A. Attitudes négatives et paternalistes à l’égard des personnes âgées

Les personnes âgées sont victimes de tout un éventail de stéréotypes et de préjugés défavorables, dont voici seulement quelques exemples[31] :

  • Les personnes âgées manquent de souplesse, n’aiment pas le changement et n’apprennent pas facilement.
  • Les personnes âgées sont chroniquement malades ou à la charge des autres et n’apportent plus rien à la société.
  • Les personnes âgées sont un fardeau pour leur famille et leurs proches, ainsi que pour la société dans son ensemble.
  • Les personnes âgées sont déprimées, isolées et au seuil de la mort.
  • Les personnes âgées perdent leurs moyens, sont incapables de prendre des décisions informées et doivent être protégées d’elles-mêmes.

    Les stéréotypes sur la baisse des aptitudes et des capacités des personnes âgées sont une cause des attitudes paternalistes dont ce groupe est victime.

    Les aînés sont bien victimes d’attitudes négatives. On nous traite comme si nous étions invisibles et que notre opinion ne comptait pas parce que nous sommes trop vieux. Certains d’entre nous prennent du temps à répondre et n’aiment pas être bousculés parce que ça les énerve et qu’ils ne peuvent plus penser. Les jeunes répondent à notre place sans nous laisser le temps de réagir. [Traduction]
    – United Senior Citizens of Ontario

    La société ne comprend pas très bien que les personnes âgées sont en grande partie capables et indépendantes. On ne reconnaît généralement pas à leur juste valeur les capacités ou l’apport de cette partie de la population. Nous devons nous efforcer d’éliminer la discrimination fondée sur l’âge, tout comme nous l’avons fait pour promouvoir le multiculturalisme et combattre l’homophobie. [Traduction]
    – Association du Barreau de l’Ontario

     

    B. Incidence sur le droit

    Les stéréotypes, les préjugés et le paternalisme ont une incidence profonde sur le vécu des personnes âgées. Cette incidence joue parfois sur les débouchés et les services à la portée de chacun. Elle se constate également dans les politiques, les programmes et les textes juridiques, qui reflètent, nourrissent et renforcent ces attitudes négatives et ces préjugés.

    La réforme du droit doit tenir compte des effets nocifs de l’âgisme – à savoir, les stéréotypes et les préjugés sur l’âge qui sont à la source de la discrimination et du déni dont sont victimes les personnes âgées. L’âgisme peut être la cause de mesures de discrimination individuelle, mais il peut également avoir un effet plus large sur les politiques, les programmes et la législation qui ont une incidence sur des pans entiers de la société. Les obstacles que rencontrent les aînés sont souvent des constructs sociaux : ils ne sont pas le résultat direct du processus de vieillissement, mais bien celui de la façon dont la société réagit à ce phénomène. Entre autres exemples de l’incidence de l’âgisme, citons l’incapacité de combler les besoins des personnes âgées, ainsi que l’incapacité de concevoir des systèmes et des structures qui les intègrent. [Traduction]
    – Commission ontarienne des droits de la personne

    Les témoignages entendus par la Commission ont cité de nombreux exemples de manifestations de l’âgisme dans le droit. En particulier, on a attiré son attention sur les lois ontariennes en matière de prise de décisions[32]. On s’est inquiété des mécanismes actuels permettant d’établir la capacité juridique et du fait que les lacunes du système ont pour effet de denier à de nombreuses personnes âgées la pleine maîtrise des décisions très personnelles les concernant ou plus simplement le droit d’y participer.

    Les récentes réformes adoptées en Colombie-Britannique[33] et au Manitoba[34], ainsi que les dispositions de la Convention sur les droits des personnes handicapées adoptée par les Nations Unies (et que le Canada n’a pas encore ratifiée) ont été citées comme exemples de démarches qui respectent la dignité, l’autonomie et le droit à la participation des aînés en respectant la capacité juridique des personnes qui présentent des handicaps intellectuels et cognitifs et en donnant la possibilité de prendre des décisions assistées :

    Malgré les progrès législatifs récents accomplis dans d’autres ressorts et la Convention de l’ONU, il subsiste encore de vieux stéréotypes négatifs sur la capacité intellectuelle et donc juridique des personnes qui présentent des handicaps intellectuels et, dans le même temps, sur celle des personnes âgées qui vivent un déclin cognitif et intellectuel de leurs aptitudes antérieures. Dans les deux cas, ces stéréotypes, de même que les idées reçues sur les capacités intellectuelles que devraient posséder ceux qui sont toujours capables juridiquement, sont profondément discriminatoires et abaissants. Trop souvent, ils se retrouvent dans l’administration de la justice et privent de leur personnalité juridique les personnes qui présentent des handicaps intellectuels et les aînés qui ont des difficultés cognitives. Nous estimons que la question de la prise de décisions par la personne concernée en matière de santé, de soins personnels, de finances et de biens est d’une importance cruciale pour les travaux de la Commission dans le cadre de ce projet. [Traduction]
    – Association canadienne pour l’intégration communautaire

    L’âgisme se manifeste, entre autres, par l’incapacité de tenir compte des personnes âgées et de se rendre compte de leurs capacités, de leurs besoins, de leur apport, voire de leur existence même. Ces personnes deviennent, en un sens, « invisibles ». Il est donc important non seulement d’examiner d’un œil critique les lois actuelles, mais également les lacunes qu’elles présentent lorsqu’elles ignorent des questions importantes pour les personnes âgées. La Canadian Association for the Fifty Plus a cité le manque de soutiens et de droits consentis aux fournisseurs de soins, le peu d’importance accordée à l’aménagement de logements abordables et accessibles pour les aînés et la faible reconnaissance des droits des grands-parents comme exemples de l’incapacité de tenir compte des besoins, de l’apport et du vécu des personnes âgées. Quant à lui, le British Columbia Law Institute a souligné l’insuffisance des mesures de protection juridiques contre l’exploitation financière des aînés.

    En outre, même des textes juridiques neutres peuvent être appliqués d’une manière âgiste et paternaliste. Les attitudes négatives et l’ignorance des prestataires de services ou des acteurs du système judiciaire peuvent faire de lois par ailleurs en apparence neutres ou bénéfiques des sources d’inconvénients ou d’exclusion pour les personnes âgées. Ainsi, un certain nombre de témoins ont exprimé leurs préoccupations devant les réactions insuffisantes suscitées par les violences aux aînés et l’Advocacy Centre for the Elderly a rappelé que les lois sur la prise de décisions au nom d’autrui sont « constamment mal appliquées, le plus souvent d’une manière paternaliste ».

     

    C. Conclusions

    L’un des principaux aspects de notre projet est de cerner la manière dont des attitudes négatives ou paternalistes ont guidé l’élaboration et la mise en œuvre du droit. Dans la poursuite de nos recherches, nous tenterons donc d’étudier les situations où :

    · des préjugés paternalistes et des stéréotypes sur les personnes âgées sous-tendent le droit;

    · le droit ne tient pas suffisamment compte des personnes âgées et rend invisibles leurs besoins, leur apport et leur vécu;

    · le droit fonctionne d’une manière âgiste ou paternaliste.

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