Comme pour nous tous, le bien-être des personnes âgées est étroitement lié à la qualité de leurs rapports avec leur famille, leurs amis et leur réseau de soutien social. Les recherches et les débats concernant les rapports sociaux des aînés tournent très souvent autour des situations de dépendance et de vulnérabilité, notamment les soins aux personnes âgées et la violence qu’elles subissent. Ces questions sont importantes, mais elles ne constituent pas les seuls aspects des rapports sociaux des personnes âgées. Il serait erroné de penser que tous les aînés, voire même la grande majorité d’entre eux, sont malades, dépendants et vulnérables. Ils donnent des soins autant qu’ils en reçoivent et ils contribuent énormément à leurs rapports sociaux.

 

A. Soins aux personnes âgées

Le débat sur le vieillissement démographique du Canada en souligne souvent les répercussions pour les soins aux personnes âgées. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, si le troisième âge n’a pratiquement pas besoin d’aide pour les activités quotidiennes, ce besoin croît avec l’âge, particulièrement lorsque des maladies chroniques commencent à se présenter. Les soins aux personnes âgées sont, pour la plupart, fournis par des membres de la famille[35] : le vieillissement de la population, jumelé à la restructuration des hôpitaux et à l’insuffisance des soins à domicile, exerce donc des pressions croissantes sur les familles. Cela est particulièrement vrai pour la génération dite « sandwich », qui doit s’occuper à la fois de ses enfants et de ses aînés.[36] Le fardeau des soins retombe disproportionnellement sur les épaules des femmes puisque ceux qui requièrent les personnes âgées sont, comme toutes les formes de soins non professionnels, fortement liés aux rôles respectifs des sexes. On a souvent fait remarquer les lacunes que présentent les textes en ce qui concerne les soutiens sociaux et les mesures de protection des soignants. Par exemple, bien que l’adoption du congé familial pour raison médicale soit une avancée fort bienvenue, le congé offert est de courte durée (8 semaines) et n’est possible que si un médecin a attesté qu’il y a un risque de décès important dans les six mois.[37] Ainsi donc, les travailleurs qui s’occupent d’un membre de leur famille souffrant d’une maladie chronique mais qui ne met pas en jeu le pronostic vital ne disposent d’aucun congé prévu par la loi.

La Commission ontarienne des droits de la personne a récemment mené à bien un important projet qui lui a permis d’examiner l’impact de la prestation de soins sur les choix de vie et les débouchés qui s’offrent aux soignants, de décrire les mesures de protection que leur offrent les textes sur les droits de la personne et de dégager certaines voies de réforme.[38] À l’échelon national, le Canadian Centre for Elder Law Studies est en train d’étudier les cadres juridiques régissant les congés, les arrangements et les autres droits dont peuvent se prévaloir les employés et les autres travailleurs qui doivent également s’occuper de membres de leur famille.[39]

Le British Columbia Law Institute a récemment étudié les dispositions de la loi de la Colombie-Britannique intitulée Family Relations Act (Loi sur les rapports familiaux) qui peuvent obliger des adultes à subvenir aux besoins de leurs parents dans certaines circonstances et en a demandé l’abrogation.[40] La Loi sur le droit de la famille de l’Ontario comprend des dispositions semblables.[41]

 

B. Violence envers les personnes âgées

L’Organisation mondiale de la santé définit la violence envers les personnes âgée ainsi : « un acte simple ou répété, ou le manque d’action appropriée dans une relation en principe fondée sur la confiance, qui provoque un préjudice ou une souffrance à une personne âgée ». Cette violence peut prendre la forme de mauvais traitements affectifs, physiques, financiers ou sexuels ou relever de la négligence. Elle est en grande partie cachée; il est donc difficile d’obtenir des chiffres fiables sur sa prévalence au Canada. En 1999, environ sept pour cent des personnes âgées déclaraient avoir subi une forme quelconque de violence au cours des cinq années précédentes, les mauvais traitements affectifs représentant la forme la plus fréquemment signalée.[42]

Selon le Code criminel fédéral, les mauvais traitements physiques, affectifs ou financiers peuvent constituer une infraction criminelle.[43] Le manquement à l’obligation de procurer les nécessités de la vie constitue également une infraction pour la personne responsable d’une personne âgée. L’Ontario a adopté la Déclaration des droits des résidents à l’intention des personnes qui vivent dans les établissements de soins de longue durée; ces droits comprennent celui d’être traité avec dignité et d’une manière qui tienne compte de son individualité et celui de ne pas subir de mauvais traitements, en plus de l’obligation de faire rapport des mauvais traitements qui surviennent dans les établissements.[44] En outre, la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui permet au Bureau du Tuteur et curateur public d’intervenir dans les cas où des personnes incapables de prendre soin d’elles-mêmes ou de gérer leurs biens courent un risque grave de subir des conséquences défavorables par suite de mauvais traitements ou de négligence.[45]

L’unanimité n’est pas faite sur la question de savoir si le cadre législatif actuel est efficace contre la violence envers les personnes âgées. Les mécanismes prévus sont rarement utilisés et peuvent ne servir à rien contre les formes les plus fréquentes de violence comme les mauvais traitements affectifs ou financiers. Par ailleurs, les personnes âgées ne connaissent pas toujours les mesures de protection dont elles peuvent se prévaloir ou rencontrent des obstacles à cet accès.[46]

 

C. Les personnes âgées qui s’occupent d’autres personnes

Les personnes âgées donnent souvent des soins en même temps qu’elles en reçoivent, même si ce fait n’est pas toujours aussi bien connu. En fait, jusqu’à l’âge de 75 ans, les aînés sont plus susceptibles de déclarer avoir aidé d’autres personnes que d’avoir reçu de l’aide.[47] Alors que les gens du quatrième âge (de plus de 75 ans) sont plus susceptibles d’avoir reçu de l’aide que d’en avoir fourni sur le plan des emplettes ou du transport, ils sont plus susceptibles d’avoir fourni de l’assistance professionnelle, de la formation, des conseils ou un soutien affectif. Les aînés eux-mêmes assurent une partie considérable des soins que requièrent leurs conjoint, voisins ou amis âgés[48], bien qu’on ne se préoccupe guère des caractéristiques et des besoins particuliers de ce groupe de fournisseurs de soins aux personnes âgées.

De nombreuses personnes âgées jouent un rôle précieux comme grands-parents, mais, là également, les conséquences juridiques de ces liens ne suscitent guère de curiosité.[49] Pourtant, le maintien des liens avec les grands-parents est parfois difficile lors du réaménagement des rapports familiaux à la suite d’un échec matrimonial ou en cas de conflit entre les parents et les grands-parents.[50] Un certain nombre de décisions rendues au Canada se sont penchées sur les circonstances dans lesquelles les grands-parents peuvent avoir droit à une ordonnance d’accès à leurs petits-enfants. Certains précédents soulignent l’importance du pouvoir des parents de choisir les personnes que leurs enfants fréquentent et les circonstances dans lesquelles ils peuvent le faire, tandis que d’autres rappellent la valeur intrinsèque des liens avec les grands-parents. Les grands-parents sont également parfois amenés à s’occuper de leurs petits-enfants définitivement ou temporairement. Quelque 20 000 enfants ontariens sont actuellement confiés à leurs grands-parents. Près de la moitié de ces personnes sont des grands-mères célibataires et près du tiers de ces familles vivent sous le seuil de la pauvreté. Ces grands-parents ont évoqué leurs inquiétudes à l’égard du manque de soutiens sociaux et de mesures de protection juridiques adaptés à leur situation très particulière.[51]

Un nombre croissant d’aînés s’occupent de leurs enfants adultes handicapés. Ces parents vieillissants trouvent parfois de plus en plus difficile de fournir les soins dont leurs enfants ont besoin. Ils doivent également se démener pour mettre en place les plans et les soutiens dont leurs enfants auront besoin lorsqu’ils ne pourront plus d’occuper d’eux correctement. Cette situation soulève ainsi parfois des questions complexes de planification des successions.[52]

Enfin, de nouvelles questions surgissent en droit de la famille lorsque des personnes âgées se remarient ou vivent l’échec d’une relation.[53] Par exemple, les aînés sont plus susceptibles d’avoir déjà été mariés ou d’avoir accumulé un patrimoine important; ils sont donc plus portés à vouloir conclure des contrats de mariage, des conventions entre conjoints ou des accords de cohabitation. Sans oublier que, en cas d’échec du mariage, il faudra tenir particulièrement compte de la pension alimentaire après la retraite ou après le décès du payeur.

Sixième question : Quels sont les aspects juridiques importants des relations des personnes âgées ? Lesquels de ces aspects ne sont pas bien pris en compte par les cadres juridiques actuels ?

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