L’âgisme[13] ne suscite généralement guère d’attention, mais il a un impact important sur la vie des personnes âgées, tant par l’effet des attitudes défavorables qu’elles risquent de rencontrer personnellement que par suite des l’influence qu’il peut avoir sur les politiques, les programmes et les textes. Ces derniers, tout comme les politiques et les programmes publics, peuvent subir l’influence subtile de l’âgisme et refléter des stéréotypes, des attitudes et des partis pris non fondés concernant les aînés. En outre, un texte en apparence neutre peut être appliqué de façon âgiste ou paternaliste.

Les personnes âgées sont victimes de tout un éventail de stéréotypes et de partis pris défavorables. Citons, entre autres, les suivants :

  • Les personnes âgées manquent de souplesse, n’aiment pas le changement et n’apprennent pas facilement.
  • Les personnes âgées sont chroniquement malades ou à la charge des autres et n’apportent plus rien à la société.
  • Les personnes âgées sont un fardeau pour leur famille et leurs proches, ainsi que pour la société dans son ensemble.
  • Les personnes âgées sont déprimées, isolées et au seuil de la mort.
  • Les personnes âgées perdent leurs moyens, sont incapables de prendre des décisions informées et doivent être protégées d’elles-mêmes.

    L’une des caractéristiques de l’âgisme est de refuser de tenir compte des personnes âgées elles-mêmes et de nier leurs capacités, leurs besoins et leurs contributions, voire leur existence même. Il les rend pour ainsi dire invisibles.

    Par exemple, la question des stéréotypes et de l’âgisme a fait surface dans les débats sur les cadres juridiques de la prise de décisions par les personnes âgées.[14] Avec l’âge, les aînés deviennent plus vulnérables à des maladies et à des états qui peuvent nuire à leur capacité de prendre des décisions éclairées sur leur traitement, leurs soins, leurs conditions de vie et leurs finances. On doit toutefois aussi savoir que la plupart d’entre eux ne présentent pas de diminution de leur capacité de prendre des décisions, que la capacité est rarement un absolu même si elle manifeste un certain déclin, et qu’il faut surtout prendre soin que les décisions concernant la capacité ne soient pas entachées d’âgisme, de paternalisme ou de stéréotypes. Il faut protéger les personnes âgées, mais il faut également leur indépendance, leur autonomie et leur dignité; les textes qui régissent la capacité et la prise de décisions doivent maintenir un équilibre délicat. Il n’est donc pas étonnant que ce domaine du droit ait fait l’objet de recherches et de débats approfondis.[15]

    Au Canada, la situation varie d’une autorité législative à l’autre. En Ontario, les principaux textes sont la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé [16], qui expose les marches à suivre et les exigences en ce qui concerne le traitement médical, l’admission dans les établissements de soins et les services d’aide personnelle, et la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui, [17] qui traite de la marche à suivre pour prendre des décisions concernant les biens et les soins personnels des personnes qui n’ont plus la capacité de les prendre elles-mêmes. Ces lois s’inscrivent dans un mouvement plus vaste à l’échelle du pays, qui donnait une plus grande importance à l’équité formelle, à l’amélioration des moyens d’évaluer la capacité et à une meilleure protection de l’autonomie et de l’auto-détermination des personnes handicapées.

    Chose intéressante, la nouvelle Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations-Unies, que le Canada a signée mais n’a pas encore ratifiée, comporte des dispositions précises traitant de la capacité des personnes handicapées et de la prise des décisions les concernant.[18] Il reste à voir si les dispositions de cette convention auront un effet sur les textes canadiens visant la capacité et la prise de décisions.

    Troisième question : Les attitudes et les stéréotypes sur les caractéristiques, les capacités ou les contributions des aînés ont-ils un effet sur le droit ou sur son application ? Le droit tient-il bien compte des besoins et du vécu de ces personnes ? Certaines questions ou certains domaines du droit suscitent-ils des préoccupations ?

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