A.    Introduction

Dans le chapitre qui précède, nous avons formulé des recommandations qui pourraient être mises en œuvre dans un avenir rapproché. Dans le présent chapitre, nous proposons des réformes fondamentales qui constituent un point de départ pour le moment où le contexte financier et la volonté politique permettront ensemble des réformes plus profondes du système. 

Nos recherches, notamment les consultations auprès des utilisateurs et des travailleurs du système, nous ont amenés à conclure que le système de droit de la famille en Ontario nécessite un changement profond pour être vraiment efficace et adapté. Nonobstant le bien‑fondé de réformes particulières (qui en soi peuvent fort bien être louables), ces réformes ont été superposées à un système existant. Différents intervenants entreprennent de nouveaux programmes d’information; d’autres élaborent une autre place à laquelle les utilisateurs peuvent se rendre. Le système devient un labyrinthe et, pour certaines personnes, une série d’obstacles.  

Encore une fois, cela ne signifie pas que les outils qui ont récemment été élaborés ou élargis ne sont pas utiles. Toutefois, chacun n’est probablement utile que pour un groupe précis, parfois relativement petit, d’utilisateurs : l’aide juridique pour les personnes manifestement défavorisées; la gestion des causes pour les familles à niveau de conflit très élevé; les guides destinés aux personnes ayant une connaissance (considérable) de la terminologie juridique; la formation pour les parties à un conflit à faible niveau qui se rendent au palais de justice et qui ne connaissent pas le règlement extrajudiciaire des différends. Nous reconnaissons que les recommandations à court terme que nous avons formulées auront souvent aussi une portée limitée. Après les réformes de la justice familiale 2010‑2011 et même avec davantage d’investissements qui nécessitent peu de fonds, voire même aucuns, cependant, les principaux problèmes demeureront. 

Nous comprenons qu’à court terme, il est peu probable que des fonds soient consacrés à des changements importants au système familial. Néanmoins, nous sommes d’accord avec le juge en chef Winkler, lorsqu’il déclare ce qui suit :

[traduction]

Je ne crois pas que [les changements requis au système de droit de la famille] puissent être réalisés au moyen de retouches mineures du système actuel de droit de la famille ou de la superposition de nouvelles procédures et de nouveaux services au système actuel. C’est une réforme fondamentale du système actuel qui permet le mieux les réformes que je propose. C’est seulement de cette façon que nous pouvons garantir convenablement que tous les éléments du système de justice familiale s’harmonisent de manière à donner un système cohérent et équilibré qui est abordable, rapide, facile à comprendre et facile à parcourir.[450]  

Même si aux points d’entrée bon nombre des problèmes structurels touchant le système ne seront pas réglés, nous croyons qu’à long terme, des investissements dans les points d’entrée peuvent rendre le système de justice familiale plus adapté et efficace en réduisant la pression imposée aux personnes ayant un différend familial et au système de justice familiale. Nous croyons aussi que les méthodes globales sont susceptibles d’avoir un effet social plus important.

À cet égard, nous mentionnons les problèmes soulignés en ce qui concerne la prestation des soins de santé et qui pourraient être similaires aux problèmes affectant le système de justice familiale. Dans l’article Health‑care system needs a front door, André Picard déclare que [traduction] « sans point d’entrée clairement indiqué, il est beaucoup plus difficile de coordonner les mesures »[451]. Il souligne que [traduction] « il n’y a pas de place dans le système de soins de santé où les patients peuvent régulièrement s’adresser pour obtenir les soins dont ils ont besoin rapidement et efficacement et qui les suit dans leur parcours dans le système de soins de santé. Le point d’entrée de facto devient la salle d’urgence plutôt qu’un aidant régulier (médecin de famille). Pour cette raison, il n’y a aucune véritable sentinelle pour les services coûteux et il y a peu de continuité dans les soins. La transition d’un niveau de fournisseur de soins de santé à un autre est « là où toutes les choses négatives se produisent ». Il ajoute que des équipes interdisciplinaires, composées d’infirmières, de pharmaciens et d’autres professionnels de la santé, pourraient procurer de la continuité. C’est ce que le Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) qualifie de « centre de médecine de famille »[452]. Le CMFC estime que la continuité des soins constitue l’un des objectifs du centre de médecine de famille[453]. 

Il y a manifestement des différences entre la prestation de soins de santé et la prestation du service de justice familiale, mais, par exemple, en raison de la durée potentiellement beaucoup plus longue d’une relation patient‑médecin de famille comparativement à une relation client‑avocat familialiste, la prestation de services de justice familiale pourrait devenir plus efficace au moyen d’une « porte d’entrée », de la prévention rapide des problèmes et de la continuité des services. Cette porte d’entrée devrait être créée près des clients et des collectivités plutôt que dans une « salle d’urgence ». Nous mentionnons qu’Aide juridique Ontario qualifie les services des avocats de service de « service des urgences du système judiciaire »[454]. 

Manifestement, les services aux points d’entrée sont fondés sur les ressources du système et la transition d’une étape à l’autre. Parmi les exemples de bonnes pratiques de points d’entrée, on mentionne souvent les bureaux de conseil aux citoyens du R.‑U[455] et les centres de relations australiens[456]. Toutefois, ces systèmes comportent aussi des faiblesses, par exemple en ce qui concerne le caractère abordable du processus judiciaire pour le R.‑U[457] et le caractère abordable de l’assistance juridique ainsi que la situation des groupes vulnérables en Australie[458]. Le manque de continuité (en d’autres termes, la transition des services aux points d’entrée aux services juridiques complets) constitue une source de préoccupations. 

Au Canada, la continuité des services peut représenter un défi particulier pour la classe moyenne, dont les membres ne sont pas admissibles à l’aide juridique ni ne peuvent se payer une représentation juridique approfondie. Néanmoins, il ne faut pas oublier que les critères d’admissibilité à l’aide juridique signifient que non seulement les membres de la classe moyenne ou les gens qui gagnent un revenu moyen ne sont pas admissibles, mais que bon nombre de personnes de la classe ouvrière ne le sont pas non plus.

 

B.    Un modèle à suivre 

Chaque système de justice familiale agit dans son contexte particulier. Les critères applicables pour un système de justice familiale efficace, qui seraient utiles dans le contexte ontarien, se retrouvent dans le document de conférence 2009 du gouvernement de l’Australie « Towards a National Blueprint for the Family Law System », qui insiste sur un processus rationalisé, simple, équitable, souple et coordonné avec des chevauchements minimes, compte tenu de la sécurité de toutes les parties, qui accorde la priorité aux intérêts de l’enfant et qui [traduction] « renforce l’accessibilité culturelle »[459].

Nos recommandations à long terme sont fondées sur l’objectif de la création d’un système de droit de la famille qui procure l’accès à la justice, mesuré par la réalisation aux points d’entrée de ce qui suit :

  • fournir des renseignements initiaux accessibles aux gens dans leur vie quotidienne;
  • aider une personne à déterminer la nature de son ou de ses problèmes familiaux;
  • fournir des conseils initiaux qui aident une personne à décider si elle désire que le système juridique l’aide à régler son ou ses problèmes familiaux;
  • aider les personnes à trouver une méthode de régler leur problème qui soit aussi simple et rapide que possible;
  • minimiser le dédoublement des personnes et des institutions avec lesquelles le particulier doit traiter;
  • répondre aux besoins particuliers de la personne autant que possible, compte tenu de l’existence de violence familiale et de facteurs comme les normes culturelles, le statut d’autochtone, la langue, l’invalidité et d’autres caractéristiques majeures;
  • ne pas compromettre les droits des membres de la famille, notamment le droit à l’égalité;
  • combler les besoins des enfants;
  • tenir compte de la capacité financière des personnes sans compromettre la qualité du service;
  • répondre aux nombreux problèmes connexes aux problèmes familiaux;
  • encourager la communication entre différents aspects du système. 

Idéalement, un système de justice familiale s’inscrit dans un système plus général de services familiaux. Ce système comporte divers points d’entrée pour les personnes aux prises avec des problèmes relationnels ou une rupture familiale. À un point d’entrée central (où les personnes éprouvant des difficultés ou des problèmes familiaux « se rendent fréquemment »), on peut évaluer l’ensemble des difficultés et problèmes familiaux de la personne. La personne peut atteindre ce point d’entrée central directement ou peut y être orientée au moyen de divers points d’entrée qui peuvent être informels, par l’entremise « d’intermédiaires de confiance » dans une collectivité, de fournisseurs de services familiaux, de personnes qui travaillent dans le domaine de la justice familiale ou au moyen de renseignements publics. Le point d’entrée central lui‑même peut être joint au moyen de diverses voies, notamment– idéalement – des experts qui donnent des conseils en personne ou par téléphone et en ligne lorsque cela compte pour les utilisateurs. Une fois qu’une personne est entrée dans le système général de services familiaux, il lui faut franchir deux étapes de base. À des fins de commodité, nous les avons indiquées comme si elles se produisaient toujours dans un ordre particulier; en pratique, la personne devra peut‑être alterner entre une étape et l’autre, quoique si le système est efficace, cela ne devrait se produire que lorsque c’est utile, et non pas en raison d’un manque d’information adéquate ou de coordination au sein du système. 

Première étape : Le point d’entrée central devrait fournir des renseignements de base et être la porte d’entrée vers une vaste gamme de services spécialisés subventionnés, gratuits ou à faible coût, dans certains cas destinés à tous les utilisateurs, dans d’autres cas aux personnes à faible et moyen revenu ou seulement aux personnes à faible revenu. Le premier tri de base peut orienter les personnes vers :

  1. un cheminement accéléré en cas de risques immédiats pour la sécurité;
  2. des procédures urgentes lorsqu’une intervention immédiate est nécessaire à l’égard de l’accès aux enfants et des besoins financiers et de logement;
  3. des services multidisciplinaires destinés aux personnes éprouvant de nombreux problèmes graves;
  4. des services communautaires généraux et d’aide sociale;
  5. des programmes d’éducation des parents;
  6. des services particuliers de santé (mentale), de thérapie et/ou juridiques. Les services juridiques peuvent être propres à une collectivité – si les services spécialisés sont offerts – ou être des services généraux.  

Deuxième étape : Lorsqu’elles se rendent jusqu’aux services spécialisés, les personnes peuvent bénéficier d’une information plus approfondie. Parmi les services particuliers, mentionnons : les conseils juridiques indépendants aux fins de négociations; une médiation gratuite ou à faible coût accompagnée de quelques heures de conseils juridiques subventionnés; des services liés au système judiciaire.  

Les services d’aide juridique relatifs au système judiciaire peuvent prendre la forme :

  1. de représentation complète subventionnée;
  2. de représentation subventionnée, sans représentation complète, pour les affaires moins complexes;
  3. de services dégroupés s’il n’y a qu’une ou que quelques questions juridiques complexes;
  4. de représentation par un parajuriste dans les affaires simples et non contestées.

Les services de la deuxième étape visent le règlement du problème et sont subventionnés pour les personnes admissibles, en fonction de critères d’admissibilité équitables. Ces services sont fournis par des experts en droit, des fournisseurs agréés de services de règlement extrajudiciaire des différends ou par des employés spécialisés de la cour qui devront déterminer le cheminement qui convient le mieux pour le règlement d’un différend. S’ils concluent que l’évaluation de la première l’étape était inexacte ou que la personne aurait dû être évaluée à la première étape, ils peuvent renvoyer l’affaire au tri de la première étape ou, dans le cas de l’aide juridique subventionnée fournie par les avocats, soutenir qu’il y a lieu de délivrer un certificat pour une aide juridique plus poussée. 

Le système doit être souple, de manière à ce que ses utilisateurs puissent en bénéficier par l’entremise des fournisseurs de services aux deux étapes. Par exemple, les personnes qui peuvent s’entendre sur des questions doivent pouvoir accéder directement au système judiciaire pour obtenir un divorce simple. Afin d’être admissible à des services d’aide juridique subventionnés, la personne peut être tenue de franchir la deuxième étape aux fins d’une évaluation. Pour d’accéder au système judiciaire, la personne peut être tenue de participer à un programme d’information obligatoire ou d’être évaluée par un coordonnateur de l’évaluation des causes ou un protonotaire à l’égard du niveau de conflit. 

L’efficacité et l’adaptation de ce système général dépendent des ressources dans la chaîne de services. Par exemple, la mesure dans laquelle les gens ont des besoins juridiques non comblés dans un processus judiciaire peut être influencée par plusieurs facteurs, souvent liés :

  • La qualité des évaluations préliminaires et du tri des « besoins juridiques », ainsi que la qualité des renseignements et des orientations préliminaires.
  • La qualité et la disponibilité de conseils juridiques à faible coût pour le règlement rapide des questions en litige.
  • La qualité et la disponibilité de fournisseurs de services (abordables) de règlement extrajudiciaire des différends.
  • La complexité du processus judiciaire, la rapidité des décisions et les besoins connexes d’assistance juridique. On retrouve parmi les facteurs pertinents des règles transparentes en matière de droit de la famille, la disponibilité des juges et des employés de la cour, la gestion des causes et, peut‑être, des guides qui fonctionnent.
  • La disponibilité d’avocats familialistes (qui offrent des services abordables), d’avocats de l’aide juridique et de parajuristes (dans certains cas) pour le processus judiciaire.

 

C.     La transformation du système actuel 

Nos recommandations à long terme suivent le modèle que nous avons énoncé précédemment à l’égard des points d’entrée globaux et multidisciplinaires; la prestation de renseignements et de conseils initiaux, la prestation de services juridiques et de services familiaux spécialisés; les modes de règlement des différends. Comme nous l’avons déjà dit, quoiqu’il soit un peu arbitraire de les considérer comme des questions distinctes relativement à des étapes consécutives, il s’agit probablement de la façon la plus claire d’expliquer et de formuler les recommandations.

 

1.     Des points d’entrée globaux : les centres multidisciplinaires et multifonctionnels 

Nous croyons que les « centres multidisciplinaires et multifonctionnels » devraient constituer le fondement du système de justice familiale de l’avenir. Les personnes éprouvant des problèmes familiaux s’y rendraient directement pour y poser leurs questions. Ces points d’entrée globaux permettraient une transition aisée, à compter de la collecte initiale de renseignements jusqu’aux tribunaux, si nécessaire. Il s’agit du genre de réforme qui, selon nous, transformerait le système, le rendant plus efficace et mieux adapté aux besoins des gens.

Aux centres, les couples et les particuliers en situation de rupture familiale peuvent être orientés vers des services juridiques locaux, notamment la médiation dans les cas qui s’y prêtent, et peuvent obtenir de l’aide pour accéder aux services judiciaires en ligne ou au règlement des différends en ligne[460]. Nous croyons que les centres devraient être faciles d’accès et non intimidants pour les utilisateurs. Les points d’entrée globaux pourraient permettre l’utilisation avantageuse d’emplacements dans la collectivité, particulièrement pour les groupes qui ont un fort lien communautaire.  

La structure de ces centres multidisciplinaires et multifonctionnels repose sur le mode de prestation des services familiaux, de l’information et des conseils juridiques préliminaires et des services judiciaires. Certaines initiatives de réforme du droit de la famille proposaient des services plus approfondis et plus globaux au palais de justice. Dans d’autres territoires, on tente d’intégrer les services juridiques aux services familiaux généraux, en particulier pour les personnes en situation de rupture familiale. Il existe aussi des exemples de services plus globaux et intégrés pour l’information juridique préliminaire et les conseils sommaires, notamment en droit de la famille. Nous les décrivons brièvement, mais recommandons que les centres multidisciplinaires et multifonctionnels soient indépendants.

 

Un point d’entrée global au palais de justice 

Le Rapport Mamo suggérait que les Centres d’information sur le droit de la famille constituent [traduction] « littéralement et au figuré un point d’entrée dans le système de justice familiale ». Les CIDF doivent être globaux, exhaustifs et ils doivent reconnaître la diversité des clients et des questions et y répondre[461]. En outre, le rapport Supporting Families to Support Their Children prévoyait un rôle central pour les CIDF et recommandait que les CIDF soient multifonctionnels et, à certains égards, multidisciplinaires[462]. Nous reconnaissons l’utilité de situer des CIDF véritablement multidisciplinaires dans les palais de justice, mais nous craignons que l’emplacement ne fournisse pas d’occasions de service et de règlement des différends avant que les personnes ne soient prêtes à envisager le processus judiciaire. Par exemple, le Rapport Mamo a démontré que, parmi les personnes qui s’adressent à un CIDF, près de la moitié avaient déjà introduit une instance judiciaire[463]. 

 

Un point d’entrée global intégré aux services familiaux locaux 

Dans certains territoires, on tente d’intégrer les services consultatifs juridiques au système général de services familiaux.  

Les organisations au R.‑U. qui ont répondu à une consultation tenue en 2011 sur la responsabilité parentale ont indiqué que [traduction] « la pension alimentaire pour enfants ne constitue souvent qu’une seule question que les parents en instance de séparation désirent régler, et il peut y avoir d’autres questions concrètes et émotionnelles à régler avant que les parents puissent collaborer »[464]. Les organismes ont mentionné le logement, les questions financières et les conseils juridiques, de même que les services thérapeutiques familiaux destinés aux parents en situation de conflit à niveau élevé. Les réponses des organismes faisaient ressortir un thème commun, soit de savoir comment, concrètement, leurs services actuels pouvaient être intégrés. Les organismes ont suggéré de le faire au moyen de points centraux locaux existants comme les Centres Home‑Start et Sure Start du R.‑U. Dans sa réponse, le gouvernement du R.‑U. a déclaré s’engager à œuvrer dans toute l’administration publique et à élaborer un [traduction] « service d’entrée ». Le gouvernement a ajouté qu’il doit mieux comprendre les types d’appui qui sont les plus efficaces pour aider les familles à collaborer[465].

On retrouve un modèle récent de points d’entrée intégrés des services familiaux dans les centres pour les services à la jeunesse et à la famille qui ont été établis en 2011 dans toutes les municipalités des Pays‑Bas[466]. Ces centres constituent le point d’entrée de tous les services familiaux municipaux (pour les familles ayant des enfants âgés de 23 ans ou moins), y compris pour les familles en situation de rupture. Bien que ces centres soient axés sur les services à la famille et à la jeunesse, ils peuvent réunir les services familiaux locaux et les avocats familialistes locaux[467]. Ils jouent le rôle d’intermédiaire auprès des fournisseurs locaux ou régionaux d’information juridique préliminaire et des fournisseurs locaux ou régionaux de refuges pour les victimes de violence familiale. Le rôle et l’efficacité des centres seront évalués dans un proche avenir. 

L’Ontario a pris les dispositions nécessaires pour créer les Centres Meilleur départ de l’Ontario pour l’enfance et la famille (Centres Meilleur départ). Les centres sont conçus de façon à rassembler les services communautaires « de façon flexible, intégrée et unifiée »[468]. Les centres se concentrent sur les enfants âgés de 12 ans et moins et sur leurs familles et offrent des services de garderie, de ressources familiales et d’intervention rapide. Les centres doivent être liés à des bibliothèques, à des centres récréatifs et communautaires, à des services de santé, à des services de thérapie familiale, à de la formation pour l’emploi, à des services de règlement et à des ressources en matière de logement[469]. Ces centres faciliteraient la réalisation des méthodes multidisciplinaires davantage que dans le contexte fragmenté actuel où les services familiaux comportent tous leurs propres critères d’admissibilité, leur processus de prise en charge, leurs sources de financement et leurs méthodes de gouvernance[470]. Jacobs et Jacobs estiment que les services juridiques familiaux communautaires peuvent être ajoutés aux services qu’offrent les Centres Meilleur départ de l’Ontario pour l’enfance et la famille[471].

Nous estimons qu’un point d’entrée indépendant destiné aux personnes en situation de rupture familiale procurerait une porte d’entrée plus claire qu’un service de point d’entrée lié aux tribunaux ou conçu pour les adolescents ou les enfants.

 

Un centre multidisciplinaire et multifonctionnel indépendant 

À notre avis, les centres multidisciplinaires et multifonctionnels devraient être liés à des services juridiques globaux. Ils devraient pouvoir donner de l’information juridique de base et des conseils sommaires relativement à plusieurs questions de droit de la famille et à d’autres questions qui peuvent surgir dans une situation de rupture familiale, notamment les questions financières et le logement.

Les centres devraient fonctionner d’une manière similaire à celle qui a été prévue par Supporting Families to Support Their Children à l’égard des points d’entrée du système de justice familiale (quoique Supporting Families situait ce point d’entrée au palais de justice)[472]. Supporting Families a proposé des services de point d’entrée faisant intervenir un coordonnateur d’évaluation des causes (CEC) qui serait un médiateur d’expérience et un expert en santé mentale, de même qu’un avocat‑conseil, un greffier et un médiateur à temps partiel ou à temps plein sur place. Le service aux points d’entrée procurerait des renseignements au moyen de brochures, de vidéos, de séances d’information sur la famille, de l’Internet, du téléphone, des trousses de ressources et des kiosques d’information communautaires. Supporting Families propose aussi qu’un centre d’accès et d’échange supervisé soit lié au point d’entrée. Nous ajoutons que l’accès à des spécialistes financiers pourrait aussi bénéficier aux personnes en situation de rupture familiale.

Nous soulignons que le Rapport 2008 sur l’examen du régime d’aide juridique a recommandé la reconceptualisation du mandat des cliniques d’aide juridique de l’Ontario de sorte que :

les cliniques effectueraient systématiquement une évaluation des besoins généraux de leurs clients. Après avoir évalué les besoins d’un client, la clinique pourrait compter sur un système organisé de services d’orientation pour répondre aux besoins du client et empêcher que d’autres problèmes surgissent. En outre, il serait possible de s’adresser aux cliniques pour obtenir des conseils juridiques généraux, sans examen des ressources du revenu ou en fonction de critères sur le revenu plus souples que ceux en vigueur actuellement. Ce genre d’intervention plus cohérente pour aider les personnes ayant des problèmes permettrait aussi que ne s’installe un « sentiment de lassitude à l’égard des services d’orientation ».[473] 

Nous apprécierions particulièrement un système de services‑conseils juridiques « globaux » offrant des services en droit de la famille partout dans la province, compte tenu des besoins locaux et communautaires. Les services‑conseils ne devraient pas être axés uniquement sur les aspects juridiques. Les problèmes juridiques familiaux sont rarement isolés et leur règlement nécessite souvent l’obtention d’autres formes d’aide.

La prestation de services plus généraux peut faire diminuer le seuil pour les personnes qui craignent par ailleurs de communiquer avec des services familiaux associés aux problèmes familiaux graves. Dans les grands centres urbains ou dans les régions où des collectivités données sont plus prédominantes, les centres peuvent offrir des services plus spécialisés, tandis que dans d’autres régions, ils pourraient offrir des services plus généraux au sein de la collectivité. Une portée plus grande des centres pourrait aussi faire baisser le seuil applicable aux « centres mobiles » pour les familles vivant dans des petites collectivités et dans des régions éloignées. Ces centres mobiles pourraient s’inspirer dans la mesure du possible des centres permanents et visiter régulièrement les petites collectivités ou les collectivités éloignées. Nous reconnaissons toutefois qu’il est plus difficile de protéger la vie privée dans des centres mobiles et que, pour certains utilisateurs, la prestation de services plus approfondis doit avoir lieu à distance ou, par exemple, par l’entremise d’avocats du secteur privé à leur bureau. 

Nous estimons que les centres doivent utiliser plusieurs points d’accès et ne doivent pas se fier seulement à un. Pour les personnes ayant des besoins particuliers, notamment les adultes âgés, les personnes qui sont sourdes, en voie de l’être ou dures d’oreille, les personnes qui éprouvent des difficultés d’apprentissage, les groupes ethniques minoritaires et les personnes pour lesquelles l’anglais ou le français n’est pas leur langue maternelle, la principale porte d’entrée devrait normalement être constituée par des services en personne, et non pas principalement par un service téléphonique ou Internet[474]. Cela signifie que les services en personne doivent être accessibles et comporter une capacité suffisante.  

Les avocats‑conseils de première ligne peuvent offrir des services en personne, mais peuvent aussi offrir des services téléphoniques de première ligne ainsi que des services interactifs en ligne, ou des services électroniques. Ainsi, les services‑conseils s’inscriraient dans un système provincial intégré de prestation de services d’information juridique préliminaire et de conseils sommaires. 

Par exemple, les Pays‑Bas ont un point d’entrée global appelé [traduction] « le comptoir des services juridiques » (Juridisch Loket)[475]. Ce point d’entrée procure sans frais de l’information juridique préliminaire et des conseils juridiques sommaires sur le droit civil, le droit de la famille, les questions de consommation, les questions de logement et l’assistance sociale[476] au moyen d’un site Web, d’un service téléphonique national, d’un service de clavardage et de 30 bureaux répartis partout au pays, comptant un personnel de 300 conseillers juridiques[477]. Ce point d’entrée peut offrir de la médiation pour les différends mineurs et peut donner des conseils juridiques sommaires d’une durée maximale d’une heure. Au moyen d’une évaluation de base et du tri, il peut orienter les utilisateurs vers des outils de négociation, la médiation, les conseils d’un avocat ou un avocat aux fins de représentation au moyen de l’aide juridique. Il n’applique pas de critères d’admissibilité financière[478].  

Il semble que la principale force du système néerlandais soit que toutes les personnes se trouvant au début d’un différend familial sont admissibles à des conseils juridiques sommaires par l’entremise d’un organisme à faible seuil qui exerce ses activités hors d’un contexte plus officiel faisant intervenir des avocats du secteur privé et les tribunaux. On encourage, et on oblige en partie, la plupart des couples à négocier des conventions (de partage du rôle parental) plutôt que d’entamer un litige[479] ou même la médiation[480]. En raison du fait que l’information et les conseils juridiques de base sont accessibles, de même que du caractère abordable de la médiation et de la représentation par avocat, il y a un risque beaucoup moindre que les gens se sentent forcés de conclure une convention et s’abstiennent de solliciter des conseils juridiques. Autre force du système de justice familiale néerlandais, toutes les interventions (du point d’entrée à la cour) font intervenir des personnes qui peuvent contribuer à une solution. Les services juridiques se suivent les uns les autres, dans le cadre d’un système d’aide juridique rationalisé. Cela s’applique aussi aux sites Web et aux renseignements d’appui qui contiennent des outils interactifs ainsi que des procédures pratiques et des renseignements d’orientation.

Nous savons que les avocats‑conseils qui offrent des services juridiques globaux devraient normalement être des spécialistes du droit de la famille. Les avocats‑conseils devraient pouvoir s’adresser facilement à des experts comme les experts financiers, les travailleurs sociaux et des avocats œuvrant dans d’autres domaines que le droit de la famille qui pourraient être pertinents pour un différend familial, comme des avocats spécialisés en emploi ou en consommation. Les avocats devraient être appuyés par une ligne d’assistance dont les répondants sont des experts en droit de la famille. La ligne d’aide peut offrir des conseils téléphoniques ainsi qu’une base de données comprenant la législation et la jurisprudence.  

Lorsqu’on conçoit un système intégré de centres multidisciplinaires et multifonctionnels offrant des services d’information et de conseils juridiques sommaires, il est important d’examiner l’accessibilité des services en personne. Par exemple, le système néerlandais comporte 30 bureaux de comptoir juridique au pays. Cela pourrait ne pas suffire pour une province de la taille de l’Ontario. Le système du R.‑U., qui en 2011 comportait 394 bureaux de conseils aux citoyens[481], pourrait être financièrement difficile à constituer. À l’heure actuelle, Aide juridique Ontario finance et supervise 77 cliniques juridiques communautaires indépendantes, qui comptent sur près de 550 employés aidant les personnes à faible revenu[482]. Pour un système fondé sur des services en personne, il faudrait déterminer les facteurs pertinents, comme le nombre de personnes desservies et les besoins communautaires particuliers.

Nous soulignons que la prestation rationalisée de services juridiques (familiaux) préliminaires peut comporter plusieurs avantages financiers. Par exemple, les services actuellement fournis par les cliniques juridiques, les CIDF, les Centres de service à la clientèle d’AJO, les avocats‑conseils et d’autres services d’information et de conseil juridiques, dont les agents de règlement des différends, seraient en grande partie offerts dans le cadre d’un système intégré, ce qui éviterait le dédoublement des services et les nombreuses orientations. Dans le contexte actuel, ces services sont fragmentés. L’inclusion des services judiciaires pourrait aussi entraîner d’importants avantages financiers pour le système de justice familiale général. Même si les Pays‑Bas ont l’un des systèmes de droit civil les plus coûteux en Europe (et qu’ils pourraient se fier davantage sur les frais judiciaires dans un proche avenir[483]), il est possible que l’importance qu’accorde le système néerlandais aux solutions préliminaires pour tous les utilisateurs contribue à une méthode moins contradictoire et à un usage plus efficace du temps des avocats de l’Aide juridique, des juges et des utilisateurs. Par exemple, environ 90 % des affaires judiciaires de divorce et de séparation aux Pays‑Bas sont traitées dans un délai d’un an et 60 % de toutes les affaires de divorce et de séparation, dont la plupart ne sont pas contestées, dans un délai de deux mois[484]. Selon une enquête effectuée en 2011, 74 % des travailleurs professionnels et 82 % des utilisateurs étaient satisfaits du système judiciaire familial[485].

Si, par exemple, des gens ont besoin de counseling, de thérapie familiale ou de conseils approfondis en matière d’endettement, les centres multidisciplinaires et multifonctionnels devraient les orienter vers des services spécialisés et leurs points d’entrée. L’établissement d’un lien entre les « services multidisciplinaires et multifonctionnels » indépendants et le système de services familiaux généraux nécessiterait une collaboration entre plusieurs ministères et d’autres importants fournisseurs de services familiaux. L’intégration des services juridiques nécessiterait la participation du ministère du Procureur général. D’autres ministères devraient jouer un rôle pertinent, dont le ministère des Services sociaux et communautaires, le ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse, le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, le ministère de l’Éducation, le ministère des Affaires francophones, le ministère de la Santé et des Soins de longue durée, le ministère des Affaires municipales et du Logement et le ministère du Développement du nord et des Mines. Le Secrétariat aux affaires des personnes âgées et la Direction générale de la condition féminine de l’Ontario devraient aussi participer. Afin de coordonner le processus, on pourrait constituer un groupe directeur. Nous faisons référence, par exemple, aux membres du Comité directeur interministériel de la violence faite aux femmes, qui est composé de 15 ministères[486].

La CDO formule les recommandations suivantes :

27. Le ministère du Procureur général et Aide juridique Ontario devraient entreprendre une étude en vue d’établir un système global de « centres multidisciplinaires et multifonctionnels », situés dans la collectivité, et peut‑être liés aux centres communautaires qui peuvent servir de source initiale d’information et d’orientation en matière de droit de la famille et dans les matières connexes. Ces centres devraient :

a. compter sur un parajuriste, un spécialiste de la santé mentale et un avocat (en droit de la famille);
b. avoir un accès facile aux experts comme des experts financiers et des travailleurs sociaux ainsi qu’à des avocats dans d’autres domaines que le droit de la famille qui pourraient être pertinents pour un différend familial;
c. si possible, compter sur des travailleurs qui reflètent la composition démographique de la collectivité environnante;
d. être appuyés par des experts en droit de la famille et une base de données sur le droit de la famille.
 

28. Les ministères pertinents traitant des services familiaux dans le contexte pluraliste de l’Ontario devraient constituer un comité directeur afin d’élaborer une stratégie uniforme de prestation de services familiaux aux personnes en situation de rupture familiale, notamment les personnes qui peuvent être particulièrement vulnérables en raison de la langue, du niveau d’alphabétisme, de l’âge, de la sexualité, de la culture, d’une invalidité ou du fait d’être sourd, de le devenir ou d’être dur d’oreille.  

En particulier, nous recommandons que le comité directeur analyse :

a.      la façon dont on peut relier les services familiaux juridiques et non juridiques dans les grands centres et les centres de grandeur moyenne en Ontario et offrir une diversité de ressources ou l’accès facile aux ressources aux personnes éprouvant divers problèmes familiaux;

b.      la façon de fournir des services familiaux juridiques et non juridiques dans les régions rurales et éloignées, notamment :

i.            les services qui pourraient être fournis au moyen de services mobiles;

ii.            la participation des travailleurs communautaires au besoin pour les endroits visités;

iii.            l’utilisation de la technologie pour compléter les ressources en personne.
 

 

2.     Les éléments des centres multidisciplinaires et multifonctionnels 

La transmission d’information initiale 

Il faut que les « centres multifonctionnels et multidisciplinaires » qui constitueraient le fondement des services de justice familiale et des services familiaux connexes soient appuyés par un site Web global.

Nous avons déjà indiqué qu’il y a peut‑être trop de renseignements dans des documents et en ligne à beaucoup trop d’endroits sans aide suffisante pour que ceux‑ci soient traduits du jargon juridique à l’anglais courant et à d’autres langues. 

À long terme, nous envisageons la création d’un site qui constituerait la principale source pour toutes les personnes éprouvant des problèmes familiaux. Le site comporterait un volet juridique et non juridique. Il pourrait être conçu de manière à donner de l’information sur tous les aspects des questions familiales ou à être le portail menant à des sites Web particuliers de services d’information juridique, de services pro bono, de services judiciaires familiaux et de services familiaux.  

Le site devrait être élaboré de manière à constituer le principal point d’entrée pour les renseignements relatifs aux problèmes familiaux en Ontario aux premières étapes d’une rupture familiale et continuer aussi d’être le point de référence pour les personnes en instance de séparation et de divorce. Le site doit être neutre et bien publicisé. Nous devons reconnaître le fait que les gens ne penseront pas immédiatement à visiter les sites Web du ministère du Procureur général ou du Barreau lorsqu’ils songent à régler leurs problèmes familiaux. En outre, ils ne se souviennent pas des renseignements appris auparavant lorsqu’ils en ont besoin, de sorte que ces renseignements doivent être disponibles à l’endroit où les gens peuvent les trouver « par hasard » au moment où ils envisagent de régler un différend familial.

Le site devrait répondre aux besoins de divers groupes d’utilisateurs, mais aussi les besoins d’information des organismes qui aident les personnes à titre d’« intermédiaires de confiance ». Concrètement, ces organismes aident les personnes qui ont des besoins particuliers de communication, comme les personnes souffrant d’une déficience, les personnes sourdes, en voie de le devenir et dures d’oreille, les personnes qui éprouvent des problèmes de language et d’alphabétisme, les personnes âgées, les membres des collectivités des Premières nations et les Autochtones en milieu urbain ainsi que les personnes ayant certains antécédents culturels. L’information figurant sur le site devrait en tenir compte.

En outre, le site doit combler les besoins juridiques particuliers potentiels, comme ceux des personnes LGBTI, des personnes ayant des antécédents d’immigration, les personnes âgées et les grands‑parents, ainsi que les parents biologiques et non biologiques dans certaines situations familiales.  

Le site doit traiter des diverses étapes que comporte un mode de règlement d’un différend, judiciaire ou extrajudiciaire, et tenir compte des situations différentes d’accès aux conseils et à la représentation juridique et des différentes situations personnelles, y compris le conflit entre les parents, la violence familiale et les questions de protection de l’enfance.

Il est important que le site ne se contente pas de donner de l’information juridique, mais aussi des conseils familiaux généraux et des renseignements d’orientation. L’information devrait être concrète et, si possible, interactive, de manière à ce que les utilisateurs, avec l’assistance fournie par les conseillers juridiques et les travailleurs communautaires, puissent s’en servir pour conclure des ententes, régler rapidement un différend ou recourir au processus judiciaire. Des outils judiciaires, comme l’assistant aux formulaires de la cour, ont déjà été élaborés, mais il existe d’autres outils de règlement des différends comme un « outil d’évaluation des besoins d’aide juridique », un « outil de convention parentale » et un « outil de convention de séparation ou de divorce » qui peuvent clarifier les questions juridiques et faciliter les négociations entre les personnes et leurs conseillers juridiques[487] ou des outils similaires qui ont été élaborés au Canada et dans d’autres pays. 

Enfin, le site devrait comprendre un volet local et régional de manière à ce que les utilisateurs puissent y trouver les services les plus près de chez eux. 

Nous soulignons qu’Aide juridique Ontario a constitué le PIDF, qui peut servir de fondement d’un site plus vaste. Nous ajoutons que le Barreau du Haut‑Canada a approuvé une plate‑forme de droit de la famille en ligne en décembre 2011. La plate‑forme en ligne chapeauterait les ressources actuellement offertes en ligne et offrirait un « premier arrêt » aux utilisateurs. La plate‑forme sera constituée par étapes[488]. Nous nous réjouissons de ces initiatives et recommandons qu’hormis les renseignements juridiques, le site comprenne aussi les services familiaux généraux et s’inscrive dans « le portail » d’information pour la famille en Ontario et de services intégrés, notamment de renseignements juridiques. Nous encourageons la fusion de divers sites afin de réduire les dédoublements ou la création d’un portail facile d’accès qui fournit des liens à des sites spécialisés.

La CDO formule les recommandations suivantes :

29. Le ministère du Procureur général devrait assumer la responsabilité d’une initiative interministérielle et intersectorielle de développement d’un portail en ligne destiné aux familles en Ontario qui, en soi ou conjointement avec des sites particuliers, donne accès à des renseignements sur une vaste gamme de questions familiales, y compris les questions juridiques. Le portail devrait servir de principal point d’entrée pour tous les services familiaux et, avec des sites connexes, il devrait transmettre des renseignements à un large groupe d’utilisateurs, notamment ceux qui appartiennent à des collectivités ayant des besoins d’information et des problèmes particuliers, ainsi qu’aux fournisseurs de services communautaires qui aident ces utilisateurs. L’information devrait traiter de toutes les étapes d’une rupture familiale et du règlement d’un différend familial. L’information devrait comprendre des renseignements sur les fournisseurs locaux et régionaux de services.  

30. En consultation avec EJCO, le ministère du Procureur général devrait étendre et élaborer des outils en ligne pour les conventions parentales et les conventions de séparation ou du divorce, outils qui devraient comprendre des modèles de calcul, des modèles de convention et l’explication de concepts juridiques afin d’aider les couples et leurs conseillers juridiques à régler rapidement les problèmes juridiques et les différends familiaux. Ces outils peuvent être offerts au moyen du portail principal ou d’un site Web donné qui contient de l’information juridique.
 

 

Le choix d’un cheminement et d’un tri de base

Constituerait une fonction principale des centres multifonctionnels et multidisciplinaires le tri préliminaire. Nous estimons qu’en plus du tri au palais de justice (par exemple par l’entremise d’un CEA), un tri de base, effectué avant qu’un couple ne se rende à la cour, pourrait rendre plus efficace et adaptée la prestation des services. 

À notre avis, « une évaluation préliminaire et un tri des besoins juridiques » seraient les plus efficaces s’ils étaient effectués au « guichet unique » d’un centre multidisciplinaire et multifonctionnel. Ce tri devrait être fondé sur plusieurs facteurs : le niveau de conflit, l’existence de différences de pouvoir, la violence familiale, les questions liées aux enfants, les questions juridiques contestées ou non, la situation de chaque personne et la capacité d’utilisation de divers outils. Nous soulignons que les « besoins juridiques » que nous avons déjà décrits peuvent comporter de nombreux aspects. Mais au‑delà de la portée des besoins juridiques, la pertinence et la nécessité des services familiaux généraux peuvent être liées à des facteurs précis :

  • des normes culturelles ou des croyances religieuses qui influent sur la relation familiale ou soulèvent des questions sur l’égalité de traitement des membres de la famille;
  • l’existence d’une famille élargie où d’autres membres de la famille jouent un rôle important dans l’éducation des enfants;
  • l’existence d’une déficience importante;
  • des difficultés financières majeures. 

Il ne s’agit que d’exemples qui complexifient davantage la situation familiale. Le tri permettrait l’affectation des ressources spécialisées appropriées de manière à aider les parties à obtenir un règlement à long terme, par voie extrajudiciaire ou judiciaire. 

À la lumière de l’évaluation initiale, les personnes peuvent être orientées (par tri) vers des services de conseils juridiques communautaires subventionnés (des cliniques juridiques ou des cliniques spécialisées en droit de la famille), un avocat de l’Aide juridique, un avocat du secteur privé, un parajuriste, des renseignements ou des outils en ligne, des programmes (obligatoires) d’information et d’éducation, des services au palais de justice de même que des services familiaux communautaires, de conseils financiers, de thérapie et de santé (mentale). Idéalement, bon nombre de ces services familiaux sont offerts au point central, ou près du point central, où le tri est effectué. Lorsque cela n’est pas possible, les services devraient être faciles d’accès.

Les personnes qui effectuent le tri devraient être des professionnels de la santé mentale, des médiateurs familiaux, des avocats familialistes ou une combinaison de ces professionnels. Ces derniers devraient être sensibilisés aux besoins communautaires spécifiques. En ce qui concerne les normes de formation, il faudrait obtenir les observations de divers groupes culturels et ethniques[489]. Le tri des besoins juridiques peut regrouper une évaluation, des conseils juridiques sommaires et un tri vers des services juridiques particuliers. La prestation de conseils juridiques sommaires nécessite l’expertise d’un avocat. Toutefois, en cas de pénurie d’avocats familialistes, un parajuriste ou un avocat généraliste, par exemple, pourrait aussi effectuer un tri de base.

On peut se servir du tri pour établir l’ordre de priorité des affaires et pour attribuer du temps pour des conseils juridiques ou de l’assistance juridique. Le tri devrait être appuyé par une base de données qui contient des renseignements à jour sur les spécialisations et la disponibilité des avocats et des parajuristes de même que sur la disponibilité d’autres services, notamment l’aide juridique. 

La création d’une base de données suivant les clients ou d’un dossier électronique du client pourrait rationaliser davantage le système. Toutefois, cela est susceptible de soulever des questions relatives à la confidentialité. Nous recommandons qu’une évaluation à la prise en charge ne puisse être transmise à d’autres services, par exemple les services d’aide juridique aux tribunaux, à moins que la personne n’y consente explicitement et que cela ne soit permis par le Code de déontologie du Barreau du Haut‑Canada[490] et par les codes de déontologie des autres professions qui participent aux pratiques multidisciplinaires.  

Pour que le système soit rationalisé, il est important que le tri préliminaire ne devienne pas une source de méfiance, une cause de retard ou un obstacle au règlement efficace et adapté des différends. Le tri préliminaire devrait constituer une étape obligatoire d’accès aux services d’aide juridique. Subsidiairement, la personne qui décide d’entrer dans le système au moyen de la fonction du tri peut se voir offrir des services juridiques subventionnés.

La CDO formule la recommandation suivante :

31. Le ministère du Procureur général devrait établir aux centres multidisciplinaires et multifonctionnels un système de tri des familles entrant dans le système judiciaire afin de répondre aux besoins particuliers des familles et les orienter vers la forme la plus appropriée de règlement des différends. La ou les personnes effectuant le tri devraient avoir une expertise en matière familiale en plus d’une expertise juridique et devraient évaluer de nombreux facteurs, comme le rôle des membres de la famille élargie ainsi que la complexité d’un différend juridique ou familial, dont d’autres problèmes comme les difficultés financières ou psychologiques, en plus de la violence familiale ou d’autres formes de « conflit à niveau élevé ».  
 

 

Le règlement rapide 

S’il existait dans les centres multidisciplinaires et multifonctionnels une fonction similaire à celle de l’agent de règlement des différends aux emplacements de la Cour supérieure, cela pourrait aider les parties à régler rapidement certaines ou l’ensemble des questions en litige.

La CDO formule la recommandation suivante :

32. Le ministère du Procureur général devrait financer une fonction similaire à celle des agents de règlement des différends à la Cour supérieure qui pourrait aider les parties à régler rapidement certaines ou l’ensemble des questions en litige.
 

 

Les services globaux de spécialistes familiaux 

Les centres multidisciplinaires et multifonctionnels devraient être une porte d’entrée des services familiaux spécialisés. Comme nous l’avons déjà mentionné, l’accumulation de problèmes peut rendre certaines familles très vulnérables. En combinaison avec d’autres problèmes, comme les traumatismes, un faible revenu et l’éducation des enfants, les situations de conflit à niveau élevé et/ou de violence familiale peuvent avoir un impact profond sur une famille[491]. Dans les affaires très difficiles, la violence faite aux enfants, la violence familiale faite au partenaire, la toxicomanie, le comportement criminel et les problèmes socioéconomiques peuvent affecter une famille monoparentale. Certaines familles ont des antécédents de marginalisation en Ontario et peuvent faire face à de nombreux problèmes et obstacles juridiques. Les collectivités autochtones, en danger de dommages intergénérationnels, peuvent être à risque[492]. 

Par conséquent, certaines familles ont besoin de services familiaux spécialisés multidisciplinaires. Ces services peuvent être fournis par des organismes qui constituent aussi des « centres multidisciplinaires et multifonctionnels » ou par des centres distincts. Les familles qui éprouvent des problèmes graves peuvent avoir le plus besoin de services familiaux à long terme, de sorte que les cheminements juridiques et les stratégies de services familiaux devraient être harmonisés dans la mesure du possible.

Bien que les méthodes multidisciplinaires causent certaines difficultés, nous estimons que les équipes d’organismes multidisciplinaires peuvent être fort précieuses pour les familles et les personnes qui éprouvent plusieurs problèmes dans une situation de rupture familiale. L’expansion des services multidisciplinaires dans la province pourrait donner accès à ces services à un plus grand nombre de personnes. Nous savons aussi qu’il y a des limites à l’exhaustivité des services interdisciplinaires, par exemple en raison de la distance à l’extérieur des centres urbains[493]. Pour de nombreuses personnes vivant dans des petites collectivités, dont celles qui vivent dans des régions rurales et éloignées, la vie privée et l’anonymat à l’égard des problèmes familiaux sont très importants. Cela limite l’utilisation, par exemple, de services mobiles qui visitent de telles collectivités.  

Lors de la constitution d’équipes multidisciplinaires locales et régionales, il faut tenir compte des contextes locaux et communautaires. Nous estimons que pour certaines collectivités, la participation de représentants de la collectivité peut rehausser la crédibilité des services et abaisser la barrière pour les personnes. Les organismes multidisciplinaires doivent être constitués dans la collectivité elle‑même et nécessitent des travailleurs locaux désireux de collaborer, mais le gouvernement provincial peut promouvoir et faciliter les pratiques multidisciplinaires au moyen d’incitatifs et d’information.

La CDO formule les recommandations suivantes :

33. Le Groupe directeur (voir la recommandation 28) devrait analyser des façons de : 

a.) renforcer les services multidisciplinaires actuels et promouvoir la création de nouveaux services multidisciplinaires, lorsque la demande locale le justifie, en affectant des fonds, en facilitant l’échange d’information au sein de ces services, en favorisant les bonnes pratiques et en sensibilisant les utilisateurs et les travailleurs des services familiaux respectifs de sorte que les utilisateurs trouvent ces services;  

b.) promouvoir l’intégration du pluralisme dans la prestation locale de services multidisciplinaires en faisant participer des représentants des collectivités desservies par les centres.
 

 

3.     La prestation des services d’aide juridique 

On ne peut séparer l’accès aux services juridiques de l’accès à l’aide juridique. La modification des critères d’admissibilité de manière à permettre un accès plus large constitue une recommandation courante et facile à faire[494] (nous faisons aussi cette recommandation, tout en en reconnaissant le coût), mais nous reconnaissons qu’il existe d’autres façons de fournir des services d’aide juridique. Une augmentation des budgets consacrés à l’aide juridique pourrait aussi servir à l’assistance juridique, sans représentation complète, plutôt qu’à des certificats d’aide juridique couvrant la représentation complète par avocat. Home Court Advantage a recommandé la modification des critères d’admissibilité financière applicables à l’aide juridique de manière à augmenter l’accès aux conseils juridiques indépendants[495]. Nous appuyons cette recommandation. 

Il existe néanmoins des préoccupations relatives aux critères d’admissibilité d’AJO applicables à la représentation complète par avocat. Dans son Rapport annuel 2011, le vérificateur général a souligné que :

les seuils d’admissibilité financière [à l’aide juridique] sont demeurés inchangés depuis 1996 et 1993, respectivement. Pour ce motif ainsi qu’en raison de la hausse des honoraires moyens pour chaque certificat délivré, au cours des dernières années, moins de personnes ont eu droit à un certificat et plus de clients ont dû faire appel aux avocats de service, aux conseils juridiques et au site Web d’Aide juridique Ontario pour obtenir de l’information sur les services juridiques[496].

Environ 80 % des demandeurs approuvés ont un revenu annuel brut de 10 000 $ ou moins, et la majorité d’entre eux reçoivent de l’aide sociale ou ne déclarent aucun revenu[497]. Le seuil d’admissibilité pour une personne seule (10 800 $ par année) est « si faible qu’un travailleur à temps plein touchant le tarif horaire minimal gagnerait deux fois plus »[498].   

L’aide juridique aux Pays‑Bas, qui est généralement considérée comme une bonne pratique[499], est plus généreuse qu’en Ontario. On estime que 40 % de la population néerlandaise serait admissible à l’assistance juridique suivant les critères d’admissibilité financière, quoiqu’en plus des frais judiciaires, une contribution à l’aide juridique peut être requise, selon le revenu. Dépendamment de la nature de l’affaire et du choix des parties, l’aide juridique comprend des certificats d’aide juridique pour la médiation et la médiation en ligne (RDL) offerte par l’entremise de l’Aide juridique; des conseils juridiques fournis par des avocats pendant trois heures; et des certificats d’aide juridique pour la représentation complète relativement à l’ensemble des questions juridiques familiales et civiles connexes, en fonction de plafonds[500].   

Même si le nombre de contacts avec aide juridique ou conseils juridiques aux Pays‑Bas, qui compte une population de plus de 16 millions de personnes, était légèrement inférieur à celui de l’Ontario en 2006‑2007, les Pays‑Bas ont accordé un nombre beaucoup plus considérable de certificats d’aide juridique comparativement à d’autres services juridiques qu’en Ontario[501]. Il faut aussi mentionner que le système d’aide juridique néerlandais prévoit une rémunération horaire par avocat considérablement plus élevée[502]. Par conséquent, les services d’aide juridique néerlandais n’éprouvent aucun problème à attirer des avocats d’aide juridique en matière familiale[503], contrairement au système d’aide juridique ontarien[504].

Nous reconnaissons que le budget total consacré à l’aide juridique en Ontario et au système judiciaire[505] devrait être augmenté considérablement pour égaliser les budgets néerlandais, en particulier en matière de droit civil : aux Pays‑Bas, le coût par habitant de l’aide juridique en 2008 s’établissait à 27 € (environ 37 $)[506], comparativement à 27 $ en Ontario en 2006[507]. En 2010, le coût par habitant de l’aide juridique en Ontario a été réduit à un peu moins de 15 $[508], mais le système de justice de droit de la famille a bénéficié de fonds supplémentaires[509]. 

Si on compare le système d’aide juridique de l’Ontario à celui des autres provinces canadiennes, on constate qu’AJO applique des critères d’admissibilité plus élevés (c’est‑à‑dire, qu’il est plus difficile d’être admissible à des certificats d’aide juridique avec représentation complète en Ontario), mais que l’Ontario offre près de trois fois plus d’aide par avocat de service que la moyenne provinciale[510]. Cela explique en partie un budget d’aide juridique plus élevé en Ontario, comparativement aux autres provinces. Dans son Rapport annuel 2011, le vérificateur général recommande qu’AJO, en collaboration avec le procureur général, étudie l’effet sur les personnes à faible revenu de son seuil actuel d’admissibilité financière depuis 1996 et du fait qu’elle a commencé à utiliser des services de soutien d’aide juridique moins coûteux. Il recommande en outre l’évaluation des programmes d’aide juridique des autres provinces afin d’établir les facteurs et les pratiques exemplaires contribuant à l’infériorité de leurs coûts. Dans sa réponse au vérificateur général, AJO déclare se préoccuper de l’accès aux services d’aide juridique. Elle soutient que les comparaisons de coûts sont difficiles à établir précisément et que le coût par service constitue cependant une autre mesure d’évaluation utile[511].

Nous estimons que les seuils d’admissibilité financière doivent être modifiés dans tout le programme d’aide juridique de l’Ontario, de manière à ce que ce programme puisse combler les besoins juridiques des utilisateurs. Au moyen d’un tri de l’aide juridique, un utilisateur pourrait être orienté vers un service d’aide juridique particulier « proportionnel » à ses besoins juridiques, notamment quelques heures de conseils, de médiation, de services d’avocat de service, de services dégroupés ou de représentation complète. Les seuils d’admissibilité devraient tenir compte du coût de la vie et du coût des frais juridiques dans une région ou dans la province. Dans l’application des critères, il faut tenir compte des besoins particuliers des personnes, ce qui peut entraîner des frais juridiques plus élevés, soit individuellement ou en fonction de facteurs de multiplication établis objectivement.

La CDO formule les recommandations suivantes :

34. Le ministère du Procureur général devrait fournir du financement à Aide juridique Ontario afin que celle‑ci procure un accès plus grand aux services d’aide juridique dans des cas individuels, en fonction des besoins juridiques des personnes, tant dans le domaine du droit familial que dans d’autres domaines du droit qui touchent les familles. 

35. En collaboration avec le procureur général, le Barreau du Haut‑Canada et les tribunaux, Aide juridique Ontario devrait établir des seuils d’admissibilité annuels fondés sur le coût de la vie et les coûts des frais juridiques, ainsi que des plafonds d’aide juridique, qui sont adéquats pour procurer un accès à des services d’aide juridique proportionnels. 

36. En collaboration avec les Cours de la famille, le Barreau du Haut‑Canada, les cliniques juridiques communautaires et les organismes communautaires, Aide juridique Ontario devrait élaborer des critères de tri d’aide juridique vers des services d’aide juridique « proportionnels » destinés aux personnes en situation de rupture familiale.
 

 

4.     Le règlement des différends 

Le règlement extrajudiciaire des différends 

Nonobstant les mesures visant l’amélioration du système juridique, le règlement des différends familiaux, notamment dans le cadre du processus judiciaire, demeure stressant. L’opinion selon laquelle [traduction] « la plupart des parties ne peuvent pas se permettre le fardeau financier et émotionnel du cheminement dans un processus lourd qui part de la séparation pour mener à la dissolution définitive d’un mariage » est partagée par les utilisateurs et les travailleurs[512].

Le Rapport Mamo a conclu que les modifications ne devraient pas viser principalement le processus judiciaire, mais plutôt constituer un changement fondamental qui transforme une culture de litige en une culture de règlement collaboratif des différends : [traduction] « La cour devrait être l’option de dernier ressort réservée aux quelques affaires qui nécessitent son pouvoir officiel et son pouvoir de coercition »[513]. Cet énoncé est compatible avec la plupart des déclarations ultérieures des observateurs et les réformes les plus récentes lancées par le procureur général. Par exemple, Supporting Families to Support Their Children renforce les principales recommandations du Rapport Mamo.  

Selon une prémisse majeure des recommandations des organismes, la procédure judiciaire devrait s’appliquer par défaut, plutôt que de constituer le processus normal. Ce n’est qu’un faible pourcentage (moins de 5 %) des affaires à niveau de conflit élevé qui nécessiteraient un système judiciaire familial doté de ressources spécialisées constituées par des juges spécialisés. Les juges devraient pouvoir imposer un coordonnateur parental (ou un « protonotaire spécial ») aux parties à niveau de conflit élevé qui se retrouvent constamment devant les tribunaux afin de contribuer au règlement des conflits mineurs, comme les horaires parentaux. Il faudrait décourager les litiges inutiles et abusifs au moyen de l’attribution des dépens[514].

Nous sommes d’accord avec cette prémisse, et nous estimons que davantage d’utilisateurs peuvent être orientés vers un règlement des différends moins contradictoire. Nous croyons aussi que les juges expérimentés et le personnel de la cour peuvent disposer du pouvoir nécessaire. Toutefois, nous soulignons que le règlement extrajudiciaire doit être abordable et faire en sorte que les parties soient traitées équitablement et conformément à leurs besoins particuliers. En outre, même lorsque les parties ne se trouvent pas à la cour, cela ne signifie pas qu’elles n’ont pas besoin d’assistance juridique afin d’atteindre ces objectifs. 

Plusieurs observateurs estiment que le fait de rendre la médiation obligatoire dans les affaires de séparation et de divorce ferait une grande différence dans le processus de droit de la famille en encourageant les parties à régler plus tôt leurs différends. Mamo, Chiodo et Jaffe ont exprimé l’opinion que [traduction] « la suggestion voulant que les Règles de la Cour de la famille soient modifiées afin de prévoir la médiation obligatoire en matière familiale a été répétée dans plusieurs sites et mérite un examen très sérieux. Si les Règles exigeaient le renvoi de certaines affaires à la médiation dans le cadre du processus de gestion des causes, cela contribuerait énormément à changer la culture de litige dans le système de justice familiale. »[515] Le juge en chef Winkler a aussi proposé l’introduction de la notion de [traduction] « présomption de médiation »[516].

Bien que nous approuvions la prémisse voulant que la cour ne doit pas constituer la procédure normale, nous ne voyons pas en quoi, à cette étape ou à long terme, il serait très avantageux de tenter de rendre la médiation obligatoire avant que les personnes ne puissent recourir au processus judiciaire. Nous estimons que le système de justice familiale met beaucoup d’accent, peut‑être même trop, sur la médiation. Vraisemblablement, de nombreuses personnes en situation de conflit à faible niveau négocient déjà une convention ou choisissent une autre méthode de règlement extrajudiciaire des différends. Pour les personnes se trouvant en situation de conflit à niveau élevé, la médiation est plus complexe. Notamment pour ces cas, la médiation nécessite des médiateurs de grande qualité, des conseils juridiques ainsi que la détermination des questions de savoir si la médiation est appropriée à la lumière des différences de pouvoir et si une personne a sincèrement tenté de se prévaloir de la médiation. Fait peut‑être le plus important, la médiation obligatoire ne semble pas compatible avec le principe fonctionnel du caractère volontaire de la médiation. Dans les affaires à niveau de conflit élevé, la volonté de faire un compromis n’existe souvent pas, à tout le moins initialement.

 

Le règlement judiciaire des différends 

Nous avons indiqué auparavant que la Cour supérieure a institué un nouveau système de gestion des causes. Nous avons décrit la façon dont la gestion des causes aux tribunaux pourrait être améliorée par un spécialiste de la santé mentale qui peut aider les juges. 

À long terme, des mécanismes de tri plus exhaustifs pourraient être élaborés aux palais de justice. Home Court Advantage recommande qu’un coordonnateur de l’évaluation des causes (CEC) effectue le tri. Les CEC aux tribunaux détermineraient l’existence de violence familiale et le niveau de conflit et orienteraient les parties vers les ressources appropriées. Ainsi, les CEC garantiraient [traduction] « que chaque comparution à la cour est nécessaire et appropriée »[517]. Les affaires urgentes seraient renvoyées au tribunal suivant une procédure accélérée. On peut compter parmi de telles affaires les problèmes de garde où il y a de la violence familiale, le défaut de verser la pension alimentaire pour enfants ou pour époux, le défaut de respecter un plan parental ou les conditions d’une convention de séparation. Si les parties désirent un litige en bonne et due forme, mais que le CEC estime que le règlement extrajudiciaire conviendrait mieux, cela pourrait être inscrit au dossier. 

En ce qui a trait à l’élaboration de la fonction d’un CEC, nous soulignons que Bala et Birnbaum recommandent un instrument validé empiriquement qui détermine les différents niveaux de conflit. Cela aiderait les professionnels en santé mentale à cibler les interventions particulières, réduisant ainsi le stress imposé aux enfants et aux familles. Cela aiderait aussi les tribunaux au début de la gestion de la cause[518]. L’introduction éventuelle d’un coordonnateur de l’évaluation des causes (CEC) aux tribunaux pourrait contribuer à une telle détection rapide[519]. 

Nous appuyons le développement plus poussé des fonctions de tri à la cour. Nous estimons que lorsque le tri au début du processus de justice familiale peut permettre l’orientation des utilisateurs vers des mécanismes équitables et abordables de prévention des différends juridiques et de règlement extrajudiciaire des différends, les services judiciaires peuvent se concentrer plus efficacement sur les affaires complexes, y compris les situations de niveau élevé de conflit, de violence familiale alléguée ou réelle et d’autres questions juridiques complexes ou urgentes.

Notre propre projet est axé sur les points d’entrée. Toutefois, nous voulons indiquer clairement que même si nous nous sommes concentrés sur les points d’entrée, car nous estimons que lorsqu’ils sont efficaces et adaptés, ils peuvent éviter de nombreux problèmes subséquents, il doit y avoir une continuité dans le reste du système. Pour que les points d’entrée demeurent efficaces et adaptés, les étapes suivantes du processus doivent aussi être réformées[520]. Nous reconnaissons les mesures qu’ont prises les tribunaux pour rendre leur procédure plus efficace et appuyons particulièrement un processus de tri qui distingue davantage les affaires soumises aux tribunaux en vue de la déjudiciarisation des affaires susceptibles de médiation efficace, par exemple. Toutefois, nous formulons deux recommandations générales relativement aux tribunaux, nous joignant à ceux qui appuient la création d’un plus grand nombre de Cours unifiées de la famille et le principe [traduction] « une famille, un juge ». 

La CDO formule les recommandations suivantes :

37. La province devrait continuer de collaborer avec le gouvernement fédéral pour établir des Cours unifiées de la famille partout en Ontario. 

38. Les tribunaux devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir qu’après une conférence de règlement, s’il y a lieu, un juge est responsable de l’adjudication du litige touchant une famille.  
 

           

D.    La nécessité d’une connaissance accrue des parties et du système 

Comme nous l’avons déjà expliqué, nous ne disposons pas de suffisamment de renseignements au sujet du système juridique familial et de l’effet de diverses réformes. Dans le cadre d’une vision à long terme, nous proposons un centre de recherches qui appuie les tribunaux, Aide juridique Ontario et les praticiens en effectuant des recherches ciblées et des sondages auprès des utilisateurs et en élaborant des instruments (notamment en ligne) innovateurs.

La CDO formule la recommandation suivante :          

39. Le ministère du Procureur général, le Barreau du Haut‑Canada et Aide juridique Ontario, de même que d’autres organismes ayant une expertise particulière pertinente, devraient entreprendre une étude du système juridique familial en vue d’élaborer des réformes qui combleront les besoins des utilisateurs en recueillant systématiquement des données au sujet :

a. des Centres d’information sur le droit de la famille à l’égard des utilisateurs, des services et des résultats pour les utilisateurs;

b. des utilisateurs, des processus et des résultats judiciaires;

c. de l’efficacité de la médiation subventionnée;

d. de l’utilisation de guides;

e. de l’expérience des mandats limités en droit de la famille.
 

 

Précédent Suivant
D’abord Bout
Table des matières