On le sait, la population canadienne, tout comme celle de nombreux autres pays, vieillit de façon marquée. Le nombre de Canadiens de plus de 65 ans passera, prévoit-on, de 4,2 millions en 2005 à 9,8 millions en 2036 et leur pourcentage de la population doublera ou presque de 13,2 à 24,5 pour 100. Une révolution démographique de cette envergure mettra naturellement les questions touchant les personnes âgées sur le devant de la scène.

On utilise souvent ces termes à toutes les sauces, mais il n’y a pas vraiment de consensus sur ce que l’on entend par « âgé » ou « aîné », compte tenu surtout de la diversité des vécus et des espérances de vie. D’aucuns adoptent une démarche contextuelle et relative pour les définir en s’appuyant sur le rôle important des attitudes, des attentes sociales et du contexte de vie dans le vécu du vieillissement.[3] Une autre démarche, tout aussi répandue pour sa simplicité et sa commodité, est de choisir un âge donné comme repère; c’est 65 ans qui est souvent retenu puisqu’il est le critère d’accès à divers programmes sociaux.

Quelle que soit la définition adoptée, il ne faut jamais oublier la grande diversité qui existe au sein du groupe des personnes âgées. Le vécu du vieillissement varie grandement selon, entre autres, l’état de santé, le sexe, le revenu, le niveau d’études, l’origine ethnique ou le lieu de naissance et le lieu de résidence.

Soulignons d’abord que le groupe des « personnes âgées » est très vaste. Les perspectives, le vécu et les besoins sont très différents à 63 ans et à 90 ans. C’est pourquoi ce groupe est lui-même souvent divisé en trois sous-groupes fondés sur une combinaison de critères touchant à l’âge et à l’état de santé : le « troisième âge », qui est essentiellement en bonne santé et plutôt à l’aise financièrement, le « quatrième âge », qui commence à présenter des problèmes de santé et qui a moins d’argent et de ressources, et le « cinquième âge », d’un âge très avancé, qui a des besoins particuliers.[4]

L’espérance de vie varie selon le sexe : bien que l’écart se résorbe, il n’en reste pas moins que, de nos jours, la plupart des personnes âgées sont des femmes et que leur prépondérance s’accroît avec l’âge. Même si certaines d’entre elles peuvent, personnellement, être considérées comme étant à l’aise financièrement, il est en général avéré que les faibles revenus sont plus fréquents chez les femmes âgées que chez les hommes âgés, et ce, pour des raisons multiples : espérance de vie plus longue, plus faible participation à la main-d’œuvre active rémunérée et rémunération moins élevée pendant les années de vie active (ce qui accroît la probabilité que la personne concernée n’ait pas de revenu de retraite, qu’il soit insuffisant si elle en a un ou qu’elle tire un revenu insuffisant de ses autres formes d’épargne). Cette situation est particulièrement vraie chez les femmes âgées seules.[5]

Une partie importante de la population de plus de 65 ans est composée d’immigrants. En 2001, 28,6 pour 100 des 65 à 75 ans étaient nés à l’étranger contre 21,3 pour 100 des 25 à 54 ans. La grande majorité de ces immigrants est arrivée jeune au Canada et près d’un tiers d’entre eux vit à Toronto. Si l’on se tourne vers le petit nombre d’adultes relativement récemment arrivés au Canada, ils sont beaucoup moins susceptibles de parler anglais ou français, ils font très souvent partie de « minorités visibles » (au sens de la Loi sur l’équité en matière d’emploi fédérale), ils tendent à être en plus mauvaise santé et ils sont plus susceptibles d’avoir besoin d’aide dans leurs activités quotidiennes. La proportion des personnes âgées qui fait partie de « minorités visibles » est relativement faible (7,2 pour 100 en 2001), mais elle est à la hausse. Ces chiffres font ressortir l’importance de tenir compte de la langue et de la culture, mais également du vécu particulier des nouveaux arrivants et des Canadiens racialisés, lorsque l’on parle du vécu du vieillissement.

Comme les autochtones canadiens sont relativement jeunes, les personnes âgées autochtones ne représentent que 1 pour 100 de la population canadienne. Elles sont plus susceptibles de vivre sur une réserve que les jeunes autochtones, bien que la majorité d’entre elles vive dans des centres urbains. Leur espérance de vie et leur revenu sont très inférieurs à ceux des non-autochtones et leur état de santé est moins bon.

Depuis 30 ans, la proportion de personnes âgées à faible revenu a chuté de façon marquée, en grande partie en raison de la maturité du Régime de pensions du Canada et du Régime des rentes du Québec. Le Canada a maintenant l’un des taux de faible revenu chez les aînés les moins élevés de tous les pays industrialisés : 6,8 pour 100 d’entre eux tombent sous le seuil de faible revenu après impôts. Toutefois, comme nous l’avons signalé plus haut, les taux de faible revenu sont parfois considérablement plus élevés au sein de certains groupes de personnes âgées comme les femmes et les autochtones. Pratiquement tous les aînés tirent au moins une partie de leur revenu de transferts gouvernementaux comme les prestations du RPC/RRQ, celles de sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti; en 1999, ces transferts représentaient la plus grande partie du revenu des deux tiers des familles d’aînés.[6] Les exigences, les prestations et l’administration de ces programmes ont donc une incidence énorme sur le bien-être des aînés. Les régimes de retraite privés représentent la principale source de revenus d’environ 20 pour 100 des personnes âgées.[7] La place de ces régimes dans le revenu des aînés est toutefois appelée à diminuer par suite de la diminution progressive de la proportion de la main-d’œuvre active qui en bénéficie.[8]

Une tendance importante chez les aînés est la généralisation plus marquée de la participation à la main-d’œuvre active. Depuis le milieu des années 1990, tant les hommes que les femmes de plus de 65 ans ont davantage tendance à être encore au travail. En 2004, près d’un quart des hommes âgés de 65 à 69 ans travaillaient encore, tandis que le chiffre chez les femmes de la même tranche d’âge était de 11 pour 100. Ce niveau accru de participation à la main-d’œuvre active après 65 ans est plus répandu chez les personnes possédant un niveau d’études plus élevé.

Alors que le vieillissement est souvent associé à un déclin de l’état de santé général et à l’apparition de limitations des activités, une proportion élevée d’aînés (37 pour 100) se déclare en bonne ou en excellente santé. Les personnes âgées sont toutefois plus susceptibles de présenter tout un éventail d’états chroniques comme l’arthrite, l’hypertension, la baisse de la vue, le diabète ou la démence.[9] Il faut également se pencher sur le vécu particulier des personnes qui présentent des invalidités en vieillissant.

Selon des données de 2003, il semble que, jusqu’à l’âge de 75 ans, la plupart des aînés peuvent se livrer à leurs activités quotidiennes sans aide. Par la suite, toutefois, une personne âgée sur dix qui vivent dans leur propre logement nécessite une forme d’aide quelconque pour les soins d’hygiène personnelle et un quart d’entre elles requiert de l’aide pour les travaux ménagers. Les limitations d’activités se généralisent avec l’âge : 47 pour 100 des plus de 85 ans présentent une forme quelconque de limitation de la mobilité. La plupart des personnes âgées ont une bonne santé mentale : les niveaux de détresse psychologique tendent à diminuer avec l’âge, mais à remonter après 75 ans.

Première question : De quels aspects de la diversité une perspective sur les rapports entre le droit et les personnes âgées devrait-elle tenir compte ?

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