L’objectif de ce projet consiste à élaborer un cadre d’évaluation pratique qui aidera le législateur, les décideurs, les défenseurs des droits des personnes âgées, les fournisseurs de services et les intervenants du secteur privé à :

  • comprendre les façons dont les lois et les politiques peuvent toucher les personnes âgées;
  • évaluer l’effet des lois et des politiques en vigueur;
  • concevoir et mettre en œuvre des lois et des politiques qui tiennent compte des réalités et des expériences des personnes âgées et qui ont des retombées positives pour ces membres de la société. 

Le cadre constituera l’aboutissement de ce projet et sera conçu comme un document complet et autosuffisant. Le rapport final connexe servira de ressource pour obtenir des renseignements supplémentaires et des exemples. 

Ce projet est mené simultanément à un projet connexe ayant pour but de produire un cadre pour le droit touchant les personnes handicapées. Compte tenu des similitudes et des différences entre le droit touchant les personnes âgées et le droit touchant les personnes handicapées; les deux documents se recouperont à plusieurs égards tout en comportant de nombreuses différences sur les plans de la démarche et du contenu. 

Les cinq chapitres précédents exposent certains points qui, selon la CDO, constituent les éléments d’analyse fondamentaux d’un cadre d’évaluation du droit touchant les personnes âgées, notamment :

  • un compte rendu général des aspects essentiels des expériences des personnes âgées pouvant façonner leurs rapports avec le droit, et particulièrement des considérations concernant la diversité et l’individualité des personnes âgées;
  • une description des concepts de l’âgisme et du paternalisme ainsi que de la façon dont ceux-ci se manifestent dans les lois et les politiques;
  • un ensemble de principes permettant de définir les objectifs du droit touchant les personnes âgées;
  • une description des différentes répercussions du droit sur les personnes âgées;
  • une analyse des divers obstacles auxquels les personnes âgées sont confrontées lorsqu’elles tentent d’accéder au droit, ainsi que des stratégies visant à lever ces obstacles. 

De plus, ces éléments d’analyse doivent être structurés sous la forme d’un cadre d’évaluation concis, cohérent et relativement simple à utiliser. Une version provisoire de ce cadre est jointe au présent rapport et forme l’annexe A. Ce chapitre examine brièvement certains des principaux enjeux associés à l’élaboration du cadre. 

 

B.  Combiner les éléments du cadre 

L’un des principaux défis de l’élaboration du cadre consiste à combiner en un tout clair et cohérent les divers éléments énoncés dans les chapitres I à V. Pour ce faire, il est essentiel de comprendre les liens entre les divers éléments du cadre.

1.            Liens entre les éléments du cadre

Comme on l’a vu au chapitre III, les principes du droit touchant les personnes âgées sont interdépendants et doivent être examinés les uns par rapport aux autres. Les personnes âgées n’assureront pas leur sécurité si elles sont incapables d’exprimer leurs préoccupations et de se protéger contre l’exploitation, les mauvais traitements ou les conséquences néfastes. Par exemple, une personne âgée qui dépend largement d’un fournisseur de soins formels ou d’un aidant naturel pour combler ses besoins fondamentaux aura du mal à se protéger contre les mauvais traitements. Cela illustre bien les liens qui existent entre les principes de la sécurité, d’une part, et de l’autonomie et de la dépendance, d’autre part. En outre, les représentations négatives des personnes âgées comme des êtres indigents, dépendants, fragiles et n’ayant plus rien à apporter peuvent porter atteinte au principe de la dignité, en plus de mener à des perceptions paternalistes selon lesquelles les personnes âgées sont incapables de décider pour elles-mêmes, ce qui peut, par le fait même, donner lieu à des politiques qui briment leur autonomie. 

De façon similaire, il existe des interactions complexes entre les divers aspects des réalités des personnes âgées. Il est évident que l’insécurité financière a toute une gamme d’effets sur les milieux de vie auxquels les personnes âgées ont accès, sur leur capacité à participer à la collectivité ainsi que sur leur état de santé et leur bien-être en général. La solidité des relations qu’elles entretiennent avec leur famille et leurs amis, ou l’absence de telles relations, influe également sur leur capacité à vivre de façon autonome au sein de la collectivité, de même que sur leur santé et leur bien-être.

 

2.            Interaction entre les principes et les expériences

Les principes et les expériences des personnes âgées sont interdépendants et doivent s’éclairer mutuellement. 

La façon dont les personnes âgées expérimentent différents aspects de la vie (le droit, l’éducation, l’emploi, le bénévolat, la politique et le quotidien « ordinaire ») représente l’élément moteur de l’élaboration du cadre. Une analyse des expériences des personnes âgées peut révéler les lacunes de l’élaboration ou de l’application du droit (ou d’une action privée) et la façon dont celles-ci se manifestent, mais également les réussites du droit et des pratiques privées. Ces expériences mettent en lumière les cas où la « société » – ses structures, ses organismes, ses décideurs, ses priorités – a échoué, où elle réalise des progrès et où elle s’efforce de progresser. Par conséquent, les expériences mettent en évidence la nécessité des principes, et, possiblement, la nature de leur contenu. 

En outre, les expériences et les réalités des personnes âgées établissent le contexte d’application des principes et révèlent comment ceux-ci sont interprétés, selon la façon dont ils sont appliqués. Notre compréhension des principes doit reposer sur les expériences des personnes âgées. 

On peut également évaluer les principes, après une certaine période, afin de déterminer s’ils sont appliqués et, dans l’affirmative, s’ils sont efficaces. Lorsque les réalités des personnes âgées changent, ou qu’on en a acquis une meilleure compréhension, une analyse de ces expériences peut révéler la nécessité de transformer les principes. 

Par conséquent, à certains égards, il existe une relation de symbiose entre les expériences et les principes : ils influent les uns sur les autres et s’éclairent mutuellement. Dans quelle mesure les principes tiennent-ils compte des expériences des personnes âgées et peuvent-ils continuellement s’adapter aux changements observés dans ces expériences? Jusqu’à quel point les principes nous permettent-ils d’acquérir une meilleure compréhension des expériences des personnes âgées et des défis qui se posent lorsqu’on tente de tenir compte de ces différentes expériences?

 

3.            Application des principes et des réalités au cadre législatif

Il convient d’examiner les principes et les réalités des personnes âgées dans le contexte actuel bien précis du droit touchant les personnes âgées.

Ce contexte comprend un éventail de lois qui ciblent précisément soit les personnes âgées, soit les besoins qu’elles éprouvent de façon disproportionnée, comme les exigences du permis de conduire auxquelles elles sont assujetties, les programmes de soutien du revenu fondés sur l’âge, les lois sur le consentement et la capacité, de même que les lois régissant les habitations collectives. Ces lois requièrent que l’on porte une attention particulière à certains enjeux, tels que l’utilisation de l’âge comme catégorie, l’accès à la justice pour les personnes isolées de la société en général par leur milieu de vie et les conséquences des déficiences cognitives sur les rapports avec le droit. 

En particulier, afin d’appliquer les principes et les réalités au contexte du droit, il faut également tenir compte des nombreuses lois d’application générale qui touchent différemment les personnes âgées et dont les effets sur cette population n’ont pas été pris en considération lors de leur conception ou de leur application. Il convient donc d’examiner la façon dont on peut tenir compte des personnes âgées et des réalités qui leur sont propres dans l’élaboration de lois et de politiques, puis dans leur application. 

Il faut également s’efforcer de bien comprendre et pallier l’écart entre le droit et son application, soit le mauvais exercice du droit, de même que les politiques qui, à première vue, semblent avoir un effet neutre ou même favorable à l’endroit des personnes âgées, mais qui se révèlent défavorables pour celles-ci.

 

C.  Exigences relatives au cadre d’évaluation 

Tout cadre conçu pour orienter le droit touchant les personnes âgées doit présenter certaines caractéristiques.

Premièrement, compte tenu des interactions complexes entre les différents principes eux-mêmes et entre les principes et les expériences des personnes âgées, le cadre doit être holistique. Au lieu d’aborder chacun des principes séparément, ou indépendamment des réalités des personnes âgées, le cadre doit combiner tous les éléments de sorte que les principes reposent sur les réalités des personnes âgées et sur le contexte actuel du droit. 

Deuxièmement, vu la diversité des expériences des personnes âgées et la diversité des rapports de celles-ci avec le droit, le cadre doit être suffisamment souple pour s’appliquer à tous les contextes. Il doit tenir compte des rapports des personnes âgées avec le droit sur les plans de la sexualité, de l’emploi, des conditions de vie, des relations familiales, des finances, et autres. Il doit pouvoir s’appliquer efficacement aux lois qui ciblent directement les personnes âgées tout comme aux lois d’application générale qui touchent les personnes âgées de manière différente ou disproportionnée. 

Troisièmement, le cadre doit refléter la diversité des expériences et des identités des personnes âgées. Puisque les personnes âgées forment un groupe qui reflète la diversité de la population dans son ensemble, il doit tenir compte des différentes identités ethniques et culturelles, des divergences entre les expériences des hommes et des femmes, des différents niveaux de capacité et de déficience, ainsi que de la diversité sur les plans de l’orientation sexuelle, du statut de citoyen, des relations familiales et de l’âge. Comme c’est le cas pour la population en général, les personnes âgées s’identifient parfois à plus d’une communauté. Cette diversité signifie que les effets du droit sur les personnes âgées sont multiples, complexes, et parfois même contradictoires. 

Quatrièmement, le cadre doit être suffisamment précis et pratique pour fournir des lignes directrices utiles à l’élaboration de lois et de politiques gouvernementales et pour contribuer à la conception de processus que le secteur privé doit mettre en place pour assurer l’application du droit. Il doit aider les utilisateurs à comprendre concrètement l’incidence des principes sur l’élaboration et l’évaluation des lois, des politiques et des pratiques. 

Enfin, le cadre doit être utilisable. Sa structure, sa présentation et sa formulation doivent être suffisamment simples et claires pour faciliter son utilisation en tant qu’outil pratique. Les renvois au rapport, plus exhaustif, doivent être simples et directs, à l’intention du lecteur qui souhaite obtenir un complément d’information et des éclaircissements.

 

D.  Commentaires sur le cadre 

Comme on l’a déjà mentionné, l’annexe A de ce rapport présente une version complète du cadre provisoire, y compris une explication des éléments qui le composent et des lignes directrices sur l’évaluation du droit.

Il convient de noter que, compte tenu de la complexité et de la diversité du droit touchant les personnes âgées, des contraintes pratiques imposées au législateur et aux décideurs, ainsi que de la nature évolutive du vieillissement et de notre compréhension de ce phénomène, le cadre ne vise pas nécessairement à proposer des réponses définitives à toutes les questions épineuses qui peuvent survenir lors de la conception des lois et des politiques touchant les personnes âgées, mais plutôt à aider le législateur et les décideurs à s’assurer : 

  • d’adopter une démarche cohérente et fondée sur des principes;
  • de tenir compte des considérations pertinentes au sujet des expériences et des besoins des personnes âgées;
  • de cerner les éventuelles sources d’âgisme et de paternalisme dans le droit en vue d’y remédier. 

Le cadre repose sur un ensemble de questions ouvertes qui visent à s’assurer que ses utilisateurs tiennent compte des principaux enjeux associés à la loi, à la politique ou à la pratique particulière et appliquent les principes et les considérations à leur analyse. En ce qui a trait aux principes en soi, les questions se rapportent au processus et au contenu. Les questions doivent être suffisamment vastes pour s’appliquer à différents contextes, mais assez précises pour permettre l’application des principes à des contextes particuliers, au besoin, après quelques modifications mineures. Certaines questions s’appliquent à toutes les étapes de l’élaboration des lois et des politiques, tandis que d’autres ne se rapportent qu’à une seule étape. Même si chaque étape comporte sa propre liste de questions, il peut être nécessaire de se poser la même question à plusieurs reprises au fil du processus. 

À des fins de commodité, les questions sont réparties en six sections : 

  1. Tenir compte des personnes âgées dans l’évaluation des éventuelles répercussions des lois et des politiques.
  2. Se renseigner sur la loi ou la politique. Comment pouvons-nous savoir si les personnes âgées sont touchées par une loi ou une politique, en vigueur ou proposée, et, dans l’affirmative, dans quelle mesure elles le sont?
  3. Identifier les personnes âgées susceptibles d’être touchées par la loi ou la politique.
  4. Évaluer l’incidence du libellé de la loi ou de la politique sur les personnes âgées. Cette section comporte des questions visant à déterminer si les stratégies choisies pour atteindre l’objectif général de la loi ou de la politique sont conformes aux principes et tiennent compte des réalités des personnes âgées.
  5. Comprendre la façon dont les personnes âgées sont touchées par la mise en œuvre de la loi ou de la politique. Cette section présente des questions qui aident à évaluer si la loi ou la politique a, en pratique, l’effet souhaité et si elle a des répercussions positives ou négatives sur la vie des personnes âgées.
  6. Contrôler et évaluer la loi ou la politique, après sa mise en œuvre. Le contrôle et l’évaluation des lois et des politiques sont étroitement liés à leur examen, ce qui nous ramène à la première section et soulève la nécessité d’une réévaluation régulière des lois et des politiques. 

L’ordre des questions d’évaluation vise à fournir une structure logique pour guider l’analyse des lois et des politiques. Cependant, jusqu’à un certain point, toute dissociation est superflue : il est impossible de tracer une démarcation bien nette entre le processus et le contenu, ou entre l’objectif et la mise en œuvre. Il existe, bien entendu, un certain chevauchement entre les différentes sections. 

Il importe également de noter que, compte tenu du vaste éventail de lois et de politiques pouvant toucher les personnes âgées, les sections et les questions ne sont pas aussi pertinentes pour chacune des lois et des politiques. 

La CDO sollicitera les commentaires de nombreux intervenants, y compris des personnes âgées, au sujet du cadre provisoire et tiendra compte des commentaires obtenus pour préparer la version définitive du cadre, qui accompagnera le rapport final sur le projet.

 

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