L’évaluation et les recommandations de la Commission du droit de l’Ontario relativement au système de droit portent essentiellement sur la nécessité d’accroître l’inclusivité du système juridique de manière à ce qu’il tienne compte du pluralisme de l’Ontario et puisse y répondre et afin de régler les problèmes continus liés à l’abordabilité ainsi que l’éventail de difficultés que doit surmonter une famille en crise.

Nous évaluons le système actuel en fonction de critères de référence, proposons des modifications afin de mieux les respecter et formulons des recommandations quant à la mise en place de centres multidisciplinaires et multifonctionnels ou d’une vaste gamme de services initiaux à l’intention des personnes qui vivent un conflit familial et qui ont besoin d’aide pour savoir si elles ont des problèmes juridiques et, dans l’affirmative, déterminer quelle serait la meilleure marche à suivre.

Au cours des quelques dernières années, le système de droit de la famille a fait l’objet d’un nombre considérable d’études et de réformes. Néanmoins, des problèmes subsistent relativement à la complexité et aux difficultés vécues en particulier par les parties non représentées. Nous reconnaissons le travail considérable qui a déjà été accompli par le gouvernement, les tribunaux, les universitaires et les organismes communautaires. Nous nous en servons comme tremplin afin d’aller plus loin en mettant de l’avant les nuances de la diversité et les services généraux au sein des services juridiques officiels.

Le rapport comprend deux parties, ainsi qu’une introduction commune et une récapitulation de la première partie au début de la seconde partie. Dans la première partie, nous établissons le contexte. Entre autres, nous évaluons les points forts et les points faibles du système actuel dans l’optique de l’« accès à la justice », en particulier la question de savoir si, et de quelle façon, le système aborde la difficulté que représente la diversité, facilite l’accès rapide et efficace à l’information et répond à la hausse constante des coûts des services juridiques ainsi qu’aux interrelations entre les problèmes juridiques et les autres problèmes des personnes qui vivent un éclatement familial potentiel. Dans la seconde partie, nous proposons des moyens d’améliorer les points d’entrée actuels afin de faciliter l’accès aux services de justice familiale. Les changements abordés dans la seconde partie sont nécessaires pour la mise en place de la prestation générale des services, ainsi que pour le soutien à ceux-ci, que nous recommandons à la fin de la seconde partie.

Notre approche est conçue de manière à accroître l’accès à la justice en fournissant suffisamment de renseignements et d’aide, de sorte que les personnes qui vivent un conflit familial peuvent décider si elles souhaitent être prises en charge par le système juridique familial et être en mesure, si c’est le cas, de prendre les mesures subséquentes. Elle repose sur la notion selon laquelle le système juridique et d’autres aspects de la société, comme l’accroissement du pluralisme de la société ontarienne et la nature interdisciplinaire des conflits familiaux, agissent l’un sur l’autre.

Nous fournissons, au deuxième chapitre de la première partie, un aperçu du système actuel de droit de la famille, y compris les réformes entreprises depuis 2010. Nous abordons l’information juridique et les outils d’autoassistance, la représentation et les conseils juridiques, la résolution des conflits, la consultation et d’autres services de soutien, et nous jetons un coup d’œil sur les services pour les enfants. Nous évaluons le système actuel en fonction des critères de référence.

Malgré l’abondance de renseignements disponibles, aussi bien sur papier que sur Internet, il devient rapidement compliqué et difficile de s’y retrouver. Les sources sont nombreuses et chacune met l’accent sur son propre mandat. Internet facilite l’accès à l’information pour bien des personnes, tandis que d’autres éprouvent toujours de la difficulté du fait qu’elles n’ont pas facilement accès à un ordinateur, ne savent pas comment s’en servir ou encore vivent dans un endroit éloigné sans connexion haute vitesse à Internet. Il est probable que les personnes ayant un faible niveau de littératie ou dont la langue maternelle n’est ni l’anglais ni le français éprouvent de la difficulté à obtenir de l’information écrite; et même si elles parviennent à lire l’information, il se peut qu’elles ne soient pas capables de l’appliquer à leurs propres circonstances.

Même si l’information en ligne peut souvent être utile, certaines personnes ont besoin de l’aide d’autrui afin de pouvoir la comprendre. Cependant, une grande partie de l’information fournie en personne par le système officiel est liée aux tribunaux. Or, ce ne sont pas toutes les personnes vivant des difficultés d’ordre familial qui voudront s’adresser à un tribunal.

Nous présentons un résumé des difficultés que doivent surmonter les parties non représentées, ainsi que leurs incidences sur le système. L’absence de représentation juridique abordable demeure une importante lacune, à laquelle les dernières réformes n’ont pas réussi à remédier complètement. En outre, nous abordons des faits nouveaux, comme les mandats limités et l’apport des étudiants en droit au système. Nous nous penchons rapidement sur les réformes apportées au système juridique qui visent à le rendre plus efficace et plus accessible pour les parties à un litige. L’objectif de ces mesures consiste à régler plus rapidement les affaires relativement peu complexes et au faible niveau de conflit, ce qui permet de dégager davantage de ressources pour les cas plus conflictuels et au niveau de conflit élevé. Nous examinons également une gamme de services de consultation à la disposition des personnes vivant une crise familiale.

Lors de l’évaluation du système actuel en fonction de nos critères de référence, nous avons constaté l’abondance de l’information et la difficulté qu’éprouvent des personnes présentant certaines caractéristiques pour y accéder, la comprendre ou l’appliquer à leur propre situation. Les outils d’autoassistance entraînent les mêmes difficultés. Nous avons également été préoccupés par la mesure dans laquelle l’information en personne fournie par le système juridique tient pour acquis que les gens se tourneront vers les tribunaux pour résoudre leurs problèmes. De surcroît, le système actuel ne tient pas suffisamment compte des multiples problèmes qui ont mené aux problèmes juridiques, qui les accentuent ou les rendent encore plus difficiles à régler à long terme. Enfin, même si nous sommes conscients que les différents intervenants du système ont, de bien des façons, répondu à la diversité de la population de l’Ontario, nous estimons qu’il est possible d’en faire plus à cet égard.

Le troisième chapitre de la première partie s’attarde sur la richesse du pluralisme de l’Ontario, les changements relatifs au statut de la femme et l’évolution des relations entre les hommes et les femmes, les difficultés propres aux personnes ayant certains handicaps, l’ampleur du manque de littératie, la réalité de la vie dans les régions éloignées, les changements apportés aux lois, par exemple la reconnaissance des mariages de même sexe et la composition des familles ontariennes, de même que sur les conséquences de tous ces facteurs sur les interactions entre les personnes et le système juridique familial. Nous expliquons les raisons pour lesquelles nous estimons que le système de droit de la famille doit faire de la promotion d’une égalité réelle une valeur primordiale grâce à la façon dont il aborde et intègre ces facteurs et ces circonstances.

Dans la seconde partie, nous suggérons des changements qui devraient contribuer à combler les dernières lacunes. Ces changements préparent le terrain pour les points d’entrée globaux que nous recommandons. En ce qui concerne l’information en ligne, nous proposons de créer un « point central d’information » qui rassemble les renseignements en une formule complète. Nous croyons également que l’information la plus élémentaire doit être rendue disponible là où les personnes peuvent la voir lorsqu’elles pensent à leurs problèmes familiaux – à l’épicerie ou dans la salle d’attente d’un médecin, par exemple. Nous estimons que des « intermédiaires de confiance » dans des centres communautaires ou d’autres endroits semblables peuvent fournir une aide précieuse en expliquant l’information aux personnes d’origine ethnique connexe, aux personnes ayant certains handicaps ou un faible niveau de littératie ainsi qu’à celles pour qui le jargon juridique (même lorsqu’il est vraisemblablement vulgarisé) est difficile à comprendre, en plus de les aider à utiliser des outils d’autoassistance. Nous insistons sur le fait que les intermédiaires de confiance doivent avoir une formation appropriée et être en mesure d’accéder aux ressources nécessaires à l’exercice de leurs responsabilités.

Même tôt dans le processus, les gens doivent avoir accès à des conseils juridiques. En réalité, tout le monde ne peut pas avoir accès à une représentation juridique complète. Même si nous sommes prudents en ce qui concerne les services dégroupés, tout particulièrement en ce qui a trait aux affaires familiales, nous reconnaissons qu’ils font partie intégrante de la prestation de services. Par conséquent, nous soulignons que les avocats qui fournissent des services par l’intermédiaire de mandats limités doivent connaître les écueils. Nous mentionnons des solutions qui ont été adoptées ailleurs dans le but de permettre la prestation de services juridiques plus abordables, sans nécessairement les sanctionner. Nous discutons également de la façon dont il serait possible de profiter davantage de l’apport des étudiants, à condition toutefois que ceux-ci reçoivent la formation pertinente et que des limites appropriées soient imposées quant aux tâches qu’ils peuvent accomplir. L’élargissement de la portée de la pratique des parajuristes de manière à inclure le droit familial est une question controversée. Cependant, nous concluons que cette possibilité ne devrait pas être simplement écartée et qu’il est préférable de l’étudier attentivement, tout en notant qu’il faut répondre adéquatement aux préoccupations exprimées par David Morris, qui s’est penché sur la pratique des parajuristes en Ontario durant la période de cinq ans qui a suivi leur réglementation, à propos de la formation et des normes de conduite professionnelle. Il est important, dans l’ensemble, de déterminer les besoins des personnes qui éprouvent de la difficulté à explorer le système du fait qu’il ne leur est pas familier ou en raison de leurs circonstances, et de tenir compte de ces besoins en ce qui concerne la façon dont l’information est fournie ainsi que la disponibilité d’intermédiaires pertinents, par exemple. Enfin, le fait que les personnes aient un meilleur accès à l’expertise nécessaire à la résolution des problèmes multiples qui accompagnent souvent les problèmes juridiques familiaux contribuera à la résolution du volet juridique de leur différend.

Ces changements et les autres changements semblables que nous étudions dans la seconde partie contribueraient au respect des critères de référence en fournissant des renseignements de base lorsque les personnes en ont besoin, en simplifiant l’accès à l’information et en fournissant du soutien pour l’accès au système aux novices et aux personnes dont les circonstances font en sorte qu’elles ne peuvent, avec les ressources disponibles, interagir adéquatement avec le système. Grâce à ce soutien, les personnes sont mieux à même de décider si elles souhaitent obtenir l’aide du système juridique et s’il s’agit de la meilleure solution à leurs problèmes. Bien formés, les étudiants et possiblement les parajuristes seront en mesure de fournir certains types de services à l’appui des gens qui interagissent avec le système juridique. Cependant, mis en œuvre en tant que programmes ponctuels, ces changements ne conduiraient pas au processus intégré faisant partie des critères de référence en vue d’un système de droit de la famille efficace et adapté.

Le reste du rapport souligne les raisons pour lesquelles nous croyons que l’élaboration de services globaux (multidisciplinaires et multifonctionnels) constitue la façon la plus efficace de fournir l’accès au système juridique familial. Nous proposons que ces services soient mis en œuvre en fonction du principe de « réalisation progressive » : que le gouvernement définisse ses objectifs, qu’il mette en œuvre ce qui est réalisable, et qu’il détermine les lacunes entre ses objectifs et ce qui a été réalisé; le but consiste à aller de l’avant jusqu’à l’atteinte des objectifs. En pratique, il est nécessaire de s’adapter aux changements de circonstances. Cependant, le fait d’avoir une vision de ce que nous cherchons à atteindre est utile pour comprendre ce qu’il nous reste à accomplir.

Il est essentiel de considérer les problèmes familiaux d’une manière globale pour aider à déterminer à la fois si les problèmes doivent vraiment être réglés dans le cadre du système juridique familial ou si la résolution d’autres problèmes (relatifs aux finances ou à la santé mentale, par exemple) permet à un couple de constater qu’il n’est pas nécessaire, en fin de compte, de rompre, ou de régler plus facilement les questions d’ordre juridique s’il souhaite toujours mettre fin à la relation. Ces services permettront de surcroît de mieux tenir compte des questions liées à l’origine ethnique, au sexe, au statut d’Autochtone, au faible niveau de littératie et aux autres caractéristiques dont nous discutons tout au long du rapport.

Nous sommes d’avis que l’élaboration de services interprofessionnels dans le secteur des soins de santé constitue une analogie pertinente, même si elle est imparfaite. En outre, les modèles actuels de prestation de services multidisciplinaires et multifonctionnels constituent un excellent fondement pour nos propres recommandations. L’initiative relative aux soins de santé se distingue de notre approche étant donné qu’elle concerne essentiellement, mais pas exclusivement, les fournisseurs de soins de santé (et ne comprend pas nécessairement les médecins), tandis que nous préconisons l’inclusion d’experts non juridiques. Les autres modèles s’écartent de notre vision, puisque même s’ils font intervenir une expertise multidisciplinaire, ils ont tendance à se limiter à certains groupes en particulier (comme certaines collectivités ethniques ou culturelles, les femmes victimes de violence familiale ou les personnes vivant dans des collectivités rurales). Or, nous recommandons au contraire que les services ne s’adressent pas à une collectivité ni à un groupe bien précis, mais qu’ils intègrent plutôt du soutien à l’intention des personnes susceptibles d’avoir de la difficulté à interagir avec le système pour une raison quelconque : identité culturelle, incapacité, fait de vivre dans une région éloignée, faible niveau de littératie, etc. Nous soulignons que nous ne croyons pas que tout le monde peut être défini (par exemple) par son appartenance à un groupe ethnique particulier et que ce ne sont pas tous les membres d’un certain groupe qui ont les mêmes points de vue ou besoins. Il en va de même pour les autres caractéristiques. Néanmoins, celles-ci sont révélatrices des difficultés liées aux interactions avec le système et auxquelles il est possible de remédier grâce à différents moyens qui seront à la disposition de tous ceux qui ont besoin d’un type d’aide précis.

Dans le quatrième chapitre de la seconde partie, nous expliquons que le gouvernement de l’Ontario souhaite créer des partenariats entre les différents types de fournisseurs de services et a préparé à cette fin le terrain pour l’approche préconisée. Nous tenons compte des difficultés liées à la création de ce modèle, de la nécessité relative à l’assurance de la qualité, de la façon dont ces points d’entrée globaux doivent être liés au reste du système et de la façon dont ce modèle satisfera aux critères de référence : 1) en rendant accessibles les renseignements de base là où les gens sont susceptibles de les voir, dans les endroits qu’ils fréquentent; 2) en mettant en place, avec l’aide d’intermédiaires de confiance, un point central d’information qui aidera les personnes à décider si elles souhaitent régler leurs problèmes familiaux en faisant appel au système juridique familial; 3) en offrant des réponses aux ressources coordonnées à la nature multidisciplinaire des problèmes familiaux; 4) en élaborant des programmes en collaboration avec les collectivités touchées; 5) en nous attaquant aux problèmes d’abordabilité des services, sans compromis sur le plan de la qualité; 6) en offrant un processus intégré des premières étapes jusqu’au règlement final grâce à l’établissement systématique de liens entre les points d’entrée globaux et les étapes ultérieures du processus; 7) en se fondant sur un modèle durable élaboré conformément au principe de la réalisation progressive. Ces services peuvent tous être situés dans un immeuble ou en ligne et il pourrait y avoir un « centre » qui relie ces services. La forme dépendra de l’emplacement et des besoins.

Nos recommandations figurent au cinquième chapitre de la seconde partie : 1) les principaux intervenants en matière de droit familial doivent participer à un processus visant à élaborer des services globaux (multidisciplinaires et multifonctionnels), ce qui comprend la détermination des services pertinents qui répondent aux critères d’accessibilité, de diversité (inclusivité), de rapidité d’exécution et d’efficacité ainsi qu’aux autres critères de référence établis dans le rapport; la détermination des difficultés et des moyens de les surmonter; l’établissement des programmes et des services pertinents qui existent déjà et des moyens de les intégrer aux nouveaux services; l’élaboration d’un processus d’agrément des centres de services multidisciplinaires; et l’élaboration d’un plan stratégique de mise en œuvre; 2) le plan doit intégrer les principes de réalisation progressive ainsi qu’une méthode d’évaluation; 3) le gouvernement de l’Ontario doit faciliter la création de deux projets pilotes, l’un en milieu urbain, l’autre en milieu rural, qui répondent aux critères de référence.

 

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