A.    L’objet du projet la loi et la famille

Le Rapport préliminaire constitue l’opinion la plus récente de la Commission du droit de l’Ontario concernant notre projet la loi et la famille. Il représente notre évaluation des changements à apporter au système afin de contribuer à la réalisation des deux objectifs suivants : une meilleure efficacité pour les parties et les intervenants du système et une meilleure adaptation aux besoins des diverses parties familiales.

Le choix d’un projet en droit de la famille reflète l’importance fondamentale d’un processus qui puisse efficacement régler les litiges se produisant inévitablement dans les relations familiales. Parfois, le système juridique familial doit pouvoir aider les familles temporairement en difficulté. Il devrait toujours pouvoir aider les familles dont les difficultés en sont rendues à la crise. Les membres de la famille dont les litiges nécessitent une intervention du système juridique – ou à tout le moins semblent la nécessiter – peuvent faire face à une période difficile et émotive. Il peut être coûteux de tenter de régler leurs problèmes. 

Dans la plupart des sociétés, y compris le Canada, l’institution qu’est la famille occupe une place  importante même si la structure de la famille peut être très différente dans d’autres sociétés. Cette structure diffère au sein du Canada, y compris en Ontario. Peu importe la structure familiale, nous devons pouvoir concevoir la famille comme une pierre angulaire de notre vie, de préférence comme un sanctuaire et une source de soutien. Mais parfois, la famille est une source de discorde, de peine et de colère. La décision par la CDO d’entreprendre un projet sur le droit de la famille constitue une réponse au fait qu’il y a des ruptures familiales et que les conséquences d’une rupture peuvent être aggravées par l’interaction des parties avec le système juridique.

L’importance fondamentale de la vie familiale se reflète dans les actes internationaux en droits de la personne. Par exemple, la famille a droit à la protection de l’État en vertu de la Déclaration universelle des droits de l’homme[1]. Les relations au sein de la famille comme institution sont aussi considérées dignes de reconnaissance internationale. L’article 16 de la Déclaration prévoit que les hommes et les femmes ont des droits égaux « au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution ». 

Le cadre juridique régissant la vie familiale et son application en Ontario et au Canada dans son ensemble a évolué au cours des trente‑cinq dernières années. Traitant auparavant l’homme et la femme comme s’ils n’étaient qu’« un » à leur mariage, la législation familiale ontarienne reconnaît maintenant l’égalité entre les conjoints[2]. Dans la législation fédérale, le sens du mot « mariage » reconnaît maintenant le mariage entre conjoints de même sexe[3]. Au fil des ans, la Loi sur le divorce a été modifiée de manière à permettre la fin d’un mariage simplement au motif que le couple a décidé que leur relation ne fonctionnait plus[4]. Néanmoins, de nombreuses façons, les changements au mode de fonctionnement du système ont été greffés au système actuel, qui est devenu complexe et déroutant. 

Le présent Rapport préliminaire vise la création d’un système juridique qui joue un rôle approprié afin d’aider les membres des familles à progresser. Inévitablement, il se concentre donc sur les problèmes auxquels peuvent faire face les familles. Il repose aussi sur l’hypothèse que bon nombre de ces problèmes, quoique pas la totalité, peuvent être réglés par un système juridique familial adapté à leurs besoins. 

De nombreux aspects du système juridique familial méritent des études et des recommandations en vue d’une réforme, mais le projet de la CDO met l’accent sur les « points d’entrée » du système de justice familiale; autrement dit, les « points d’entrée » constituent la première démarche qu’une personne peut entamer à l’extérieur de sa famille immédiate afin de régler un différend familial. Certains de ces points d’entrée sont informels (un conseiller spirituel ou un membre de la famille élargie, par exemple), tandis que d’autres s’inscrivent dans le système officiel, ce que nous entendons par l’ensemble des services gouvernementaux (comme les Centres d’information sur le droit de la famille aux tribunaux de la famille[5]) et les services privés rémunérés (comme les services d’un avocat ou d’un médiateur) qui peuvent contribuer au règlement officiel d’un différend familial. Nous croyons qu’il est important de bien faire les choses dès les premières étapes d’un différend familial puisque ces étapes sont souvent essentielles pour la manière dont un différend en droit de la famille se règle. Les points d’entrée peuvent jouer un important rôle en informant les familles de leurs options, les orientant vers les services pertinents et les conseillant sur les meilleures façons de régler les problèmes juridiques et les différends familiaux.  

Le présent Rapport préliminaire s’attaque à une gamme de questions : Comment les personnes passent‑elles des points d’entrée informels aux points d’entrée officiels? Dans quelle mesure les besoins de la personne sont‑ils relevés au point d’entrée officiel initial? Quelles sont les répercussions sur la façon dont ces besoins sont relevés et dont une réponse initiale est formulée? Comment le système juridique peut‑il reconnaître la diversité des familles ontariennes et la relation de leurs membres avec la collectivité et y répondre? Comment peut‑on réduire les coûts, tant pour les parties que pour le système? Comment les « travailleurs » au sein du système peuvent‑ils le plus efficacement s’acquitter des tâches dont on s’attend d’eux?  

Nous n’examinons pas d’autres méthodes d’entrée dans le système que celles qui s’appliquent aux parties qui sollicitent une séparation ou un divorce. Par exemple, nous n’analysons pas les instances de protection de l’enfance ou, sauf de façon mineure, les problèmes qui découlent de l’inculpation d’un conjoint ou d’un parent à l’égard d’une infraction criminelle touchant l’autre conjoint ou les enfants. Nous n’examinons pas non plus les cas où l’État exige des personnes qu’elles entrent dans le système. Par exemple, Ontario au travail[6] et le Programme de soutien aux personnes handicapées de l’Ontario[7] peuvent obliger les parents gardiens à solliciter une pension alimentaire des parents non gardiens, et Passeport Canada peut exiger des ordonnances de garde[8]. Par conséquent, les gens qui ne voulaient pas avoir à traiter avec leurs conjoints peuvent être tenus d’entrer dans le système de justice familiale. Cela peut ajouter à la pression imposée au système de justice familiale à la demande de l’État, en particulier dans les situations conflictuelles. Bien que cet aspect des points d’entrée puisse nécessiter d’autres recherches, nous n’en parlerons pas dans cette étude. Nous n’approfondissons pas non plus les questions relatives aux enfants, quoique nous reconnaissions que ceux‑ci puissent jouer un rôle actif même aux points d’entrée dans le système[9]. La détermination des droits de l’enfant appropriés et de leur mode d’exercice nécessite une étude particulière. Toutefois, dans le présent Rapport préliminaire, nous aborderons brièvement certaines des principales préoccupations touchant l’information destinée aux enfants, qui se sentent souvent oubliés dans le processus de droit de la famille.

 

B.    Historique du projet 

Le projet La loi et la famille a été conçu après de vastes consultations préliminaires. Même avant que la CDO ne commence ses activités, sa demande initiale de propositions a engendré diverses propositions en droit de la famille[10] et la CDO a reçu des propositions supplémentaires depuis. La CDO a entrepris une étude du partage des régimes de retraite à la rupture du mariage dans l’un de ses premiers projets, en vue de déterminer « la » règle applicable au moment de l’évaluation des régimes[11]. Ses recommandations dans le projet du partage des régimes de retraite ont été adoptées en grande partie par le gouvernement ontarien dans sa réforme du droit de la famille en 2009[12]. 

Étant donné le nombre imposant de propositions fort différentes en droit de la famille, nous avons tenu une table ronde sur le droit de la famille en septembre 2008 afin d’évaluer ce qui, selon les travailleurs du système du droit de la famille, constitue les questions les plus urgentes. On retrouvait parmi les participants des travailleurs de cliniques, des avocats du secteur privé, des universitaires et des représentants d’organismes communautaires, le gouvernement de l’Ontario ainsi que la magistrature. Nous avons par la suite publié un document énonçant deux options pour un projet de droit de la famille, soit l’un sur la procédure et l’autre sur la résidence matrimoniale[13]. Bien que les deux projets potentiels aient reçu des appuis, la CDO a déterminé que, dans l’ensemble, elle pouvait contribuer plus efficacement au domaine en élaborant un projet lié au processus. Par conséquent, en juin 2009, le Conseil des gouverneurs a approuvé un projet d’analyse des points d’entrée, officiels et informels, du système de droit de la famille. En septembre 2009, la CDO a publié un document de consultation[14]. À la suite des consultations, nous avons publié les résultats; le présent document ne vise pas l’analyse des résultats, mais simplement leur déclaration[15]. Dans l’élaboration des projets de recommandations figurant dans le présent Rapport préliminaire, nous avons tenu compte des préoccupations et des observations des participants au processus de consultation. 

Le projet a bén