Le mouvement prononcé parmi les théoriciens, les activistes et les décideurs des modèles d’interprétation biomédicale et fonctionnelle de l’incapacité vers un modèle social ou un modèle des droits de la personne n’a pas été reflété dans les définitions législatives de l’incapacité (ou du handicap) en Ontario. Il existe une déconnexion entre les cadres stratégiques internationaux et internes actuels et la méthode d’interprétation juridique enchâssée dans les lois. Même les lois les plus récemment adoptées comme la Loi de 2005 sur l’Accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario et la Loi de 2008 sur les services aux personnes ayant une déficience intellectuelle ont adopté des définitions fondées sur des méthodes d’interprétation biomédicales ou fonctionnelles.

Cela pourrait être amélioré dans une certaine mesure par l’utilisation de méthodes d’interprétation flexibles des définitions statutaires, comme il ressort de l’évolution dans l’interprétation et dans l’application de la définition de « handicap » en droit de la personne ontarien. Quoi qu’il en soit, cette déconnexion est à la fois frappante et troublante.

Comment expliquer la domination continue des définitions biomédicales et fonctionnelles dans les lois relatives aux personnes handicapées?

Cela est sans doute en partie dû au pouvoir de la mentalité biomédicale, qui demeure le « sens commun » et le point de vue dominant selon la compréhension populaire. Les programmes et les politiques utilisent comme point de départ, non pas la création d’une société sans obstacle, mais l’amélioration du désavantage vécu par les personnes handicapées. S’il s’agit du point de départ, il est presque inévitable que les programmes doivent commencer par décider qui, exactement, aura le droit de recevoir de l’aide.

De plus, les définitions fonctionnelles permettent à ceux qui conçoivent les politiques ou qui administrent les programmes de centrer les rares ressources publiques sur les personnes handicapées les plus « méritantes », soit celles avec les besoins ou les désavantages les plus « criants ». Les critères fonctionnels permettent aux fournisseurs de programmes de gérer leur charge de travail et de répartir les ressources.

Ce qui est peut-être tout aussi important, c’est que de nombreuses définitions de l’incapacité fonctionnent dans les faits comme des critères d’admissibilité aux programmes et aux prestations du gouvernement. Les définitions fonctionnelles de l’incapacité sont faciles à gérer. Elles procurent des réponses claires et faciles à déterminer pour savoir qui devrait avoir droit à un programme ou à des prestations. Les décisions peuvent être expliquées facilement et être prises par des gens avec un minimum de formation.

Il n’est pas facile de trouver des modèles de lois et de programmes qui ont entièrement opérationnalisé un modèle social de l’incapacité. Un mouvement législatif d’une définition fonctionnelle vers une définition sociale exige de repenser en profondeur les hypothèses et les procédures. Il peut s’agir non pas de répondre aux questions différemment, mais de poser des questions nettement différentes. Dans un contexte de droit de la personne, passer d’une définition fonctionnelle à une définition sociale de l’incapacité exige qu’on pose moins de questions au sujet de la nature de la condition d’une personne, et plus au sujet de la nature et de l’étendue des désavantages vécus par les personnes handicapées. De la même façon, les dispositions de la CIRDPH relatives à la prise de décision impliquent que l’on se centre moins sur la détermination du « handicap » des personnes et plus sur l’aide qu’on peut leur apporter de façon à maximiser leur autonomie.

Tout cela soulève de nombreuses questions, dont certaines vont au cœur des interactions entre loi et personnes handicapées. La CDO vous invite à faire connaître vos commentaires et votre point de vue dans les trois domaines généraux suivants :

Précision des concepts d’incapacité devant servir au cadre d’analyse de la CDO pour le projet sur la loi et les personnes handicapées :

Ce document a précisé un certain nombre de modèles conceptuels servant à comprendre et à définir l’incapacité, et il a fourni des points de départ pour étudier comment ces modèles peuvent façonner la loi par rapport aux personnes handicapées.

Quels sont les avantages et les désavantages de ces différents modèles à titre de fondements pour l’élaboration des lois touchant les personnes handicapées?
Est-il nécessaire de n’avoir qu’un seul modèle conceptuel pour l’incapacité comme fondement en droit, ou y a-t-il suffisamment de place pour des modèles multiples ou mixtes?
Dans l’affirmative, quels contextes, facteurs ou principes devraient être pris en considération dans le choix d’un modèle précis d’incapacité comme fondement d’une loi ou d’un programme donné?

Expériences juridiques et rapports avec les différents concepts d’incapacité :

La CDO souhaite entendre parler de vos expériences avec les lois, les règlements et les programmes qu’incarnent les divers modèles conceptuels de l’incapacité mentionnés aux présentes.

Si vous avez essayé d’obtenir accès aux droits et aux avantages prévus à ces lois ou programmes pour vous-même, ou si vous plaidez en faveur d’autres personnes handicapées, la méthode utilisée pour définir l’incapacité dans une loi ou un programme a-t-elle nui à votre habileté à obtenir un accès efficace? Si oui, comment?
Si vous êtes responsable, personnellement ou pour une organisation, de l’élaboration ou de l’application du droit relatif aux personnes handicapées, quelles sont les implications pratiques des différentes méthodes conceptuelles en ce qui concerne la mise en oeuvre, l’application ou l’exécution des lois et des programmes?

Mise en œuvre du modèle social :

Comme nous le précisions aux présentes, bien que le modèle social ait été adopté par de nombreux décideurs et juristes, et retenu dans des arrêts clés de la Cour suprême du Canada en matière d’incapacité, les lois et les programmes gouvernementaux continuent habituellement à se fier à des conceptions biomédicales ou fonctionnelles de l’incapacité. Il existe peu d’exemples de lois ou de programmes qui sont fondés sur un modèle social.

Connaissez-vous des lois ou des programmes qui sont fondés sur un modèle social? Quelles sont les principales caractéristiques de ces lois et de ces programmes?
Quels changements à la portée, au mandat, aux critères d’admissibilité ou aux autres caractéristiques des lois ou des programmes existants seraient requis de façon à mettre en œuvre une méthode sociale?
Êtes-vous en mesure de préciser les obstacles à surmonter ou les défis à relever pour l’élaboration d’un cadre juridique conceptuel fondé sur le modèle social?

Ces éléments ne se veulent pas exhaustifs, mais pourront servir de point de départ à vos commentaires et à vos questions supplémentaires. La CDO attend commentaires et questions se rapportant à la fois aux éléments spécifiquement abordés aux présentes et aux autres problématiques découlant de ce document.

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