A. Projet portant sur la loi et les personnes handicapées

À l’automne 2007, le Conseil des gouverneurs de la Commission du droit de l’Ontario (CDO) a approuvé un projet portant sur la législation touchant les personnes handicapées et ceux avec qui elles interagissent.

Ce projet a pour but d’élaborer une méthodologie cohérente pour ce domaine du droit. Cela signifie qu’au même titre que le projet de la CDO portant sur le droit et les personnes âgées, le présent projet ne cherchera pas à corriger une problématique spécifique, mais plutôt à élaborer un cadre d’analyse structuré pour le domaine du droit étudié, qui servira à façonner les initiatives législatives qui toucheront les personnes handicapées ou qui modifieront le droit actuel. Les lois, les politiques et les programmes existants pourront servir d’exemples dans l’élaboration et dans l’illustration de ce cadre d’analyse.

Les personnes âgées sont plus susceptibles d’être invalides que leurs cadets. Plusieurs des problématiques les plus complexes en droit des aînés se rapportent au droit des personnes handicapées, comme la vie en établissement, la prise de décision par un tiers et le soutien des aidants naturels. Il existe donc des zones de chevauchement importantes entre ces deux projets. La CDO croit que ces derniers profiteront d’un traitement en tandem.

Le projet portant sur la loi et les personnes handicapées a une portée très large. Compte tenu de la grande diversité des lois et de politiques ontariennes qui ont un impact sur les personnes handicapées dans des domaines aussi diversifiés que l’emploi, le soutien du revenu, le transport, le cadre bâti, le droit de la santé, le soutien aux aidants naturels, l’éducation ou la santé mentale, le simple fait de préciser le cadre d’analyse existant, ainsi que les principes et les hypothèses qui le sous-tendent, ou la façon dont il a été opérationnalisé, constitue un défi en soi, sans même traiter de l’établissement d’un fondement structuré de réforme, ni de l’évolution de ce domaine du droit. Il s’agira donc d’un projet pluriannuel en plusieurs étapes.

Les personnes handicapées représentent une partie très importante de la population canadienne – 14,3 pour cent (et 15,5 pour cent des Ontariens), selon les résultats de l’Enquête sur la participation et les limitations d’activités (EPLA) de Statistique Canada de 2006.[1] Le nombre et la proportion des Canadiens ayant des déficiences augmentent de façon constante, en partie, mais pas seulement, à cause du vieillissement de la population canadienne.[2] Les personnes handicapées représentent donc une partie importante de la population. Compte tenu de la fréquence accrue de l’incapacité liée au vieillissement, certains font référence aux personnes non atteintes de déficiences comme étant « non encore handicapées », et remarquent qu’en mettant l’incapacité dans un tel contexte, presque tout le monde expérimentera l’incapacité, à un moment ou à un autre, soit directement, soit par un proche.

Les 40 dernières années ont connu un important mouvement visant à reconnaître l’expérience des personnes handicapées ainsi que leurs droits. Les personnes handicapées se sont organisées et concertées pour défendre leurs intérêts, et les postulats traditionnels sur la nature de l’incapacité ont été contestés et transformés. Le handicap a été ajouté aux motifs de protection en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario;[3] le Code du bâtiment de l’Ontario comprend maintenant des normes minimales d’accessibilité;[4] la désinstitutionnalisation des personnes handicapées a considérablement progressé; et les écoles primaires et secondaires publiques offrent des programmes d’éducation spécialisée. La Charte canadienne des droits et libertés et les lois sur les droits de la personne ont permis des victoires juridiques importantes.[5] Parmi les initiatives récentes, citons l’adoption et la mise en application graduelle de la Loi de 2005 sur l’Accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario,[6] la nouvelle Loi sur les services aux personnes ayant une déficience intellectuelle ontarienne,[7] la nouvelle Commission de la santé mentale du Canada et, au plan international, la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’Organisation des Nations Unies,[8] que le Canada devrait ratifier.

Malgré tout cela, les personnes handicapées continuent à faire face à des désavantages considérables et variés en comparaison à leurs semblables non handicapés. Les personnes handicapées sont aux prises avec des obstacles pour avoir accès à l’éducation qui peuvent compromettre leur scolarité.[9] Elles sont moins susceptibles de travailler, et lorsqu’elles le font, il est probable qu’elles gagnent moins et qu’elles détiennent un emploi précaire.[10] (Il peut donc y avoir un chevauchement entre ce projet et le projet concomitant de la CDO sur les employés vulnérables et l’emploi précaire.) Dans l’ensemble, elles sont significativement plus susceptibles d’avoir de faibles revenus.[11] Les personnes handicapées sont aussi significativement plus susceptibles d’être victimes de crimes violents et de violence conjugale.[12] Cela laisse entendre qu’un réexamen critique des orientations juridiques actuelles en matière d’incapacité serait nécessaire, tout comme l’élaboration d’un nouveau cadre de principes pour ce domaine du droit. La CDO espère qu’ultimement, ce projet fournira une aide précieuse en droit et en politique publique pour entreprendre un tel effort.

 

B. Facteurs à analyser et points de départ

En amorçant ce projet, la CDO a répertorié un certain nombre de facteurs à analyser, ou points de départ, qui déterminera la stratégie de la CDO par rapport à la loi et aux personnes handicapées. La CDO fera ce qui suit :

· Elle emploiera un cadre d’analyse croisé, afin de tenir compte de l’impact des facteurs suivants sur les expériences des personnes handicapées : le genre, l’orientation sexuelle, l’âge, la catégorisation raciale, l’appartenance à la population autochtone, le statut de citoyen, la situation de famille, le statut socio-économique et d’autres facteurs pertinents;

· Elle analysera les lois applicables aux personnes handicapées dans le cadre plus large de leurs conditions sociales et économiques et dans celui où le droit est créé, interprété et exécuté et où on y obtient accès;

· Elle s’engage à comprendre la loi telle qu’elle se manifeste dans les expériences de vie des personnes handicapées et à tenir compte de la façon dont les personnes handicapées perçoivent leurs interactions avec la loi; dans cette optique, la CDO utilisera une perspective de vie entière lorsqu’elle étudiera l’impact de la loi sur les personnes handicapées;

· Elle adoptera comme point de départ de son analyse un cadre de droits à l’égalité/droits de la personne, fondé sur les principes sous-tendant la Charte canadienne des droits et libertés et le Code des droits de la personne de l’Ontario;

Elle tiendra compte du contexte international global des droits de la personne , y compris les principaux actes instrumentaires et documents de politique internationaux en matière de droits de la personne.

 

C. Le présent document

Le présent document constitue la première étape du projet. Son but est d’aider à en définir l’étendue. Afin de comprendre le droit qui s’applique aux personnes handicapées, il faut d’abord comprendre ce que signifie le terme « personne handicapée ». Cette question est loin d’être aussi simple qu’elle paraît. La réponse à y apporter a changé selon les époques, non seulement dans la population en général, mais aussi parmi les théoriciens, les juristes et les décideurs. Les cadres juridiques que l’on applique actuellement en Ontario en matière d’incapacité reflètent une multiplicité de visions et de définitions. La question continue de faire l’objet de discussions animées et le concept est en constante évolution.

La réponse importe, cependant. Elle permet de déterminer les besoins qui seront reconnus et traités. Les définitions législatives de l’incapacité servent souvent à déterminer qui aura droit aux avantages sociaux et aux programmes gouvernementaux et qui pourra faire valoir ses droits. Qui plus est, la réponse apportée à cette question reflète ce que nous pensons des problématiques associées à l’incapacité et elle modèle les types de programmes et de politiques remédiant à l’incapacité que nous considérons comme appropriés.

Ce document délimitera certaines des stratégies conceptuelles clés en matière d’incapacité et il analysera comment elles ont évolué au fil du temps. Il examinera les définitions de l’incapacité comprises dans les principaux textes internationaux, dans les cadres stratégiques canadiens influents et dans la recherche démographique. Il fournira un bref aperçu de la législation ontarienne en matière d’incapacité et des types de méthodes utilisées dans les lois et dans les règlements pour définir le concept. Le domaine est large et ce document ne prétend pas être exhaustif : son but est de répertorier les idées, les tendances et les problématiques principales. Il soulèvera enfin des pistes de réflexion avant de choisir quelle définition du concept adopter.

La CDO aimerait connaître votre point de vue sur les questions soulevées par ce document et elle en tiendra compte lors de la délimitation de l’étendue de ce projet et de l’élaboration de sa conception de l’incapacité. Des détails sur la formulation de vos commentaires sont fournis à la fin des présentes.

 

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