A.    Améliorations non structurelles de la procédure

Le présent rapport formule des recommandations en vue de moderniser des aspects essentiels de la Loi. Nous avons axé notre étude essentiellement sur les réformes structurelles et sur la réforme de grandes règles de procédure et nous espérons que nos recommandations iront dans le sens d’une application plus équitable et plus efficace des lois de nature réglementaire dans les années à venir. Plusieurs autres enjeux d’ordre procédural avaient été soulevés dans notre document de consultation ainsi qu’au cours de notre examen mais il ne s’agit pas, dans le cadre du présent rapport, d’aborder chacun de ces enjeux en détail. Nous n’oublions pas notre recommandation allant dans le sens d’une simplification de la Loi et préconisant que le code de procédure détaillé soit transféré à un seul ensemble de règles ou un seul règlement. Nous ne formulons aucune recommandation quant à l’organe qui devrait être chargé de l’élaboration du nouveau code de procédure mis à jour, étant donné que l’enjeu relatif à l’entité en charge d’établir les règles des tribunaux est une question politique plus vaste qui va au-delà de la Loi en elle-même et pourrait avoir des conséquences sur la façon dont les règles des affaires pénales, civiles et familiales sont définies. À la place, nous recommandons que le procureur général et le juge en chef de la Cour de justice de l’Ontario conviennent ensemble de la façon dont le nouveau code de procédure de la Loi mis à jour devrait être établi et de l’entité en charge de cette démarche, et nous soulignons les caractéristiques qui devraient sous-tendre le nouvel organe établissant les règles, à savoir l’indépendance, le caractère intégré, l’expertise et l’efficacité.

À notre avis, l’entité responsable de cette importante mission sera bien placée pour analyser ces autres domaines de réforme, grâce à sa propre expertise et au moyen du cadre de réforme de la Loi comme ensemble de principes directeurs. Certains enjeux, comme l’établissement d’un privilège générique « parajuriste-client », auront des répercussions allant au-delà de l’exécution des infractions provinciales et il se pourrait qu’ils soient finalement examinés par un autre organisme aux fins d’analyse plus poussée ou par le tribunal au moyen de la jurisprudence. Pour ces motifs, la plupart des recommandations suivantes renvoient cette question à l’entité responsable de la création du nouveau code de procédure de la Loi mis à jour ou au ministère du Procureur général. Afin d’aider cette entité, nous décrivons ici les éventuels domaines de réforme de la procédure qui ont été soulevés parmi nous et nous abordons brièvement un certain nombre de considérations d’ordre juridique et politique liées à chacun de ces enjeux.

 

B.    Modernisation des dispositions relatives au mandat de perquisition 

1.     Mandat de perquisition et saisie de données électroniques

L’utilisation de l’informatique et le stockage électronique de données est une avancée technologique majeure depuis l’entrée en vigueur de la Loi en 1980. Pour cette raison, certaines dispositions relatives au mandat de perquisition semblent désuètes et une réforme serait nécessaire. Nous abordons deux problèmes : (1) ce qui est saisi lorsqu’un mandat de perquisition est délivré pour obtenir des données électroniques sur un système informatique ou dispositif; et (2) quels paramètres devraient encadrer le mandat de perquisition pour que la mesure n’empiète pas de façon démesurée sur la vie privée. 

Les articles 158 à 160 de la Loi sont relatifs aux mandats de perquisition. Aucune disposition spécifique ne porte sur la perquisition d’ordinateurs ou de données électroniques. Les paragraphes 158(1) et (1.1) de la Loi semblent pouvoir s’appliquer à l’obtention de renseignements à partir de systèmes informatiques mais ils font référence à des « choses » et ne visent pas précisément les données électroniques. Voici ce qu’ils prévoient : 

(1) Un juge peut, en tout temps, décerner un mandat sous son seing, s’il est convaincu, à la suite d’une dénonciation faite sous serment, qu’il existe des motifs raisonnables de croire que, dans un lieu, se trouve, selon le cas :

a) une chose sur laquelle ou concernant laquelle une infraction a été commise ou est soupçonnée avoir été commise;

b) une chose dont on a des motifs raisonnables de croire qu’elle fournira une preuve concernant la perpétration d’une infraction.

(1.1) Le mandat de perquisition autorise un agent de police ou une personne qui y est nommée à faire ce qui suit :

a) perquisitionner dans le lieu désigné dans la dénonciation pour chercher une chose visée à l’alinéa (1) a) ou b);

b) saisir la chose et en disposer conformément à l’article 158.2. [C’est nous qui soulignons] 

La CDO a entendu des poursuivants qui affirment qu’en l’absence de pouvoir clairement défini, les enquêteurs saisissent des disques durs et réalisent une « image» de ces disques durs plutôt que de simplement copier les données, ce qui constituerait une mesure moins perturbatrice et moins intrusive pour le défendeur et plus facile à réaliser pour les enquêteurs. S’il s’agit de la seule approche autorisée en application de la Loi, cela confirme les difficultés pratiques soulevées par des poursuivants. En outre, de nos jours, les données électroniques sont souvent sauvegardées sur des serveurs informatiques à distance plutôt que sur des ordinateurs individuels et autonomes, ces serveurs pouvant être plus difficiles à localiser et à saisir physiquement.  

Dans une affaire criminelle de 2007 jugée à la Cour de justice de l’Ontario impliquant des perquisitions d’ordinateurs, la cour a reconnu le problème du recours traditionnel aux mandats de perquisition à l’ère de l’informatique. Elle a noté que les mandats de perquisition visaient traditionnellement une chose particulière ou des documents particuliers se trouvant en un lieu physique défini, mais que la technologie informatique « libère les éléments de preuve et l’information de ce type de limitations physiques et permet aux données de se trouver à différents endroits sur différents médias sans qu’aucune version ne constitue un original évident ». La cour a conclu que le mécanisme du mandat de perquisition prévu dans le Code criminel était « un régime initialement conçu pour traiter de manifestations physiques de la vie privée, [mais qu’]il n’est pas vraiment adapté à l’univers de la “preuve virtuelle” »[538]. (Traduction libre) 

On rencontre les mêmes problèmes dans le cadre de la Loi. L’une des solutions consisterait à modifier expressément la Loi pour permettre aux « données électroniques » issues de systèmes informatiques d’être copiées et de faire l’objet de perquisitions, au lieu d’avoir à saisir l’équipement informatique lui-même. En 1997, le Code criminel était modifié pour traiter le problème spécifique des perquisitions de systèmes informatiques et de la saisie de données[539]. Les paragraphes 487 (2.1) et (2.2) énoncent :  

(2.1) La personne autorisée à perquisitionner des données contenues dans un ordinateur se trouvant dans un lieu ou un bâtiment peut :  

(a)    utiliser ou faire utiliser tout ordinateur s’y trouvant pour vérifier les données que celui-ci contient ou auxquelles il donne accès;

(b)    reproduire ou faire reproduire des données sous forme d’imprimé ou toute autre forme intelligible;

(c)     saisir tout imprimé ou sortie de données pour examen ou reproduction;

(d)    utiliser ou faire utiliser le matériel s’y trouvant pour reproduire des données. 

(2.2) Sur présentation du mandat, le responsable du lieu qui fait l’objet de la perquisition doit faire en sorte que la personne qui procède à celle-ci puisse procéder aux opérations mentionnées au paragraphe (2.1).

Les dispositions du Code criminel offrent un bon point de départ pour des modifications de la Loi permettant que des « données » soient copiées à partir d’ordinateurs ou d’autres dispositifs contenant des données électroniques. La limite dans le Code liée à la délivrance d’un mandat de perquisition visant « un bâtiment, un contenant ou un lieu » pourrait toutefois poser problème dans les cas où les données sont stockées en un lieu différent du terminal à partir duquel les autorités réalisent leur perquisition[540], sur des serveurs à distance par exemple.  

L’autre problème est de savoir si la portée des données à saisir devrait être limitée, et le cas échéant, comment la limiter dans le cadre d’un mandat de perquisition. La Cour suprême du Canada s’est exprimée à propos de la nature extrêmement intrusive d’une perquisition sur un ordinateur personnel : 

Comme je l’ai souligné tout au début, il est difficile d’imaginer une atteinte plus grave à la vie privée d’une personne que la perquisition de son domicile et la fouille de son ordinateur personnel. En effet, nos ordinateurs contiennent souvent notre correspondance la plus intime. Ils renferment les détails de notre situation financière, médicale et personnelle. Ils révèlent même nos intérêts particuliers, préférences et propensions, enregistrant dans l’historique et la mémoire cache tout ce que nous recherchons, lisons, regardons ou écoutons dans l’Internet[541]. 

Par conséquent, il semble qu’il soit nécessaire de restreindre la portée des données visées par les mandats de perquisition et de préciser ses obligations à quiconque procédant à la perquisition, et ce, de manière à protéger les données ou les informations qui ne sont pas à proprement parler visées par le mandat de perquisition.    

Lorsqu’une étude approfondie de cet enjeu sera entreprise, il sera utile de consulter le rapport intitulé Principes de Sedona Canada : L’administration de la preuve électronique, lequel présente des principes et des commentaires concernant la divulgation de données provenant de sources électroniques dans les procès civils[542].

Le rapport comporte des suggestions pratiques visant à limiter la portée de la divulgation de données électroniques dans le contexte civil; certains aspects de cette étude pourraient être transférables au contexte de la Loi ou, à tout le moins, pourraient servir d’outils pour les juges qui délivrent des mandats de perquisition. 

Enfin, il y a eu plusieurs autres modifications relatives aux pouvoirs liés aux mandats de perquisition dans le Code criminel et dans d’autres lois de réglementation provinciales qui devraient être examinées à des fins de comparaison au moment de modifier les dispositions de la Loi relatives aux mandats de perquisition[543]. Nous recommandons l’examen de ces modifications avant d’envisager l’adoption de modifications similaires dans la Loi, dans ce domaine. 

 

La CDO formule la recommandation suivante :

29.         Le ministère du Procureur général ou l’entité en charge de l’élaboration d’un nouveau code de procédure mis à jour dans le cadre de la Loi devrait examiner les pouvoirs liés aux mandats de perquisition dans la Loi et proposer en particulier au procureur général des modifications législatives qui traitent la question des mandats de perquisition visant l’obtention d’information provenant de sources électroniques.  
 

 

2.   Constitutionnalité de l’article 160 de la Loi

L’article 488.1 du Code criminel et l’article 160 de la Loi établissent tous deux une procédure similaire dans les cas où des documents sont saisis chez un avocat en vertu d’un mandat de perquisition et que l’avocat invoque le privilège du secret professionnel de l’avocat. De façon générale, ces articles établissent des procédures visant à protéger le secret professionnel au moyen de divers mécanismes jusqu’à ce qu’un tribunal ait la possibilité d’examiner si le document doit être divulgué ou le privilège préservé. 

Dans l’arrêt Lavallee, Rackel et Heintz c. Canada, la Cour suprême du Canada a estimé que l’article 488.1 était contraire à la Charte et l’a invalidé. Analysant si la procédure prévue par cet article entraîne une perquisition et une saisie raisonnables de documents en la possession d’un avocat, le tribunal déclarait que l’évaluation traditionnelle des intérêts en jeu dans une analyse relative à l’article 8 était inappropriée[544]. Les juges ont réalisé un test de l’atteinte minimale et ont identifié un certain nombre de problèmes avec l’article 488.1 qui vont au-delà de l’atteinte minimale au secret professionnel de l’avocat. Le problème « rédhibitoire » est que la procédure autorise l’atteinte au secret professionnel sans que le client en soit informé. 

On se heurte à un premier problème avec le paragraphe 488.1(8), lequel oblige l’enquêteur à donner à l’avocat, au moment de la perquisition, une occasion raisonnable de formuler une objection fondée sur le privilège du secret professionnel de l’avocat avant d’examiner, de saisir un document ou d’en faire des copies. Cette disposition ne donne pas la possibilité d’informer le client, à savoir le détenteur du privilège, avant que l’enquêteur n’examine, ne saisisse le document ou en fasse des copies.   

La Cour a trouvé une autre lacune majeure dans la disposition 488.1(4) b), laquelle permet au procureur général d’examiner les documents saisis lorsque le juge est d’avis que cela l’aidera à rendre sa décision sur le caractère privilégié du document. La Cour a conclu que « le danger que des renseignements privilégiés soient communiqués à l’État au cours d’une enquête criminelle l’emporte largement sur tout avantage pour l’administration de la justice qui pourrait découler du fait que le ministère public serait en meilleure position pour aider la cour à statuer sur l’existence du privilège »[545]. 

La Cour a invalidé les dispositions puis a formulé les principes qui régissent la légalité, en common law, des perquisitions dans des cabinets d’avocats jusqu’à ce que le législateur juge bon d’adopter de nouvelles dispositions législatives sur la question[546]. Si la Cour établit clairement qu’il existe plusieurs moyens de rédiger des dispositions constitutionnelles sur les perquisitions dans des cabinets d’avocats, elle précise ce qui suit à propos de l’objectif des principes et du rôle qu’ils jouent dans l’adoption de toute procédure future : 

Ces principes généraux doivent aussi guider les choix législatifs que le législateur peut vouloir examiner à cet égard. Comme celles qui ont été formulées dans Descôteaux, […] les lignes directrices qui suivent visent à refléter les impératifs constitutionnels actuels en matière de protection du secret professionnel de l’avocat et à régir à la fois l’autorisation des perquisitions et la manière générale dont elles doivent être effectuées[547]. [citation omise]

Comme l’indique M. Libman, on ignore si les mécanismes réglementaires tels que ceux de la Loi seraient traités différemment s’ils étaient déclarés contraires à l’article 8 de la Charte. 

Même si la réglementation peut s’accommoder d’attentes moins élevées en matière de protection de la vie privée pour que le critère du caractère raisonnable puisse être évalué de cette manière, les inquiétudes liées au privilège du secret professionnel de l’avocat et l’importance de le protéger lors de l’exécution d’un mandat pourraient tout autant justifier une plus grande protection[548]. (Traduction libre)          

L’article 160 de la Loi comporte certaines des caractéristiques qui ont conduit la Cour suprême à invalider l’article 488.1 du Code criminel. Par exemple, les paragraphes 160(1) et (2) de la Loi ne donnent pas la possibilité d’informer le client avant que la personne exécutant un mandat de perquisition ne puisse examiner ou saisir des documents en la possession d’un avocat. En outre, si un client peut présenter une motion pour invoquer le privilège ou pour demander la restitution du document après qu’un document a été saisi, il n’existe aucune obligation d’informer le détenteur du privilège qu’un document a été saisi, ce qui risque de donner lieu à une éventuelle violation du privilège sans que le client en ait eu connaissance et encore moins donné son consentement. Les dispositions pertinentes de l’article 160 sont les suivantes :

160 (1) Si une personne s’apprête, en vertu d’un mandat de perquisition, à examiner ou à saisir un document qui est en la possession d’un avocat et que celui-ci invoque le privilège du secret professionnel de l’avocat à l’égard du document au nom d’un client nommé, la personne, sans examiner ni copier le document :

(a)     saisit le document et le met dans un paquet qu’elle scelle et identifie, avec les autres documents saisis à l’égard desquels le privilège du secret professionnel est également invoqué au nom du même client;

(b)     met le paquet sous la garde du greffier du tribunal ou, si la personne et le client y consentent, sous la garde d’une autre personne.

(2) Nul ne doit examiner ni saisir un document qui est en la possession d’un avocat sans lui donner l’occasion raisonnable d’invoquer le privilège prévu au paragraphe (1).

(4) Si un document a été saisi et mis sous garde en vertu du paragraphe (1), le client par lequel ou au nom duquel est invoqué le privilège du secret professionnel de l’avocat peut, par voie de motion, demander à un juge provincial de rendre une ordonnance qui fait droit au privilège et ordonne la restitution du document 

Étant donné que la Cour suprême a affirmé à plusieurs reprises que le secret professionnel doit être quasiment absolu et les exceptions rares, il y a tout lieu de penser que l’article 160 de la Loi est anticonstitutionnel[549]. Toutefois, il appartient aux tribunaux de se prononcer sur sa constitutionnalité.  

Même si l’article 160 de la Loi devait être déclaré constitutionnel, les raisons politiques de le modifier ne manquent pas. Le risque de violation du secret professionnel de l’avocat sans le consentement du client, sans même que ce dernier en soit informé, constitue sans aucun doute une violation inutile et inacceptable du secret professionnel, même dans le contexte réglementaire. On pourrait éventuellement y remédier en prévoyant une obligation d’informer le client lorsqu’un document protégé par le secret professionnel a été saisi. La nature absolue du secret professionnel de l’avocat s’applique en dehors de la sphère criminelle[550] et même si l’article 160 ne s’en prend pas directement au principe puisqu’elle accorde un certain degré de protection aux documents protégés par le secret professionnel (à savoir la détermination par le tribunal de l’invocation du privilège), il pourrait gravement le remettre en question puisque le détenteur du privilège pourrait ignorer la saisie et la divulgation éventuelle. Toute modification de l’article 160 devrait tenir compte des principes établis par la Cour suprême dans l’arrêt Lavallee, Rackel et Heintz.    

Une autre préoccupation relative à l’article 160 a été portée à notre attention. Cet article fait référence à un document « en la possession d’un avocat », mais souvent les documents concernés pour lesquels le privilège du secret professionnel est invoqué sont en la possession du client. L’élargissement de l’article 160 aux documents qui sont en la possession du client pourrait être utile à toutes les parties concernées car il permettrait de préciser le processus à suivre pour déterminer si le privilège peut ou non être invoqué. L’une des préoccupations viendrait d’éventuelles tentatives d’un client d’invoquer indûment le privilège du secret professionnel pour protéger des documents qui par ailleurs devraient pouvoir donner lieu à un mandat de perquisition.   

Le Barreau du Haut-Canada a publié des lignes directrices concernant les perquisitions dans les cabinets d’avocats[551]. Ces lignes directrices ont été élaborées en réaction à la décision de la Cour suprême du Canada Lavallee, Rackel et Heintz. Elles pourraient s’avérer utiles pour l’évaluation de possibles modifications de l’article 160.

 

La CDO formule la recommandation suivante : 

30.         Le ministère du Procureur général ou l’entité en charge de l’élaboration d’un nouveau code de procédure mis à jour dans le cadre de la Loi devrait examiner la situation actuelle et décider si des dispositifs de protection supplémentaires devraient être inclus dans les pouvoirs liés aux mandats de perquisition actuellement mentionnés à l’article 160 de la Loi, afin :

de mieux protéger les documents et autres choses qui sont en la possession d’un avocat et assujettis au privilège du secret professionnel de l’avocat, notamment des données électroniques, conformément à la décision de la Cour suprême du Canada, Lavallée, Rackel et Heintz;
 

b.         d’étendre la protection aux documents ou autres choses qui sont en la possession d’un client et pour lesquels le client invoque le privilège du secret professionnel;

et proposer par la suite au procureur général les modifications législatives correspondantes. 
 

 

3.   Privilège « parajuriste-client » et mandats de perquisition

Tel qu’indiqué en introduction au présent rapport, l’un des éléments clés depuis l’adoption de la Loi a été l’attribution de licence aux parajuristes et la réglementation de la profession. Pour l’instant on ignore si le privilège du secret professionnel s’étend aux communications « parajuriste-client ». Nous soulevons la question parce que si l’article 160 devait être modifié s’agissant des articles qui sont assujettis au privilège du secret professionnel, il conviendrait également de se demander si une telle protection devrait être étendue aux communications entre le parajuriste et son client.

Dans Chancey c. Dharmadi, décision de la Cour supérieure de justice de 2007, un protonotaire se demandait si les communications entre un parajuriste et un client devaient être régies par un privilège du secret professionnel semblable à celui applicable aux communications entre un avocat et son client. Les discussions qu’un client a avec le parajuriste avaient eu lieu avant la réglementation sur la profession de parajuriste. La Cour a décidé que pour reconnaître un privilège générique concernant les communications entre parajuriste et client, la catégorie doit comporter des acteurs identifiables spécifiques. Par conséquent, sur la base des faits de l’espèce, elle a refusé de se prononcer sur l’existence d’un privilège générique[552]. 

Toutefois, après avoir observé que les parajuristes sont désormais réglementés et titulaires d’un permis remis par le Barreau du Haut-Canada, la Cour a formulé des arguments solides en faveur de l’élargissement du privilège générique aux communications entre parajuriste et client. Elle a tout d’abord fait remarquer que les parajuristes, aux termes de l’article 4.1 de la Loi sur le Barreau, doivent « respecter les normes de formation, de compétence professionnelle et de déontologie qui sont appropriées dans le cas des services juridiques qu’ils fournissent ». La Cour a également évoqué le Code de déontologie des parajuristes qui assujettit les parajuristes aux mêmes obligations de confidentialité que celles assumées par les avocats vis-à-vis de leurs clients.  

La Cour a ensuite fait valoir que l’accès à la justice nécessite qu’un privilège générique soit créé pour les discussions entre un parajuriste et un client : 

Dans les domaines où les parajuristes sont autorisés à représenter des clients, leurs services sont souvent meilleur marché que ceux des avocats et les sujets traités (contraventions au Code de la route, petites créances et droits des locataires) sont souvent moins graves. Il s’agit là de domaines pour lesquels nombre de clients ne peuvent s’offrir les services d’un avocat. Les parajuristes comblent les lacunes du système en offrant des services juridiques dans ces domaines et en donnant à des clients qui ne peuvent s’offrir les services d’un avocat accès à la justice et représentation légale. L’incapacité des tribunaux à protéger la confidentialité des communications entre le parajuriste et son client laisse à penser qu’il existe un système judiciaire à deux vitesses. Tel qu’indiqué, la Loi de 2006 sur l’accès à la justice énonce que le Barreau du Haut-Canada qui réglemente la profession de parajuriste « a l’obligation d’agir de façon à faciliter l’accès à la justice pour la population ontarienne »[553]. (Traduction libre)

Le juge justifie la création d’un nouveau privilège générique en ces termes : 

Je ne vois aucun motif justifié de ne pas faire profiter les communications entre un parajuriste et son client du même privilège que celui dont jouissent les communications entre un avocat et le sien. Tous deux sont assujettis à des règles de conduite semblables, notamment à une obligation de confidentialité. Tous deux sont réglementés par un organisme qui établit les normes de compétence et qui impose et fait respecter des règles déontologiques. Les motifs historiques de reconnaître un privilège aux communications avocat-client concernent tout autant les communications parajuriste-client. Toutes deux exigent une communication franche et entière entre le client et son conseiller juridique pour qu’il puisse être représenté de façon compétente et équitable devant les tribunaux judiciaires et administratifs. Les rapports et les communications entre le parajuriste et son client sont aussi essentiels au bon fonctionnement de la justice que ceux entre l’avocat et le sien. Ils sont inextricablement liés au système judiciaire même qui souhaite leur divulgation. Le rapport parajuriste-client, tout autant que le rapport avocat-client, fait partie de ce système et ne lui est pas simplement accessoire[554]. (Traduction libre)

À la suite de la publication de la jurisprudence Chancey, la personne alors trésorière du Barreau du Haut-Canada aurait dit qu’il serait préférable que tout privilège entre parajuriste et client soit conçu par l’intermédiaire de la common law plutôt que par le biais d’une loi :

Je pense que la décision est utile, même si elle ne mettra pas un point final à la discussion. Le Barreau a exhorté le gouvernement à ne pas traiter le privilège par voie législative au motif que le privilège entre l’avocat et son client est un principe qui a évolué sur le terrain de la common law et qu’il est souhaitable qu’il en soit de même dans le contexte des services juridiques réglementés[555]. (Traduction libre)

La question à trancher est de savoir si un privilège générique entre parajuriste et client devrait être codifié par l’intermédiaire de la législation, ou si la common law devrait déterminer si un tel privilège générique devrait être créé. Les parajuristes sont habilités à représenter des clients dans divers domaines qui vont bien au-delà des instances introduites en vertu de la Loi sur les infractions provinciales[556]. Par conséquent, une modification législative pourrait entraîner des répercussions allant au-delà des infractions provinciales et il convient de réaliser des études et des consultations plus approfondies sur les répercussions d’un tel privilège générique dans ces domaines. Une approche législative a l’avantage de trancher la question relativement rapidement et évite d’avoir à attendre une décision faisant autorité de la part de la Cour d’appel ou de la Cour suprême du Canada. En revanche, il paraîtrait curieux que le privilège parajuriste-client soit établi au moyen d’une loi alors que le privilège avocat-client est un produit de la common law, dès lors que la raison d’être des deux types de privilège semble identique. Si le privilège parajuriste-client devait être établi au moyen d’une loi ou de la common law, il serait logique que l’article 160 soit modifié afin de protéger de façon identique les communications entre un parajuriste et son client.

 

La CDO formule la recommandation suivante :

31.         Le ministère du Procureur général, en concertation avec le Barreau du Haut-Canada, les poursuivants, les parajuristes et les tribunaux administratifs ou les organismes juridictionnels devant lesquels les parajuristes sont légalement autorisés à comparaître, devrait se demander si un privilège générique parajuriste-client devrait être établi au moyen d’une loi et, le cas échéant, proposer des modifications à l’article 160 de la Loi.

 

 

4.   Ordonnances de communication contre mandats de perquisition  

Le Conseil de l’industrie du tourisme de l’Ontario (CITO) a soulevé le problème de l’utilisation de mandats de perquisition pour l’exécution de la Loi de 2002 sur le secteur du voyage[557]. Lorsque le CITO suspecte une violation de cette loi et qu’il envisage des poursuites, un mandat de perquisition doit être obtenu pour toute perquisition et saisie. Les paragraphes 20(2) et (10) de la Loi de 2002 sur le secteur du voyage autorisent un juge de paix à délivrer un mandat de perquisition s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une personne a enfreint un article de la loi ou de ses règlements d’application. Dans le cadre de l’exécution du mandat, un enquêteur peut demander à une personne de produire les éléments de preuve ou les renseignements décrits dans le mandat de perquisition. 

Dans le cadre des enquêtes sur la conduite des agents et agences de voyage, on a généralement recours aux registres bancaires et c’est le CITO habituellement qui demande les mandats de perquisition nécessaires et qui les reçoit. Cependant, certains ont fait valoir qu’en application du paragraphe 33(4) de la Loi sur la preuve de l’Ontario, les banques ne sont pas tenues de fournir leurs livres ou registres dans les actions auxquelles la banque n’est pas partie, « à moins que le tribunal ou le juge ne rende une ordonnance à cet effet pour un motif particulier » en application du paragraphe 33(5)[558]. Ce dernier prévoit que l’inspection du compte peut être autorisée par le tribunal, si la demande d’inspection est signifiée au titulaire du compte et à la banque.

De même, la Loi sur la preuve au Canada contient un article traitant de l’inspection des registres bancaires et prévoit un avis au titulaire du compte[559]. Mais le paragraphe 29(7) de la Loi sur la preuve au Canada prévoit que la procédure d’inspection des registres avec avis au titulaire du compte ne s’applique pas lorsqu’un mandat de perquisition a été délivré. Une fois qu’on lui a signifié le mandat de perquisition, la banque doit autoriser la perquisition et la saisie de copies des registres bancaires. Cependant, la Loi sur la preuve au Canada ne s’applique pas aux poursuites engagées dans le domaine des infractions provinciales.    

Il ne fait aucun doute que l’article 33 de la Loi sur la preuve de l’Ontario a été conçu pour protéger les registres bancaires originaux étant donné que leur perquisition et leur saisie perturberaient les opérations bancaires. Il n’est pas sûr que cette justification tienne encore compte tenu de la facilité avec laquelle les documents peuvent être copiés ou reproduits aujourd’hui. De même, l’article 29(7) de la Loi sur la preuve au Canada était une modification de cette loi adoptée pour autoriser l’exécution des mandats de perquisition des registres bancaires; on peut donc concevoir l’introduction d’une modification similaire dans la Loi sur la preuve de l’Ontario. 

Une autre solution consisterait à autoriser les « ordonnances de communication » dans la Loi sur les infractions provinciales. Un mandat de perquisition est une ordonnance du tribunal autorisant l’agent à pénétrer sur les lieux, à les perquisitionner et à obtenir tout élément de preuve ou renseignement décrit dans le mandat de perquisition. Dans les faits, des copies des registres sont généralement produites par la banque, sans qu’un enquêteur ait besoin de réaliser une perquisition à proprement parler sur les lieux. En fait, il s’agit d’une ordonnance de production de documents et un mandat de perquisition n’est pas nécessairement l’outil le plus approprié pour obtenir ce résultat. De plus, les juges pourraient être plus enclins à autoriser des ordonnances de communication s’ils n’avaient pas en tête l’idée d’un enquêteur pénétrant dans l’enceinte de la banque et interrompant les opérations bancaires, ce qui, d’après nos recherches, n’est plus une pratique courante.

On peut penser que dans d’autres industries réglementées, le recours à des « ordonnances de communication » prises en vertu de la Loi pourrait s’avérer un outil plus efficace et plus pratique pour les enquêtes et l’exécution dans le domaine réglementaire. Il y a probablement aussi d’autres institutions importantes qui ne sont pas parties à l’action, autres que des banques, qui disposent de registres pertinents pour les poursuites intentées en vertu de la Loi (p. ex. gouvernement, compagnie d’assurance). Pour certains détenteurs de registres, des problèmes de confidentialité peuvent surgir (p. ex. les dossiers médicaux d’un patient détenus par un médecin qui pourraient être utiles dans le cadre de poursuites d’une infraction liée à la santé publique). Avec certaines institutions, la récupération et la production de documents pourraient être des démarches onéreuses, à la fois sur le plan financier et en termes de temps nécessaire, en particulier si les registres ne sont pas consultables ou conservés dans un format électronique. Une décision d’ordre politique sur la question de savoir qui devra prendre en charge ces coûts devra être prise. La question de savoir comment les documents sont conservés par le tiers soulève la question de savoir comment ces documents doivent être produits : sous forme électronique ou sur papier. Nous recommandons que cette question soit approfondie.

 

La CDO formule la recommandation suivante :

32.         Le ministère du Procureur général ou l’entité en charge de l’élaboration d’un nouveau code de procédure mis à jour dans le cadre de la Loi devrait étudier si un outil permettant d’obtenir la production de documents ou de choses afin de faciliter les poursuites en cas d’infractions à la Loi (p. ex. une ordonnance de communication) devrait être autorisé dans la Loi ou ses règles/règlements d’application, séparément du mandat de perquisition.

 

 

C.     Codification des moyens de défense en common law dans la Loi

L’article 80 de la Loi énonce :

Chaque règle et chaque principe de la common law qui font d’une circonstance une justification ou une excuse pour un acte, ou un moyen de défense contre une accusation, demeurent en vigueur et s’appliquent à l’égard d’infractions, sauf dans la mesure où ils sont modifiés par la présente loi ou une autre loi, ou sont incompatibles avec l’une d’elles. 

Les tribunaux ont conclu que des moyens tels que la règle de minimis non curat lex (la loi n’a cure des détails)[560], l’état de nécessité[561] et l’erreur de droit provoquée par un fonctionnaire[562]  peuvent être invoqués dans les affaires fondées sur la Loi. Toutefois, cette dernière ne donne pas de liste exhaustive des moyens de défense dont peut se prévaloir l’accusé et elle ne tente pas non plus de codifier ces moyens. Dès lors qu’il s’agit d’outils servant à promouvoir une plus grande transparence et un meilleur accès aux tribunaux, en particulier dans le domaine des infractions mineures où les défendeurs sont souvent non représentés, certains ont fait valoir que les moyens de défense en common law devraient être expressément codifiés dans la Loi. Dans le nouveau Code des règles de fond du droit pénal qu’elle proposait, la Commission de réforme du droit du Canada recommandait d’y inclure tous les moyens de défense existant en common law[563]. 

Ceci représenterait sans aucun doute une entreprise de grande envergure. Le gouvernement fédéral n’a pas encore mis en œuvre la recommandation de la Commission de réforme du droit du Canada et il existe peut-être des raisons valables de ne pas adopter une telle approche. Il est peut-être tout simplement trop difficile de traduire des moyens de défense complexes dégagés en common law en dispositions législatives pures et simples qui permettraient de promouvoir l’accès à la justice. Nous observons que dans le contexte civil, on ne dispose pas d’une loi unique qui codifierait les délits civils et les moyens de défense de common law pouvant être portés devant la Cour des petites créances même si cette juridiction entend elle aussi un grand nombre de défendeurs non représentés. Là encore, l’explication tient peut-être à la difficulté de traduire des principes de common law complexes dans une loi unique.

Il a été proposé qu’au moins un moyen de défense de common law, comme la règle de minimis non curat lex, pourrait facilement être repris dans la Loi. Le pouvoir général lié au principe de minimis en droit criminel n’est pas clair[564] même si la Cour suprême du Canada a récemment affirmé dans l’arrêt Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada[565] que son application reste sujette à une interprétation judiciaire. La juge Arbour décrivait la doctrine de minimis et sa raison d’être en ces termes : 

Les raisons données pour justifier l’excuse « de minimis » sont généralement les suivantes : (1) le droit criminel ne doit s’appliquer qu’à l’inconduite grave, (2) l’accusé doit échapper au stigmate d’une déclaration de culpabilité criminelle et à l’infliction d’une peine sévère pour un comportement relativement anodin, et (3) les tribunaux ne doivent pas se retrouver ensevelis sous un nombre considérable de dossiers sans importance[566].

La codification du moyen de défense de minimis dans la Loi pourrait éventuellement donner aux juges le pouvoir exprès de rejeter les poursuites fondées sur des infractions provinciales dans les cas où la violation serait futile. Si la décision devait être prise de codifier le moyen de défense de minimis, on pourrait s’inspirer du Model Penal Code de l’American Law Institute[567] et du rapport rédigé en 1992 par le Groupe de travail sur la nouvelle codification du Code criminel de l’Association du barreau canadien dans lequel on recommande l’adoption d’un moyen de défense de minimis dans le Code criminel[568].  

La difficulté concernant la codification d’un moyen de défense de common law est que les tribunaux modifient et définissent en permanence des moyens de défense de common law applicables dans les affaires criminelles et aux infractions poursuivies en application de la Loi. Si les rédacteurs de loi devaient prescrire un moyen de défense de common law pour une question relevant de la Loi, ledit moyen serait figé dans le temps alors que le même moyen de défense en common law applicable au contexte criminel pourrait évoluer et être précisé par les tribunaux. Ces précisions ne s’appliqueraient pas dans le contexte de la Loi à moins que les moyens de défense tirés de cette loi ne soient modifiés par le pouvoir législatif. Ceci aboutirait à une anomalie difficilement justifiable.

Par conséquent, nous ne voyons aucun argument convaincant en faveur de la codification des moyens de défense en common law au sein de la Loi, y compris le moyen de défense de minimis. Ceci représenterait une lourde tâche et, compte tenu de la complexité de nombre moyens de défense, il serait difficile de les codifier au sein d’une loi et ils ne seraient pas plus compréhensibles du grand public qu’ils ne le sont aujourd’hui. 

Par ailleurs, on risque de voir surgir un certain nombre de divergences entre la façon dont les moyens de défense sont traités dans le contexte criminel par rapport au contexte de la Loi, divergences impossibles à expliquer. Nous pensons cependant que le fait de mieux informer le public à propos des moyens de défense courants est un exercice utile et, afin de promouvoir l’accès à la justice, on recommande de mentionner le plus de moyens de défense possible dans les guides créés à l’intention des plaideurs à une action intentée en application de la Loi qui ne bénéficient pas d’une représentation juridique.  

 

La CDO formule les recommandations suivantes :

33.                    La CDO recommande que les moyens de défense en common law ne soient pas codifiés dans la Loi.

34.             Afin de promouvoir l’accès à la justice et de mieux informer le public à propos des moyens de défense prévus par la Loi, le ministère du Procureur général devrait insérer un résumé des moyens de défense les plus courants dans ses guides rédigés à l’intention du public dans le cadre des instances introduites en application de la Loi (voir la recommandation 7).

 

 

D.    Avis d’une question constitutionnelle

Le paragraphe 109(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires établit l’obligation de donner avis d’une question constitutionnelle dans des circonstances déterminées. Le paragraphe 109(1) se lit comme suit :

(1) Un avis d’une question constitutionnelle est signifié au procureur général du Canada et au procureur général de l’Ontario dans les circonstances suivantes :

1. La constitutionnalité ou l’applicabilité constitutionnelle d’une loi du Parlement du Canada ou de la Législature, d’un règlement ou règlement municipal pris sous son régime ou d’une règle de common law est en cause.

2. Réparation est demandée en vertu du paragraphe 24 (1) de la Charte canadienne des droits et libertés à l’égard d’un acte ou d’une omission du gouvernement du Canada ou du gouvernement de l’Ontario.     

À défaut de signification de cet avis, la question de l’invalidité constitutionnelle n’est pas tranchée[569].  

Trois problèmes ont été soulevés. On s’est tout d’abord demandé si les municipalités et autres poursuivants devraient également recevoir un avis lorsque la constitutionnalité d’une loi, d’une règle ou d’un règlement est contestée. Deuxièmement, il s’agissait de savoir si un avis devrait être donné aux municipalités lorsque réparation est demandée en application de la disposition 2 à l’égard d’un acte ou d’une omission d’une municipalité. Troisièmement, en rapport avec le deuxième problème, on s’est demandé s’il est nécessaire d’aviser le gouvernement du Canada ou le gouvernement de l’Ontario lorsque réparation est demandée en application de la disposition 2 à l’égard d’un acte ou d’une omission d’une municipalité. 

Pour ce qui est du premier problème, certains intervenants ont estimé qu’il faudrait exiger qu’un avis de question constitutionnelle soit également signifié au poursuivant dans les affaires fondées sur la Loi. Le terme « poursuivant » est défini aux paragraphes 1(1) et 167(2) de la Loi. Le paragraphe 1(1) prévoit ce qui suit : 

« poursuivant » Le procureur général ou, lorsque celui-ci n’intervient pas, la personne qui délivre un procès-verbal ou dépose une dénonciation, y compris le mandataire qui agit au nom de l’un ou de l’autre.            

Le paragraphe 167(2) incorpore les poursuivants municipaux lorsque le procureur général a conclu une entente avec des municipalités. Il prévoit ce qui suit : 

« poursuivant » S’entend du procureur général ou, lorsque celui-ci n’intervient pas, s’entend d’une personne qui agit au nom de la municipalité conformément à l’entente ou, lorsqu’une telle personne n’intervient pas, s’entend de la personne qui délivre un procès-verbal ou dépose une dénonciation. S’entend en outre du mandataire qui agit au nom de l’un ou de l’autre.           

Si un avis de question constitutionnelle doit être signifié aux poursuivants dans les municipalités qui ont conclu des ententes, d’autres poursuivants peuvent-ils prétendre à la même signification? Nombre d’autres organismes poursuivants ne sont pas visés par le paragraphe 167(2) de la Loi; on peut citer par exemple les commissions de transport, les offices de protection de la nature, les services de santé, le Conseil de l’industrie du tourisme de l’Ontario et le Conseil ontarien du commerce des véhicules automobiles. Ces organismes pourraient être couverts par le paragraphe 1(1) de la Loi. 

Actuellement si les poursuivants ont connaissance de la remise en question de la constitutionnalité d’une disposition, c’est uniquement par hasard. Le fait d’être au courant de cette question aura des conséquences directes non seulement sur l’affaire à l’occasion de laquelle la question est posée, mais pourra également influer sur les décisions des poursuivants dans d’autres cas similaires. On parle ici de dizaines, de centaines, voire de milliers de cas. Maintenant que les municipalités assument la responsabilité de la poursuite de la plupart des infractions provinciales, il semble logique qu’on leur signifie également les avis de question constitutionnelle lorsque la constitutionnalité d’une loi, d’une règle ou d’un règlement est remise en question. 

Pour ce qui est du deuxième problème, certains estiment que la disposition 2 du paragraphe 109(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires devrait être modifiée pour exiger la signification d’un avis à une municipalité lorsque réparation est demandée à l’égard d’un acte ou d’une omission d’une « municipalité » ou d’un « conseil local » au sens de la Loi de 2001 sur les municipalités. La plupart du temps, les motions pour faire suspendre des poursuites sont présentées en raison d’un retard déraisonnable ou d’un abus de procédure causé par le défaut d’une municipalité à poursuivre en temps opportun. 

Le problème a déjà été déjà soulevé dans la jurisprudence de 2009, R. c. Vellone, à l’occasion de laquelle il a été décidé que le défendeur n’était pas tenu de donner l’avis d’une question constitutionnelle à une municipalité en vertu de l’article 109 de la Loi de 2001 sur les municipalités[570]. L’affaire portait sur une accusation d’excès de vitesse poursuivie par une municipalité conformément à une entente prévue à la partie X de la Loi sur les infractions provinciales. Le défendeur a présenté une motion pour faire suspendre des poursuites au motif de la violation de son droit d’être jugé dans un délai raisonnable que lui garantit l’alinéa 11b) de la Charte. Le tribunal a conclu que tout retard résultait des actes ou omissions de la municipalité et que la disposition 2 de l’article 109(1) exige seulement que l’avis d’une question constitutionnelle soit signifié lorsque les allégations portent sur un acte ou une omission du gouvernement de l’Ontario ou du gouvernement du Canada. La demande d’autorisation du pourvoi devant la Cour d’appel de l’Ontario sur cette question a été accueillie[571] mais au moment de la rédaction du présent rapport, aucune décision sur l’appel n’était connue. 

La jurisprudence R. c. Vellone semble faire une interprétation stricte de la Loi sur les tribunaux judiciaires, étant donné que les municipalités assument désormais la responsabilité des poursuites fondées sur la Loi ainsi que de l’administration des tribunaux qui étaient jusque-là du ressort du gouvernement provincial. Si la justification de la signification de l’avis d’une question constitutionnelle tient toujours, il semble logique que l’avis soit signifié à une municipalité dès lors qu’elle assume des responsabilités qui incombaient au gouvernement provincial. La plupart du temps, ce sont les actes ou les omissions de la municipalité qui sont contestés et l’équité suggère que la municipalité soit informée comme l’aurait été la province si les affaires fondées sur la Loi étaient toujours de son ressort.

On a également fait valoir que l’obligation de signifier un avis de question constitutionnelle aux gouvernements fédéral et provincial dans le cadre des poursuites fondées sur la Loi devrait être limitée aux situations dans lesquelles un plaideur invoque l’invalidité constitutionnelle en vertu du paragraphe 52(1) de la Charte (disposition 1 du paragraphe 109(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires). Cela ne devrait pas être une obligation dans toutes les autres situations, notamment lorsqu’un plaideur demande réparation pour des faits spécifiques au cas d’espèce, notamment une suspension pour retard déraisonnable ou abus de procédure causé par un acte ou une omission d’une municipalité (disposition 2, dans sa version modifiée proposée, du paragraphe 109(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires). Il a été indiqué que le procureur général du Canada et le procureur général de l’Ontario n’ont aucun intérêt direct à cet égard et imposer ce fardeau aux plaideurs serait totalement inutile et coûteux. Cependant, le procureur général de l’Ontario, en tant que conseiller juridique en chef de la Couronne, est censé connaître les enjeux systémiques relatifs aux poursuites régies par la Loi, et par conséquent, l’obligation de signification au procureur général devrait être maintenue. Nous convenons que le procureur général de l’Ontario devrait avoir connaissance des problèmes constitutionnels dans ces circonstances et nous ne formulons donc aucune recommandation en matière de réforme à cet égard.

 

 

La CDO formule la recommandation suivante : 

35.       Le procureur général devrait proposer des modifications à l’article 190(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires pour : 

a.      exiger la signification d’un avis de question constitutionnelle aux poursuivants dans toutes les poursuites fondées sur la Loi;

b.      exiger la signification d’un avis de question constitutionnelle à un poursuivant municipal lorsqu’une partie demande réparation en vertu de l’article 24(1) de la Charte sur la base d’un acte ou d’une omission d’une municipalité.
 

 

E.     Règle de la réouverture 

La Loi prévoit qu’une déclaration de culpabilité au titre d’une infraction de la partie I ou II puisse être rouverte si le défendeur a été déclaré coupable sans audience, et qu’il demande la réouverture dans les 15 jours après avoir pris connaissance de la déclaration de culpabilité. Le paragraphe 11(1) prévoit ceci :

Si le défendeur qui a été déclaré coupable sans qu’une audience ait été tenue se présente au greffe du tribunal pendant les heures d’ouverture dans les quinze jours après avoir pris connaissance de la déclaration de culpabilité, comparaît devant un juge et lui demande d’annuler la déclaration de culpabilité, le juge annule la déclaration de culpabilité s’il est convaincu, par un affidavit du défendeur, que ce dernier, sans faute de sa part, n’a pas pu comparaître à une audience ou n’a pas reçu d’avis ni de document relatif à l’infraction[572].

Un juge peut alors annuler la déclaration de culpabilité et ordonner un nouveau procès, auquel cas il donne un nouvel avis de procès[573].

La règle de la réouverture sert une fin utile et devrait être maintenue. Elle favorise l’équité en permettant aux défendeurs de se défendre lors d’une poursuite intentée en vertu de la Loi, si, sans faute de leur part, ils n’ont pas pu comparaître lors de l’audience initiale. Cependant, certains ont souhaité que la règle de la réouverture soit restreinte pour prévenir les abus. Par exemple, un défendeur peut demander la réouverture d’une affaire, ne pas se présenter au nouveau procès puis demander une deuxième réouverture en arguant du fait qu’il n’a pas pu se rendre au nouveau procès. Il a été proposé de n’autoriser qu’une seule demande de réouverture.   

Il a été également proposé qu’un défendeur ne puisse demander la réouverture d’une affaire que dans un intervalle d’un an après la déclaration de culpabilité initiale. Une limite d’un an en ce qui concerne les réouvertures peut se justifier s’il existe des mécanismes en place pour veiller à ce que les défendeurs soient informés de leur déclaration de culpabilité dans cet intervalle, sans quoi cette durée limite pourrait apparaître injuste.

Enfin, il a été suggéré d’accorder un pouvoir discrétionnaire au juge d’adjuger des dépens pour les témoins ou les interprètes qui étaient présents au cours de la première audience durant laquelle la déclaration de culpabilité a été prononcée et d’assortir la réouverture au paiement de ces dépens. Si les dépens ne sont pas payés dans un certain délai, la demande de réouverture est réputée avoir été abandonnée. D’un côté, ceci permettrait de rembourser le partenaire municipal pour les dépenses engagées inutilement et serait éventuellement de nature à réduire les abus liés au processus de réouverture. Mais d’un autre côté, cela pourrait injustement décourager les défendeurs à demander un nouveau procès lorsqu’ils n’ont pas reçu d’avis. Une solution hybride pourrait consister à rendre ces dépens payables en cas de déclaration de culpabilité prononcée au nouveau procès, sous réserve d’instruction contraire du juge au titre de son pouvoir discrétionnaire. 

 

La CDO formule la recommandation suivante :

36.              Le ministère du Procureur général ou l’entité en charge de l’élaboration d’un nouveau code de procédure mis à jour dans le cadre de la Loi devrait étudier si la règle de la réouverture devrait être restreinte pour prévenir les abus et si le juge devrait avoir le pouvoir discrétionnaire d’adjuger des dépens dans les cas où la procédure de réouverture est abusive.

 

 

F.   Applicabilité de certains articles de la Loi relatifs à l’appel

L’article 124 de la Loi, sous l’en-tête « Appels interjetés en vertu de la partie III », énonce les circonstances dans lesquelles un appel ne devrait pas être autorisé, mais il renvoie à un « procès-verbal » qui suggère une instance introduite en application des parties I ou II. Voici ce que prévoit l’article : 

(1) Il n’est pas rendu, en faveur de l’appelant, un jugement fondé sur l’allégation d’un vice de fond ou de forme dans la dénonciation, le procès-verbal ou l’acte judiciaire, ou sur une divergence entre la dénonciation, le procès-verbal ou l’acte judiciaire et la preuve présentée au procès, à moins qu’il ne soit démontré qu’une objection a été soulevée au procès et que, dans le cas d’une divergence, l’ajournement du procès a été refusé à l’appelant même si la divergence l’avait induit en erreur. [C’est nous qui soulignons]

(2) Si l’appel est fondé sur un vice dans une déclaration de culpabilité ou une ordonnance, le tribunal ne prononce pas un jugement en faveur de l’appelant, mais rend une ordonnance qui corrige ce vice.            

Il en résulte une incertitude quant à son application lorsque le vice de fond ou de forme allégué concerne un procès-verbal. Un procès-verbal est défini par le paragraphe 1(1) de la Loi comme un « procès-verbal d’infraction délivré en vertu de la partie I ou procès-verbal d’infraction de stationnement délivré en vertu de la partie II ». Dans une affaire récente, il a été décidé que l’article 124 ne s’appliquait pas aux appels interjetés en vertu de la partie I et de la partie II. Pour décider que l’article ne s’appliquait pas aux procès-verbaux, le juge faisait observer :   

Même si le renvoi dans l’article 124 au « procès-verbal », lequel est défini par le paragraphe 1(1) de la Loi comme étant un “procès-verbal d’infraction délivré en vertu de la partie I ou procès-verbal d’infraction de stationnement délivré en vertu de la partie II”, je suis malgré tout convaincu que l’article s’applique uniquement aux appels interjetés en vertu de la partie III de la Loi[574]. (Traduction libre)          

Il a été suggéré que la confusion entraînée par le renvoi au « procès-verbal » dans l’article 124 devrait disparaître compte tenu de cette décision. 

Par ailleurs, l’article 125 de la Loi est lié à l’article 124. Si l’article 124 de la Loi est modifié, l’applicabilité de l’article 125 devrait être réexaminée. L’article 125 prévoit ce qui suit : 

Si un tribunal exerce des pouvoirs conférés par les articles 117 à 124, il peut en outre rendre toute ordonnance que la justice exige. 

D’autres auteurs ont suggéré que d’autres articles (l’article 117 à propos des pouvoirs du tribunal en appel et l’article 118 concernant le droit d’être représenté) devraient s’appliquer à d’autres appels que ceux interjetés en vertu de la partie III.  

Le raisonnement qui sous-tend les articles 124 et 125 et les autres articles relevés ci-dessus à propos des appels devrait être reconsidéré pour évaluer s’ils devraient s’appliquer uniquement aux appels des déclarations de culpabilité pour les infractions de la partie III ou également à d’autres procédures d’appel.

 

La CDO formule la recommandation suivante :

37.         Le ministère du Procureur général ou l’entité en charge de l’élaboration d’un nouveau code de procédure mis à jour dans le cadre de la Loi devrait étudier le raisonnement qui sous-tend les articles 124 et 125 de la Loi pour déterminer si les articles s’appliquent uniquement aux appels des déclarations de culpabilité pour les infractions de la partie III ou à toutes les procédures d’appel.

 

 

G.  Mesures d’exécution pour les amendes impayées 

Des inquiétudes liées aux amendes impayées et aux mesures d’exécution disponibles ont été portées à notre attention. Un article paru dans les médias en mai 2010 indiquait que le montant des amendes en souffrance dépasse le milliard de dollars, montant dû pour une grande partie par les conducteurs en Ontario[575]. Le ministère du Procureur général nous a cependant informés que ce montant correspond aux amendes imposées en vertu de 243 lois et comprend des amendes datant de 1970. Il s’agit dans de nombreux cas d’amendes anciennes et non recouvrables, plus de la moitié remontent à plus de cinq ans et certaines sont dues par des sociétés qui ont cessé d’exister. De plus, ce sont désormais les municipalités qui se chargent du recouvrement de la plupart des amendes, et non plus le gouvernement provincial.   

Tel qu’indiqué dans la section II.A, la Loi envisage de façon générale trois modes d’exécution pour les amendes impayées : (1) certificat de manquement et procédure d’exécution par l’intermédiaire des tribunaux civils (c’est-à-dire Cour des petites créances ou Cour supérieure de justice)[576]; (2) suspension ou refus de renouvellement de la plaque d’immatriculation du véhicule; et (3) suspension ou refus de renouvellement du permis de conduire[577].  

L’exécution par l’intermédiaire des tribunaux civils débouche généralement sur l’inscription d’un bref de saisie-exécution sur toute propriété foncière que possède le débiteur défaillant et la somme n’est généralement payée qu’au moment de la vente de la propriété ou du renouvellement du crédit hypothécaire sur la propriété. Par conséquent, cette mesure d’exécution peut entraîner des retards. En ce qui concerne la suspension ou le non-renouvellement des permis de conduire ou des plaques d’immatriculation, des systèmes efficaces doivent être en place pour permettre aux municipalités de signaler les amendes impayées au ministère des Transports, directement ou par l’intermédiaire du ministère du Procureur général. 

Une autre mesure d’exécution a été créée en 2009. Des modifications apportées à la Loi de 2001 sur les municipalités et à la Loi de 2006 sur la cité de Toronto permettent désormais aux municipalités d’ajouter au rôle de l’impôt foncier municipal toute amende impayée « à l’égard d’un bien situé dans la municipalité locale dont tous les propriétaires sont tenus de payer l’amende, et la percevoir de la même manière que les impôts municipaux »[578]. Si cette disposition est utile, elle n’est pas applicable lorsque deux personnes ou plus sont propriétaires d’un bien mais qu’une seule est redevable de l’amende impayée. En outre, dans le cadre des modifications apportées en 2009, le délai de deux ans pour l’exécution par recours civil des amendes liées à la Loi a été éliminé[579] et les municipalités pourraient recouvrer les coûts de délégation sans le consentement du procureur général[580]. 

En 2006, le gouvernement de l’Alberta a lancé un projet-pilote à Edmonton dans le cadre duquel le montant des amendes impayées pour des infractions au Code de la route était déduit des remboursements d’impôt sur le revenu et des remboursements de TPS grâce à un accord avec l’Agence du revenu du Canada[581]. D’après des articles parus dans les médias, il s’agissait d’une mesure d’exécution efficace qui a permis de collecter 1,3 million de dollars d’amendes impayées en moins d’un an; l’argent a ensuite été restitué dans une large mesure à la municipalité[582]. Apparemment, ce programme d’exécution des amendes établi par le ministère de la Justice en Alberta est maintenant utilisé ailleurs dans la province[583], et s’avère être une mesure d’exécution efficace[584]. Un programme similaire a été adopté en Saskatchewan par l’intermédiaire de sa Fine Collection Branch[585].  

Le recours à un mécanisme de réaffectation fiscale, comme celui en place en Alberta, pourrait servir de nouvelle mesure d’exécution éventuelle en Ontario et ses avantages devraient être étudiés. Lorsque des amendes ont été infligées, le respect du public pour la règle de droit et l’administration de la justice est menacé si l’on ne dispose pas de mécanismes d’exécution efficaces. Cependant, la déduction du montant des amendes des remboursements d’impôt sur le revenu ou de TPS pourrait avoir des répercussions néfastes sur les personnes à faible revenu qui comptent parfois sur ces sources de revenu pour pouvoir se nourrir, se loger ou se vêtir. D’ailleurs, la raison d’être des remboursements de TPS est de réduire le fardeau imposé par cette taxe sur les foyers au revenu modeste ou faible[586]. Selon nous, il ne faudrait pas négliger les répercussions de ce choix de réforme sur les Ontariens au revenu faible. La CDO sait que divers organismes en Ontario continuent de se pencher sur l’exécution des amendes[587] et qu’il s’agit d’un enjeu qui a été étudié par le groupe d’examen de la simplification de la Loi sur les infractions provinciales du ministère du Procureur général. Cette mission devrait se poursuivre en gardant à l’esprit les répercussions de ce choix de réforme sur la population au revenu faible et en faisant référence aux meilleures données disponibles concernant les motifs de non-paiement de certaines amendes. Si les données nécessaires pour poursuivre l’étude de cette question sont indisponibles, il convient d’entreprendre une évaluation des meilleures façons de recueillir ces données.

 

La CDO formule la recommandation suivante :

38.       Le ministère du Procureur général, en concertation avec les municipalités de l’Ontario et l’Agence du revenu du Canada, devrait étudier si le recours à un programme de réaffectation fiscale pourrait constituer une méthode efficace et juste pour l’exécution des amendes prononcées en application de la Loi qui sont impayées, en tenant compte des éventuelles répercussions sur les Ontariens à faible revenu pour qui les remboursements d’impôt sur le revenu et de TPS sont une source de revenu importante. Il conviendrait de se référer aux données disponibles concernant les motifs de non-paiement des amendes, et en cas d’indisponibilité des données, de mener une évaluation sur les meilleures façons de les recueillir.

 

 

H.  L’utilisation de moyens électroniques (téléphone ou vidéoconférence) dans le cadre des audiences

Nous avons entendu que la Loi devrait autoriser un recours accru au téléphone ou aux vidéoconférences dans le cadre de diverses audiences prévues par la Loi, et notamment les plaidoyers présentés devant les juges de paix. Lorsque l’équipement nécessaire est disponible, la Loi autorise actuellement les témoins, les défendeurs, les poursuivants et les interprètes à participer à une audience par un « moyen électronique », lequel inclut la vidéoconférence, l’audioconférence ou la conférence téléphonique. Voici ce que prévoit le paragraphe 83.1(2) : 

Comparution par un moyen électronique

(2)   Sous réserve du présent article, dans une instance introduite en vertu de la présente loi ou à une étape d’une telle instance, si le matériel approprié est disponible au palais de justice où l’instance est instruite :

(a) un témoin peut témoigner par un moyen électronique;

(b) un défendeur peut comparaître par un moyen électronique;

(c) un poursuivant peut comparaître et poursuivre par un moyen électronique;

(d) un interprète peut interpréter par un moyen électronique.  

La Loi, cependant, n’autorise pas un juge à se présenter à une audience et à la présider par un moyen électronique. Une modification de la Loi, qui n’a pas encore été proclamée, semble remédier à cela. Un nouveau paragraphe 83.1(3.1), une fois proclamé, prévoira ceci : 

(3.1) Le juge peut se présenter à une audience de détermination de la peine aux termes des articles 5.1 et 7 et à toute autre instance ou étape d’une instance que précisent les règlements, et les présider, par un moyen électronique, si l’équipement approprié est disponible au palais de justice où a lieu l’instance, et il peut :

(a) d’une part, ajourner l’audience de détermination de la peine pour que le défendeur comparaisse en personne devant lui afin de s’assurer que ce dernier comprend son plaidoyer;

(b) d’autre part, ajourner toute autre instance ou étape d’une instance que précisent les règlements s’il est convaincu que les intérêts de la justice l’exigent ou que cela est nécessaire pour garantir un procès équitable[588]. 

Nous relevons également qu’une modification de 2002 qui n’a pas encore été proclamée autoriserait que les audiences pour la mise en liberté sous caution aient lieu au moyen d’un « dispositif de télécommunications »[589].    

L’utilisation du téléphone et de la vidéoconférence présente des avantages non négligeables, notamment dans les régions isolées de la province. Elle peut également permettre de faire d’importantes économies si les témoins résidant loin du tribunal peuvent témoigner grâce à une connexion vidéo. 

Une fois que ces dispositions auront été proclamées, leur efficacité devrait être examinée et évaluée. L’enjeu majeur est de ne pas compromettre l’équité du procès du fait de l’utilisation du téléphone ou de la vidéoconférence. Un facteur à prendre en compte dans le cadre de l’examen est la mesure dans laquelle l’utilisation du téléphone ou de la vidéoconférence pourrait réduire l’accès à la justice pour les défendeurs qui n’ont pas accès à ces technologies.

 

La CDO formule la recommandation suivante :

39.              Le ministère du Procureur général ou l’entité en charge de l’élaboration d’un nouveau code de procédure mis à jour dans le cadre de la Loi devrait se pencher sur le recours au téléphone et à la vidéoconférence dans le cadre des audiences (autorisé aux termes de dispositions de la Loi, en vigueur ou pas encore proclamées) pour évaluer leur efficacité et leur caractère équitable et recommander toute amélioration jugée appropriée.

 
 

I.  Décisions en matière de dépens : appel et révision

Aux termes des alinéas 116(1) e) et 116(2) b) de la Loi, la Cour supérieure de justice a compétence pour entendre les appels des ordonnances d’un juge de la Cour de justice de l’Ontario en matière de dépens. L’article 140 de la Loi confère également compétence à la Cour supérieure de justice pour réviser une décision découlant de la Loi et accorder un bref de mandamus, de certiorari ou de prohibition. Cependant, lorsqu’une telle prérogative est demandée et obtenue, la Cour supérieure de justice ne semble pas être compétente pour se prononcer sur les dépens adjugés par une juridiction inférieure. Le paragraphe 141(3) de la Loi prévoit que la Cour supérieure de justice, sur requête, n’est pas compétente pour se prononcer sur les dépens dès lors qu’il s’agit d’une question qui peut être réglée par voie d’appel.  

Par exemple, un poursuivant qui demanderait la révision d’une décision de surseoir à certaines accusations incluant également l’adjudication de dépens, devrait déposer une demande de révision et faire appel de l’ordonnance sur les dépens. On aurait donc deux procédures séparées devant la Cour supérieure de justice découlant d’une même décision de la Cour de justice de l’Ontario. Selon nous, il s’agit d’une anomalie procédurale qui pourrait facilement être corrigée.  

 

La CDO formule la recommandation suivante : 

40.         Afin d’éviter des procédures fragmentées, l’article 140 de la Loi devrait être modifié pour permettre à la Cour supérieure de justice de réviser une décision portant sur l’adjudication des dépens prise par la Cour de justice de l’Ontario lorsqu’un bref de prérogative est demandé en application de cet article, et ce, même si la Loi permet de faire appel d’une ordonnance d’adjudication des dépens prise en application de la partie III.   

 

 

J.   Amélioration de l’accès à la justice pour les francophones

L’accès à la justice pour les francophones est un enjeu qui dépasse le seul contexte de la Loi; c’est une question qui touche toutes les affaires réglées au tribunal. La Loi sur les tribunaux judiciaires établit que « les langues officielles des tribunaux de l’Ontario sont le français et l’anglais » et qu’« une partie à une instance qui parle français a le droit d’exiger que l’instance soit instruite en tant qu’instance bilingue »[590]. 

Ces législations et toutes les normes élaborées en application de ces lois doivent être prises en compte par l’entité responsable de l’élaboration d’un nouveau code de procédure de la Loi, afin que les procédures adoptées n’aient pas de répercussions négatives sur la capacité des francophones et des personnes handicapées à accéder au système judiciaire. Ainsi, un défendeur qui se voit signifier une assignation dans le cadre d’une procédure de la Loi doit recevoir une date de comparution au tribunal, mais il arrive qu’à la date dite, le tribunal soit présidé par un juge non bilingue alors que le défendeur est francophone[591]. En conséquence, il s’agit d’une comparution inutile qui nécessitera de fixer une autre date pour instruire l’affaire, cela causant des désagréments tant au tribunal qu’aux parties concernées. Selon nous, les procédures doivent permettre une détection précoce des besoins en français afin de pouvoir indiquer des dates de comparution appropriées. Pour que les droits relatifs à la langue française aient un sens et pour garantir l’accès de tous à la justice, les procédures doivent prendre en compte les défendeurs francophones.

 

La CDO formule la recommandation suivante :

41.  L’entité en charge de l’élaboration d’un nouveau code de procédure mis à jour dans le cadre de la Loi doit envisager des procédures proactives permettant une détection précoce des besoins de services en français afin de pouvoir mettre en place les procédures nécessaires à la satisfaction de ces besoins tôt dans chaque affaire fondée sur la Loi et au moment de la première comparution au tribunal.
 

 

K.  Dispositions pour les personnes handicapées

À la suite de la publication du rapport préliminaire pour ce projet, le ARCH Disability Law Centre a soumis des présentations à la CDO proposant qu’on étudie de manière plus attentive et plus approfondie la question de l’incidence d’un nouveau code de procédure de la Loi sur les personnes handicapées.

Les procédures judiciaires peuvent évidemment concerner les personnes handicapées dans divers contextes, et non pas seulement en ce qui concerne la Loi. Nous notons que la Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario[592] a défini un cadre pour que les gouvernements élaborent des normes visant à supprimer les obstacles auxquels sont confrontées les personnes handicapées, et que le Code des droits de la personne[593] impose que des dispositions raisonnables soient prévues pour les personnes handicapées. Nous savons que la Division des services aux tribunaux du ministère du Procureur général a mis en place diverses normes pour mieux prendre en compte les personnes handicapées dans le cadre des procédures judiciaires. La CDO travaille également sur un projet distinct visant à élaborer un cadre juridique cohérent , dans la mesure où le droit concerne les personnes handicapées.

Nous pensons que ces actes législatifs ainsi que le cadre devant être élaboré par la CDO devraient être pris en considération par l’entité en charge de l’élaboration du nouveau code de procédure mis à jour dans le cadre de la Loi, afin que la Loi soit adaptée aux personnes handicapées.

 

La CDO formule la recommandation suivante : 

42.       L’entité en charge de l’élaboration d’un nouveau code de procédure mis à jour dans le cadre de la Loi devrait prendre en considération les besoins des personnes handicapées conformément aux lois et politiques mises en place par le ministère du Procureur général et aux cadres élaborés par la CDO afin que les procédures de la Loi répondent proactivement à ces besoins de façon précoce dans chaque affaire fondée sur la Loi.

 

L.   Dépôt d’un avis d’intention de comparaître au tribunal

En réponse à un procès-verbal d’infraction de la partie I, un défendeur qui souhaite inscrire un plaidoyer doit présenter un avis d’intention de comparaître[594]. Cependant, dans certaines municipalités spécifiées (p. ex. Toronto, Hamilton, Ottawa), le défendeur doit déposer l’avis d’intention de comparaître en se présentant au tribunal[595] plutôt qu’en l’adressant simplement par courrier. Une disposition similaire s’applique pour les défendeurs qui souhaitent contester un avis d’infraction de stationnement de la partie II.

La CDO a été informée que cette exigence, relativement nouvelle, a créé plusieurs défis, notamment pour les avocats ou les parajuristes qui représentent des clients, partout dans la province. Par exemple, un parajuriste qui représente une entreprise de camionnage nationale aimerait probablement déposer des avis d’intention de comparaître dans des affaires réglées dans tout l’Ontario et l’exigence de se présenter physiquement dans chaque tribunal peut accroître significativement les coûts du défendeur.

Il existe probablement plusieurs raisons stratégiques justifiant l’exigence de se présenter au tribunal. Tout d’abord, un avis d’intention de comparaître peut se perdre lors de l’expédition par la poste et l’on peut ainsi éviter des litiges concernant sa livraison effective ou non. D’autre part, c’est aussi l’occasion de rencontrer le personnel du tribunal d’infractions provinciales afin de voir si un procès-verbal de stationnement a été délivré correctement et, comme nous l’avons indiqué précédemment, le personnel, peut, à sa discrétion, annuler une contravention en s’appuyant sur les lignes directrices ou directives. Enfin, aussi discutable que l’exigence de présence physique au tribunal puisse être, c’est un effet dissuasif pour contester un avis d’infraction ou une infraction de stationnement. S’il s’agit de la raison première, cette exigence mérite considération.

Selon nous, il convient d’envisager des options permettant de réduire le fardeau pour ceux qui souhaitent déposer un avis d’intention de comparaître au tribunal, notamment, lorsque le défendeur (ou son représentant) ne réside pas à proximité du tribunal. À cet égard, il pourrait être autorisé de déposer l’avis dans n’importe quel tribunal, lequel, après apposition de la mention« reçu », pourrait être transmis au tribunal chargé de la poursuite, soit par télécopieur, soit par voie électronique.

 

La CDO formule la recommandation suivante : 

43.       L’entité en charge de l’élaboration d’un nouveau code de procédure mis à jour dans le cadre de la Loi devrait envisager des options pour réduire le coût et le fardeau de se présenter au tribunal pour déposer des avis d’intention de comparaître, y compris en autorisant le dépôt d’avis d’intention de comparaître dans n’importe quel tribunal.

 

 

M. Améliorations d’ordre procédural suggérées par le groupe d’examen de la simplification de la Loi

Le groupe d’examen de la simplification de la Loi du ministère du Procureur général a été créé en août 2006 pour étudier des propositions visant à simplifier les procédures, à réduire la demande de ressources de l’administration judiciaire, à augmenter l’exécution des amendes et à améliorer le service au public. Le groupe était composé de représentants de la Municipal Court Managers’ Association, de la Prosecutors’ Association of Ontario, de l’Association des municipalités de l’Ontario, du ministère du Procureur général et d’autres ministères sélectionnés. La distribution d’un document de consultation[596] a permis de solliciter l’avis du public. En 2009, le groupe de travail a rédigé plus de 60 recommandations spécifiques et détaillées à l’intention du procureur général. Nombre de ces recommandations ont déjà été mises en œuvre grâce à la Loi de 2009 sur la saine gestion publique qui apporte de nombreuses modifications à la Loi[597].  

Cependant, nombre de recommandations n’ont pas été reprises dans la Loi de 2009 sur la saine gestion publique. Apparemment, le groupe de travail a effectué un énorme travail de recherche et a organisé nombre de débats et de discussions, et il serait dommage que les améliorations recommandées tombent aux oubliettes. Nous pensons que les recommandations du groupe d’examen de la simplification de la Loi devraient être communiquées à la nouvelle entité chargée de rédiger un ensemble unique de règles ou un règlement unique afin que cette entité puisse les étudier et en tenir compte.

 

La CDO formule la recommandation suivante :  

44.       L’entité en charge de l’élaboration d’un nouveau code de procédure mis à jour dans le cadre de la Loi devrait étudier les recommandations du groupe d’examen de la simplification de la Loi afin d’évaluer si les modifications recommandées qui n’ont pas encore été mises en œuvre devraient être adoptées au moyen d’une modification d’une règle, d’un règlement ou d’une loi.

 
 

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