I.                  Introduction

L’institution qu’est la famille occupe une place majeure au sein de la société canadienne. Les personnes en situation de rupture familiale font souvent face à de nombreux problèmes, non seulement sur le plan juridique, mais aussi notamment sur les plans économique et psychologique. Le système juridique doit pouvoir répondre aux besoins des familles qui ont besoin d’aide; toutefois, trop souvent, le système ne fait qu’ajouter à leurs difficultés. Le projet de la CDO sur le processus en droit de la famille a comme but, en mettant l’accent sur les points d’entrée au système, la recommandation de façons de simplifier le système et de le rendre plus efficace et adapté à la diversité des familles qui font face à la rupture. Nous croyons que les débuts d’un problème en droit de la famille sont souvent cruciaux pour le mode de résolution d’un conflit familial. Notre projet s’appuie sur les réformes mises en œuvre au cours des deux dernières années par le ministère du Procureur général et d’autres organismes comme Aide juridique Ontario et prend en considération les nombreuses études et réformes proposées par des tiers qui se sont penchés sur ce domaine.

Le Rapport préliminaire suit plusieurs autres documents publiés par la Commission du droit de l’Ontario, y compris un document d’options en 2009, un document de consultation en 2009 et un document en 2010 énonçant les résultats des consultations. Dans ce Rapport préliminaire, nous formulons des recommandations à court terme, comprenant que le financement nécessaire à des changements plus fondamentaux pourrait être limité dans un proche avenir, ainsi que des recommandations à long terme, qui se veulent plus fondamentales. On peut se renseigner sur la façon de formuler des commentaires à l’égard de ce Rapport préliminaire en consultant la Partie VI : Prochaines étapes. 

 

II.                  Portrait de la famille ontarienne 

Pour réformer efficacement le système de droit de la famille, il est essentiel de comprendre les divers genres de familles qui existent aujourd’hui en Ontario. De même, les différentes formes et pratiques des familles reflètent le pluralisme contemporain en Ontario. Au cours des dernières décennies, la composition de la population ontarienne a changé considérablement. Les changements ont trait à des changements sociaux généraux, comme la modification des relations entre hommes et femmes, l’urbanisation, l’augmentation de la mobilité, le vieillissement de la population et l’immigration. La composition ethnique et religieuse de la province s’est diversifiée. La rupture de la famille peut découler et déclencher par ailleurs d’autres problèmes, en ce qui concerne l’endettement, le logement, l’emploi et la santé (mentale). Les personnes vulnérables dans un contexte de rupture familiale ont souvent besoin de plusieurs services à la famille. 

Le système de justice familiale devra répondre de façon souple aux diverses situations qui peuvent naître de la rupture de la famille tout en respectant les droits de la personne et les exigences constitutionnelles, procurer de la sécurité aux victimes d’agression et de violence et tenir compte des liens entre les problèmes familiaux, notamment juridiques.

 

III.                  Le système du droit de la famille : vue d’ensemble et points d’entrée 

Le système de justice familiale en Ontario est fragmenté et complexe. Pour de nombreux utilisateurs, l’organisation des divers tribunaux de la famille, la prestation d’information et de services juridiques, les diverses formes de règlement extrajudiciaire des différends et les services à la famille peuvent constituer un véritable labyrinthe. 

Sous le thème des quatre piliers de la réforme de la justice familiale au cours des deux dernières années, on a étendu certains services partout dans la province, tandis que de nouveaux programmes ont été lancés. Le palais de justice joue un rôle fondamental dans les réformes, quoique les réformes aient comme objectifs importants de procurer davantage d’information aux familles en rupture et d’orienter les personnes vers un mode de règlement des différends à niveau de conflit moindre ou extrajudiciaire. Aide juridique Ontario a aussi établi de nouveaux services de même qu’un programme d’information en ligne. Nous approfondirons ces réformes. 

Dans ce chapitre, nous décrivons le système actuel, mettant l’accent sur l’importance des points d’entrée, et nous indiquons ce que nous croyons être les avantages et les difficultés du système. Nous nous concentrons sur la prestation de renseignements préliminaires, l’accès aux services juridiques, la façon dont des facteurs comme la violence familiale, les niveaux élevés de conflit et d’autres formes de complexité influencent « le cheminement dans le système », ainsi que sur les formes de règlement des différends.

Nous concluons que même si l’information ne manque pas, on ignore si elle est aussi efficace que possible. En particulier, il est difficile d’avoir accès à l’information en ligne. Les sites Web récemment lancés comme le site Web du Programme d’information sur le droit de la famille (PIDF) et celui d’Éducation juridique communautaire Ontario (EJCO) peuvent offrir des points d’entrée (points centraux d’information) plus accessibles aux utilisateurs.

De nombreuses personnes n’ont pas accès aux services juridiques en raison des coûts élevés et des critères d’admissibilité rigoureux à l’aide juridique. Par conséquent, de nombreuses parties en droit de la famille sont sous‑représentées ou pourraient être admissibles à une certaine assistance juridique, sans représentation complète. De plus en plus, les personnes à faible revenu et à revenu moyen peuvent avoir accès à des services juridiques « dégroupés » ou « à mandat limité » de la part d’avocats du secteur privé, obtenant conseils et représentation à l’égard de certains aspects de leurs affaires, mais non pas sur d’autres. Les mandats limités font naître certaines préoccupations, que nous analyserons. À l’heure actuelle, les parajuristes, qui peuvent maintenant aussi offrir des services dégroupés, ne sont pas autorisés à représenter les parties dans une affaire de droit de la famille. 

Hormis la « gestion des causes » devant les tribunaux, le tri orientant la personne vers des services juridiques ou des modes extrajudiciaires de règlement des différends n’est pas courant. Le règlement extrajudiciaire des différends peut emprunter de nombreuses formes, y compris la négociation et la médiation subventionnée et chapeautée par la cour, la médiation privée et la médiation communautaire qui est parfois fondée sur des concepts traditionnels de la vie familiale qui désavantagent les femmes. Les observateurs ont soulevé des préoccupations quant à la qualité des médiateurs et au risque que certaines personnes, dont les victimes de violence familiale, soient « forcées » à utiliser la médiation. Toutefois, les médiateurs agréés sont tenus de recevoir de la formation et sont censés examiner les affaires au préalable.  

Le système judiciaire peut être complexe et très lent. Environ cinquante‑trois pour cent des affaires demeurent dans le système pendant plus d’un an et bon nombre d’affaires y demeurent beaucoup plus longtemps. Les longues procédures peuvent faire intervenir deux juges ou plus, ce qui engendre souvent des coûts supplémentaires pour les parties et le système ainsi que de la frustration pour les parties qui doivent répéter leur histoire. Dans une certaine mesure, la gestion de la cause par les tribunaux peut réduire les délais de traitement. Une modification récemment apportée aux Règles en matière de droit de la famille vise à réduire les conférences inutiles. 

Les parties peuvent se soustraire au système, quoique pour différentes raisons. Les personnes qui ont un revenu plus élevé peuvent décider d’adopter des solutions « haut de gamme » extrajudiciaires, comme le « droit collaboratif ». Ces solutions sont considérées plus rapides, plus confidentielles et moins contradictoires, quoiqu’elles puissent être coûteuses. Certaines personnes à faible revenu et à revenu moyen peuvent s’y soustraire et renoncer à faire valoir des droits. D’autres personnes peuvent choisir des « méthodes informelles » de régler un différend, par exemple au moyen de la médiation communautaire. Malgré l’existence de programmes particuliers pour les Autochtones et la reconnaissance par la loi de leur situation particulière, on craint particulièrement que les Autochtones n’aient pas accès au système en raison de la distance et des obstacles culturels. 

Des points d’entrée efficaces doivent aider les gens à s’y retrouver dans le système, les sensibiliser aux conséquences des différends personnels et juridiques, évaluer les problèmes juridiques et familiaux et les orienter vers les services pertinents en fonction de cette évaluation.  

Les points d’entrée peuvent prendre la forme du réseau personnel (membres de la famille et amis), de fournisseurs de services professionnels hors du système de justice familiale (médecins, professeurs, services de recommandation générale), de travailleurs professionnels ayant un certain lien avec le système de justice familiale (travailleurs communautaires, travailleurs des refuges), de services d’information juridique et de conseils ju