estiment peut-être qu’elle a tardé à venir, la reconnaissance juridique des couples de même sexe (qu’il s’agisse du droit de subvenir aux besoins d’un enfant ou d’en obtenir la garde, du droit de visite ou du droit au mariage) a été accompagnée d’une acceptation généralisée de l’homosexualité, une forme de sexualité qui était auparavant contraire à la loi. La compréhension plus générale de l’identité sexuelle et de l’expression de l’identité sexuelle est désormais reconnue[213]. Les politiques publiques reposent maintenant sur la reconnaissance qu’une société fondée sur l’hypothèse de l’« aptitude physique » doit être