A.              Approche

Le gouvernement de l’Ontario a relevé le défi d’établir de meilleurs partenariats parmi les fournisseurs de services. Nombreux sont les fournisseurs de services publics qui proviennent du secteur sans but lucratif, et le gouvernement cherche des moyens pour renforcer ses liens avec ce secteur. En 2010, le gouvernement de l’Ontario a inauguré le Projet de partenariat, sous la direction du ministère des Affaires civiques et de l’Immigration et de la Fondation Trillium. Le rapport daté de 2011 décrit la « conversation entre le secteur sans but lucratif et le gouvernement de l’Ontario »[466]. La conversation portait sur ce qui suit :

  • les façons d’améliorer la collaboration entre le gouvernement et les organismes sans but lucratif;
  • les cadres stratégiques et législatifs qui rendent le secteur sans but lucratif plus efficace;
  • les mécanismes et les nouvelles démarches de financement qui donneraient aux organismes sans but lucratif une plus grande sécurité et une plus grande marge de manœuvre financières;
  • des méthodes plus efficaces de coordonner les politiques, les recherches, les communications et les pratiques[467].

Le rapport sur le Projet de partenariat contient les recommandations suivantes :

  • Favoriser une culture de respect et de reconnaissance au sein du gouvernement et du public en nommant un ministre responsable du secteur sans but lucratif qui serait tenu de lui rendre des comptes et de produire un rapport annuel sur l’état du secteur et les progrès réalisés pour renforcer sa relation avec le gouvernement.
  • Encourager la coordination et la collaboration en fournissant au secteur sans but lucratif un point de contact identifiable, central et faisant autorité au sein du gouvernement.
  • Renforcer les capacités du secteur en améliorant les communications avec celui-ci, en créant des possibilités de collaboration accrue pour l’élaboration des politiques ainsi que pour la surveillance législative, en collaborant avec le secteur pour créer de nouvelles démarches de financement ainsi que des mesures du rendement adéquates et en investissant dans des projets qui appuient la coopération au sein du secteur, les communications coordonnées et les réseaux.
  • S’appuyer sur la technologie pour éliminer le cloisonnement administratif, augmenter la transparence et échanger de l’information.
  • Investir dans l’innovation sociale[468].

En mars 2011, le gouvernement a annoncé la création du Groupe consultatif du Projet de partenariat et du Bureau du Projet de partenariat[469].

La Fondation Trillium a démontré un vif intérêt envers l’établissement de partenariats de collaboration pour contribuer à renforcer les capacités au sein du secteur sans but lucratif. Le programme de subventions de la Fondation Trillium appuie les efforts de collaboration grâce à des subventions flexibles et pluriannuelles. Au cours des dernières années, 16 % de toutes les subventions ont été octroyées à des initiatives de collaboration[470]. À titre d’exemple, dans le cadre de son Fonds pour l’avenir, elle a financé le secteur de l’environnement en renforçant les capacités grâce à l’établissement de partenariats entre des petits groupes et des organismes plus importants[471].

Certains des modèles décrits dans la section précédente représentent bien le type d’efforts préconisés par le rapport Drummond[472], le gouvernement de l’Ontario et la Fondation Trillium en matière de partenariats. Une grande part des dépenses nécessaires à la création d’un centre multidisciplinaire sont déjà engagées. Par exemple, dans le cadre du modèle de consortium, il faudrait prévoir certains coûts supplémentaires pour coordonner la prestation des services déjà offerts. Sans augmenter de façon significative le coût de prestation de ces services, cela permettrait d’accroître l’importance de la coordination. Dans le cadre du modèle de centre de justice familiale, chaque fournisseur de services assure la prestation des services en fonction de son propre budget. Le centre offre un lieu de prestation des services. De plus, la vision et la planification stratégique ont permis une plus grande intégration de ces services et l’utilisation d’outils et de processus communs. Le principe de réalisation progressive favorise l’établissement d’un objectif à long terme, la prise de mesures visant l’atteinte de cet objectif, la détermination des lacunes persistantes et la manière de les combler. Cette approche pourrait servir à la création de centres.

Il est possible que l’approche reposant sur un consortium fonctionne bien dans les centres urbains où se trouvent une forte population et de nombreux fournisseurs de services. Dans d’autres régions de la province, le gouvernement devra peut-être offrir directement les services en créant des centres ou en utilisant la technologie pour établir des « centres virtuels », puisqu’il y a peu de fournisseurs de services à l’échelle locale. L’utilisation de moyens technologiques de plus en plus sophistiqués rend la chose plus réalisable que par le passé, en fonction des besoins[473]. Au fil du temps, l’accès à Internet s’améliorera dans toutes les régions. Cependant, l’utilisation de la technologie ne sera pas optimale tant que l’ensemble des régions de la province n’aura pas de connexion Internet à large bande ou d’autres moyens d’accès. Dans cette optique, une mesure provisoire pourrait consister à utiliser les services sans fil afin d’offrir une aide régulière en personne, tout en incluant l’accès à des ressources virtuelles.

Comme il a été mentionné précédemment, le fait que la pratique du droit de la famille demeure essentiellement un domaine privé constitue un défi pour la création de centres multidisciplinaires. Dans le cadre du modèle de consortium, les services juridiques sont prodigués par une clinique juridique communautaire, tandis que dans les centres de justice familiale, ils sont offerts par Aide juridique Ontario. Un centre multidisciplinaire exploité comme point d’entrée dans le système de justice familiale devra trouver une façon d’offrir l’aide et les conseils juridiques généralement donnés par un avocat à l’intention des personnes qui n’ont pas les moyens de payer des services juridiques, mais qui ne sont pas admissibles à l’aide juridique. Il est aussi possible d’établir des liens entre les avocats de pratique privée et les centres. Cela sera plus réalisable si les intervenants du système de justice commencent à apporter les changements indiqués dans la partie deux en ce qui concerne l’amélioration de l’accès aux services juridiques. Par exemple, au sein d’un centre multidisciplinaire, il pourrait y avoir un avocat travaillant sous contrat qui offrirait des conseils sommaires et d’autres services à portée limitée aux clients, ainsi que des étudiants et éventuellement des parajuristes, sous la direction d’un avocat. Si Aide juridique Ontario offrait des services à un plus grand bassin de personnes, il jouerait alors un rôle plus important dans l’élaboration et la prestation du volet des services juridiques d’un centre multidisciplinaire.

 

B.              Aspects à prendre en considération lors de la mise en place des centres multidisciplinaires et multifonctionnels

1.               Quels sont les défis?

La plus grande préoccupation exprimée au sujet de l’établissement de ces centres est probablement liée au coût potentiel de leur mise en place. Dans le rapport préliminaire, nous reconnaissons que l’établissement de ces centres peut sembler ambitieux en raison du contexte économique actuel. Les commentaires reçus semblent confirmer cette impression. Par exemple, le ministère du Procureur général a souligné la nécessité de consacrer des ressources considérables, notamment les coûts liés aux installations, et l’Advocates’ Society a déclaré qu’il serait plus utile d’affecter les fonds à l’amélioration des mesures de soutien existantes. Toutefois, comme nous l’avons indiqué plus haut, il existe divers modèles de prestation intégrée des services dont certains n’exigent pas un investissement important en matière de fonds publics ou d’infrastructures.

Outre la préoccupation au sujet des coûts, plusieurs défis pratiques et logistiques pourraient découler de l’intégration des services offerts par des professionnels et des organismes différents[474].

Plusieurs professionnels travaillant ensemble au sein d’une équipe peuvent avoir des obligations professionnelles établies par leur propre organisme de réglementation. Les avocats sont en mesure d’offrir des services conjointement avec d’autres professionnels. Cette option est néanmoins limitée de nos jours en raison des règles que doivent respecter les avocats lorsqu’ils établissent un partenariat avec d’autres professionnels pour protéger les utilisateurs des services juridiques. Ces règles revêtent une importance particulière en ce qui concerne nos recommandations à long terme à propos des centres multidisciplinaires.

La règle 6.10 du Code de déontologie du Barreau du Haut-Canada indique ce qui suit : « L’avocat qui exerce dans un cabinet multidisciplinaire fait en sorte que ses associés et les professionnels salariés non titulaires de permis se conforment au présent code et à tous les principes de déontologie qu’il doit respecter dans l’exercice de ses obligations professionnelles[475]. » Les cabinets multidisciplinaires sont régis par le Règlement administratif no 7 du Barreau du Haut-Canada. Ce règlement prévoit notamment qu’un « titulaire de permis » (en vertu de la Loi sur le Barreau) peut offrir à sa clientèle les services d’une personne « qui exerce une profession ou un métier qui sert les intérêts des activités autorisées » et que, pour ce faire, il peut former une société en nom collectif ou une association sans personnalité morale, à condition que l’entité satisfasse à certaines conditions. Les conditions comportent ce qui suit : que l’autre professionnel respecte les règles du Barreau et que le titulaire de permis possède le « contrôle effectif »; que le titulaire de permis est responsable de garantir que l’autre professionnel exerce sa profession avec un « niveau approprié d’habiletés, de jugement et de compétences » et qu’il se conforme aux règles du Barreau; que le titulaire de permis a une couverture d’assurance responsabilité civile professionnelle pour le professionnel équivalente à celle du titulaire de permis[476]. Nos recommandations ne sont pas élaborées à l’intention des cabinets privés; néanmoins, ces règles peuvent avoir une incidence sur la capacité à établir des centres multidisciplinaires de sorte qu’il y règne une véritable collaboration.

Les autres professionnels ont leurs propres règles. À titre d’exemple, il existe différentes obligations professionnelles en ce qui a trait à la confidentialité et au devoir de rendre compte. Les avocats en Ontario ont l’obligation de préserver la confidentialité de la clientèle en vertu de la Règle 2.03 du Code de déontologie qui doit respecter les exigences de la loi. Dans le cadre de l’article 72 de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille, certains professionnels travaillant dans un centre multidisciplinaire pour la famille peuvent devoir déclarer toute violence physique ou sexuelle présumée à l’endroit d’enfants[477]. Les avocats sont toutefois dispensés de cette exigence qui ne porte pas atteinte au secret professionnel liant un avocat à son client[478]. Cette inquiétude en ce qui concerne la confidentialité est particulièrement vive pour les victimes de violence familiale. Dans le cadre de sa réponse au rapport préliminaire, Luke’s Place appuyait la création de centres multidisciplinaires, mais a prévenu que de nombreuses femmes victimes de violence étaient inquiètes quant au respect de la confidentialité de leurs renseignements.

Brenda Jacobs et Lesley Jacobs abordent d’autres facteurs qui évoquent l’existence d’un « choc des cultures » entre les professions qui peuvent participer à la résolution des problèmes découlant de l’éclatement familial. Julie MacFarlane indique qu’il y a des défis à relever pour déterminer les questions de contrôle et les paramètres des rôles, de même que des différences entre les pratiques au chapitre de la méthodologie et de la philosophie. Elle fait observer ce qui suit : [traduction] « chaque profession a tendance à accorder une valeur plus grande à sa propre expertise qu’à celle des autres[479] ». Les intervenants des professions axées sur la relation d’aide peuvent considérer les avocats comme étant trop conflictuels et sceptiques quant au jugement des autres. Certains craignent que les avocats attisent les conflits. Les professionnels peuvent aussi avoir des notions préconçues de la nature et de la valeur du travail effectué par d’autres professionnels. De plus, le point de vue sur la conclusion appropriée peut être dicté par la perspective du professionnel. Par exemple, un travailleur social peut comprendre le comportement et les souvenirs contradictoires d’un client qui le consulte différemment d’un avocat dont les conseils peuvent varier en fonction des faits fournis par le client. Ce dernier point pourrait s’avérer un avantage dans la prestation de services multidisciplinaires si les professionnels sont ouverts à l’idée d’apprendre des autres.

 

2.               Relever les défis qui se posent

Bien que le coût soit une considération très importante, on doit également tenir compte du coût direct et indirect très élevé associé à l’exploitation d’un système de justice familiale déroutant qui se fonde principalement sur des services que de nombreuses personnes n’ont pas les moyens de payer. Les parties non représentées, y compris en droit de la famille, doivent non seulement subir les conséquences de leur tentative pour naviguer dans un système complexe, mais ils en font aussi payer le prix à la partie adverse, aux avocats qui représentent celle-ci ainsi qu’aux juges. Bien que le renforcement des services relatifs aux tribunaux était une bonne idée, cela ne permettra pas de régler certains des problèmes recensés et mentionnés dans le présent rapport qui surviennent du fait que le tribunal est le principal point d’entrée au sein du système de justice familiale. Parmi les problèmes soulevés se trouvent la nécessité de faire valoir d’autres approches d’accès facile afin de résoudre les différends familiaux, la reconnaissance que les problèmes familiaux ont souvent des corrélations étroites avec d’autres types de problèmes qui ont entraîné des problèmes juridiques ou renforcé ceux-ci et l’importance de tenir compte de la diversité démographique croissante en Ontario.

Il est possible de surmonter les défis sur le plan de la logistique. Lorsque Catholic Family Services a mis en place le centre de justice familiale de Peel, il a fallu résoudre ces problèmes. Cela comprenait un exercice d’établissement de la vision et un processus de planification stratégique incluant tous les organismes du partenariat sur une période d’un an et demi. Cette démarche a débouché sur l’élaboration d’un cadre de référence et d’un processus de résolution des conflits. Nous ne prétendons pas que ce processus sera facile. Lorsque nous avons parlé avec Shelina Jeshani, elle a mentionné que le centre vivait quelques difficultés liées à la confidentialité et que, au moment où elle a quitté l’organisme, celui-ci peaufinait toujours le processus[480].

 

3.               Assurance de la qualité

Dans l’optique qu’il est possible de créer des centres multidisciplinaires de différentes façons avec la participation d’un certain nombre d’intervenants, il est important de s’assurer que les centres offrent constamment des services de qualité supérieure. Une fonction de surveillance est importante. Dans le secteur des services sociaux, Services à la famille – Ontario offre du soutien aux organismes de services à la famille dans l’ensemble de la province. Ce soutien inclut plusieurs services aux organismes membres, notamment en ce qui concerne les conseils et l’agrément[481].

En ce qui concerne l’agrément, Services à la famille – Ontario administre le Programme canadien d’agrément des services à la famille. Celui-ci [traduction] « est conçu pour offrir une évaluation de la qualité des services offerts aux familles et aux personnes par l’entremise du secteur sans but lucratif[482] ». Il fait la promotion de l’assurance de la qualité parmi les organismes offrant des services aux familles en faisant une évaluation de la gouvernance et de l’administration d’un fournisseur de services, ainsi qu’une évaluation du nombre de programmes offerts. Le site Web présente un processus d’agrément détaillé et souligne que les normes d’agrément sont régulièrement mises à jour, que les examinateurs des demandes d’agrément sont triés sur le volet et que les politiques et les procédures de formation sont pertinentes et actuelles. Étant donné que l’élément central de notre gamme complète de services demeurera le « droit de la famille », il sera important d’élaborer un type d’évaluation qui examine la qualité des services juridiques et la mesure dans laquelle ceux-ci ont été intégrés à la prestation d’autres services pertinents et formes d’assistance.

 

4.               Rattacher les centres au reste du système

Au point d’entrée, il essentiel de définir la nature des problèmes juridiques et connexes d’une personne ainsi que l’éventail des recours possibles. Comme d’autres, nous utilisons le terme « triage » pour décrire cette fonction.

Bien que l’ensemble des intervenants du système de justice familiale ait souligné l’importance d’une intervention rapide dans les questions relevant du droit de la famille ainsi que la valeur des services de règlement extrajudiciaire, il est important de souligner que, dans certains cas, les tribunaux constitueront le lieu le plus approprié pour régler un différend. En outre, à titre de mécanisme de dernier recours, les tribunaux jouent un rôle important dans le cadre d’autres formes de règlement des différends, car de nombreuses personnes pourraient ne pas être disposées à régler leurs différends à l’extérieur du tribunal si l’autre partie n’avait pas la possibilité de présenter sa cause au tribunal. Il est important de maintenir le dialogue qui peut favoriser une transition sans heurt. Par exemple, Aide juridique Ontario exploite un centre de services en droit de la famille à proximité de la Cour de justice de l’Ontario (47, avenue Sheppard) et de la South Legal Clinic of Ontario (SALCO). « Bien que fonctionnant indépendamment l’un de l’autre, la clinique et le centre sont des éléments du guichet unique pour les clients qui cherchent des renseignements, du soutien et des services juridiques au cœur de toutes les affaires en droit de la famille relevant des tribunaux de la région du grand Toronto[483]. » Comme nous l’avons décrit plus haut, le centre de services en droit de la famille offre des services allant de la prestation de conseils sommaires à une représentation juridique complète. Le personnel du centre de services en droit de la famille a tissé des liens étroits avec le tribunal et il établit un lien direct avec celui-ci lorsqu’une intervention judiciaire d’urgence est requise, par exemple dans un cas de violence familiale où il faut obtenir une ordonnance de non-communication.

Il est donc important que ces « points d’entrée » soient perçus comme une passerelle menant au recours approprié et non comme un obstacle lorsque le recours approprié est l’intervention du tribunal. Ces points d’entrée doivent donc être considérés comme étant intégrés au système de justice familiale et non comme étant exploités à l’extérieur de celui-ci. Ils devraient être perçus comme faisant partie intégrante d’un système plus vaste de services à la famille qui comprend les centres communautaires, les maisons de refuge pour femmes et d’autres services destinés aux Autochtones, aux collectivités ethnoculturelles et aux personnes handicapées, ainsi que les tribunaux. Les autres services devraient considérer les centres comme le lieu le plus efficace où envoyer les clients qui se présentent tout d’abord à eux, en tenant compte de la manière dont les centres fonctionnent.

 

C.              Respecter les critères de référence

De nombreux défis s’ajouteront à ceux mentionnés plus haut dont nous devrons tenir compte, mais nous croyons qu’aucun défi n’est insurmontable. Nous conseillons vivement aux principaux intervenants du système de justice familiale de suivre l’exemple établi par les intervenants du système de soins de santé et d’élaborer un cadre pour la création de points d’entrée ou d’accès multidisciplinaires et multifonctionnels dans le système de justice familiale qui tireront parti le plus possible des ressources existantes et des services déjà offerts aux différents groupes en Ontario.

La province pourra établir un ou des projets pilotes dès qu’un modèle et un plan de mise en œuvre auront été élaborés. Il serait peut-être plus utile d’établir deux projets pilotes différents dans des régions diverses de la province. La pleine participation au processus peut prendre jusqu’à deux ans, comme ce fut le cas pour le modèle du secteur des soins de santé. Néanmoins, ce processus peut entraîner la transformation de certains aspects cruciaux du système de justice familiale.

La prestation de services juridiques est au cœur des services complets que nous proposons. Les autres services s’ajoutent aux services juridiques. Dans cette optique, contrairement à certains des exemples mentionnés plus haut, les services juridiques ne sont pas complémentaires aux autres services. Un éventail de services peut être regroupé en un même endroit, comme c’est le cas dans les centres de justice familiale aux États-Unis[484], ou encore, les services juridiques et certains autres services utilisés plus souvent peuvent être offerts en un seul endroit tout en donnant un accès facile aux autres services qui sont requis par un nombre moins élevé de personnes ou qu’il est préférable d’offrir ailleurs. Le modèle peut se fonder davantage sur la collaboration que sur une seule entité offrant des services (avec l’accès à d’autres services plus spécialisés, au besoin), comme c’est le cas du projet Communiquer. Les personnes auraient accès à un intervenant qui pourrait donner des renseignements, offrir des services d’aiguillage (en tirant profit des autres expertises disponibles, selon le cas) et, au besoin, surveiller la prestation des autres services.

Les services seraient offerts à toutes les personnes aux prises avec des problèmes familiaux qui ont besoin d’une aide juridique (et probablement aussi d’un autre ordre). Ce modèle se distinguerait donc de ceux qui sont déjà en place et qui visent tout spécialement les femmes victimes de violence familiale, même si, dans le cadre de ce modèle, on offrirait des services spécialisés ou on s’assurerait que les victimes de violence familiale aient accès à ces services dans un endroit plus approprié au besoin (p. ex. un centre communautaire ou un centre de justice familiale). Le modèle qui se rapproche probablement le plus de ceux décrits plus haut est celui des centres d’accès à la justice de la Colombie-Britannique, même si nous ne suggérons pas que le modèle offre des services pour toutes les affaires au civil[485]. Des services culturellement adaptés seraient offerts directement au centre ou faciles d’accès sur demande. Il en irait de même pour l’aide aux personnes ayant des difficultés de langage ou de littératie. Un élément clé de tous ces centres est que les services seraient offerts d’une manière qui tient compte des besoins des clients afin que ceux-ci puissent parvenir à un règlement, que ce soit à l’étape de la consultation dans les centres ou au sein de l’appareil judiciaire auquel les centres sont reliés.

Bien que les efforts ponctuels pour améliorer l’accès au système de droit de la famille puissent avoir une incidence positive, il est essentiel qu’ils contribuent à une forme cohérente d’accès à la justice familiale. Il est également important que l’accès soit utile aux personnes dont la situation financière ne leur permet pas de retenir les services d’un avocat ou qui ne peuvent pas facilement s’adapter au système dominant en raison de leur expérience de vie. Comme il est possible pour une personne d’avoir « trop de choix », elle peut aussi avoir accès à trop de renseignements sans savoir comment déterminer la pertinence de ceux-ci par rapport à sa situation personnelle. La reconnaissance de la valeur des étudiants en droit et des intermédiaires de confiance, et éventuellement des parajuristes, fait partie des moyens moins coûteux d’améliorer l’accès à la justice. Un recours accru à ces fournisseurs de services – qui ne remplaceraient pas les avocats et recevraient une formation et une supervision appropriées – peut se révéler d’une grande aide pour les personnes qui n’ont pas les moyens de retenir les services d’un avocat, mais qui ne sont pas admissibles à l’aide juridique. Des mandats limités supplémentaires peuvent aussi être utiles. Nous estimons que chacune de ces options est valable. Toutefois, nous croyons aussi qu’une intégration complète de ces services, ainsi que le fait de reconnaître que, pour bon nombre de personnes qui vivent des différends familiaux, les problèmes non juridiques peuvent être tout aussi importants, voire plus importants que les problèmes soi-disant juridiques. Nous recommandons donc l’établissement de services multidisciplinaires et multifonctionnels sous différentes formes, selon les besoins et les possibilités, en vue de constituer un centre « réel » ou « virtuel ».

L’approche globale de l’accès au système de droit de la famille – qui comprend les suggestions présentées au deuxième chapitre de la présente partie, qui seraient intégrées à des centres multiculturels et multifonctionnels bien reliés aux autres intervenants du système – satisferait aux critères de référence mentionnés plus haut :

  • en rendant accessibles les renseignements initiaux là où les gens sont susceptibles de les voir, dans les endroits qu’ils fréquentent;
  • en donnant des renseignements plus détaillés sur papier et sur Internet grâce à un point central d’information qui permet aux personnes de décider si elles veulent régler leur problème familial par l’entremise du système juridique avec l’aide d’intermédiaires de confiance dont certains peuvent tenir compte de divers niveaux d’études ou de littératie; de l’existence de violences familiales; et de facteurs comme les normes culturelles, le statut d’autochtone, le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge, la langue, l’incapacité, l’emplacement géographique et d’autres facteurs semblables qui ont une incidence sur l’interaction entre les personnes et le système juridique familial;
  • en offrant des ressources coordonnées qui aident les personnes à déterminer la nature réelle de leur problème en temps opportun;
  • en offrant des programmes qui ont été élaborés en consultation avec les collectivités touchées;
  • en traitant les enjeux liés à la capacité financière sans compromettre la qualité des services obtenus auprès des avocats grâce à l’utilisation de différents modèles et au recours à des personnes ayant reçu une formation juridique sans aller jusqu’à la formation d’avocat, en offrant une réglementation et une supervision appropriées;
  • en reconnaissant et en prenant en compte les nombreux problèmes qui accompagnent les problèmes familiaux en incluant directement une expertise non juridique ou en facilitant l’accès à celle-ci;
  • en offrant un processus intégré des premières étapes jusqu’au règlement final grâce à la nature globale des services qui sont systématiquement reliés aux étapes ultérieures du processus;
  • en se fondant sur un modèle durable élaboré conformément au principe de la réalisation progressive.

 

 

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