A. Les infractions provinciales et la Loi
1. Historique de la Loi sur les infractions provinciales
La Loi sur les infractions provinciales a été promulguée pour la première fois en 1979[33]. Elle régit la majeure partie du processus de poursuite et d’exécution des infractions réglementaires provinciales et fédérales et des règlements administratifs municipaux[34]. En 1974, la Commission de réforme du droit du Canada a estimé qu’environ 20 000 infractions réglementaires étaient commises dans chaque province, en plus de 20 000 autres infractions commises à l’échelle fédérale, ces chiffres n’incluant pas les infractions aux règlements administratifs municipaux[35]. Nous savons qu’il y a eu depuis trois ans en Ontario chaque année environ 2 millions de mises en accusation effectuées en vertu de législations créant des infractions auxquelles la Loi s’applique[36]. Ces mises en accusation concernaient divers domaines comme la circulation, la réglementation sur les substances contrôlées, l’environnement ou encore la santé et la sécurité au travail.
Avant l’entrée en vigueur de la Loi, la procédure d’exécution et de poursuite des infractions réglementaires en Ontario était définie dans la Summary Convictions Act[37]. C’était une loi brève contenant 23 articles adoptant largement les dispositions du Code criminel en matière de poursuites d’infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Or, même si ces procédures étaient « légèrement moins strictes que les procédures applicables aux actes criminels prévues dans le Code criminel, elles restaient cependant totalement inadaptées au caractère réglementaire mineur de la plupart des infractions provinciales »[38]. (Traduction libre) Selon un rapport de 1973 de la Commission de réforme du droit de l’Ontario, la procédure disproportionnée régissant certaines infractions provinciales avait des conséquences nuisibles sur l’administration de la justice :
Les questions qui nous préoccupent témoignent, selon nous, de l’existence d’un problème plus vaste. C’est le système de l’administration des infractions provinciales dans son ensemble qui est en train de s’effondrer, non seulement au niveau des tribunaux, mais également au niveau de la signification d’assignations, de l’exécution des mandats et de toute la documentation administrative associée. Les ressources policières sont utilisées pour veiller au respect des étiquettes de stationnement, alors que l’on envoie par courrier régulier des assignations à comparaître dans des affaires criminelles graves. Certains agents de police ne prennent même pas la peine de témoigner. Les défendeurs sont acquittés, non sur leurs mérites. Ce résultat peut s’avérer acceptable s’il sert un quelconque autre objectif souhaitable, mais si l’acquittement n’est que la conséquence d’une incapacité administrative, alors il favorise uniquement le mépris à l’égard du système[39]. (Traduction libre)
En 1978, l’honorable R. Roy McMurtry, procureur général de l’Ontario de l’époque, a évoqué en ces termes le problème visé par la Loi sur les infractions provinciales :
La nouvelle Loi sur les infractions provinciales s’attaque directement à la racine du problème de procédure actuel, à savoir que les poursuites relatives aux infractions provinciales suivent maintenant un code de procédure qui fait référence au Code criminel du Canada. Même si la procédure suivie est la moins rigide et la moins contraignante des deux systèmes établis dans le Code, elle est quand même imprégnée d’hypothèses vieilles de centaines d’années quant aux actes criminels et aux personnes qui les commettent. Ni ces hypothèses ni les règles techniques rigides auxquelles elles ont donné naissance ne conviennent à 90 % des infractions provinciales qui visent à réglementer des activités qui sont non seulement légitimes, mais aussi utiles à la société[40]. (Traduction libre)
L’intention sous-jacente était clairement de créer un « cadre procédural sur mesure »[41] entièrement nouveau pour remplacer la procédure sommaire de déclaration de culpabilité prévue dans le Code criminel et s’en distinguer. (Traduction libre) L’objectif de la Loi décrit dans son paragraphe 2(1) établissait sans nul doute possible cette nouvelle approche :
La présente loi a pour objet de remplacer la procédure de déclaration de culpabilité par procédure sommaire dans les poursuites à l’égard d’infractions provinciales, y compris les dispositions adoptées par renvoi au Code criminel (Canada), par une procédure qui reflète la distinction existant entre les infractions provinciales et les infractions criminelles[42].
Des volets distincts ont été créés dans le cadre de la Loi – un pour les infractions mineures (partie I), un autre pour les infractions plus graves (partie III) et un troisième pour les infractions de stationnement (partie II). Une certaine souplesse a été intégrée à la Loi afin que les circonstances de chaque affaire dictent quel volet – celui pour les infractions mineures ou celui pour les infractions plus graves – est le plus approprié[43]. La nouvelle Loi sur les infractions provinciales a été « conçue pour proposer une méthode juste et efficace permettant de juger la majorité des affaires traitées par les tribunaux des infractions provinciales »[44]. Elle « devait permettre la mise en place d’une méthode accélérée, efficace et pratique pour traiter en majorité les infractions mineures »[45]. (Traduction libre)
Aujourd’hui, le respect de l’administration de la justice, la rapidité, l’efficacité et un processus simple ou adapté demeurent des objectifs louables pour une procédure qui régit l’arbitrage des infractions mineures. Il s’agit d’objectifs particulièrement importants lorsque la grande majorité des défendeurs se représentent eux-mêmes[46]. Nous devons également prendre en compte les infractions provinciales plus graves qui vont de pair avec des sanctions significatives et les examiner à la lumière du système fondé sur la Loi créé en 1979 afin de déterminer le caractère approprié ou non de ce cadre à l’heure actuelle. Étant donné la gravité et la complexité des enjeux considérés, le respect de l’administration de la justice, un processus équilibré et une protection procédurale adaptée sont d’autres objectifs majeurs de n’importe quel système. Dans la section suivante, nous proposons un aperçu du système actuel de la Loi afin de vérifier si elle continue de répondre à ces objectifs ou si ces derniers ont été perdus de vue sur les 30 dernières années, étant donné la nature évolutive des infractions provinciales.
Ces facteurs révèlent que le système de la Loi est peut-être devenu trop complexe et trop technique pour la résolution des infractions mineures, tout en étant potentiellement trop générique pour le nombre d’infractions provinciales de plus en plus graves.
2. Structure et aperçu de la Loi sur les infractions provinciales
La Loi est un code de procédure qui régit la poursuite des infractions réglementaires créées par la législation provinciale et les règlements administratifs municipaux. Le terme « infraction » est défini comme une « infraction prévue dans une loi de l’Assemblée législative ou dans un règlement ou un règlement administratif pris en application d’une telle loi »[47]. De plus, la Loi applique la poursuite des contraventions définies en vertu de la Loi sur les contraventions[48] à l’échelle fédérale. Le terme « tribunal » dans le cadre de la Loi représente la Cour de justice de l’Ontario, laquelle peut être présidée par un « juge provincial », défini comme un juge de la Cour de justice de l’Ontario ou par un « juge », défini comme un juge provincial ou comme un juge de paix de la Cour de justice de l’Ontario[49]. Voici un aperçu des principales parties de la Loi.
La Loi contient trois parties distinctes régissant l’introduction de poursuites[50].
Partie I – Instances introduites au moyen du dépôt d’un procès-verbal d’infraction
La partie I traite des instances introduites au moyen du dépôt d’un procès-verbal d’infraction. On en parle souvent comme du processus de « verbalisation »[51]. Ce processus est utilisé pour les infractions de gravité moindre, comme le fait de conduire sans permis[52] ou la consommation d’alcool dans un lieu public[53]. Même si nous caractérisons les infractions créées dans la partie I comme « moins graves », il serait plus précis de dire qu’il s’agit d’infractions pour lesquelles l’agent d’infractions provinciales choisit de procéder au moyen d’un processus moins formel basé sur un procès-verbal d’infraction, plutôt que d’enjoindre à la personne de comparaître au tribunal dans le cadre du mécanisme prévu par la partie III. L’amende maximale est de 1 000 $ et l’emprisonnement n’est pas une sanction autorisée[54]. Lorsqu’un agent d’exécution remet un avis d’infraction à un particulier (p. ex. une contravention pour excès de vitesse constitue un avis d’infraction), l’agent dépose un procès-verbal d’infraction auprès du tribunal pour engager une instance[55]. L’avis d’infraction peut indiquer une amende fixée pour l’infraction commise. Le montant des amendes fixées est déterminé par le juge en chef de la Cour de justice de l’Ontario[56].
Un défendeur qui reçoit un avis d’infraction peut procéder comme suit :
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Si le défendeur ne souhaite pas contester l’accusation, il doit payer l’amende fixée ain